La première partie de l’étude réalisée en laboratoire avec le chlore, le bioxyde de chlore et la monochloramine a montré que le bioxyde de chlore et la monochloramine ne contribuent pas à la formation d’halométhanes. Les travaux sur la monochloramine ne furent pas poursuivis, car son pouvoir oxydant et germicide s’est révélé très inférieur à celui du bioxyde de chlore.
Ensuite une étude comparative de traitements simultanés au chlore et au bioxyde de chlore sur des circuits différents de distribution a été réalisée dans une usine équipée de filtres lents à sable qui alimente une grande partie de Paris en eau potable. Il a été observé que la formation d’halométhanes n’est pas proportionnelle aux quantités de chlore utilisées, mais est proportionnelle à la quantité de précurseurs contenus dans l’eau (acide humique, composés organiques industriels). En plus de la formation de chloroforme, de monochloro-dibromo-méthane, de monobromo-dichloro-méthane, seules des traces d’autres haloformes furent trouvées.
Il a été aussi observé que le bioxyde de chlore, sans excès notable de chlore, oxyde les nitrites, ne forme pas d’halométhanes et ne libère pas le brome des bromures.
En outre ce produit, très stable, s’est révélé être une solution très intéressante au problème de la non-formation d’haloformes dans des usines de traitement d’eaux potables avec filtration lente sur sable et chaque fois que le chlore n’est pas nécessaire.
A. DERREUMAUX et M. LAMBERT,
CIFEC
(Compagnie industrielle de filtration et d’équipement chimique).
La même conclusion a été tirée pour le traitement d’eaux usées lorsque le chlore est transformé en monochloramine dont le pouvoir bactéricide malheureusement est insuffisant.
Chapitre I
INTRODUCTION
ROOK (5) et BELLAR (1) furent les premiers, en 1974, à identifier des haloformes dans les eaux potables désinfectées par le chlore, le dérivé formé le plus important (1) étant le chloroforme.
L’identification de ces composés n’a pas été réalisée plus tôt, les techniques utilisées ne le permettant pas. Néanmoins il n’y a aucun doute que la formation des haloformes a commencé avec l’utilisation du chlore dans le traitement des eaux.
En 1976 SYMMONS (9) a montré que le bioxyde de chlore peut être utilisé en tant qu’agent stérilisant sans formation concomitante d’haloformes (1). Il paraissait intéressant d’étudier l’utilisation de ce composé à un niveau industriel et de vérifier l’absence d’haloformes tant dans l’eau potable que dans les eaux usées traitées.
Les expériences en laboratoire nous permirent de définir exactement l’action du chlore et du bioxyde de chlore sur l’eau en préambule à leur étude comparative
Dans une usine de traitement d'eau potable, cet essai industriel a été fait dans une installation équipée de filtres lents sur sable (6 m/jour) de la ville de Paris où l'ammoniaque est oxydé par voie biologique.
Les essais d'eaux usées ne furent réalisés qu'en laboratoire. Des essais industriels préliminaires (3) ont déjà montré que le bioxyde de chlore a une activité bactéricide presque équivalente à l'activité bactéricide du chlore libre à pH 7,5.
Chapitre IIMATERIEL ET METHODE
I — MATERIEL
1) Solutions de chlore
a) Essais en laboratoire
Une solution de chlore à 1 g/l est préparée par dissolution de chlore gazeux dans de l'eau distillée à laquelle il a été ajouté une solution normale de soude de façon à éviter la formation d'haloformes dans la solution à ce stade préliminaire.
b) Essais en usine
La chloration fut réalisée avec de l'hypochlorite de sodium commercial. Dans ce cas particulier, on constata une formation plus importante d'haloformes que l'on impute à la présence de traces de métaux lourds qui catalysent la formation d'haloformes (3).
2) Solutions de bioxyde de chlore
a) En laboratoire
Le bioxyde de chlore peut être synthétisé de deux façons (10) :
— soit par action du chlore sur une solution acide de chlorite :
2 NaClO₂ + Cl₂ → 2 ClO₂ + 2 NaCl
— soit par acidification d'une solution de chlorite :
5 NaClO₂ + 4 HCl → 4 ClO₂ + 2 H₂O + 5 NaCl
La seconde a été retenue pour une question de commodité en laboratoire : 2,5 g de chlorite de sodium (NaClO₂) furent dissous dans 250 ml d'eau distillée ; 5 ml d'acide chlorhydrique 12 N furent ensuite ajoutés en agitant ; après 30 minutes, la solution fut complétée à un litre avec de l'eau distillée pour obtenir une concentration finale de bioxyde de 0,5 mg/l exprimée en chlore (1).
b) En usine de traitement
Nous avons utilisé les appareils CIFEC (fig. 1) qui produisent du bioxyde de chlore par action d'une solution de chlore à 5 g/l préparée à partir du chlore gazeux sur une solution de chlorite de sodium à 25 %. Un excès de chlore de 2 % est nécessaire pour compenser les erreurs de précision des appareils et assurer 100 % d'efficacité.
3) Solution de monochloramine
La réaction de formation de monochloramine est la suivante :
NH₃ + HOCl → NH₂Cl + H₂O
2 g/l de NH₄Cl (exprimé en NH₃⁺) furent dilués à 10 % avec une solution à 1 g/l de chlore. La concentration finale fut de 0,5 g/l de NHCl exprimée en chlore.
4) Chromatographie du gaz
L’appareil (TRACOR 550) est équipé d’un détecteur à capture d’électrons chauffé à 300 °C, l’injecteur est chauffé à 100 °C et la colonne à 50 °C. Cette colonne d’un mètre de hauteur est remplie de chromosorbes WHP recouverts de silicone DC 200 à 5 %.
5) Spectrographie de masse
Appareil FINNIGAN 3000.
— METHODES
a) Étude de la formation de composés chlorés volatils en fonction des doses de dérivés chlorés
Les tests furent réalisés dans des bouteilles à bouchon de téflon contenant 500 ml d’eau. Chaque bouteille reçut des doses croissantes de dérivés chlorés.
Les bouteilles furent ensuite incubées à 30 °C pour maintenir l’équilibre entre l’eau et l’air. Le contact fut de 6 heures pour s’harmoniser aux conditions opérationnelles en usines.
En fait, seules les 30 premières minutes sont importantes pour la formation des composés chlorés volatils (fig. 2).
Vingt microlitres d’air furent aspirés avec une seringue dans la partie supérieure de la bouteille. Les composés chlorés de cet échantillon furent analysés de façon décrite ci-après.
La teneur résiduelle de dérivés chlorés restant dans l’eau fut également déterminée.
b) Méthode modifiée « Headspace » (dosage des haloformes)
Les concentrations de composés chlorés en phase gazeuse et aqueuse sont en équilibre. La relation entre ces concentrations obéit à la loi d’Henry, c’est-à-dire qu’elle est fonction de la température qui, pour ces essais, a été maintenue à 30 °C.
Le rapport en volume phase gazeuse/phase aqueuse n’est pas important, car il n’intervient pas dans l’équilibre pour des valeurs allant de 0,1 à 1.
Le temps d’analyse est de 10 minutes par 20 microlitres d’échantillon. Les concentrations sont calculées en fonction du temps de rétention.
L’identification des composés fut réalisée avec un spectrographe de masse FINNIGAN. Des « pics » non identifiés sont exprimés en CHCl₃.
c) Dosage de dérivés chlorés
Les dosages furent faits par méthode iodométrique (8) :
HOCl + 2 KI → I₂ + KCl + KOH NH₂Cl + 2 KI + H₂O → NH₃ + KOH + I₂ + KCl
L’iode libéré est ensuite dosé par une solution de thiosulfate de sodium N/35,5 comme suit : ajouter 1 ml de sodium KI à 10 % à 500 ml d’échantillon ; après agitation, une couleur jaune apparaît ; ajouter ensuite une solution de thiosulfate N/35,5 jusqu’à la disparition presque totale de la couleur jaune ; après addition de 100 mg de Thiodene, la réaction est jugée complète lors du virage du bleu à l’incolore.
1 ml de N/35,5 correspond à 2 mg/l d’oxydant exprimé en chlore.
2) Expériences dans les usines de traitement d’eau potable
Les expériences furent réalisées dans une des trois usines de traitement d’eau potable de la ville de Paris. Cette usine, située à Saint-Maur-des-Fossés, produit chaque jour 250 000 m³ d’eau potable utilisant la méthode de filtration lente sur sable.
L’intérêt de cette usine est que l’ammoniaque est totalement éliminée par le traitement biologique. Le chlore se retrouve en totalité, sous forme de chlore libre. De plus l’usine a deux sorties indépendantes d’eau traitée dans lesquelles les stérilisants peuvent être ajoutés différemment (fig. 3). Une des sorties (125 000 m³/jour) était traitée avec de l’hypochlorite de soude et l’autre (125 000 m³/j) avec du bioxyde de chlore, ce qui permet de comparer les résultats de ces deux traitements effectués industriellement en même temps sur la même eau.
Le bioxyde de chlore était produit par les appareils CIFEC (voir matériel). Les déterminations d’haloformes et des dérivés chlorés ont été réalisées comme décrit précédemment (II.1.a et II.1.b).
a) Traitement à l’hypochlorite de sodium
Méthode ampérométrique sur 200 ml d’échantillon (7).
b) Traitement au bioxyde de chlore (4)
Pour différencier les composés chlorés (chlore, monochloramine, bioxyde de chlore et chlorite de sodium), nous avons utilisé la méthode ampérométrique avec des pH différents :
1) Réaction en milieu alcalin (pH 11)
À ce pH le bioxyde de chlore est transformé en chlorite de sodium et ne peut pas réagir sur de l’iodure de potassium. Dans ce cas, seul le chlore et la monochloramine libèrent de l’iode et peuvent être déterminés après neutralisation au pH 7,8.
2) Réaction en milieu acide (pH 2)
À ce pH en présence de KI, le bioxyde de chlore réagit comme 5 chlore selon la réaction suivante :
ClO₂ + 5 KI + 4 HCl → 5 KCl + 5/2 I₂ + 2 H₂O
Le chlorite de sodium réagit comme 4 chlore. La réaction suivante :
NaClO₂ + 4 KI + 4 HCl → NaCl + 4 KCl + 2 I₂ + 2 H₂O
3) Réaction en milieu neutre (pH 7,8)
À ce pH le bioxyde de chlore réagit comme 1 chlore selon la réaction :
ClO₂ + KI → ClO₂K + 1/2 I₂
200 ml d’échantillon sont utilisés et l’iode libérée est titrée avec une solution d’oxyde de phenylarsène N/177,5.
Réaction en milieu alcalin
pH 11 est obtenu par l’addition d’1 ml de solution NaOH à 10 %; après 10 minutes dans le noir, le pH est ajusté à 7,8 avec une solution saturée KH₂PO₄ et 1 ml de solution KI à 1 % est ajouté. La quantité en ml d’oxyde de phenylarsène utilisée pour le titrage est notée, soit « B ».
Réaction en milieu acide
pH 2 est obtenu par l’addition de 0,25 ml de 6 N H₂SO₄ ; après 5 minutes pH 7,8 est obtenu par l’addition d’une quantité variable d’une solution tampon à pH 9 (KH₂PO₄ saturé ajusté au pH 9 avec NaOH). La quantité en ml d’oxyde de phenylarsène utilisée pour le titrage est notée, soit « C ».
Réaction en milieu neutre
pH 7,8 est obtenu par l’addition d’une quantité variable de la solution tampon à pH 9. La quantité en ml d’oxyde de phenylarsène ajoutée est notée, soit « A ». (1 ml de solution phenylarsène N/177,5 correspond à 1 mg/l de chlore dans l’eau.) Les résultats sont calculés selon la formule suivante : % = (A – B) / (C – B) × 100.
— Chlore libre = B mg/l exprimé en chlore. — Bioxyde de chlore = A – B mg/l exprimé en chlore ou (A – B) × 67,5 / 35,5 mg/l exprimé en bioxyde de chlore. C – [B + 5 (A – B)] — Chlorite de sodium = 4/5 × [C – (B + 5 (A – B))] × 90,5 / 35,5 mg/l exprimé en chlorite de sodium.
Il ne s'est pas formé de monochloramine parce qu'il n'y avait pas d’ammoniaque dans l'eau.
Chapitre III
RESULTATS — TESTS EN LABORATOIRE
1) Action du chlore
2) Action de la température
Les effets de la température sur la formation d’haloformes ont été déterminés à 5 °C et à 30 °C. Une autre expérience fut réalisée à 50 °C. Cinq cents millilitres d'échantillon d'eau distillée, exempte de substances organiques, sont ajustés avec une solution de résorcinol (précurseurs d’haloformes), afin d'obtenir une concentration finale de 20 µg/l (6). Cette solution est ensuite chlorée à une concentration finale de 10 mg/l avec 1 g/l de solution chlorée (voir matériel). Après 24 heures de temps de contact, le chloroforme formé est déterminé à l'aide du « head-space » pour chaque température. Les résultats (fig. 4) montrent qu’il n'y a pas de variation dans la formation d’haloformes entre 15 et 30 °C.
2) Durée du temps de réaction
Ces expériences furent réalisées pour définir le temps nécessaire pour obtenir une réaction complète aux conditions décrites ci-dessous. Les temps de contact suivants furent utilisés successivement : 5, 10, 15, 30, 60 minutes et 2, 4, 6, 12, 24, 48 heures. De 5 à 30 minutes nous avons trouvé (fig. 2) une augmentation importante de la concentration en composés organo-chlorés volatils qui resta constante ensuite jusqu’à la dernière manipulation présentant un temps de contact de 48 heures.
3) Effet de l'importance des doses de chlore
a) Sur la solution résorcinol
Ces expériences ont été faites pour définir si la teneur en haloformes était fonction de la concentration de précurseurs. Il fut utilisé des quantités progressives de chlore sur les solutions de résorcinol de 0,5, 1, 2, 5, 10, 20, 50 µg/l dans de l'eau distillée.
Les résultats (fig. 5) montrent que la réaction ne dépend pas de la concentration de chlore, mais de la concentration de précurseur. En vérification nous avons étudié l'action d’une teneur constante de 15 mg/l de chlore sur des concentrations variables de résorcinol (1, 2, 5, 10, …).
20, 50, 100 µg/l. Les résultats obtenus furent identiques (fig. 6).
b) Sur eau de surface contenant de l'ammoniaque
500 ml d’eau de surface furent traités avec des concentrations grandissantes de chlore par addition de 0, 1, 2, 3, 4, 7, 10 ml de solution de chlore à 1 g/l. Après 2 heures de temps de contact à 30 °C, furent déterminés les haloformes dans le « head space » et les concentrations de chlore résiduel dans l’eau.
Les résultats (fig. 7) montrent que les haloformes ne sont formés que lorsque le chlore libre est trouvé dans l'eau. Il n'y a pas de production d’haloformes pendant la formation de monochloramine, sa production commençant immédiatement au début de la destruction de la monochloramine.
B) Action comparative des dérivés de chlore
Beaucoup de dérivés chlorés peuvent être utilisés pour la stérilisation d’eau potable : chlore, monochloramine, bioxyde de chlore. Nous avons comparé les productions d’haloformes dans chaque cas.
1) Action sur solution résorcinol
500 ml d’eau distillée, exempte de substance organique, sont ajustés à une concentration finale de 3 mg/l de résorcinol avec une solution à 1 g/l. Des essais successifs avec chacun de ces dérivés chlorés, c’est-à-dire le chlore, la monochloramine et le bioxyde de chlore, furent effectués aux concentrations finales de 0, 1, 2, 5, 10, 15, 20 mg/l exprimés en chlore. Dans ces conditions seul le chlore conduit à la formation d’haloformes (fig. 8).
2) Action sur l'eau de surface contenant de l'ammoniaque
500 ml d'eau de surface furent traités à des concentrations grandissantes de chlore, monochloramine et bioxyde de chlore à des concentrations finales de 0, 2, 5, 10 mg/l exprimés en chlore. La formation de chloroforme fut déterminée sur le « head space » après 2 heures à 30 °C.
Les résultats (fig. 9) montrent qu'une fois encore le chlore était seul à produire du chloroforme.
II — TESTS EN USINE DE TRAITEMENT
Dans ces expériences, faites comme décrites au chapitre précédent « METHODES » à l'usine de traitement de Saint-Maur-des-Fossés de la ville de Paris, équipée de filtres lents à sable, nous avons comparé l’action du chlore et du bioxyde de chlore sur la formation d’haloformes dans l'eau potable.
1) Traitement au ClO₂ produit dans des conditions stœchiométriques
125 000 m³ par jour, représentant la moitié de la production de l’usine, furent traités pendant trois jours avec
TABLEAU A
Mesure du chloroforme dans les eaux filtrées avant et après chloration à 1 mg/l. |
---|
avant |
après |
TABLEAU B
Mesure du chloroforme avant et après traitement avec 0,5 mg/l de bioxyde de chlore. Les courbes avant et après traitement sont confondues. |
---|
Une concentration finale de 1 g/m³ de chlore fut appliquée. Les autres 125 000 m³ par jour furent traités en même temps avec 0,5 g/m³ de ClO₂, exprimé en chlore. Après 1 heure de temps-contact, la détermination des haloformes fut réalisée à 3 heures d’intervalle. Dans ces conditions seuls le chloroforme et le monobromodichlorométhane furent produits à des niveaux importants.
Les résultats (fig. 10, 11) montrent que seul le chlore produit des haloformes et que le bioxyde de chlore n’a pas d’effet sur leur concentration dans l’eau filtrée.
2) Traitement au bioxyde de chlore produit en présence d’un excès de chlore
Afin de montrer l’importance de la pureté du bioxyde de chlore destiné au traitement d’eau, nous avons diminué la quantité de chlorite de sodium utilisée. Dans ces conditions, la concentration finale de chlore a augmenté de 0,01 à 0,15 mg/l et, corrélativement, la concentration de bioxyde de chlore a diminué de 0,15 à 0,05 mg/l.
Nous avons observé immédiatement, comme le montre la figure 12, une augmentation importante d’haloformes, le chloroforme passant de 1 à 20 µg/l et le monochlorodibromométhane de 20 à 50 µg/l.
Ces résultats montrent clairement l’intérêt d’une bonne formation du bioxyde de chlore. De plus, pour maintenir une faible concentration (inférieure à 0,5 mg/l) de chlorite de sodium résiduel dans l’eau, la concentration de chlore doit être en léger excès (2 ou 3 %) par rapport à la stœchiométrie (fig. 12).
III — TESTS DE TRAITEMENT D’EAUX USÉES
Les expériences de laboratoire furent pratiquées sur les eaux usées de l’usine expérimentale parisienne de traitement des eaux usées de Colombes.
L’intérêt de cette usine expérimentale est de permettre la comparaison de tous les traitements biologiques d’eaux usées sur la même eau. Nous avons étudié l’action du chlore et du bioxyde de chlore sur les effluents bruts d’eaux usées, ainsi qu’à la sortie des digesteurs primaires. Nous avons étudié l’action de ces composés après le passage sur des boues activées de concentrations diverses, à travers des lits bactériens sur pouzzolane. Les temps de passage furent respectivement de 1, 12 et 24 heures. Les concentrations de chlore et de bioxyde de chlore furent de 10 mg/l exprimés en chlore. Pour toutes les différentes eaux traitées, nous n’avons trouvé aucune différence entre le chlore et le bioxyde de chlore en termes de formation d’haloformes : aucun d’entre eux ne fut produit. Ces résultats sont en relation avec la forte concentration en ammoniaque des eaux traitées ; tous les dosages de 10 à 20 mg/l de chlore furent entièrement utilisés pour la formation de monochloramine.
Lorsque la concentration de chlore est augmentée à 50 mg/l, il y a seulement formation massive de chloroforme (fig. 13). La même expérience réalisée avec le bioxyde de chlore ne mène pas à la formation d’haloformes.
De ces résultats, il est évident que le choix du stérilisant se basera uniquement sur son pouvoir bactéricide. Une étude récente de BERNARD et LAMBERT montre que le bioxyde de chlore est 100 fois plus efficace que la monochloramine, son pouvoir bactéricide étant sensiblement équivalent au pouvoir bactéricide du chlore libre à pH 7,5 (3).
IV — CONCLUSION
Ces résultats présentés montrent clairement que :
- 1°) Seul le chlore libre produit des haloformes ;
- 2°) Le bioxyde de chlore, préparé dans de bonnes conditions, ne conduit pas à la formation d’haloformes ;
- 3°) De même la monochloramine sans excès de chlore ne produit pas d’haloformes.
Le très faible pouvoir oxydant de la monochloramine ne permet pas l’oxydation de nitrites en nitrates. Sa réduction par des composants organiques produit de l'ammoniaque. En outre son pouvoir bactéricide est 100 fois moins important que celui des autres dérivés chlorés étudiés.
Le bioxyde de chlore semble être le meilleur stérilisant des eaux potables après filtration lente sur sable lorsque l'ammoniaque est éliminée par processus biologiques et dans tous les cas, lorsque l'élimination de l'ammoniaque n’est pas nécessaire.
EVOLUTION DES TENEURS EN HALOFORMES DANS LES EAUX DE L’USINE D’ORLY
Les points de prélèvement sont repérés sur la fig. 14
CH₂BrCl | CHCl₃ | CCl₄ | CHBrCl₂ | CHBr₂Cl | |
---|---|---|---|---|---|
Eau de Seine | 0,6 | 1,65 | 0,16 | 1,6 | 4,1 |
A1 — 0,5 m | 0,6 | 35,0 | 0,09 | 57,8 | 17,9 |
B1 — 0,5 m | 1,0 | 35,0 | 0,11 | 56,2 | 18,3 |
B2 — 2,0 m | 4,4 | 31,8 | 0,11 | 55,2 | 16,4 |
C1 — 0,5 m | 0,8 | 33,4 | 0,11 | 56,5 | 16,4 |
C2 — 2,5 m | 0,6 | 36,0 | 0,11 | 56,8 | 19,1 |
D1 — 0,5 m | 0,6 | 33,8 | 0,11 | 57,2 | 18,1 |
D2 — 2,0 m | 0,4 | 35,0 | 0,10 | 54,7 | 18,7 |
D3 — 4,0 m | 0,6 | 33,2 | 0,10 | 51,5 | 17,7 |
E1 — 0,5 m | 0,4 | 31,6 | 0,11 | 50,7 | 17,9 |
E2 — 1,0 m | 0,4 | 28,8 | 0,11 | 48,7 | 16,9 |
F1 — 0,5 m | 0,6 | 30,0 | 0,11 | 50,0 | 17,1 |
F2 — 1,0 m | 0,4 | 29,0 | 0,09 | 45,8 | 16,6 |
G1 — 0,5 m | 0,6 | 29,5 | 0,11 | 51,9 | 14,9 |
Y décantée | 0,6 | 19,5 | 0,07 | 26,9 | 12,4 |
Y filtrée | 0,9 | 22,9 | 0,12 | 41,5 | 13,0 |
Z2 décantée | 0,7 | 22,8 | 0,18 | 34,7 | 10,9 |
Z3 filtrée | 0,7 | 22,0 | 0,10 | 33,4 | 10,7 |
Mélange des eaux précitées | 0,6 | 24,2 | 0,13 | 41,2 | 14,1 |
Idem | 0,6 | 23,1 | 0,10 | 32,6 | 12,3 |
Idem après traitement NaOH | 1,1 | 22,5 | 0,11 | 38,2 | 12,1 |
1° cellule | 1,1 | 22,3 | 0,11 | 36,8 | 11,3 |
2° cellule | 0,9 | 23,5 | 0,10 | 32,1 | 12,0 |
4° cellule | 1,3 | 22,0 | 0,10 | 34,2 | 11,6 |
Eau de ... | 4,7 | 22,4 | 0,09 | 44,7 | 13,2 |
Cet exemple de fabrication du bioxyde de chlore par action de l’acide chlorhydrique sur une solution de chlorite montre que cette méthode permet d’obtenir un rendement maximum de 80 %, alourdissant d’autant le bilan d’exploitation.
Préparation du bioxyde de chlore par action de l’acide chlorhydrique sur une solution de chlorite
pH du milieu | 2 | 1,8 | 1 | 0 |
---|---|---|---|---|
Rendement en bioxyde | 30 % | 38 % | 80 % | 80 % |
Résiduel de chlorite non transformé | 70 % | 62 % | 20 % | 20 % |
Références
- (1) BELLAR T.A., LICHTENBERG J.J., KRONER R.C. — The occurrence of organohalides in chlorinated drinking waters.
- (2) HENDRICKX A., VAN PETEGHEN C. — Identification of volatile components in waste waters by combined head-space gas chromatography, mass spectrometry. ENVR. J. TOXICOL. 1975, 8, n° 5, pp. 275-279.
- (3) LAMBERT M., BERNARD C. — Disinfection of urban waste water by chlorine and chlorine dioxide. L’EAU ET L’INDUSTRIE, fév. 1977.
- (4) LEPEINTRE M., OUVRARD J. — Unpublished method. Dosage of chlorine, monochloramine, chlorine dioxide and chlorite in the treated waters.
- (5) ROOK J.J. — Formation of haloforms during chlorination of natural waters. WATER TREATMENT, EXAM. 1974, pp. 23-234.
- (6) ROOK J.J. — Haloforms in drinking water. J.A.W.W.A. 1976, 68, n° 3, pp. 168-172.
- (7) STANDARD METHODS FOR EXAMINATION OF WATER AND WASTE WATER, 14th ed., 1975. Amperometric titration method of chlorine, pp. 322-325.
- (8) STANDARD METHODS FOR EXAMINATION OF WATER AND WASTE WATER, 14th ed., 1975. Iodometric method (1) for chlorine, pp. 316-318.
- (9) SYMONS J.M. — Interim Treatment Guide for the Control of Chloroform and Other Trihalomethanes. WATER SUPPLY RESEARCH DIVISION, MUNICIPAL ENVIRONMENT RESEARCH LABORATORY, OFFICE OF RESEARCH ON DEVELOPMENT, Cincinnati, Ohio 45268.
- (10) TOUSSAINT — Chlorine dioxide and drinking waters treatment. TRIBUNE DU CEBEDEAU 1972, n° 342, pp. 263-264.
R. VILAGINES — A. MONTIEL — A. DERREUMAUX — M. LAMBERT
Le cycle « Le chlore dans le traitement des eaux » dans « L’EAU ET L’INDUSTRIE »
- 1°) La désinfection des eaux usées, par le traitement aux halogènes activés,par Y. DELCROIX ……………… 35
- 2°) Pratiques courantes de décontamination des eaux usées, des eaux recyclées, de refroidissement,par G.C. WHITE ………………
- 3°) La cinétique de la chloration au point de rupture : application à l’élimination de l’ammoniaque des eaux potables et des eaux usées,par B. SAUNIER ………………
- 4°) Désinfection des eaux résiduaires urbaines par le chlore et le bioxyde de chlore,par M. LAMBERT et C. BERNARD … 43
- 5°) Étude comparative de la formation de méthanes lors du traitement de l’eau potable par le chlore et ses dérivés, dans des usines de traitement d’eau potable et d’eaux usées,par R. VILAGINES, A. MONTIEL, A. DERREUMAUX et M. LAMBERT