Jusqu'à un passé récent, en effet, on avait considéré les eaux de ruissellement (ou eaux pluviales) comme des sources de pollution négligeables : or, les études faites montrent à l'évidence que la pollution collectée sur les surfaces imperméables, telles que les chaussées autoroutières, les grands parkings urbains et, en général, les chaussées et trottoirs raccordés aux réseaux urbains d’eaux pluviales, n’était pas négligeable et contenait en particulier des hydrocarbures et des métaux lourds. Il y a lieu de prendre en compte également les risques accidentels comme, par exemple, ceux dus au déversement de citernes sur les chaussées.
Les eaux de ruissellement, quant à elles, sont polluées par le lessivage des sols imperméables, qui accumulent des matières minérales et organiques.
Selon le problème à résoudre, ces eaux sont traitées dans des séparateurs statiques qui éliminent par décantation les matières denses, sable et boues, les graisses, huiles, hydrocarbures et autres matières flottantes.
Les séparateurs traditionnels sont d’une efficacité relative, variable en fonction des conditions de charge hydraulique auxquelles ils sont soumis.
Nature des essais
Pour améliorer l’efficacité de ces séparateurs, nous installons en complément de finition une cartouche ITE-SORB composée d'un média oléophile, le Rhodia Sorb DF, qui assure un double rôle :
- — captage par adsorption des hydrocarbures libres,
- — adsorption des produits chimiques en solution.
Les essais ont été conduits et réalisés au laboratoire de l'Ircha (Institut de recherche de chimie appliquée de Villeneuve d’Ascq), dirigé par M. Prudhon*. Ils ont consisté à transposer à l’échelle d'un pilote de laboratoire le fonctionnement d'un séparateur pour eaux de ruissellement d'une station-service urbaine de Lille (figures 1 et 2).
Composition de l’effluent-type
Les boues ont été prélevées dans les caniveaux de la station-service, pour composer après dilution un échantillon-type d’effluent ayant comme caractéristiques :
— MES (matières en suspension) : environ 500 mg/l,
— DCO (demande chimique en O₂) : environ 170 mg/l,
— HC (hydrocarbures totaux) : environ 30 mg/l.
Caractéristiques hydrauliques
Pour une station-service type présentant une surface de ruissellement de 250 m², on a adopté les valeurs suivantes :
— débit nominal à prendre en compte (selon arrêté 261.b) : 45 l/h/m² × 250 = 11 250 l/h,
— pluviométrie annuelle : 700 mm,
— volume total annuel : 175 m³.
* Ils ont été financés par un contrat ANVAR d’Aide à l’Innovation.
[Photo : Photographie du pilote.]
[Schéma : Schéma du pilote.]
Tableau I
Éléments – Essai de perte de charge
Échelle de volume (1/300) : 300 l
Échelle de temps (1) : 25 min
Échelle de débit (1/300)
moy : 0,7 m³/h
max : 11,2 m³/h
Échelle à débit constant pendant 24 h du pilote
Débit réel (l/h) |
Vitesse en cm/min |
m/h |
Volume l/j |
Perte de charge en cm/24 h |
5 |
5,15 |
12,2 |
73 |
1,8 |
10 |
9,0 |
21,4 |
128 |
1,8 |
15 |
14,4 |
34,3 |
206 |
2,1 |
20 |
21,3 |
50,7 |
345 |
2,3 |
— nombre moyen d’heures de pluie par an : 250 h
— débit moyen d’une pluie : 700 l/h
Caractéristiques d’échelle
L’échelle directrice est le volume correspondant au temps de séjour dans le séparateur (tableau I).
Nous avons travaillé dans les trois gammes de débit suivantes :
— débit nominal (QN) = 5 l/h,
— débit annuel (Q1) = 12 l/h,
— débit décennal (Q10) = 30 l/h.
Résultat des essais
Essai de perte de charge
On a utilisé une cartouche ITE SORB d’un volume de 70 cm³ et d’une densité de bourrage de 50 g/l, avec les résultats portés en tableau II.
Quel que soit le débit, on n’a constaté aucun colmatage de la cartouche ; la perte de charge est restée inférieure à 3 cm CE.
Il faut noter que, sur le pilote, un débit continu de 12 l/h en 24 h correspond à la pluviométrie d’une année.
Tableau II
Essai de perte de charge à débit constant pendant 24 h
Débit minimal (l/h) |
Débit réel (l/h) |
Vitesse en cm/min |
m/h |
Volume l/j |
Perte de charge en cm/24 h |
5 |
5,15 |
12,2 |
7,3 |
123 |
1,8 |
10 |
9,0 |
21,4 |
12,8 |
216 |
1,8 |
15 |
14,4 |
34,3 |
20,6 |
345 |
2,1 |
20 |
21,3 |
50,7 |
34,6 |
511 |
2,3 |
Réduction de la pollution
Les résultats obtenus sont portés sur la figure 3. On peut y observer qu’après une décantation simple la concentration évolue de telle sorte que :
— les MES passent de 100 % à 45 % (soit une réduction de 55 %),
— la DCO tombe de 100 % à 75 % (soit une réduction de 25 %),
— les HCT descendent de 100 % à 55 % (soit une réduction de 45 %).
Après décantation et adsorption on constate les abattements suivants :
— les MES : de 100 à 15 (soit une réduction de 85 %),
— la DCO : de 100 à 35 (soit une réduction de 65 %),
— les HCT : de 100 à 25 (soit une réduction de 80 %).
On note également que la phase d’adsorption permet aux HCT de descendre sous le seuil de 10 mg/l.
[Photo : Fig. 3 : Résultats obtenus sur le plan de la réduction de la pollution. Nota : Les pourcentages indiqués correspondent à des moyennes. Les points, carrés et croix correspondent aux résultats ponctuels des analyses.]
Conclusion
Dans la gamme des débits étudiés (correspondant à une charge superficielle de 1 à 4 l/s/m²), l’efficacité de la décantation simple ne semble pas liée au débit : la réduction moyenne de la pollution est de l’ordre de 50 % pour ce qui concerne MES, DCO, HC.
Il semble y avoir une corrélation entre les indicateurs de pollution MEST, DCO, HC. Les matières minérales agglomèrent hydrocarbures et autres matières polluantes.
L’adsorption augmente l’efficacité du pré-traitement de 50 %, ce qui permet d’atteindre des objectifs de qualité tels que le seuil de 10 mg/l en hydrocarbures, et un niveau de rejet correspondant sensiblement au niveau « e » de la circulaire du 4 novembre 1980 concernant les conditions de rejet des effluents urbains.
Des contrôles de granulométrie montrent qu’après adsorption, la taille pondérée moyenne des particules est inférieure à 30 microns (méthode Coultronics-Dis).
Cet essai a permis de reconnaître un secteur particulier de la pollution concernant les stations-service ; il donne des points de référence pour rechercher le matériel de lutte contre la pollution correspondant aux exigences du milieu récepteur.