Concilier une exploitation susceptible de générer des nuisances olfactives avec le respect de la qualité de vie des employés et des riverains n?est pas simple. Toutefois des solutions existent ; la société lyonnaise Icare, filiale de Locabri, propose des bâtiments équipés de filtres photo-catalytiques permettant de confiner et d'éliminer les émissions odorantes d'une manière efficace et totalement écologique. Ces installations permettent ainsi de poursuivre une activité industrielle dans le respect de l'environnement et du voisinage.
Nombre d’industriels, de communes ou communautés de communes, sont confrontés aux plaintes du voisinage liées aux odeurs nauséabondes qui se dégagent de manière incontrôlée de diverses installations : station d’épuration, unité de traitement des boues, déchetterie, conserverie, tannerie, etc. La perception d’odeur résulte de la présence dans l'environnement de composés gazeux (COV) de faible poids moléculaire, les principaux composés odorants appartenant aux familles chimiques suivantes : soufrés, azotés, aldéhydes, acides, ainsi que H₂S et NH₃. Face à la prise en compte croissante de la qualité de l'environnement, on assiste à une prise de conscience de la part des exploitants pour trouver des solutions, d’autant plus que la législation impose désormais des contraintes en termes de conformité sur des installations existantes. L’arrêté du 22 avril 2008 stipule ainsi que les sites de compostage ne doivent pas dépasser un seuil olfactif de 5 UOe plus de 2 % du temps.
Une première solution : le biofiltre
Une des premières solutions qui a émergé est le biofiltre. Cette technique consiste à forcer le passage du gaz à traiter à travers un matériau de garnissage maintenu à un taux d’humidité optimal, sur lequel sont fixés les micro-organismes épurateurs. Le biofiltre autorise un abattement conséquent des odeurs, cependant encore insuffisant.
faisant. La biofiltration demande de plus un contrôle régulier des micro-organismes vivants.
Différents procédés ont été utilisés, l'un des plus performants étant le charbon actif. Ce dernier offre en effet une grande capacité d’adsorption permettant de récupérer les molécules indésirables des fluides gazeux.
L'existence de systèmes industriels de traitement des odeurs a été une réelle avancée avec toutefois trois inconvénients majeurs : le coût de maintenance très élevé, une surveillance permanente et le manque de modularité des procédés.
Associer charbon actif et photocatalyse
Une solution plus aboutie apparaît progressivement : l'association des deux systèmes - charbon actif et photocatalyse - afin d’augmenter leurs performances respectives. La photocatalyse est basée sur l'excitation d'un semi-conducteur soumis à des rayonnements dont l’énergie est au moins égale à celle de la bande interdite du semi-conducteur. L'excitation photonique conduit à la création de paires électron/trou positif. Ces paires sont des systèmes oxydo-réducteurs puissants. Ils conditionnent la capacité des photocatalyseurs à détruire les polluants organiques adsorbés sur leur surface.
La société Icare a eu l’opportunité de tester cette association pour la station balnéaire de Sainte-Maxime (Var). Très prisée des touristes l’été, Sainte-Maxime souhaitait choisir une solution écologique pour éradiquer les nuisances olfactives émises par sa station de compostage. Les boues de la station sont dirigées vers une station de compostage. C’est le processus chimique intervenant lors de la phase de mélange et la fermentation du compost, qui provoquent des dégagements d’odeurs nauséabondes.
« Nous avons une population qui vit ici au quotidien et qui a subi au cours de la première année de mise en service de la station de compostage, des nuisances olfactives » souligne Catherine Walter, directrice du SIVOM Sainte-Maxime.
C'est le procédé photocatalytique commercialisé en exclusivité par la société lyonnaise Icare qui a été retenu.
Les zones de mélange et de fermentation sont situées dans un bâtiment dont l'air est traité par deux biofiltres. La maturation intervient en extérieur. Deux causes sont à l'origine des nuisances olfactives : le sous-dimensionnement des biofiltres et la phase de maturation.
Bien qu’efficaces et nécessaires, les biofiltres libèrent des composés générateurs de pollution olfactive. La société Icare est donc intervenue en 2008 pour couvrir ces biofiltres à l'aide de filtres photocatalytiques. Devant l'efficacité de cette technologie propre, autonome et économe en énergie, le SIVOM a décidé de faire une nouvelle fois appel à Icare pour couvrir la phase de maturation, à l'aide d’un bâtiment anti-odeurs fonctionnant selon le même process. Ce dispositif a ainsi éradiqué totalement la pollution olfactive.
Un procédé écologique basé sur la photocatalyse
Au prix d’importants investissements en recherche et développement, Ahlstrom a réussi à développer un filtre qui réunit les propriétés d’adsorption du charbon actif et de la photocatalyse à base de dioxyde de titane (TiO₂). Ce média photocatalytique a fait l'objet d'un dépôt de brevet par Ahlstrom. Une fois le filtre mis au point, Locabri a conçu le bâtiment d’exploitation de cette technologie de dépollution, un bâtiment modulaire entièrement équipé de bâches filtrantes actives.
Le procédé, étudié en partenariat avec l'Ademe, utilise des énergies renouvelables (UV solaires), se régénère quotidiennement et ne produit aucun déchet.
Quel principe de fonctionnement ?
Dans un premier temps, les molécules sont adsorbées sur la surface du charbon actif. Il s'agit d’une des techniques les plus performantes pour traiter les COV (composés volatils odorants). Compte tenu de la grande surface de médias filtrants positionnés sur la périphérie du bâtiment, l'air traverse ces derniers à une vitesse très faible (autour de 0,05 m/s), augmentant l’efficacité de l'adsorption. Disposant de plus d’une très fine épaisseur, les filtres apportent une perte de charge très limitée (une dizaine de Pa). L'inconvénient majeur associé au charbon actif est sa saturation (15 à 20 % de sa masse). C’est pourquoi une photocatalyse est parallèlement mise en œuvre en phase gazeuse par le dioxyde de titane (TiO₂) sous irradiation dans la longueur d’onde des ultraviolets. Les COV, emprisonnés dans le filtre, sont alors minéralisés et évacués sous forme de CO₂ et de vapeur d’eau. Le charbon actif est ainsi régénéré et reste fonctionnel pendant au moins 3 ans. Ce dernier point est un avantage non négligeable en termes d'investissement financier et de développement durable : le filtre s’auto-régénère grâce aux UV solaires, ne produit aucun déchet et ne nécessite aucun additif.
Le bâtiment anti-odeurs se présente comme une structure modulaire entièrement équipée de bâches actives. Ce type de bâtiment offre une solution aussi rapide et efficace qu’économique aux problèmes de pollutions olfactives. Il peut être directement implanté sur site pour réaliser une chambre de filtration ou couvrir un stockage d'effluents odorants. Le caractère modulaire permet de réaliser une protection sur mesure, avec un large choix de longueurs, largeurs et hauteurs, le tout applicable rapidement.
Des résultats probants immédiats
Les plaintes du voisinage cessent rapidement une fois la solution Icare employée. Quelques chiffres à l'appui (Tableau 1).
Tableau 1 : Structure installée chez Ahlstrom, bureau de contrôle : Burgeap
Point de prélèvement | Consistance de l’odeur (UOₑ/m³) |
---|---|
1 (intérieur avant dispositif) | 1810 |
2 (extérieur après dispositif) | 230 |
3 (intérieur avant dispositif) | 3670 |
4 (extérieur après dispositif) | 230 |
5 (intérieur avant dispositif) | 4830 |
6 (extérieur après dispositif) | 240 |
Résultat sur l’abattement des unités d’odeur intérieur bâtiment/extérieur sur filtre
Ces chiffres mettent en valeur l'efficacité de la technique Icare utilisée, en particulier pour les points 5 & 6 : 95 % d’abattement.
Ces résultats (tableau 2) mettent en avant une nette diminution des composés à l’ori–
Tableau 2 : Pilote installé en Suisse – Bureau de contrôle : Explorair
Familles | Passif intérieur | Passif extérieur | Rendement | Dynamique intérieur | Dynamique extérieur | Rendement |
---|---|---|---|---|---|---|
A.G.V. | 78,7 | 0 | 100 % | 131,1 | 0 | 100 % |
ALCANES | 450,7 | 14,6 | 97 % | 468,9 | 0,7 | 99 % |
ALDÉHYDES | 54,5 | 0 | 100 % | 28 | 0 | 100 % |
TERPÈNES | 39,2 | 0 | 100 % | 28 | 0 | 100 % |
Résultat d’analyse physico-chimique intérieur bâtiment/extérieur sur filtre
Vers une nouvelle révolution en termes d’innovation
L'expertise des demandes exprimées – entre autres à l’Île Maurice – a incité Icare à optimiser les technologies existantes. La structure accueillant les filtres et la photocatalyse se réduit en dimension et devient caisson, superposable si besoin, capable d’être utilisé en application unique ou en complément d'une installation existante, par exemple après une tour de lavage pour traiter les mercaptans résiduels (voir schéma ci-contre).
Pour plus de capacité, Icare a choisi de proposer le développement d'une technologie avec association des U.V. artificiels. La capacité quotidienne de traitement est directement proportionnelle à la durée d’exposition aux U.V. et à l'intensité de ces derniers. La capacité de traitement en exposition aux U.V. solaires est de 10 g/m² ; avec les U.V. artificiels, elle atteint 140 g/m².
Cette solution amène donc une plus grande modularité. Les nuisances dans un bâtiment existant peuvent être traitées par une mise en dépression de l’enceinte dirigeant l'air canalisé vers le caisson de traitement avant rejet dans l’atmosphère. Les caissons de filtration sont disponibles à la vente mais également à la location, ce qui offre aux industriels la possibilité de faire face à un problème ponctuel, de solutionner rapidement un conflit de voisinage sans phase d’investissement ou tout simplement de tester l’efficacité du système in-situ. À ce jour, plusieurs industriels sont intéressés et les premières livraisons sont prévues pour le dernier trimestre 2009.