Les directives européennes sur la pollution de l’air par les composés organiques volatils (COV) seront appliquées en France dès 1997. Aussi, les industriels concernés doivent dès aujourd’hui faire des bilans relatifs aux rejets de leurs ateliers, l’objectif étant de s’équiper le plus rapidement possible de procédés de traitement de ces rejets gazeux.
Le présent article résume les résultats d'une étude effectuée à l'initiative du Réseau Firtech Ingénierie et Procédés et du Groupe Français de Génie des Procédés [1]. Il s’agit d’un bilan sur les procédés de traitement des effluents gazeux utilisés dans le domaine des faibles traces. Une étude bibliographique alliée à une enquête auprès de 50 industriels et universitaires a permis de dégager les principaux avantages et inconvénients de chacun de ces procédés. Nous examinons ici les quatre traitements les plus utilisés pour traiter les COV et les odeurs.
L'adsorption
Il s’agit de l'une des techniques les plus employées dans l’industrie des solvants et de l’agro-alimentaire.
On utilise surtout ce traitement lorsque le polluant est un solvant seul ou majoritaire, pour des raisons essentiellement économiques. Les débits d’air traités sont, en général, inférieurs à 20 000 m³/h et les concentrations en solvants assez faibles (inférieures à 50 g/m³).
Le matériau d’adsorption le plus souvent mis en œuvre est le charbon actif en grain, en raison de sa grande surface spécifique (1 500 à 2 500 m²/g) mais on trouve aussi des procédés fondés sur des structures différentes de charbon activé (tissus ou feutre [2]).
Les systèmes les plus répandus sont constitués de deux réacteurs verticaux à lit fixe de charbon actif en grains, fonctionnant alternativement en adsorption et en désorption (figure 1). La nécessité d’avoir de faibles vitesses de passage (inférieures à 0,8 m·s⁻¹) et de maintenir une faible perte de charge implique des tailles d’adsorbeurs assez importantes : les dimensions usuelles d’un contacteur pour traiter un débit d’environ 6 000 m³/h sont de 2 à 3 m de diamètre pour une hauteur de lit de 1 m environ. Les masses piégées représentent en général 10 à 20 % de la masse de charbon mise en œuvre.
La régénération du matériau est assurée la plupart du temps par un flux d’air chaud, de vapeur d’eau ou de gaz inerte. À titre d’exemple, la consommation industrielle de vapeur basse pression est en moyenne de 3 kg/kg de solvant. On trouve aussi sur quelques applications récentes des régénérations par effet Joule [3].
Les avantages du procédé sont compensés par quelques inconvénients :
Principaux avantages :
- • procédé très efficace,
- • possibilités de récupération des pro-
[Photo : Figure 1.]
[Photo : Figure 2.]
[Photo : Figure 3.]
[Photo : Figure 4.]
produits avec un bon rendement,
● plage d’application assez vaste (débit, concentration et type de produit),
● traitement des solvants chlorés,
● maintenance facile.
Principaux inconvénients
● nécessité de maintenir une humidité inférieure à 30 %,
● coût du matériau (environ 40 F/kg),
● lenteur et coût de la régénération,
● inflammabilité du charbon actif,
● difficulté avec les multiconstituants,
● taille importante de l’unité de traitement,
● risques de formations acides avec les composés chlorés,
● polymérisation de certains solvants.
L’adsorption sur certains types de zéolithes de synthèse peut constituer une variante intéressante à l’emploi du charbon actif, ces matériaux qui résistent bien aux élévations de température étant quasiment ininflammables et conservant de bonnes performances pour traiter des effluents gazeux humides. Toutefois ces tamis moléculaires sont encore très onéreux (environ dix fois plus que le charbon actif) et leur marché reste donc limité.
Les traitements par absorption
L’opération d’absorption permet de transférer les polluants de la phase gazeuse vers une phase liquide, transfert de masse pouvant être accompagné d’une réaction chimique.
On note peu d’installations industrielles d’absorption traitant des effluents dont la concentration en COV est inférieure à 500 – 1000 g/m³ ; par contre, ce procédé est très utilisé pour le traitement des odeurs, en particulier dans le secteur agro-alimentaire et dans les stations d’épuration d’eaux usées.
L’effluent gazeux circule dans une unité de plusieurs colonnes d’absorption dont les solutions de lavage sont acides ou basiques (suivant le type de polluant à traiter, azoté ou soufré) [4]. Ces solutions, ayant absorbé les substances nocives, sont régénérées par oxydation à l’ozone ou au chlore, puis recyclées. Les contacteurs utilisés sont en général des colonnes garnies travaillant à contre-courant. Les dimensions classiques des colonnes de désodorisation sont de l’ordre de 2 à 3 m de diamètre avec des hauteurs de 3 à 4 m (débits de 5 000 à 10 000 m³/h).
Pour la désodorisation d’une station d’épuration d’eaux usées, par exemple, les différentes installations de traitement des eaux sont couvertes et l’air extrait de chacune d’entre elles est envoyé à l’unité de traitement des odeurs comportant 3 à 4 tours de lavage (figure 2). Dans une première colonne, une solution de lavage acide (pH = 3) traite les composés azotés (ammoniac et amines). Dans une deuxième tour, les composés soufrés (hydrogène sulfuré et mercaptans) sont lavés par une solution faiblement basique (pH = 8-9). Un troisième contacteur élimine les résiduels soufrés (mercaptans) et on trouve parfois une quatrième tour pour éliminer les composés organiques (aldéhydes et cétones).
Avantages du système
● technique souple et adaptable aux variations de charge et débits,
[Photo : Figure 5.]
- ● peu de risques au niveau de la sécurité,
- ● technique la plus performante en désodorisation,
- ● utilisation facile.
Inconvénients
- ● difficultés pour les composés non solubles dans l’eau : lavage à l’huile peu économique,
- ● corrosion et risques de toxicité avec les oxydants chimiques,
- ● coûts d’investissement et d’exploitation,
- ● nécessité du traitement des eaux usées.
L’épuration biologique
La dégradation par voie biologique est une technique relativement récente qui donne en particulier de bons résultats en désodorisation. Ainsi la plupart des applications se rencontrent dans des stations d’épuration des eaux usées et dans des industries agro-alimentaires (du type équarrissage par exemple). On l’utilise soit en traitement principal, pour de faibles charges, soit en complément d’un lavage ou d’une adsorption, si le gaz est plus concentré (au-delà de 4 g/m3).
Son atout principal par rapport aux autres techniques est sa plus grande efficacité aux très faibles concentrations (de quelques µg à 1 mg/m3).
Les procédés les plus répandus en France sont les biofiltres (figure 3) : la biomasse épuratoire, fixée sur un support inerte, dégrade biologiquement le gaz qui la traverse et le transforme en CO2, H2O et sels. Les matériaux les plus utilisés sont constitués de tourbes, composts et boues. Les bonnes performances de cette technique sont liées au maintien constant d’un bon taux d’humidité et d’un équilibre nutritionnel correct des micro-organismes (rapport DBO5/N/P = 100/5/1 environ). Les dimensions occupées par ce type d’installation sont assez imposantes : pour des biofiltres de 0,5 à 1 m de hauteur, l’occupation au sol varie en moyenne de 10 à 100 m2 pour traiter des débits de 1000 à 20 000 m3/h.
Il est à noter que dans des pays comme l’Allemagne ou la Hollande, des procédés d’épuration par lavage biologique se développent avec succès [5].
Avantages
- ● procédé le moins coûteux : faible coût d’investissement et d’exploitation,
- ● convient aux mélanges complexes,
- ● bons rendements,
- ● très performant pour les « micro-traces » (concentrations inférieures à 1 mg/m3) [4],
- ● pas ou peu de résidus.
Inconvénients
- ● faibles vitesses de réaction (1 à 3 cm/s en moyenne),
- ● fortes pertes de charge,
- ● écoulements préférentiels,
- ● colmatage des filtres,
- ● dépoussiérage et élimination des condensables nécessaires en amont,
- ● maintenance, contrôles fréquents (humidité, éléments nutritifs, détassage).
Incinération
Il s’agit du procédé le plus répandu aujourd’hui pour éliminer les solvants à faible valeur ajoutée (toluène, heptane...). Les gaz à traiter sont oxydés à haute température afin de transformer les composés hydrocarbonés en CO2 et H2O. L’oxydation peut être purement thermique ou catalytique. Les performances de l’incinération sont excellentes à condition que l’oxydation soit complète, ce qui nécessite un réglage parfait des paramètres température, temps de séjour et turbulence.
Trois types de réacteurs se partagent le marché :
- ● l’incinérateur à flamme (figure 4) permet une bonne efficacité mais s’avère très coûteux pour les faibles traces (apport de combustible, température = 800 à 1000 °C),
- ● les réacteurs catalytiques permettent de travailler, sans flamme, à plus basse température (200 à 500 °C) avec une bonne efficacité, mais leur utilisation reste limitée en raison de nombreux problèmes (empoisonnement du catalyseur, colmatages),
- ● un nouveau type de réacteur (figure 5) utilise les propriétés de matériaux spécifiques (céramique, graviers) pour conserver la quantité de chaleur et entretenir ainsi la combustion, ce qui est particulièrement intéressant pour les faibles traces de COV.
Avantages
- ● pas de déchets : destruction totale,
- ● procédé très efficace,
- ● récupération de chaleur,
- ● convient aux mélanges complexes, aux polluants non adsorbables, non solubles,
- ● traitement sans dépoussiérage (procédé thermique),
- ● simplicité d’utilisation.
Inconvénients
- ● pas de récupération des composés « polluants »,
- ● procédé coûteux (apport de combustible, prix du catalyseur et de sa maintenance), d’autant plus que les concentrations sont faibles,
- ● risque de colmatage et de contamination des catalyseurs,
- ● usure du catalyseur (désactivation, érosion...),
- ● formation de produits toxiques avec les composés soufrés et halogénés (Cl, F),
- ● rejets fréquents de NOx (conditions opératoires optimales difficiles à maintenir).
Conclusion
Il n’existe pas un procédé universel, applicable à l’ensemble des polluants figurant à l’état de traces dans de forts débits. On retrouve les trois grands procédés de traitement des gaz au sens large (incinération, adsorption,
(absorption) ainsi que le procédé biologique. D'autres traitements existent [1], mais ne s'appliquent pas au cas particulier des faibles traces ou bien sont encore à un stade de pilote de laboratoire.
Le choix technique d'un procédé de traitement est déterminé par plusieurs facteurs : le type de mélange à éliminer, la concentration des composés, le débit de l'effluent gazeux et les performances souhaitées. Cependant les inconvénients relatifs au procédé choisi, quel qu'il soit, sont tels que les industriels hésitent souvent à s'équiper. Les dimensions énormes des équipements nécessaires sont en particulier un frein à leur installation.
D'un point de vue économique, les traitements biologiques sont les plus intéressants. Viennent ensuite les techniques d'adsorption sur charbon actif, en général moins coûteuses que le lavage oxydant. Les procédés par oxydation thermique ou catalytique sont, quant à eux, les plus onéreux dans le domaine des faibles traces.
Références bibliographiques
[1] M.H. Manéro, Rapport G.F.G.P., Réseau Firtech Ingénierie et Procédés, nov. 93.
[2] K.L. Foster, R.G. Fuerman, Adsorption characteristics of trace volatile organic compounds onto activated carbon fibers, Chem. Mater., p. 1068, 1992.
[3] P. Le Cloirec, J.L. Fanlo, Traitement des odeurs, Désodorisation industrielle, Tech. Tendances, Innovation 128, Paris, Fr., 1991.
[4] G. Martin, P. Laffort, Odeurs et désodorisation dans l'environnement, Tec. & Doc, Lavoisier, Paris, 1991.
[5] K. Fouhy, Cleaning Waste Gas, Naturally, Chem. Engineering, pp. 41-46, dec. 1992.
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