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Etude comparative de la valeur agronomique des grignons d’olives et leurs composts

30 novembre 2020 Paru dans le N°436 à la page 109 ( mots)
Rédigé par : H. AMEZIANE, A. NOUNAH et M. KHAMAR de Université Mohammed V Ecole Supérieure de Techn...

Au Maroc, le traitement des olives génère en plus de l’huile comme produit principal, une quantité non négligeable de déchets, grignons et margines, que les huileries déversent directement dans le milieu environnant, parce qu’elles considèrent que leurs activités se limitent à la production de l’huile et qu’elles ne sont pas concernées par la réglementation interdisant les rejets industriels. Mais l’émergence du principe de développement durable basé sur l’équilibre harmonieux entre la protection de l’environnement incluant celle des ressources en eau, particulièrement fragiles au Maroc d’une part et la production industrielle d’autre part, nécessite de trouver des solutions adéquates.

Le recyclage des déchets organiques à des fins agricoles est crucial pour soutenir la productivité des sols dans les zones méditerranéennes où la teneur en matière organique des sols est très faible ([1] ; [2] ; [3]). Par conséquent, le compostage peut constituer une option d’élimination appropriée des déchets biodégradables. Toutefois, un compost de qualité satisfaisante est nécessaire pour établir un marché des engrais, ce qui pourrait permettre de promouvoir une stratégie de recyclage efficace pour les grignons d’olives. En effet, selon García-Ruiz et al. (2012)[4], les grignons d’olive compostés contiennent une grande quantité de matière organique et pourraient donc être utiles comme amendement des sols agricoles, ce qui permettrait de réduire les besoins en engrais azotés, phosphorés et potassés, d’améliorer toute une série de propriétés du sol et d’augmenter la production agricole. Outre son effet positif de stockage du carbone dans le sol, il contribuerait également à prévenir les problèmes liés à l’érosion. Par conséquent, l’application de compost de grignons d’olive pourrait être considérée comme une stratégie intéressante pour favoriser la séquestration du carbone [5].
Le présent travail consiste à faire une étude comparative entre le pouvoir fertilisant des grignons d’olives et leurs composts afin d’évaluer la qualité agronomique des deux fertilisants. L’étude comparative portera sur les caractéristiques physico-chimiques des deux fertilisants aussi bien que sur des essais de germination basés sur un suivis régulier d’un ensemble de paramètre à savoir la cinétique de germination, la vigueur des plantules, le développement racinaire et le poids en matière sèche.

Matériels et méthodes

Conception expérimentale
Les grignons étudiés proviennent d’une unité traditionnelle de trituration des olives à Tahla (Tahla, Maroc, latitude 34°02’58’’ Nord, longitude 4°25’17’’ Ouest, altitude au-dessus du niveau de la mer : 606 m) c’est une commune de la province de Taza dans la région Fès-Meknès. Le compost des grignons d’olives est composé de 57 % en fumier des bovins et 43 % en grignons d’olives.

Les caractéristiques physico-chimiques des grignons d’olives et leurs composts sont présentés dans le tableau 1 [6].

L’expérience consiste à faire germer 25 lentilles dans des pourcentages mesurés en grignons d’olives et en compost de grignons (Tableau 1), afin d’identifier le pouvoir fertilisant de ces deux amendements, de déterminer la dose optimale utile pour les végétaux et de comparer la qualité agronomique des deux fertilisants. Pour ce faire, les graines des lentilles sont désinfectées à l’eau de javel, lavées abondamment à l’eau, puis rincées à l’eau distillée. Elles sont ensuite mises à germer dans des pots. Chaque pourcentage a fait l’objet de trois essais.

Le tableau 2 illustre les pourcentages utilisés.

Chaque pot a été irrigué régulièrement deux fois par semaine, par l’eau de puits de l’École Supérieure de technologie de Salé et dont les caractéristiques physico-chimiques sont en conformité avec la norme marocaine pour l’eau d’irrigation [7] (tableau 3).

L’essai de germination à durer 12 jours.

Matériel végétal
La lentille ‘ensculinaris’ fait partie de la famille des Fabacées. Cette espèce comporte plusieurs variétés dont ‘large blonde’, utilisé dans la présente étude. Elle s’adapte à plusieurs types de sols. Les meilleurs sols se situent entre argileux perméables et sablonneux. Elle est généralement cultivée en Bour sans supplément d’irrigation dans les zones à pluviométrie située entre 300 et 450 mm [9].
Paramètres mesurés
Les paramètres qui ont fait l’objet d’un suivi régulier durant ce test de germination sont :
  • Le taux de germination calculé par la formule de Belcher et Miller (1974)[10]

Où n est le nombre de grains germés et N est le nombre de grains testés.

  • La vigueur déterminée par la formule de Abdul-Baki et Anderson (1973), [11]

où SL est la longueur de la plantule en cm et %G est le taux de germination.

  • La cinétique de germination : il s’agit de calculer chaque jour la vitesse de germination sous les différentes concentrations en compost [12]. Elle est exprimée par le nombre de graines germées chaque jour après le début de l’expérience.
    C’est un paramètre qui permet de mieux appréhender la signification écologique du comportement germinatif des graines étudiées ainsi que l’ensemble des événements qui commencent par l’étape d’absorption de l’eau par la graine et se terminent par l’élongation de l’axe embryonnaire et l’émergence de la radicule.
  • La longueur des racines : à la fin de l’essai de germination la longueur des racines des plantes contenues dans les différents pots est mesurée à l’aide d’une règle.
  • Matière sèche : juste après la récolte, le poids en matière sèche des plantules (tiges + feuilles + racines) a été mesuré après séchage à l’étuve à 105 °C jusqu’à poids constant [13].
Analyses statistiques
Les données expérimentales ont été soumises à une analyse de variance unidirectionnelle (ANOVA) et les séparations moyennes ont été effectuées par la différence la plus faible (LSD) au niveau de signification de P < 0.05, en utilisant le programme Statgraphics centurion XVI pour Windows.

Résultats et discussion

Effet de l’apport des fertilisants sur le taux et la cinétique de germination
Figure 1 : Taux de germination final des plantules des lentilles en présence de différentes concentrations en compost de grignons d’olives et en grignons bruts. (Les valeurs avec des lettres différentes sont significativement différentes : p < 0.05).

Les résultats de la germination obtenus montrent que les grains semis dans les différents pourcentages en compost ont germé avec un taux supérieur à 90 % (figure 1).

Ce taux de germination est significativement différent par rapport au témoin et au taux de germination des plantes fertilisées par les grignons bruts. Alors que les plants de semis dans différents pourcentages en grignons bruts présentent un taux de germination peu important par rapport au témoin et qui diminue au fur et à mesure que cette concentration augmente.

Le compost des grignons d’olives a permis une meilleure germination des graines de lentilles pour toutes les concentrations utilités durant toute la période de germination (figure 2). Alors que la cinétique de germination des graines des lentilles fertilisées par les grignons bruts diminue au fur et à mesure que la concentration en grignons augmente. 

En effet en remarque bien que la cinétique de germination des lentilles fertilisées par 5 %, 10 % et 15 % en grignons bruts est importantes par rapport au témoin mais à partir de la concentration 20 % cette cinétique devienne moins importante par augmentation du temps de latence et diminution de la vitesse et du taux de germination. D’après Ben Miled et al. [14], ce retard peut être expliqué par le temps nécessaire à la graine pour mettre en place des mécanismes lui permettant d’ajuster sa pression osmotique interne vu que ces grignons sont très salés (conductivité électrique élevé, tableau 1). Alors que Ghrib et al. [15] ont expliqué ce retard par l’altération des enzymes et des hormones qui se trouvent dans la graine.

Effet de l’apport des fertilisants sur la vigueur des plantules
Figure 3 : Vigueur des plantules des lentilles en présence de différentes concentrations en grignons d’olives et son compost. (Les valeurs avec des lettres différentes sont significativement différentes : p < 0.05).

La vigueur des plantules exprime l’effet positif de l’ajout des grignons d’olives et leurs composts sur les plantes (figure 3). En effet, on remarque bien que les plantes fertilisées par le compost des grignons et par les grignons bruts qui présentent un indice de vigueur important, qui est significativement différent par rapport au témoin pour les concentrations 5 %, 10 % et 15 %. Avec comme particularité les plantes fertilisées par le compost des grignons qui présentent des indices de vigueurs significativement importants par rapport aux plantes fertilisées par les grignons bruts pour toutes les concentrations. Cette particularité peut être expliquée par la richesse du compost des grignons en élément fertilisants (tableau 1) nécessaires pour la croissance des plantes de lentilles. Mais cette vigueur diminue à partir de la concentration 20 % des grignons bruts et de leurs composts.

Effet de l’apport des fertilisants sur le développement racinaire
Figure 4 : Longueur des racines des plantules des lentilles en présence de différentes concentrations en grignons d’olives et son compost. (Les valeurs avec des lettres différentes sont significativement différentes : p < 0.05).

Le compost des grignons d’olives a permis un meilleur développement racinaire des plantules des lentilles (figure 4), ce qui se traduit par une longueur des racines significativement différentes par rapport au témoin et aux plantes fertilisées par les grignons bruts pour les différentes doses utilisées. Alors que la longueur des racines des plantes fertilisées par les grignons bruts diminue au fur et à mesure que la concentration en grignons augmente pour devenir significativement moins importante par rapport aux plantes témoins à partir de la concentration 15 % en grignons. En effet, les grignons bruts contiennent des quantités élevées d’ammoniac libre, d’acide organique particulier et d’autres composés hydrosolubles qui peuvent empêcher le développement des racines [16].

Effet de l’apport des fertilisants sur le poids en matière sèche
Figure 5 : Poids en matière sèche des plantules des lentilles en présence de différentes concentrations en grignons d’olives et son compost. (Les valeurs avec des lettres différentes sont significativement différentes : p < 0.05).

L’ajout du compost des grignons a amélioré le poids en matière sèche des plantules pour les différents pourcentages par rapport au témoin et aux plantes fertilisées par les grignons bruts (figure 5). Cette amélioration peut être attribuée à la richesse du compost des grignons en macroéléments (tableau 1) qui constitue le tissu des végétaux et représentent 99 % de la matière sèche [17]. Alors que le poids important en matière sèche et qui est significativement différents au témoin se limite juste aux faibles concentrations : 5 % et 10 % pour les plantes fertilisées par les grignons bruts.

Le compost utilisé dans cette expérience présente une composition minérale et des caractéristiques physico-chimiques (tableau 1) similaires à celles d’autres composts préparés à partir de différents sous-produits agro-industriels qui sont couramment utilisés comme engrais organiques ([18] ; [19]). Les résultats obtenus au cours de cette expérience confirment les effets relevés, à travers des études antérieures, exercés par l’utilisation des grignons et leurs composts sur le processus de germination chez plusieurs espèces de légumineuses. En effet Tajada et Gonzalez (2004)[20] ont révélé que l’application de 0, 10, 20, 30 et 40 t/ha de grignons bruts sur une récolte de maïs pour 2 ans a donné un meilleur rendement dans la deuxième année, en raison de l’effet résiduel de la matière organique appliquée dans la première année. En culture de blé Brunetti et al. (2005)[21] ont constaté une augmentation de la production après amendement par 10 à 20 t/ha en grignons d’olives bruts. En 2007 Alburquerque et al. [22] ont signalé une augmentation de la croissance des Lolium suite à l’utilisation du compost des grignons comme fertilisant. Le compost des grignons a permis également d’améliorer la croissance et la production des oliviers sans altérer la qualité des olives ou de l’huile qui en dérive ([23] ; [24]).
En termes de comparaison entre l’utilisation des grignons d’olives et leurs composts en peut dire que même si les grignons bruts ont une composition similaire à celle d’un amendement organique ([25]; [26]) leurs utilisations est limité à des faibles concentrations, par ce qu’ils ont montré certains problèmes liés à leurs forte charge organique et minérale, leur faible pH et la présence de composés phytotoxiques ([24]; [27] ; [28] ; [29]; [30]). De ce fait un compostage permet de stabiliser cette charge importante pour bénéficier mieux de leurs valeurs agronomiques.

Conclusion

Les résultats obtenus dans la présente étude encouragent l’utilisation des grignons d’olives et leurs composts sur les terres agricoles. Les caractéristiques physico-chimiques des deux fertilisants aussi bien que les essais de germination donnent une particularité au compost des grignons d’olives plutôt qu’aux grignons bruts en raison du taux et d’une cinétique de germination optimale ainsi qu’un indice de vigueur et une longueur des racines significativement importante par rapport au témoin et à l’essai à base des grignons bruts. De ce fait les grignons d’olives rejetés par les huileries ne devront plus être considérés comme des déchets mais plus tôt comme un amendement organique qui pourrait remplacer les engrais chimiques coûteux et malsains. 
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