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Etalonnage in situ de chaînes de débitmétrie. Cas spécifique de la mesure de débit en rejets industriels

30 mai 2002 Paru dans le N°252 à la page 35 ( mots)
Rédigé par : Gérard GRAPIN et Guy JONCA

En autocontrôle des rejets industriels, les mesures de débit sont couramment utilisées pour quantifier les flux de pollution. Le présent article décrit une méthodologie d'expertise des chaînes de débitmétrie et analyse les erreurs de mesure qui apparaissent dans un cas d'application.

En autocontrôle des rejets industriels, les mesures de débit sont couramment utilisées pour quantifier les flux de pollution.

Les débits sont calculés à partir de grandeurs connexes mesurées telles que

* la hauteur d’eau en amont d’un organe déprimogène,

* la vitesse moyenne du fluide en écoulement.

Ces grandeurs sont ensuite converties en débit par l’intermédiaire

* d’une relation reliant les caractéristiques de l’organe déprimogène et la hauteur mesurée,

* de l’estimation de la section mouillée, elle-même obtenue à partir d’une mesure de cote de surface libre.

Un des points clefs de la qualité de mesure de ces grandeurs et de leur interprétation ultérieure est le raccordement des capteurs aux étalons nationaux de mesure.

D’un point de vue purement normatif, l’étalonnage de ces chaînes de débitmétrie est l’ensemble des opérations établissant, dans des conditions spécifiées, la relation entre les valeurs indiquées par un appareil ou un système de mesure et les valeurs correspondantes d’une grandeur réalisées par un étalon de référence.

Plus que les termes de calibrage ou d’étalonnage de chaînes de débitmétrie (terminologies normatives), nous préférons le terme d’expertise qui couvre un champ d’investigation plus étendu et répond certainement mieux aux attentes des industriels qui expriment plusieurs besoins :

* dans le cadre de l’assurance qualité, garantir le raccordement aux étalons nationaux de leurs chaînes de débitmétrie,

* pour le calcul des redevances, vérifier leurs débitmètres pour limiter les écarts lors des contrôles,

* résoudre des problèmes de mesurage apparaissant lors de bilans incohérents.

[Photo : Figure 1 : Diagramme d'Ishikawa des paramètres contribuant à l'incertitude d'une mesure de hauteur par un limnimètre à ultrason (liste non exhaustive)]

d'entrée-sortie des procédés afin de mieux gérer les flux, réorganiser la collecte et éventuellement la réutilisation partielle des effluents.

Dans le cas de mesures continues, il est commode d'utiliser un étalon de contrôle. L'étalon de contrôle doit être lui-même étalonné et confirmé. La vérification de l’étalon est pour des raisons techniques souvent réalisée en condition de laboratoire alors qu'il est ensuite implanté sur site pour la vérification du système de mesure. Ceci pose le problème des « conditions spécifiées » dont la définition est plus difficile à formuler.

Le présent article décrit une méthodologie d'expertise des chaînes de débitmétrie et analyse les erreurs de mesure qui apparaissent dans un cas d’application.

Méthodologie testée sur plusieurs sites industriels

L'expérience montre que si l’on réalise un étalonnage, une vérification en laboratoire de deux débitmètres à l'aide d’un simulateur (colonne d’eau, générateur de pression), et que l'on compare les valeurs mesurées par ces deux instruments, on observe généralement les phénomènes suivants :

– Avant installation sur site, on constate un écart entre les mesures obtenues par les deux systèmes que l’on peut chiffrer en valeur de décalage de zéro, de pente ou de linéarité. Ces écarts sont en général dans l'incertitude obtenue par les constats de vérification. Les deux systèmes produisent des données cohérentes et satisfaisantes.

– Après installation sur un site industriel, la comparaison des valeurs mesurées montre, dans certains cas, une variabilité entre les mesures que l’on ne peut plus seulement expliquer en termes de décalage de zéro, de pente ou de linéarité. L’écart entre les mesures n’est plus dans l’incertitude des constats d’étalonnage et pourtant ces appareils étaient parfaitement étalonnés.

On peut émettre alors différentes hypothèses quant aux causes de la variabilité constatée :

* un phénomène d’hystérésis normalement mis en évidence lors d'une opération de vérification,

* l’encrassement et la dérive des instruments qui devraient être faibles sur la période d'un bilan métrologique,

* l’effet de variations de débit et température souvent rapides et simultanées,

* une mesure bruitée par l’effet de turbulences hydrodynamiques,

* un écart de zéro, de pente ou de linéarité supplémentaire pouvant être expliqué par :

1. un écart géométrique de positionnement entre les sondes de mesure,

2. une différence dans la géométrie de l’organe de mesure (canal, tuyau) provoquant un écart entre deux points de mesure distincts.

Ceci démontre l’intérêt d’effectuer l’expertise en conditions réelles de mesure afin de mieux comprendre l’effet de l’environnement. Une sonde étalonnée en laboratoire ou sur site par un simulateur (hauteur d’eau dans une colonne etc.), puis réinstallée dans le système de mesure peut fournir des données biaisées par suite des conditions et perturbations environnementales non prises

[Photo : Figure 2 : Schéma simplifié du système de mesure]

en compte dans une opération d’étalonnage ponctuelle.

Outre les défauts liés à l’implantation du système de mesure, les perturbations les plus gênantes sont celles générées directement par l'activité des ateliers, ce qui implique de mener l'expertise sur une durée couvrant un cycle complet de l’activité considérée typiquement 3 à 10 jours.

À titre d’exemple la figure 1 (diagramme d'Ishikawa) donne de façon non exhaustive une liste de paramètres contribuant à l'incertitude d'une mesure.

La mesure de hauteur s’inscrit dans une chaîne métrologique où d'autres erreurs, incertitudes, peuvent la perturber.

Les considérations précédentes montrent que l’expertise de la chaîne de mesure déborde largement de la simple action de vérification du bon fonctionnement ou d’étalonnage de la sonde de mesure.

Ainsi nous préconisons l'approche générale suivante :

  • * de ne pas déplacer la/les sondes existantes et d’effectuer une comparaison de mesure avec d'autres capteurs calibrés en laboratoire et implantés sur le site à côté des sondes existantes,
  • * de mettre en œuvre simultanément des capteurs étalons de nature différente (exemple un bulle à bulle, une sonde piézo, ou un système à ultrason) de façon à minimiser les effets des perturbations qui agiraient plus spécifiquement sur un des systèmes de mesure,
  • * de vérifier la compensation des débitmètres aux variations de pression atmosphérique, de la température de l'eau, de la température de l’air. La vitesse de réaction de ces compensations est également à considérer. Pour ce faire, nous mesurons simultanément, sur le site durant le laps de temps où sera effectuée l’expertise, les variations de pression atmosphérique et de température de l’eau et de l’air environnant,
  • * d'effectuer les mesures le plus longtemps possible pour couvrir au minimum un cycle d'activité.

Ainsi la procédure proposée comprend la liste minimum suivante des investigations à réaliser :

  • * étalonnage des débitmètres de référence en laboratoire avec fourniture d'un certificat d’étalonnage,
  • * expertise du poste de mesure à la recherche d’anomalies éventuelles (installation du canal, positionnement de la sonde en place etc.),
  • * nettoyage éventuel du canal,
  • * vérification des cotes du canal, de l’organe déprimogène,
  • * identification d’éventuelles modifications réalisées depuis l’installation des ouvrages,
  • * contrôle de l'existant par rapport aux données constructeur,
  • * installation des sondes de référence : mesure de la hauteur d’eau, de la température de l’eau, de la température de l’air à la surface du canal près des sondes, de la pression atmosphérique,
  • * vérification au réglet des hauteurs obtenues par tous les instruments après installation et comparaison par rapport à celles données par un réglet de référence,
  • * enregistrement des données sur une durée de 2 à 7-10 jours avec une période d’échantillonnage la plus petite possible de l’ordre de 10 s.
[Photo : Figure 4 - Évolution de la dérivée de la température et de l’erreur pour le capteur piézométrique P1 durant une journée]
  • * vérification au réglet avant démontage par comparaison des valeurs obtenues par les sondes et par le réglet de référence,
  • * vérification et ajustage des indicateurs et enregistreurs au générateur 4-20 mA,
  • * vérification et ajustage des transmetteurs de température. Vérification de la sonde industrielle de correction de température en la trempant dans un mélange glace/eau et vérification de la température donnée par le transmetteur. Mesure de la valeur de décalage,
  • * vérification de l’électronique de traitement (linéarisateur ...).

Suite à plusieurs campagnes de mesure réalisées selon le protocole défini précédemment, nous décrivons, à titre d’exemple, un phénomène couramment rencontré sur les chaînes de débitmétrie à canal ouvert.

Présentation de quelques résultats obtenus sur différents sites

Durant le temps d’observation préconisé, les capteurs industriels et de référence produisent chacun plusieurs dizaines de milliers de données qui sont ensuite exploitées en fonction des objectifs recherchés.

Outre les défauts de mesurage classiquement retrouvés (pente, décalage, etc.), nous évaluons les possibilités de compensation en température des appareils installés. Les flux industriels se caractérisant assez souvent par le rejet d’effluents plus ou moins chauds qui arrivent brutalement devant les sondes et appareillage de mesure.

Dans l’exemple suivant l’appareillage en place était constitué de deux sondes piézométriques P1 et P2 vérifiées ponctuellement au départ de l’expérimentation auxquelles nous avons ajouté comme élément de référence un capteur type bulle à bulle B étalonné en laboratoire.

Une vérification sur site et en statique des trois sondes sur cinq mesures conduit aux

[Photo : Figure 3 - Tableau des vérifications de l’étalonnage]

valeurs de la figure 3.

Pour les types de sondes utilisées et les plages de hauteurs, les valeurs obtenues sont considérées comme satisfaisantes. L'ensemble métrologique est ensuite soumis aux conditions réelles de mesure pendant une dizaine de jours. Les deux figures suivantes montrent l’évolution de la dérivée de la température de l’effluent exprimée en °C·mn⁻¹ et l'écart en pourcentage entre chacun des deux capteurs piézométriques et le capteur de référence bulle à bulle.

[Photo : Evolution de la dérivée de la température et de l’erreur pour le capteur piézométrique P2 durant une journée]

L'examen de la figure 5 montre une nette similitude dans l’évolution des signaux de dérivée de la température et d’écart de mesure par rapport à la mesure bulle à bulle considérée comme référence.

Les deux capteurs conduisent à des écarts d’environ –3 % à +10 % pour des vitesses de variation maximales de température de +0,4 °C par minute. Le maximum des pics des écarts apparaît environ 3 mn après celui de la température.

[Photo : Comparaison de l’écart mesuré et de son modèle]

Nous avons cherché à expliquer, par un modèle, l’écart de mesure par rapport à la variabilité de la dérivée de la température. Pour le cas de la sonde piézométrique P2, on obtient la figure 6 montrant l’écart de mesure en pourcentage entre la sonde P2 et la sonde référence et la modélisation de cet écart à partir de la dérivée de la température.

Les deux courbes présentent des variations similaires.

Une partie de l’écart de mesure peut s’expliquer par les variations de la température.

Les coefficients de corrélation linéaire entre les différentes grandeurs sont les suivants (Tableau 1).

Tableau 1 : Coefficients de corrélation linéaire

Ecart P2 / référence1.00.60.8
Modèle de l’écart0.61.00.3
Résidu écart – modèle0.80.31.0

La corrélation linéaire entre le résidu (écart – son modèle) par rapport au modèle de l’écart est nulle.

Nous avons extrait du signal caractérisant l’écart de mesure la partie déterministe due principalement aux brutales variations de température.

Nous n’avons pas reproduit les mêmes illustrations pour la sonde P1 qui semble moins sensible aux variations de température.

Conclusion

La métrologie sur site utilise des hypothèses structurales et fonctionnelles des installations dont on ne peut garantir le respect à tout instant.

La vérification d’un point industriel ne peut se faire ponctuellement ; les capteurs en place et de référence doivent être laissés sur site pendant plusieurs jours afin de couvrir le maximum de situations possibles.

Les sources d’erreur sont nombreuses et couvrent toute la chaîne métrologique y compris le traitement des mesures.

Les références étalonnées en laboratoire et utilisées sur site sont elles aussi soumises à diverses perturbations et contraintes. L’enregistrement de données complémentaires telles que les températures de l’eau et de l’air, la pression atmosphérique est jugé indispensable pour comprendre d’éventuels écarts constatés entre les différentes chaînes de mesure. Il faut alors choisir judicieusement sa/ses chaînes de référence en fonction des perturbations auxquelles elles seront soumises : variation de température, de densité, etc.

Il faut éviter d’utiliser des capteurs de référence fonctionnant selon le même principe que ceux des systèmes en place.

Selon le type de chaîne de débitmétrie et les objectifs poursuivis, nous proposons les références métrologiques suivantes pour les vérifications sur sites :

  • • Canaux ouverts : capteur de hauteur d’eau avec comme références métrologiques l’utilisation d’une colonne d’eau avec réglet ou l’utilisation d’un générateur de pression.
  • • Conduites fermées : autant que possible par jaugeage d’une fosse ou bac avec sonde de hauteur avec comme références métrologiques un mètre étalonné, sinon emploi d’un moulinet électromagnétique intrusif, sinon débitmètre à ultrason.
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