Les effluents de l'industrie Marocaine de textile sont évacués, sans traitement, dans le milieu récepteur et génèrent d'énormes nuisances pour l'environnement. Dans cet article, nous présentons l'étude d'essais d'épuration des eaux usées de textile de la Société de Confection Industrielle Marocaine "SCIM" d'El Jadida. Les résultats d'analyses physico-chimiques de ces eaux montrent qu'elles présentent des teneurs moyennes en matières organiques (DCO = 3 500 mg/l, DBO5 = 530 mg/l) et en suspension (MES = 1 300 mg/l) avec un rapport DCO/DBO5 qui atteint parfois 6,8. Le rejet de ces eaux usées brutes engendre des nuisances pour l'environnement. Les résultats de traitement par coagulation - floculation de ces rejets, en utilisant le chlorure ferrique, le sulfate d'aluminium et la chaux, montrent que les trois coagulants entraînent une élimination importante de la matière organique mais la chaux reste le coagulant le mieux indiqué car il donne un effluent très clair, des teneurs en matières organiques respectant le cahier de charge de l'usine (DCO/DBO5 < 3) et entraîne aussi une bonne élimination des odeurs. L'utilisation de grandes quantités de fer et d'aluminium dans le traitement de ces eaux (2,1 g et 1,7 g pour traiter un litre d'échantillon respectivement par le fer et l'aluminium) pose un problème important de coût et de gestion des boues, qui en résultent, riches en métaux lourds.
La ville d’El Jadida, futur deuxième pôle industriel du Maroc, connaît actuellement un développement urbain et industriel important et se trouve confrontée à de graves problèmes d’assainissement liquide et solide. Les usines installées dans la zone industrielle d’El Jadida sont de nature agro-alimentaire, textile et cuir, chimique et para-chimique, mécanique, métallique et électrique.
Mots clés : eau usée industrielle, traitement, coagulation-floculation, boue, environnement, textile.
Les industries rejettent leurs effluents en mer, via les égouts municipaux, sans le moindre traitement préalable. La charge totale rejetée par la zone industrielle est d’environ 22 884 kg/j de DCO, 6 807 kg/j de DBO₅, 637 kg/j d'azote et 40 kg/j de phosphore. Ce qui constitue à la fois une perte d'un grand potentiel hydrique, une menace, à moyen et long terme, pour les ressources halieutiques et les activités touristiques et des risques sanitaires pour la population qui se trouve à proximité des rejets. Tous ces problèmes appellent à l'urgence et font que des réflexions et des actions s'imposent afin de protéger et de développer l’environnement industriel de la ville.
Dans le but de cerner les problèmes de l’assainissement liquide de la zone industrielle d’El Jadida et de développer des solutions curatives, nous avons jugé nécessaire, en collaboration avec l'association de cette zone, d'effectuer une étude détaillée des rejets industriels puis d’étudier séparément les eaux résiduaires de chaque industrie. À cet effet, la Société de Confection Industrielle Marocaine (SCIM) a été choisie comme modèle pour élaborer un programme de traitement de ses rejets liquides.
Les activités de cette société sont principalement la confection et le lavage des articles, généralement en « jean » bleu, destinés essentiellement à l’exportation (Angleterre, Allemagne, Espagne…). Elle rejette, sans aucun traitement, un volume d’environ 80 m³/j d'eaux résiduaires très colorées en bleu.
Ces eaux contiennent une diversité de substances organiques et minérales telles que les fibres de cellulose, les colorants, les détergents anioniques et neutres, les adoucissants organiques, les anti-redéposants et les substances minérales (silice, chlorures, sulfates, sodium, calcium, métaux lourds). Le mélange de ces substances rend l’effluent très complexe avec une charge organique et minérale élevée pouvant engendrer des nuisances.
Tableau 1 : Fréquence des prélèvements des rejets de SCIM
Paramètres analysés | Fréquence des prélèvements | Site de prélèvement |
---|---|---|
Paramètres analysés : pH | - Chaque jour durant le premier mois ;- Tous les trois jours durant le deuxième mois ;- Chaque semaine durant les dix mois restants. | Site de prélèvement : Entrée et sortie des bassins. |
Paramètres analysés : DCO, DBO, turbidité | - Chaque semaine durant les deux premiers mois ;- Tous les quinze jours pendant les autres mois. | Site de prélèvement : Entrée et sortie des bassins. |
Paramètres analysés : CE, MES, NTK, Pt, TH, SO42- et Cl- | - Chaque trimestre | Site de prélèvement : Entrée et sortie des bassins. |
Nuisances potentielles pour l'environnement.
Les responsables de cette société se trouvent aujourd’hui face à la protection de leur image de marque et la sauvegarde de l'environnement et sont amenés à respecter les directives du cahier des charges relatif aux rejets industriels, imposées par les nouvelles réglementations gouvernementales. Plusieurs études ont montré que la décoloration de ce type de rejet est faisable par le charbon actif, le peroxyde d’hydrogène, l’ozone ou autres agents décolorants (Sheng et Wen, 1994 ; Carriere et al., 1993 ; Sheng et Chim, 1992 et 1993). Cependant, le coût relatif à ces techniques de dépollution est très élevé. La coagulation-floculation de ces eaux par des coagulants minéraux constitue à son tour une solution alternative à ces traitements (Koprivanac et al., 1993).
Cette étude présente les résultats des essais de traitements physico-chimiques (coagulation-floculation) du rejet global de la Société de Confection (SCIM), en utilisant la chaux qui s'avère être le coagulant le mieux adapté à l’effluent, le sulfate d’aluminium et le chlorure ferrique. D’autres coagulants ont également été essayés. L’objectif de l'étude est d’évaluer d’une part l’efficacité de ces coagulants minéraux dans le traitement de ces eaux usées très colorées et turbides, et d’autre part d’identifier des méthodes de traitement des rejets textiles à faible coût permettant la protection de l'environnement.
Méthodologie
Les eaux usées de textile sont principalement issues du lavage du tissu et sont stockées dans deux bassins, sous-dimensionnés, avant d’être évacuées à l'égout de la ville. Les différents essais de coagulation-floculation ont porté sur le rejet global sortant de l’usine. Les coagulants utilisés sont la chaux, le sulfate d’aluminium et le chlorure ferrique.
Dans un premier temps, l’optimisation de la vitesse et de la durée d’agitation ainsi que les essais de coagulation-floculation-clarification ont été réalisés dans un banc de jar-test à la température de 25 °C. La coagulation est réalisée sous agitation rapide à 250 tours/minute pendant 5 minutes. L’introduction du coagulant (sulfate d’aluminium ou chlorure ferrique) s’effectue pendant cette étape par injection à l’aide d’une pipette. Ensuite, l’étape d’agitation lente (floculation) est effectuée à 30 tours/minute pendant 12 minutes. La décantation se fait dans le même bécher de floculation pendant 30 minutes, puis le surnageant est siphonné pour analyse ultérieure. L’ajustement du pH a été effectué par ajout d’acide sulfurique ou d’hydroxyde de sodium. L’essai de chaulage se fait dans les mêmes conditions en ajoutant aux échantillons des doses croissantes de lait de chaux à 40 % de CaO. Ensuite, dans un deuxième temps, ces essais ont été effectués en utilisant la chaux, dans des pilotes au laboratoire.
[Figure : Tableau 2 – Caractéristiques physico-chimiques moyennes du rejet de la SCIM]toires sur des volumes variants de 10 à 30 litres et dans des bacs d’agitation à l’usine sur des volumes de 500 à 1 000 litres d’eaux résiduaires en contrôlant la vitesse et le temps d’agitation.
Les paramètres physico-chimiques : matières en suspension (MES), Demande Chimique en Oxygène (DCO), Demande Biologique en oxygène (DBO5), Azote Total Kjeldahl (NTK), Phosphore total (Pt), Titre hydrotimétrique (TH), Chlorures (Cl-) et Sulfates ont été déterminés selon les normes A.F.N.O.R en vigueur.
La caractérisation physico-chimique du rejet textile a été effectuée durant l’année 1997 selon la fréquence indiquée sur le tableau 1.
Résultats et discussion
Qualité de l’effluent
Afin de caractériser les eaux résiduaires rejetées par la SCIM, plusieurs prélèvements et analyses ont été effectués en fonction du cycle et de la nature de la production. La qualité physico-chimique moyenne de ces eaux est résumée dans le tableau 2.
On constate que ces eaux sont très turbides, très chargées en matières organiques, matières en suspension, sels, sulfates, phosphore et azote. La qualité physico-chimique de ces eaux varie en fonction de la nature du tissu lavé et des produits ajoutés pour le lavage (enzymes, pierres ponce, adoucissants, eau de Javel…). En effet, l’utilisation de la pierre ponce et des autres produits permet un grattage important et un relargage intense de la matière organique (couleur, fibre de tissu…). Le rejet de cette charge polluante à l’égout présente certainement des nuisances potentielles pour le milieu récepteur (abrasion des conduites d’évacuation, impact sur la faune et la flore marines, mauvaises odeurs…).
L’examen des rapports DCO/DBO5 montre que ces eaux sont difficilement biodégradables. Ce rapport varie de 4 à 6,8 et montre que 76 % à 85 % de la matière organique contenue dans ces eaux est complexe, difficile à éliminer par un traitement biologique conventionnel.
Compte tenu de la qualité et de la nature de la pollution contenue dans ces eaux, nous avons mené des essais de traitement physico-chimique au laboratoire et à l’usine, en utilisant le chlorure ferrique, le sulfate d’aluminium et la chaux. L’objectif de ces essais est de restituer à l’environnement un effluent épuré par une technique économiquement acceptable, qui permet de réduire ou d’éliminer la pollution engendrée par les rejets de textile (couleur, turbidité…). Ces derniers doivent respecter les normes imposées par les autorités.
Efficacité de l’épuration par la chaux
La disponibilité de la chaux au Maroc ainsi que son pouvoir épurateur nous ont poussés à l’essayer comme un moyen de traitement des eaux turbides, chargées en matières organiques et colorées telles que les eaux usées de l’industrie de textile (Société de Confection Industrielle Marocaine). Pour cela, plusieurs essais de traitement de ces eaux ont été effectués dans le jar-test et dans un bac de 1 m³ de volume, en suivant
Tableau 3 : Résultats du traitement des eaux usées
Masse de la chaux (g/l) : | 0 | 0,2 | 0,3 | 0,4 | 0,5 | 1 | 1,5 | 2 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
pH de chaulage : | 7,2 | 9,5 | 9,63 | 9,85 | 10 | 11 | 11,5 | 12 |
DCO (mg/l) : | 3520 | 2680 | 2280 | 1200 | 1080 | 940 | 840 | 700 |
DBO5 (mg/l) : | 600 | 460 | 360 | 310 | 300 | 290 | 285 | 240 |
DCO/DBO5 : | 5,9 | 5,8 | 6,3 | 3,9 | 3,6 | 3,2 | 2,9 | 1,3 |
Turbidité (FTU) : | 474 | 130 | 110 | 7 | 6 | 5 | 5 | 5 |
La qualité de l'effluent en fonction du pH de chaulage.
Dans un premier lieu, nous avons utilisé une chaux de pureté 60 %. Ces différents essais ont montré que l'élimination de la matière organique est importante (abattement 80 %) dans une gamme de pH de 10 à 11. Mais la quantité utilisée de chaux (de pureté 60 %) est importante (varie de 10 à 11 g/l), ce qui entraîne une production importante de boue. La quantité élevée de chaux utilisée pour le traitement des eaux usées de SCIM dépend de la qualité de l'effluent et de la qualité de la chaux. En effet, nous avons testé une chaux de 90 % de pureté et la quantité optimale est de l'ordre de 1 à 2 g/l, ce qui entraîne une production de quantité faible de boue. Les résultats de ces essais sont regroupés dans le tableau 3.
Le tableau 3 montre que la matière organique (DCO et DBO5) s'élimine par coagulation-floculation lorsque le pH augmente, pour atteindre des valeurs de la DCO résiduelle d'environ 840 mg/l et de la DBO5 de l'ordre de 280 mg/l à pH 11. Le rapport DCO/DBO5 devient égal à 3 (valeur guide exigée dans le cahier des charges de la société) pour une dose de chaux de l'ordre de 1 à 1,5 g/l. La matière organique est éliminée davantage lorsque la masse de chaux devient supérieure à 2 g/l et le rapport DCO/DBO5 obtenu est de 1,3.
À un pH de chaulage de 11, la turbidité des eaux traitées diminue nettement jusqu'à une valeur minimale de 5 FTU. Cette diminution se fait par précipitation et adsorption des particules en suspension et dissoutes aux différents flocs et solides formés (Wongchisuman, 1982 ; Badrinath, 1991 et Futaedani et col., 1993). Cette étude montre que l'épuration par la chaux est un moyen efficace et économique pour la clarification des effluents chargés en MES et particules colloïdales et peut donner une bonne réduction de la pollution. Cette réduction dépend énormément de la quantité de chaux utilisée et de la qualité initiale des eaux résiduaires. Pour mieux quantifier la dose de chaux nécessaire au traitement de ces eaux, nous avons repris les essais sur des volumes plus élevés (de 10 à 1 000 litres). Les résultats de ces essais regroupés dans le tableau 4 montrent que la charge initiale du rejet global varie selon la journée du…
Tableau 4 : Résultats du traitement des eaux usées de SCIM, par la chaux, à différents volumes
Rejet brut | Rejet traité | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
volume de l'essai (litre) | pH | DCO (mg/l) | Turb. FTU | Masse de chaux (g/l) | pH de chaulage | DCOₜ (mg/l) | Turb. FTU | Quantité de boue (g/l) | abattement (%) |
10 | 7,6 | 2 000 | 380 | 1,5 | 11,5 | 940 | 20 | 3 | 53 |
10 | 6,8 | 2 500 | 451 | 1,5 | 11,2 | 960 | 33 | 5 | 62 |
10 | 7,7 | 3 800 | 220 | 1 | 11,9 | 840 | 4 | 1,3 | 78 |
30 | 7,8 | 4 000 | 1 000 | 1,5 | 11,4 | 800 | 17 | 3 | 80 |
30 | 7,4 | 3 000 | 780 | 1 | 10,9 | 900 | 13 | 1,4 | 70 |
50 | 7,9 | 2 600 | 560 | 1 | 11,0 | 760 | 10 | 2 | 71 |
500 | 7,6 | 1 600 | 200 | 2 | 11,9 | 700 | 30 | 3,3 | 56 |
500 | 7,8 | 3 100 | 270 | 1 | 11,4 | 780 | 27 | 1,2 | 75 |
1 000 | 7,0 | 2 900 | 230 | 1,2 | 11,7 | 800 | 30 | 3 | 73 |
1 000 | 7,6 | 5 400 | 1 310 | 1,5 | 11,7 | 800 | 7 | 1,7 | 85 |
Tableau 5 : Variation du rapport DCOt/DCOi en fonction de la dose du coagulant ajoutée
Dose injectée (Fe g/l) | DCOt/DCOi × 100 % | Dose injectée (Al g/l) | DCOt/DCOi × 100 % |
---|---|---|---|
0 | 100 | 0 | 100 |
0,6 | 84 | 0,4 | 93 |
1 | 22 | 0,8 | 35 |
2,1 | 15 | 1,3 | 23 |
3,1 | 11 | 1,7 | 12 |
4,2 | 8 | 2 | 9 |
5,2 | 6 | 2,45 | 7 |
6 | 6 | 2,85 | 7 |
Prélèvement. Cette variation influe sur la quantité de chaux à utiliser et sur la qualité des eaux traitées. En effet, le rendement d’élimination de la matière organique est important (varie de 50 à 85 %) pour une dose de chaux de 1 à 1,5 g/l de pureté 90 %. Cette quantité de chaux utilisée est faible par rapport à la chaux de pureté 60 % et, par suite, la quantité de boue produite est faible (1,2 à 1,7 kg/m³).
Essai de coagulation-floculation par le sulfate d’aluminium et le chlorure ferrique
Influence du pH de coagulation sur l’élimination de la matière organique
Plusieurs études ont montré que le rendement d’élimination des composés organiques par les sels d’aluminium et du fer est amélioré par optimisation du pH et de la dose du coagulant utilisé (Van Bremen et col., 1979 ; Jekel, 1985 ; Eckenfelder, 1989 ; Lefebvre et Legube, 1990 ; Rahni et Legube, 1996).
La valeur du pH optimal est déterminée en suivant l’évolution du rapport de la DCO de l’effluent traité sur la DCO de l’effluent initial (DCOt/DCOi) en fonction du pH (figures 1 et 2).
Ces figures montrent que le rapport DCOt/DCOi diminue jusqu’à des valeurs minimales de 17 % par utilisation du fer et de 11 % en utilisant l’aluminium.
Ces minima correspondent à des pH optimums de coagulation-floculation qui sont de l’ordre de 7 pour l’aluminium et de 6 pour le fer. Au-delà de ces valeurs de pH, le rapport DCOt/DCOi augmente à nouveau (figure 1).
On constate aussi que l’élimination de la matière organique par l’aluminium et le fer diminue lorsque le pH de la solution devient acide, à cause de la solubilité élevée des métaux de coagulation dans les milieux acides (Lefebvre et Legube, 1990).
Au-delà du pH optimal, la diminution de la coagulation est due à une peptisation des précipités qui se traduit par un retour de la matière organique dans la solution (Koprivanac et col., 1993 ; El Krati, 1995).
Évolution de la matière organique (DCO) en fonction de la dose du coagulant utilisé
Afin d’évaluer l’efficacité du coagulant dans le traitement de ces eaux usées, nous avons suivi l’évolution de la DCO en fonction des différentes doses injectées.
Les figures 3 et 4 montrent que la DCO diminue progressivement de 5 580 mg/l jusqu’à des valeurs résiduelles constantes de 810 mg/l et 680 mg/l respectivement en utilisant le chlorure ferrique et le sulfate d’aluminium. Ces valeurs minimales sont obtenues pour des doses de coagulants très élevées, d’environ 2,1 g de fer et 1,7 g d’aluminium injectés par litre d’eaux usées. La DCO résiduelle, étant essentiellement sous forme soluble et difficile à éliminer par coagulation-floculation, persiste même si l’on ajoute des doses croissantes de coagulant (Robert et Sheldon, 1996).
Afin d’optimiser la quantité de coagulant utilisée, nous avons effectué des essais de coagulation-floculation avec différentes doses, comprises entre 0 et 6,2 g/l de fer et 0 et 2,85 g/l d’aluminium, au pH optimum. La dose optimale est déterminée après l’expression des résultats sous forme du rapport de DCO de l’effluent traité sur la DCO de l’effluent initial (DCOt/DCOi). Ces essais nous permettent d’améliorer le rendement du traitement et d’obtenir un effluent traité de bonne qualité avec le moindre coût (Mhaisalkar V.A. et col., 1991). Le tableau 5 résume les résultats de ces essais.
La dose optimale du coagulant est choisie selon la qualité de l’eau traitée souhaitée. Elle est généralement obtenue lorsque le rapport DCOt/DCOi devient à peu près constant. Dans notre étude, les doses optimales sont d’environ 2,1 g/l pour le fer et 1,7 g/l pour l’aluminium. Les abattements de la matière organique sont importants mais les doses de coagulants utilisées sont très élevées, ce qui pose un problème de coût et de gestion des boues riches en métaux lourds.
Évolution de la turbidité en fonction de la dose du coagulant utilisé
L’utilisation du sulfate d’alumine ou du chlorure ferrique en coagulation-floculation de ces eaux très turbides entraîne une bonne élimination de la turbidité. Les figures 5 et 6 montrent que la turbidité de l’effluent décroît rapidement de 990 FTU jusqu’à des valeurs minimales de 15 FTU pour une dose de 1,7 g/l d’aluminium et de 222 FTU pour une dose de 2,1 g/l de fer. Elle reste faible et peu variable même si l’on augmente la dose du coagulant. La diminution de la turbidité lors de la coagulation-floculation de ces eaux se fait par précipitation et adsorption des particules en suspension et dissoutes aux différents flocs et solides formés (Wong Chaisuwan, 1982 ; Pansward et Wong Chaisuwan, 1986).
Cependant, contrairement au traitement par le sulfate d’aluminium, les eaux traitées par le chlorure ferrique présentent une coloration jaunâtre due à la présence de résidus ferriques.
Relations de stœchiométrie
Plusieurs auteurs ont établi des corrélations entre la quantité de matières organiques éliminées et la dose du coagulant appliquée (Lefebvre et Legube, 1990 ; Rahni et Legube, 1996). Ces relations de stœchiométrie, exprimées par le rapport massique « dose de coagulant / DCO éliminée », permettent d’avoir une idée de la quantité de coagulant nécessaire pour éliminer un certain taux de matière organique et de comparer le rendement de l’élimination de la DCO par les coagulants utilisés. Dans notre cas, ce rapport massique correspond au maximum…
d’élimination de la DCO est d’environ 0,4 g/g pour le fer et 0,3 g/g pour l’aluminium.
Ces valeurs montrent que le traitement du rejet de textile par l’aluminium est plus efficace que celui par le fer et que la quantité de coagulant nécessaire pour le traitement de ces eaux est très élevée. En effet, l’effluent brut étant très turbide et chargé en matières organiques, la demande en coagulant est aussi élevée pour avoir un bon rendement de traitement. C’est pourquoi l’utilisation des coagulants de Fer et d’Aluminium est écartée dans les essais à grande échelle et la chaux reste un coagulant qui présente un intérêt d’efficacité et de coût.
Conclusion
Cette étude a permis d’évaluer qualitativement et quantitativement les eaux usées rejetées par la Société de Confection Industrielle Marocaine “SCIM” à l’état brut dans l’égout de la ville. Les résultats physico-chimiques obtenus au cours des différents suivis montrent que les eaux résiduaires de la SCIM sont très chargées en matières organiques, matières en suspension, azote, phosphore et en sels. Le rejet de cette charge polluante, sans traitement préalable, dans le réseau de la ville engendre des nuisances potentielles pour le milieu récepteur.
Les différents essais de traitement de ces eaux usées ont montré que la coagulation-floculation par le sulfate d’Aluminium donne des eaux claires et peu chargées en matière organique dissoute. Par contre le traitement par le chlorure ferrique donne une eau de couleur jaunâtre. La matière organique résiduelle dans l’eau traitée est faible mais les quantités de coagulants métalliques utilisées sont très élevées.
L’utilisation de la chaux pour le traitement du rejet de textile entraîne une élimination très importante de la charge polluante du rejet de SCIM, dans une gamme de pH de 10 à 11. L’effluent obtenu est clair, non turbide, présente une DCO résiduelle totalement soluble et une qualité physico-chimique en accord avec les directives du cahier de charge pour les rejets industriels. Une neutralisation des eaux traitées s’impose avant leur évacuation dans les égouts.
Par ailleurs, le traitement par le sulfate d’aluminium et le chlorure ferrique entraîne la production de quantités importantes de boue (4 kg/m³ pour l’Aluminium, 9 kg/m³ pour le fer) très chargée en métaux lourds et difficile à gérer (Daigger et Sigmund, 1991). Par contre, les boues générées par le chaulage des eaux sont en quantités plus faibles (1,2 à 1,7 kg/m³), sont moins odorantes, sont très riches en calcium et peuvent être réutilisées par épandage sur des sols acides ou en amendement de sols sodiques (Dewandre et al., 1994).
Dans l’attente d’une solution globale pour le problème des rejets de SCIM, un traitement, au moins partiel, s’impose afin de minimiser les nuisances causées par ces rejets dans l’environnement.
Le choix de la chaux en traitement de ces eaux reste donc la solution la plus adéquate si l’on considère le coût, les avantages et les inconvénients de l’utilisation des autres coagulants.
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