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Valérie Vidale,Perrier STIVivendi Water STI
La société Perrier développe depuis 1994 des cellules d’électrolyse Retec à compartiments pour épurer et recycler des effluents contenant des métaux lourds. L’originalité de ces cellules se caractérise par la nature du séparateur, qui est un diaphragme macroporeux polymérique. Aujourd’hui, des cellules sont implantées à l’échelle industrielle pour des applications spécifiques, et donnent entière satisfaction aux clients.
Les cellules d’électrolyse Retec sont sur le marché depuis de nombreuses années, en Europe, États-Unis, et Asie. Elles permettent de récupérer sous forme métallique les métaux contenus dans des effluents. La simplicité d’utilisation des Retec et la spécificité de ses cathodes volumiques leur donne une fiabilité reconnue.
Les électrolyseurs Retec
Les cellules sont utilisées en général en traitement de surface : les pièces sont plongées dans des bains de traitement (par exemple, cuivrage, chromage…) contenant des ions métalliques. Elles passent ensuite dans des cuves contenant de l’eau, où elles sont rincées. Les électrolyseurs s’installent en général en boucle sur ces rinçages après bains de métallisation. Ces rinçages se concentrent en métaux au fur et à mesure du passage des pièces, et ils doivent être fréquemment vidangés. Les électrolyseurs placés en recirculation sur ces cuves permettent de maintenir une concentration constante en métaux et de diminuer la fréquence des vidanges.
Le métal est récupéré sur les cathodes de l’appareil, qui sont des mousses métallisées.
eau, cations métalliques
Anode = pôle positif (Mⁿ+), anions (–)
Cathode = pôle négatif en cuivre ou nickel. Ces cathodes chargées (+) peuvent être valorisées par des récupérateurs de métaux.
[Photo : Figure 1 : réaction d’électrolyse]
Les réactions d’oxydoréduction ayant lieu aux électrodes sont détaillées dans la figure 1. L’électrolyse de l'eau se produit, avec dégagement d’oxygène à l’anode et d’hydrogène à la cathode. Sous l’effet du courant continu à basse tension, les cations métalliques (par ex. : Cu²⁺, Au³⁺, Ni²⁺, etc.) se réduisent en métal solide à la cathode.
Le spectre des métaux que l'on peut récupérer est large : or, argent, cuivre, cadmium, cobalt, zinc, étain, plomb, nickel, palladium...
Les capacités de récupération vont de quelques grammes à 20 kg par jour de métal solide.
La mise en place d’un électrolyseur a deux avantages :
- une réduction de la pollution à la source : soulagement de la station en aval, réduction de la production de boues, meilleure qualité du rinçage...
- une valorisation des déchets : les métaux sont récupérés sous forme métallique et revendus.
L’électrolyse permet de résoudre certains problèmes de pollution des ateliers de traitement de surface, qui sont insolubles par ailleurs.
Dans des cas simples, on utilise des électrolyseurs à électrolyse directe : cathodes et anodes sont placées alternativement dans une cuve, dans laquelle circule l’effluent à traiter.
Pour certaines applications présentées ci-dessous il est nécessaire de séparer les réactions électrochimiques qui ont lieu aux anodes et aux cathodes.
Ces applications sont typiquement les suivantes :
- le métal est dans un milieu contenant de l'acide chlorhydrique : il peut se dégager du gaz chlore à l’anode, avec tous les dangers que cela comporte
- le métal est multivalent : le métal ne se dépose jamais car il y a effet de “yo-yo” entre ses deux formes ioniques. C’est le cas du fer (Fe²⁺ et Fe³⁺) ou du chrome (Cr III et Cr VI).
On doit alors utiliser un séparateur possédant certaines propriétés d’échange ionique, qui isole certains ions et autorise le passage d’autres. Il s'agit d’électro-électrodialyse. Plusieurs formes de séparateurs ont été testées, avant de choisir le séparateur Elramix.
Le choix du séparateur
Trois types de séparateurs peuvent être utilisés :
- une membrane échangeuse de cations
- une membrane échangeuse d’anions
- un diaphragme poreux Elramix.
Les propriétés des membranes échangeuses d'ions et du diaphragme Elramix sont visibles sur la figure 2 :
- Anions : SO₄²⁻, Cl⁻, NO₃⁻
- Cations métalliques : Cu²⁺, Ni²⁺
[Photo : Figure 2 : propriétés des membranes et du diaphragme poreux]
Après de nombreux essais en laboratoire et sur pilote semi-industriel, notre choix s’est porté sur un diaphragme poreux. En effet, les membranes sous forme de feuilles sont inutilisables en milieu oxydant, et sont de nature fragile. Le séparateur Elramix laisse passer les ions uniquement dans le sens préconisé par le courant. Ainsi, par exemple, tous les chlorures se retrouvent dans la partie anodique, et n’interfèrent pas sur la réaction de réduction du métal à la cathode.
Le diaphragme Elramix est constitué de téflon et d’oxyde de zirconium. Il se présente sous la forme d'une feuille plastique de 5 mm d’épaisseur.
Vous trouverez dans le tableau 1 quelques comparaisons de ces trois types de séparateurs, expliquant le choix du diaphragme pour des applications en traitement de surface.
Les cellules Retec compartimentées contiennent 3, 6 ou 9 compartiments anodiques.
Tableau 1 : quelques comparaisons de ces trois types de séparateurs
Installation |
• Membrane plane : fragilité et difficulté d’adhérence |
• Diaphragme Elramix : collage avec glue PVC |
Résistance au milieu |
• Membrane plane : faible en milieu oxydant, fragilité mécanique |
• Diaphragme Elramix : très bonne résistance chimique et mécanique |
Durée de vie |
• Membrane plane : faible |
• Diaphragme Elramix : illimitée |
Ordre de grandeur de prix fabricant |
• Membrane plane : 850 €/m² |
• Diaphragme Elramix : 550 €/m² |
[Photo : électrolyseur Retec 9 à 9 compartiments]
Les parois des compartiments sont constituées des diaphragmes Elramix. La figure 3 présente une cellule à neuf compartiments.
Applications industrielles innovantes
Nous avons installé des électrolyseurs compartimentés sur deux types de bains :
- – un rinçage mort après un bain de nickel de Watt (nickel en milieu chlorure)
- – bain contenant du chrome.
En Irlande, sur un rinçage mort après bain de nickel de Watt, nous avons installé une cellule à neuf compartiments, sous 500 A, 7 V. Le nickel du bain est récupéré sur les cathodes en mousse de nickel, et la concentration en nickel dans le bain est maintenue à 6 ppm.
Le bain circule entre les compartiments, dans la partie contenant les cathodes (nommée catholyte). Les ions chlorure traversent les diaphragmes sous l’effet du courant et vont s’oxyder dans le compartiment anodique. Il faut éviter la formation de chlore gazeux. Pour cela, le liquide circulant dans le compartiment anodique est à base de soude, pour maintenir un pH légèrement alcalin. À ce pH, les chlorures s’oxydent en ions hypochlorite :
Cl⁻ + OH⁻ → ClO⁻ + H⁺ + 2 e⁻.
Cette cellule est en fonctionnement depuis octobre 1999 ; il est encore trop tôt pour faire un bilan économique. La cellule est en fonctionnement 24 h/24.
En France, une cellule à quatre compartiments est installée dans une entreprise du Cantal depuis février 1998. Elle permet de recycler en continu un bain de 3 500 l de décapage sulfo-chromique sur plastique ABS. Les éléments actifs du bain sont les sulfates et le chrome hexavalent (Cr VI). Or, dans un tel bain, il se produit une augmentation de la concentration en chrome trivalent (Cr III), qui nuit à la qualité du bain. Grâce à la cellule d’électrolyse, le Cr III est réoxydé en Cr VI en continu, ce qui permet de ne pas vidanger le bain. La concentration en Cr III est maintenue à 25 g/l.
La cellule fonctionne sous 1 000 A et peut oxyder 6 kg de Cr III par jour. Les compartiments contiennent les cathodes. Le bain circule entre les compartiments et la réoxydation a lieu aux anodes. Les compartiments sont remplis d’acide sulfurique et vidangés toutes les semaines.
Bilan économique de la cellule de réoxydation du chrome trivalent :
Investissement total : 380 000 F
Dépenses annuelles :
- – consommation électrique : 10 000 F
- – pièces d’usure : 5 000 F
- – catholyte à remplir chaque semaine : 25 000 F
- – catholyte usé à traiter : 28 000 F
- – perte d’acide chromique dans le bain : 7 000 F
- – main-d’œuvre : 25 000 F
- Total : 100 000 F
Économies annuelles :
- – bain non vidangé : 200 000 F
- – bain neuf : 500 000 F
- Total : 700 000 F
Conclusion
Les propriétés du diaphragme macroporeux, encore peu connues, lui confèrent des qualités chimiques et de résistance physique adaptées à ce type d’effluents chargés. Aux États-Unis, ce type d’électrolyseur est couramment utilisé pour recycler des effluents en traitement de surface. En Europe, peu d’installations existent. Or, même si l’investissement semble cher au départ, le temps de retour est parfois court et l’électrolyse compartimentée peut être une solution à prendre en compte lors d’une démarche de dépollution à la source et de régénération de bains.
[Photo : principe de la réoxydation de chrome trivalent]