Your browser does not support JavaScript!

Étude d'impact des apports terrigènes sur l'activité aquacole dans la baie de M'diq

30 juillet 2001 Paru dans le N°243 à la page 61 ( mots)
Rédigé par : Jaouad-lakhdar IDRISSI, Fatiha ZIDANE, Abdellatif ORBI et 3 autres personnes

Dans le but d'évaluer l'impact des apports terrigènes des deux Oueds Smir et Negron sur le site d'élevage de Thon Rouge dans la baie de M'diq, une étude pluridisciplinaire (sédimentologique, physico-chimique, biologique et courantologique) de cette baie a été réalisée durant l'été 1997. Le site d'élevage, situé au Nord de la baie, a subit en hiver 1997 sous l'effet de tempêtes brutales, une augmentation importante de la turbidité des eaux, ce qui a provoqué des mortalités partielles de la ressource aquacole dans le site. Il s'est avéré donc impératif de changer ce site et d'identifier une zone plus propice à l'élevage du Thon Rouge dans la baie. Les résultats de l'étude ont montré un régime particulier de la circulation des eaux au moment de la tempête. L'ancien site d'élevage se trouve dans une zone hydrodynamique instable et turbide. Lors de violentes tempêtes, les houles de direction Est entraînent un déplacement des eaux des Oueds du Sud vers le Nord de la baie et provoquent ainsi un déséquilibre écologique du site d'élevage. Le nouveau site d'élevage du Thon Rouge a été identifié et se situe dans un milieu calme.

La façade Méditerranéenne Marocaine est bordée par de nombreux sites qui constituent pour la plupart des zones de production aquacole. La baie de M'diq, où les conditions du milieu sont optimales pour l’élevage piscicole, abrite depuis 1992 un projet d’élevage de géniteurs de Thon Rouge (TR). Ce site a subi, sous l’effet de conditions météorologiques particulières, une augmentation brutale de la turbidité ; ce qui a provoqué des mortalités importantes de cette ressource aquacole. Il s'est avéré donc impératif de changer ce site et d’identi-

Mots clés : Apports terrigènes, baie, impact et tempête

Figure 1 : Situation de la baie de M’diq

Fixer une zone plus propice à l’élevage de cette espèce dans la baie. Étant donné que peu d’études de l’écosystème de la baie ont été réalisées jusqu’à présent (Jaaidi et al., 1992 ; Merzouk, 1993 ; Arid et al., 1996), et dans le but de déterminer la cause principale de cette mortalité, il nous a donc paru indispensable d’effectuer une étude pluridisciplinaire regroupant les aspects sédimentologique, physico-chimique et courantologique de la baie.

De plus, les recherches effectuées dans ce milieu paralique durant la période de la mission (du 06 juin au 15 juillet 1997) ont conduit à proposer une hypothèse plus générale concernant cette mortalité ; elle résulterait des problèmes d’impact des apports terrigènes, combinés à des conditions climatiques particulières, sur la ressource aquacole en provenance des deux importants oueds Smir (OS) et Negron (ON), qui alimentent la baie principalement en hiver. Étant donné que notre travail consiste à expliquer la mortalité du TR dans l’ancien site d’élevage (ASE) et de choisir, à la lumière des résultats obtenus, un nouveau site d’élevage (NSE), nous avons procédé à une étude de comparaison entre les deux sites (ASE et NSE). Les paramètres de comparaison ont porté essentiellement sur les résultats de température, de l’oxygène dissous, des matières en suspension, des nitrates, des phosphates, du sédiment et, enfin, les résultats du courant observés durant cette période dans la baie.

Situation géographique et climatique

D’une longueur de 23 km, la baie de M’diq est située dans la partie Nord-Ouest du Maroc méditerranéen, entre Sebta au Nord et Cap Negron au Sud (Figure 1). La zone étudiée se présente comme un grand bassin versant ; ce qui engendre pendant l'hiver un grand écoulement et des ruissellements des eaux de pluies au niveau de l’ASE. Deux principaux oueds, OS et ON, alimentent la baie en eaux douces. Ce dernier n’est principalement actif qu’en hiver. Les apports terrigènes, en provenance de ces deux oueds, sont importants et ont un impact direct sur la ressource aquacole dans le site d’élevage.

Le climat de la région étudiée est de type méditerranéen. Il est caractérisé par une saison chaude et sèche en été et une saison aux précipitations souvent brutales en hiver (El Gharbaoui, 1981). La température moyenne annuelle est de 18 °C. La pluviométrie moyenne est de 800 à 1000 mm/an. Les vents sont assez violents : ils soufflent principalement du secteur Est « Chergui » de mai à octobre et du secteur Ouest « Gharbi » d’octobre à février. Les houles les plus fortes proviennent du secteur Est à Est-Nord-Est et leurs effets sont accentués par les courants de marée et les courants généraux (Jaaidi et al., 1992).

Matériels et méthodes

Afin de comprendre l’évolution de l’écosystème de la baie dans son intégralité, l’approche d’échantillonnage comporte un réseau de 43 stations, réparties en dix radiales (10 R) perpendiculaires à la côte couvrant toute la baie de M’diq allant de l’isobathe 10 m à l’isobathe 70 m (Figure 2). Chaque radiale comporte de 3 à 5 stations réparties de la côte vers le large. La position géographique ainsi que la profondeur des stations d’échantillonnage ont été effectuées à l’aide d’un GPS de marque VAL-SAT P.

Les sédiments ont été prélevés en surface, dans les deux premiers centimètres sur l’ensemble des stations hydrologiques, à l’aide d’une benne de marque EKMAN. Les méthodes de dosage utilisées dans cette étude sont également décrites dans le Manuel des analyses chimiques en milieu marin (Aminot et Chaussepied, 1983).

La température (°C) et la salinité (‰) ont été mesurées in situ à l’aide d’une sonde T/S de marque AANDERAA. L’oxygène dissous (mg/l) a été déterminé au laboratoire par la méthode chimique de Winkler (Aminot et Chaussepied, 1983). Les échantillons d’eau concernant les éléments nutritifs [nitrates (µg/l), ammoniums (µg/l) et phosphates (µg/l)] et les matières en suspension (mg/l) ont été prélevés et analysés selon les méthodes suggérées par Aminot et Chaussepied (1983). Tous les paramètres étudiés ont été mesurés en surface et au fond.

L’étude courantologique a été réalisée par l’installation de trois courantomètres de type conventionnel, respectivement au Nord de la baie, au niveau de l’ASE (C1), au milieu de la baie (C2) et au niveau du NSE (C3) (Figure 2). Les trois courantomètres, suspendus à une profondeur de 10 m de la surface, ont enregistré, selon un intervalle de 30 minutes et pendant une période d’observations allant du 13 juin au 15 juillet 1997, en plus des paramètres de la température, la salinité et la pression, la vitesse (cm/s) et la direction du courant (en degrés magnétiques).

Résultats

Le sédiment :

Connaître la nature du fond de la baie et son état hydrosédimentaire est l’objectif de

[Photo : Figure 2 : Réseaux d’échantillonnage dans la baie de M’diq]
[Photo : Profondeurs et nature du fond dans la baie de M'diq]

L’étude sédimentaire.

Les sédiments du substrat de cette frange littorale présentent une nature variable en fonction de la profondeur (Figure 3). Les sables occupent la bordure littorale jusqu’à la profondeur 26 m. La fraction fine (vase) dans cette zone est très faible. Les sables coquilliers ainsi que les coquilles caractérisent la zone nord, située entre 26 et 70 m. Les roches repérées dans la baie occupent les zones en face de l’OS et de Cap Negro à une profondeur comprise entre 24 et 54 m. Les sables vaseux et les vases sableuses apparaissent au sud de la baie entre l’OS et Cap Negro. On remarque que la zone de dépôt de la fraction fine se trouve au sud-est de l’OS. En résumé, l’étude sédimentaire réalisée en 1997 dans la baie a permis de localiser des zones hydrodynamiques différentes (Orbi et al., 1997) :

  • - Les zones rocheuses, où la forte dynamique du milieu ne laisse déposer aucune fraction meuble, sont situées en face de l’OS et de Cap Negro ;
  • - Les zones à grande turbulence des courants périodiques, sont caractérisées par un faciès de sables coquilliers et apparaissent surtout en profondeur entre l’OS et la RIV ;
  • - La zone calme est celle qui montre un faciès de sable vaseux et surtout de vases sableuses.

Les paramètres de l’eau :

Température (°C)

Durant la période d’étude (du 06 au 21 juin 1997), la température de surface dans la baie fluctue entre 19,9 °C et 21,2 °C (Figure 4a). La distribution spatiale des températures montre la présence d’une masse d’eau chaude au nord (RI et RII) (entre 20,1 °C et 21,1 °C), une autre masse d’eau relativement froide au centre (entre 20,1 °C et 20,5 °C) et un réchauffement des eaux au sud de la baie, de la côte vers le large (RIX et RX) ; les températures passent de 20,4 °C à 21,2 °C. La structure thermique du fond explique un gradient thermique surface-fond relativement important.

Salinité (‰)

La distribution spatiale de la salinité dans la baie montre une structure homogène. Les valeurs montrent que les eaux de la baie sont plutôt d’origine atlantique ; elles fluctuent entre 36 et 36,6 ‰ aussi bien en surface qu’au fond (Figure 4b). Cependant un taux élevé de la salinité (de l’ordre de 37 ‰) a été observé au niveau de l’OS (RVII), ce qui signifie que le renouvellement des masses d’eau dans cette zone se fait lentement ; le phénomène d’évaporation explique bien cette élévation.

Oxygène dissous (mg/l)

Les résultats de dosage de l’oxygène dissous montrent que les eaux sont bien oxygénées ; ceci confirme l’absence de toute forme d’eutrophisation de la baie. Les valeurs sont comprises entre 6,2 mg/l et 8,7 mg/l pour les eaux de surface et entre 6,5 mg/l et 9,7 mg/l pour les eaux du fond (Figure 4c). Les masses d’eau du fond, à température et salinité plus basses, se trouvent donc plus oxygénées que celles situées en surface.

[Photo : Variation de la température (a), la salinité (b), l’oxygène dissous (c) et la matière en suspension (d) dans la baie de M'diq]
[Photo : Variation des nitrates (a), phosphates (b), et ammoniums (c) dans la baie de M'diq]

distribution des concentrations en surface, montre que les fortes teneurs en oxygène se trouvent au nord de la baie (RI) et au sud au niveau de M’diq. Par contre, les faibles teneurs se situent au nord de l'ON (RIV) et au large de la RV.

Matières en suspension (mg/l)

Les valeurs de la matière en suspension dans la baie varient d’une façon hétérogène entre 2 mg/l et 14 mg/l (Figure 4d). Du Nord au Sud et de la côte vers le large, les eaux superficielles et profondes présentent une différenciation bien nette. Les eaux superficielles des stations situées entre les isobathes 8 m et 15 m sont peu turbides (2 mg à 10 mg/l), à l'exception faite pour les radiales RVIII et RIX (RIX encadre la station du NSE) où le taux de matière en suspension est respectivement 20 mg/l et 14 mg/l. En fait, les deux cartes de distribution de la MES des eaux profondes et superficielles nous permettent de diviser la baie en trois zones bien distinctes :

- La zone 1 regroupe les radiales RI, RII et RIII ; le large de cette zone présente des eaux superficielles très turbides. Par contre au niveau de la côte, les eaux profondes sont très riches en MES.

- La zone 2, comprise entre les isobathes 19 m et 28 m, comporte les radiales RIV, RV et RVI ; les eaux profondes de cette zone sont très riches en MES.

- La zone 3 comporte les radiales RVII, RVIII et RIX ; entre les isobathes 8 m et 14 m, les eaux superficielles sont très riches en MES.

Nitrates (µg/l)

Les concentrations de nitrates dans la baie présentent une amplitude de variation allant de 0,4 à 34,9 µg/l. Les fortes concentrations en nitrates sont enregistrées au niveau de l'ON (22,4 µg/l), au Sud de cet oued (13,3 µg/l) et au niveau de l’OS (18,54 µg/l) (Figure 5a). À part ces endroits sensibles, les eaux de la baie se caractérisent par une distribution superficielle comprise entre 0,2 et 4,3 µg/l. La structure du fond montre des gradients de concentrations plus importants surtout au Nord de la baie (RI et RII). Les concentrations du fond sont généralement plus élevées que celles enregistrées en surface. Le maximum de concentrations est noté à la Radiale RII (34,9 µg/l). Par contre, les faibles concentrations se retrouvent au Nord de Fnidek et au Sud de M’diq. Nous remarquons de ce fait que les concentrations en nitrates, enregistrées dans la baie en cette période d’étude, restent relativement peu importantes par rapport à celles enregistrées en période hivernale dans la même zone (Martin et al., 1979). En effet, en période estivale, à faible oxygénation, les nitrates en plus de leur utilisation pour la croissance du phytoplancton constituent la source principale d’oxygène pour l’oxydation des matières organiques carbonatées.

Phosphates

Les fluctuations des teneurs en phosphates dans la baie sont bien marquées, aussi bien en surface qu’au fond ; les valeurs sont inférieures à 35,2 µg/l (Figure 5b). En se référant aux travaux de Tahri (1995) et à ceux effectués en mer Méditerranéenne, les teneurs des phosphates enregistrées au cours de cette étude sont faibles. Les gradients les plus importants sont observés à la Radiale RII au nord (31,7 µg/l), au niveau de la Radiale RIV (35,2 µg/l) et à la station de l’OS (31,7 µg/l). À l'exception des stations côtières, sensiblement riches en phosphates, le reste de la baie présente des concentrations faibles et une distribution relativement homogène. La distribution des phosphates au fond montre des teneurs plus importantes ; ceci s’explique principalement par les échanges qui s’effectuent au fond entre l'eau et le sédiment et, également, par la décomposition de la matière organique en provenance de l’ASE.

Ammoniums

La distribution de l’ammonium montre des concentrations variables le long de l'axe de la baie et de la côte vers le large (Figure 5c). Les concentrations en ammonium sont comprises entre 35 µg/l au fond et 44,8 µg/l en surface. Les concentrations les plus élevées sont relevées au niveau des stations côtières de l'ON (22,5 µg/l), de l’OS (35 µg/l) et un maximum est enregistré au niveau de la station n° 3 du NSE (82,8 µg/l). Celui-ci se trouve sous l’influence simultanée des charges des eaux de l’OS et des émissaires.

cette richesse peut être expliquée par une alimentation de la zone par l’arrivée massive des eaux de l’OS riches en matières organiques.

  • Pour l’ammonium, les concentrations varient entre 0,2 et 10,1 µg/l pour la radiale I et entre 0,8 et 82,8 µg/l pour la radiale VIII ; la station 3 de la radiale VIII présente la valeur la plus élevée et l’écart le plus important entre la surface et le fond qui atteint 70 µg/l (Figure 6e).
[Photo : Figure 6 : Variation des paramètres de la qualité de l’eau au niveau des deux radiales I (ASE) et VIII (NSE)]

urbains issus de la ville de M’dig. Les taux d’ammoniums enregistrés dans la baie en cette période d’étude montrent que les eaux sont exemptes de toute pollution ammoniacale. Laporte et al., 1982, rapporte dans ses travaux de laboratoire qu’en milieu oxygéné, l’azote ammoniacal est donc vite oxydé par les bactéries nitrifiantes en azote nitreux puis nitrique.

Étude comparative des paramètres étudiés au niveau des deux Radiales I (ASE) et VIII (NSE)

L’étude comparative des différents paramètres étudiés au niveau des deux radiales I et VIII qui concernent respectivement l’ASE et le NSE a montré que :

  • La zone située au niveau de la radiale I (ASE) présente des températures plus froides et des gradients thermiques surface-fond plus importants (écart maximal = 0,8 °C) que ceux observés au niveau de la radiale VIII (NSE) où l’écart de température ne dépasse pas 0,3 °C (Figure 6a). Les eaux du fond de la radiale I sont plus chaudes que celles de la surface. Cette situation se trouve généralement inversée au niveau de la radiale VIII. Les mêmes remarques ont été faites pour la salinité.
  • La teneur en oxygène dissous au niveau de la radiale I révèle un écart très important entre la surface et le fond qui est de l’ordre de 1,2 mg/l. Par contre, la teneur enregistrée au niveau de la radiale VIII est relativement constante. Les valeurs fluctuent entre 7,2 mg/l et 8,1 mg/l en surface et entre 8 mg/l et 8,6 mg/l au fond (Figure 6b).
  • La matière en suspension dans l’ASE présente des eaux superficielles turbides et assez riches en MES (2 mg/l). Par contre, au niveau du NSE, ce sont les eaux profondes qui présentent un taux élevé en MES (6 mg/l) (Figure 6c). Les deux oueds Smir et Negron encadrent une zone calme. Les apports d’eaux continentales sont faibles pour l’OS et absents pour l’ON pour cette période d’étude. La zone prévue pour l’installation du NSE est calme et les apports continentaux sont négligeables.
  • La distribution des nitrates au niveau de la radiale I montre que la station 2, située à l’isobathe 26-28 m, est la station la plus riche en nitrate (13 µg/l) (Figure 6d). En général, la radiale VIII est la plus riche en nitrates.

Direction et intensité du courant

Les figures 7a et 7b illustrent respectivement les variations temporelles, du 13 juin au 13 juillet 1997, du courant (direction magnétique et intensité du courant) aux deux stations d’étude C1 et C2. À la station C1, l’intensité du courant varie entre 1,7 et 67,7 cm/s ; on note une direction du courant privilégiée à cette station : 170° et 360° par rapport au nord magnétique (Figure 7a). Par contre, à la station 2, le courant est d’intensité plus faible et fluctue entre 2 cm/s et 44,4 cm/s. On note également une direction privilégiée du courant à cette station : 150° par rapport au nord magnétique.

[Photo : Figure 7 : Variation temporelle de la direction magnétique et de l’intensité du courant du 13 juin au 13 juillet 1997]
[Photo : Schéma de circulation des eaux dans la baie M'diq en période normale (a) et en période de tempête (b)]

cette station est légèrement déviée vers l'Est (Figure 7b).

Par ailleurs, le calcul des composantes axiales et transversales du courant aux deux stations montre que les courants pointent dans la direction Sud-Sud-Est (SSE) durant la période estivale ; on déduit également que le courant latéral (Nord-Sud) domine largement sur le courant transversal Est-Ouest qui n’est pas à négliger (Orbi et al., 1997).

Discussion et conclusion

L’évolution des paramètres physico-chimiques révèle que l’écosystème de la baie de M'diq est sous l’influence de processus d’ordre naturel et anthropique. L’étude comparative effectuée au niveau des deux sites d’élevage (ASE et NSE) montre que ces sites présentent des caractéristiques hydrodynamiques et hydrologiques différentes. Les principaux résultats dégagés, à partir de cette étude réalisée durant l’été 1997, montrent que l’ASE se trouve dans une zone instable. Les eaux sont généralement froides et présentent des écarts thermiques et halins surface-fond importants ; les eaux du fond plus chaudes que celles observées en surface confirment le fait que ce site se trouve dans une zone soumise à l’influence des eaux atlantiques. Les résultats des paramètres de la qualité de l'eau montrent que les eaux du fond sont moins oxygénées, riches en nitrates d’origine anthropique (activité aquacole) et présentent des concentrations moyennes en ammoniums et en phosphates. D’après Nisbet (1970), une concentration en nitrate supérieure (>) à 12 μg/l implique certainement l’influence d’une activité aquacole. C'est le cas de la zone située à proximité du site d’élevage (ASE) où l’accumulation de la matière organique au fond et des déchets des exploitations aquacoles (matières fécales) permettent l’enrichissement de la zone en nitrates. Le déficit d’oxygène est dû probablement au processus de minéralisation de la matière organique au fond. De même, la zone présente des eaux de surface riches en Ch "a" et un taux élevé en MES (Orbi et al., 1997). Ces résultats combinés à la nature du fond, caractérisée par des sables coquilliers, témoignent d’une zone turbide, due au brassage des eaux par l’action des vents. El Sabh, cité par Orbi et al. (1997), rapporte dans ses travaux que le déferlement des ondes internes "Breaking of Internal Waves" serait également un facteur de la majeure partie de la turbidité.

Le NSE se situe dans une zone calme. Les eaux, relativement plus chaudes, présentent des concentrations importantes en nitrates, en phosphates et particulièrement un taux élevé en ammoniums. Il apparaît donc que la qualité de l'eau au niveau de cette zone se trouve sous l'influence combinée des apports terrigènes de l’OS et des décharges de l’effluent de la ville de M'diq. Contrairement aux résultats de l’ASE, ce sont les eaux profondes qui présentent un taux élevé de MES. De plus, le fond sédimentaire présente un faciès vaseux-sableux qui est généralement représentatif des zones hydrodynamiquement plus stables (Orbi et al., 1995). Tous ces paramètres agissent à des échelles spatiales et temporelles différentes et rendent la circulation de la baie assez complexe. À travers la compilation des résultats de notre étude sectorielle et des rares études entamées dans la région, qui sont déjà précitées en introduction, nous tenterons de dégager un modèle de circulation de la baie durant la période estivale qui représente une situation “normale” vis-à-vis des piscines d’élevage (ASE et NSE) du TR et durant la période d’hiver qui correspond aux crues des deux Oueds et plus particulièrement en périodes de tempêtes, ce qui engendre une situation “exceptionnelle” vis-à-vis de ces deux sites.

Situation normale : mai-octobre

Durant cette période de l’année, les vents dominants qui soufflent avec le maximum d’intensité et la plus grande fréquence sont d’origine Nord-Est. Deux sources principales ont été identifiées : l’effluent de la ville de M’diq dont l’influence est étalée dans le temps et accentuée par la houle dominante de direction N-E (Figure 8a). La photo-interprétation de l’image SAR du littoral de Tétouan a permis l’identification des phénomènes résultant de la réflexion des houles N-E qui apparaissent le long du Cap Négro (Arid et al., 1996). La deuxième source provient des décharges de l’OS qui est permanent toute l’année, avec un débit relativement faible. Ces décharges sont drainées par les courants de direction Sud-Sud-Est mesurés à partir des courantomètres “Aanderaa”.

Situation exceptionnelle (cas de tempête) : octobre-février

En période hivernale, le climat de la région est généralement caractérisé par des préci-

Précipitations souvent brutales et des apports fluviaux importants en provenance des deux Oueds. Dans le cas particulier où les tempêtes se manifestent violemment, les houles dominantes de direction Est, une fois diffractées par le Cap Negro, entraînent un déplacement des eaux du Sud vers le Nord (Figure 8b). De plus, ces houles, dont les hauteurs de l’ordre de 4 à 5 m, peuvent engendrer un transit sédimentaire du Sud vers le Nord avec un volume très important et pendant un laps de temps.

Dans ces conditions, l’ASE reçoit donc toutes les décharges de l’ON qui est proche de la zone d’élevage et est principalement actif en hiver alors que le NSE se trouve soumis aux influences simultanées des décharges de l’OS et les apports d’eaux usées de l’effluent de la ville de M’diq. En cas de tempête, la turbidité déjà assez élevée en temps normal pourrait s’accentuer et constituer un risque sur les géniteurs du TR.

Il apparaît donc que l’agitation qui a provoqué la mortalité des géniteurs de TR peut être reliée aux décharges en provenance du continent par l’ON. La position de l'ancien site, situé au Nord par rapport à cet Oued, laisse supposer que les décharges de l’Oued ne peuvent influencer le site d’élevage que si les courants de houles (N-E) combinés aux tempêtes particulières dominent sur les courants de marée qui sont de direction Sud-Sud-Est. Durant cette période, les panaches d’eaux douces influenceraient également cette circulation locale.

Références bibliographiques

  • • Aminot A. et Chaussepied M., 1983. Manuel des analyses chimiques en milieu marin. C.N.E.X.O, Brest, 395 pp.
  • • Arid H., Brahimi L., Ouahbi M. et Labraimi M., 1996. Complémentarité des données satellitales avec les données Radarsat pour l’étude des phénomènes hydro-sédimentaires le long du littoral de Tétouan. Glosbesar Compendium Régional (Maroc, Tunisie, Jordanie), 16 : 10-45.
  • • El Gharbaoui A., 1981. La terre et l’Homme dans la péninsule triangulaire : étude sur l’Homme et le milieu naturel dans le Rif occidental. Rapport. Inst. Sci. Rabat, n° 15, 150 pp.
  • • Jaaidi B., Ahmamou M. et Zougary R., 1993. Impact des aménagements portuaires sur la dynamique côtière : cas de M’diq, Restinga-Smir, Tanger et Asilah. Aménagement littoral et évolution des côtes. Com. nat. de géog. du Maroc. Rabat, 28 : 21-33.
  • • Laporte J., Derowville M., Rodier J. et Rodi L., 1982. Approche expérimentale de la capacité d’acceptation du milieu marin pour la charge biodégradable des eaux usées urbaines. T.S.M-l’EAU, 43-52.
  • • Martin J.M. & Meybeck M., 1979. Elemental mass-balance of material carried by world major rivers. Marine Chem., 7 : 173-206.
  • • Merzouk A., 1993. Littoral Nord du Maroc : Données sédimentologiques. Edition INOC Izmir, Turquie, 286 pp.
  • • Nisbet M.J. et Verneaux N., 1970. Composantes chimiques des eaux courantes. Discussion et proposition de classes, en tant que base d’interprétation des analyses chimiques. Ann. Limn., Tome 6, Fasc. 2, 161-190.
  • • Orbi A., Lakhdar I.J., Hilmi K. et Sarf F., 1997. Etude hydrodynamique (courantologique) dans la baie de M’diq. Rapport Trav. et Docu. n° 404 – INRH, 83 pp.
  • • Orbi A., Dafir J.E. et Berraho A., 1995. Etude pluridisciplinaire de la baie de Dakhla. Trav. et Docu. n° 86 – INRH, 140 pp.
  • • Tahri J.L., 1995. Etude de surveillance du phytoplancton toxique sur la Méditerranée Marocaine dans la région de Tétouan (Restinga – Kaa Sras). Thèse de l’IAV, Rapport, 104 pp.
[Publicité : Éditions Johanet]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements