Le SEDIF est un établissement public de coopération intercommunale regroupant 144 communes d'Île-de-France, dont 4 communautés d’agglomérations. Il exerce pour compétence unique la maîtrise d’ouvrage publique des infrastructures liées à la production, au transport et à la distribution de l’eau potable. Dans le cadre de l’amélioration continue de ses performances environnementales, le SEDIF, certifié ISO 14001, projette la construction d’une unité de traitement des effluents générés par l’usine de Méry-sur-Oise. Cette unité devra permettre, à court terme, de respecter les prescriptions des autorisations de rejet et, à plus long terme, de faire face à un accroissement des exigences en matière de rejet dans l’environnement. Au vu des difficultés particulières de cette opération, liées à la nature des effluents de l’usine, le SEDIF a confié à l’IFTS une étude de caractérisation des effluents à traiter. Cette étude a vocation à définir et préciser la qualité des effluents sur la base desquelles les concepteurs feront des propositions au maître d’ouvrage. La consultation étant en cours de réalisation, cet article ne comporte aucune information ou appréciation susceptible d’orienter le choix des concepteurs. Il relate uniquement les moyens techniques de l’IFTS mis en œuvre au cours de l’étude de caractérisation des effluents.
L'usine de Méry-sur-Oise comprend deux filières de production d'eau potable en parallèle.
Filière biologique - tranche 1
La filière biologique, dite tranche 1, se compose pour l'étape de clarification d'une coagulation/décantation dans des décanteurs couloirs et d'une filtration rapide sur sable, puis pour l'étape d'affinage d'une interozonation et d'une filtration sur charbon actif en grains. Finalement, la post-désinfection est réalisée au moyen d'hypochlorite de sodium.
Filière membranaire - tranche 2
La clarification
La filière membranaire (figure 2), dite tranche 2, comprend une coagulation/décantation dans des décanteurs lamellaires Actiflo® (brevet conjoint SEDIF/OTV), où sont successivement injectés un coagulant (WAC HB), un polyélectrolyte (AN 905) pour assurer la cohésion des flocs, puis du microsable qui leste les flocs. Les matières décantées dans les Actiflo® sont soutirées en continu et dirigées dans des hydrocyclones. Par centrifugation, le sable est séparé de l'effluent et recyclé dans le process de potabilisation. L'ozone est injecté dans l'eau décantée au moyen de mélangeurs statiques. La fonctionnalité de cette ozonation vise à accroître l'efficacité des traitements situés en aval. Afin de diminuer le pouvoir colmatant des eaux et biodégrader l'ammoniaque, l'eau ozonée s'écoule sur 10 filtres bicouches sur lesquels est réalisé un collage. Ces filtres, d'une surface unitaire de 117 m², sont composés d'un média double : 75 centimètres de sable et 75 centimètres d'anthracite. Grâce à ces supports, les prises de perte de charge des filtres bicouches sont limitées, ce qui permet d'accroître les durées de cycle de filtration.
L'affinage membranaire
Afin de limiter la précipitation des carbonates et pour accroître les durées de cycle de nanofiltration, le pH peut être corrigé et un anti-séquestrant est injecté dans les eaux filtrées bicouche. Cet inhibiteur de formation de cristaux a une action multiple : limitation de la croissance des cristaux, pouvoir de séquestration des ions métalliques et pouvoir de dispersion des particules. Ensuite, l'eau transite vers des préfiltres dont le point de coupure est de 6 µm. Plus qu'un traitement continu, ces préfiltres servent de « fusibles » afin de protéger les membranes de nanofiltration en cas de dysfonctionnement de la clarification amont. L'eau est reprise pour un pompage haute pression compris entre 5 et 15 bar, à taux de conversion fixe de 85 %. Ces variations de pression appliquées sont fonction de l'état de colmatage des membranes et de la température de l'eau. L'unité d'affinage membranaire est composée de 8 files indépendantes. Chaque file fonctionne en série-rejet avec 3 étages de filtration. Les 3 étages de chaque file comprennent respectivement 108, 54 et 28 tubes, soit 190 tubes par file donc 1 520 tubes au total. Chaque tube renferme 6 modules spiralés, la filière membranaire de Méry-sur-Oise est donc équipée de 9 120 modules développant une surface filtrante de près de 340 000 m². L'eau nanofiltrée passe ensuite dans des tours de stripping pour dégazer l'excès de dioxyde de carbone libre, puis subit une irradiation de sécurité aux ultraviolets.
Après désinfection au chlore de l'eau issue de la tranche 1, les eaux des deux filières sont mélangées dans une tour et rééquilibrées à la soude. La contribution des tranches 1 et 2 est respectivement de 40 % et 60 %.
[Photo : Schéma simplifié des filières de Méry-sur-Oise]
[Photo : Vue aérienne de la filière membranaire de Méry-sur-Oise]
Filière actuelle de traitement des effluents de l'usine de Méry-sur-Oise
Les lits de séchage
Avant rejet dans le milieu naturel, les soutirages des décanteurs couloirs et des décanteurs Actiflo® sont acheminés en continu dans quatre lits de séchage. Les vidanges biannuelles des décanteurs couloirs sont séquentiellement dirigées vers ces mêmes lits. En service depuis 1995, les lits ont une surface unitaire de 2 500 m² et une contenance de 5 500 m³. Les lits sont exploités en
roulement selon un fonctionnement de quatre phases successives : phase de remplissage (quatre à sept semaines), phase d’abaissement du plan d’eau (une semaine), phase de séchage à l’air libre (quatre mois) et phase de pelletage des boues (deux semaines).
À Méry-sur-Oise, deux filières de valorisation des terres sont mises en œuvre, amendement agricole de juin à août et revégétalisation le reste du temps. Dans le premier cas, les terres sont chaulées avant la phase de séchage dans les lits, dans le second cas, il n’est pas procédé à un chaulage.
L’IFTS : un Centre de Ressources Technologiques
L’IFTS est un Centre de Ressources Technologiques qui possède des compétences et des moyens uniques en Europe pour améliorer les matériels et les procédés de séparation liquide-solide. Il travaille à la demande d’industriels et de collectivités locales qui clarifient ou épurent des fluides de procédés et des effluents et qui concentrent et déshydratent des pulpes et des boues, éventuellement après conditionnement physico-chimique, par décantation, filtration, centrifugation, essorage, flottation, séparation membranaire ou encore cyclonage.
Parce que les techniques séparatives se retrouvent dans la quasi-totalité des procédés de traitement et de transformation des liquides, ces industriels sont de tous secteurs : chimie, pharmacie, nucléaire, automobile, agroalimentaire, mécanique, aéronautique, etc.
Son statut d’association loi 1901 assure à l’Institut une indépendance totale et son autofinancement l’oblige à se comporter comme une PME soucieuse de toujours mieux répondre à l’attente de ses clients. Implantée à Agen depuis 1981, son équipe de vingt ingénieurs et techniciens hautement qualifiés dispose d’équipements très spécifiques :
- – Laboratoire de caractérisation des particules en poudres et en suspensions avec de nombreux microscopes avec analyseurs d’images, granulomètres et compteurs de particules, tous les appareils de mesure des grandeurs physiques liées au comportement des fluides en séparation (rhéologie, densité, concentration, …) ;
- – Centre d’essais des filtres avec bancs et matériels adaptés à l’évaluation, à la comparaison et à la certification de toutes les performances de tous les types de filtres à liquides. Il est pour cela accrédité par le COFRAC selon ISO 17025 ;
- – Laboratoire d’application des techniques de séparation à l’échelle de la paillasse pour en étudier la faisabilité en phase de développement (jar-test, centrifugeuse, flottatest, cellules de filtration sous vide et sous pression, de compression et de perméabilité, colonnes de décantation, …) ;
- – Halle technologique où sont installés sur skids, pour être déplacés sur sites, des pilotes de l’ensemble des appareils de SLS : filtres-presses à plateaux et à bandes, à tambour rotatif sous vide, à tamis, à bougies, à sable, etc., centrifugeuses à bol vertical, à assiettes et à vis horizontale, essoreuse, décanteur, etc.
L’IFTS mène des activités dites collectives parce que répondant à l’attente d’un ensemble de professionnels (veille technologique, normalisation, recherches et développements à caractères méthodologiques). À ce titre, il a créé les commissions de normalisation qui ont élaboré les normes NF d’essais des matériaux filtrants granulaires, des membranes et des cartouches filtrantes. Il a développé de nombreuses méthodes d’essais de filtres qui ont été adoptées par les comités ISO auxquels il participe (automobile, hydraulique, aéronautique, …). Il met au point de nouveaux outils de simulation et d’optimisation de la floculation, des centrifugeuses, des filtres-presses et à bandes.
[Photo : Figure 3 : Vue aérienne des quatre lits de séchage.]
[Photo : Figure 4 : Prélèvement des effluents.]
des travaux sous contrats strictement confidentiels sous la forme de mesures, d'essais, d'études de faisabilité et d'optimisation et de recherches technologiques. En outre, il fabrique des bancs d'essais, dispense des formations, propose du conseil et des expertises et diffuse de l'information scientifique et technologique.
Les moyens mis à la disposition du partenariat
Le partenariat SEDIF-IFTS avait pour but de déterminer les caractéristiques physico-chimiques des effluents issus de l'usine de potabilisation de Méry-sur-Oise et leur aptitude à être clarifiés, avec ou sans conditionnement chimique préalable, par décantation gravitaire ou centrifuge, par flottation et enfin par filtration. Pour cela, l'IFTS a mobilisé les moyens du laboratoire d'application pour faire subir à différents échantillons, soigneusement choisis pour leur représentativité des effluents du site.
[Photo : Boue de décanteur lamellaire.]
Étude de caractérisation des effluents
Par souci de représentativité, quatre campagnes de prélèvement de trois effluents (boue de décanteur couloir, boue de décanteur lamellaire et eau de lavage des filtres bicouches) ont été effectuées dans des conditions hydrologiques différentes. Chacun des effluents a été caractérisé par les paramètres physico-chimiques suivants : pH, turbidité, matières en suspension, matières sèches, matières volatiles, conductivité, granulométrie des solides (par diffraction laser), masse volumique et viscosité dynamique de l'eau support des MES, DCO, DBO, phosphore total, ammonium, aluminium, fer et silice.
Aptitude à un conditionnement chimique
L'aptitude à la clarification d'un effluent et à la déshydratation d'une boue peut être notablement améliorée par un conditionnement chimique préalable qui coagule et flocule les matières en suspension et colloïdales. L'étude et l'optimisation de ce conditionnement consistent à rechercher parmi les 300 références de floculants et coagulants enregistrées dans la technothèque de l'IFTS, le type de réactif le mieux adapté et la dose optimale à utiliser pour que les MES fines et légères soient rassemblées sous forme de flocs compacts qui libèrent une eau clarifiée.
[Photo : Colonne de décantation gravitaire.]
[Photo : Effluents floculés après 5 minutes de flottation.]
Les essais sont réalisés au jar-test (figure 1) sur une série de béchers agités selon une procédure normalisée et répétable.
Aptitude à la clarification par décantation statique
L'essai est réalisé dans une colonne de décantation, selon un protocole normalisé : après introduction de l'effluent, avec et sans floculation préalable, on suit la progression dans le temps de l'interface entre un surnageant clair et une fraction contenant tous les solides. Si cette interface est invisible ou diffuse, on procède à des prélèvements d'échantillons à différents points sur la hauteur de la colonne à intervalles réguliers pour suivre l'abattement de la turbidité par exemple.
Aptitude à la clarification par flottation
À l'aide d'un flottatest équipé de trois cellules, des essais ont été menés selon un protocole normalisé sur les effluents ayant subi ou non le traitement physico-chimique préalable.L'injection contrôlée en fond de cellule d'une eau pressurisée à 6 bar d'air comprimé libère, lors de la détente, des microbulles qui se fixent sur les MES et sur les flocs et les entraînent lors de leur ascension à la surface de l'eau pour former une écume. On observe l'évolution de la clarification et de l'épaisseur de l'écume pendant dix minutes pour en déduire la vitesse d'ascension des flocs, le degré de clarification du liquide sous-nageant obtenu et la siccité de l'écume récupérée.
Aptitude à la clarification par filtration
Avec le banc de filtration-compression développé par l'IFTS depuis 4 ans pour simuler dans des conditions maîtrisées et répétables toutes les technologies travaillant en filtration frontale, nous avons évalué l'aptitude des effluents à être clarifiés par filtration frontale dans différentes conditions opératoires.Les informations recueillies tant au niveau de la productivité que de la qualité du filtrat obtenu sont des éléments importants de caractérisation. En complément, les indices de Beaudrey et de Ives et le fouling index des effluents ont été mesurés.
Pour conclure, ces travaux, menés avec la plus grande rigueur, ont permis d'apprécier l'aptitude des effluents à être clarifiés par les grandes familles de technologies existantes. Les éléments de caractérisation, définis en toute indépendance et mesurés selon des protocoles clairement définis, sont essentiels pour permettre aux équipementiers de proposer des filières de traitement adaptées aux objectifs souhaités et assurent au Syndicat une démarche claire et objective.
Remerciements
Les auteurs associent à cette publication Monsieur Jean-François Fidelin, de la Direction des études et de l'ingénierie de la Générale des Eaux, pour sa contribution aux campagnes de prélèvements.
[Photo : Figure 8 : Banc de Filtration-Compression.]
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