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Épuration avancée d'eaux résiduaires industrielles par oxydation électrochimique à l'aide d'électrodes de diamant

28 novembre 2003 Paru dans le N°266 à la page 117 ( mots)
Rédigé par : Andreas RüDIGER, Thorsten MATTHéE, Kai WALDMANN et 1 autres personnes

Pour l'épuration des eaux usées difficilement ou non traitables par voie biologique, il existe un nouveau procédé d'oxydation avancée (POA) basé sur l'utilisation d'électrodes de diamant. Ce procédé assure, notamment par la formation de radicaux hydroxyles, la transformation de matières organiques en composés inorganiques, tout en présentant l'avantage de ne produire que très peu de boues. Par ce moyen, le traitement électrochimique d'une eau résiduaire industrielle chargée en graisses peut être réalisé avec un rendement élevé. Il s'est avéré au cours des essais réalisés que le choix de la température et du courant, lors du traitement, sont à optimiser pour parvenir à réduire les coûts d'investissement et d'exploitation. Le fait que l'effluent traité ici sorte des installations de l'usine à une haute température (70-90 °C) et avec un pH très faible (pH < 1) est utile et se prête bien à un traitement électrochimique, alors que ces conditions seraient très peu propices à la mise en place d'autres types de traitements. Le meilleur rendement épuratoire obtenu, à savoir 72 g DCO/kWh après optimisation des divers paramètres, l'a été pour une température de 80 °C. Les normes de qualité d'un effluent traité pour son rejet direct en milieu naturel, soit moins de 100 g O2/L de DCO, ont pu être respectées. Ce rendement peut être relativement bien estimé à l'aide d'un modèle mathématique, que l'on pourra utiliser pour préparer des essais, ou les suivre, mais certainement pas les remplacer.

Par ce moyen, le traitement électrochimique d'une eau résiduaire industrielle chargée en graisses peut être réalisé avec un rendement élevé. Il s'est avéré au cours des essais réalisés que le choix de la température et du courant, lors du traitement, sont à optimiser pour parvenir à réduire les coûts d'investissement et d'exploitation. Le fait que l'effluent traité ici sorte des installations de l'usine à une haute température (70-90 °C) et avec un pH très faible (pH < 1) est utile et se prête bien à un traitement électrochimique, alors que ces conditions seraient très peu propices à la mise en place d'autres types de traitements.

Le meilleur rendement épuratoire obtenu, à savoir 72 g DCO/kWh après optimisation des divers paramètres, l'a été pour une température de 80 °C. Les normes de qualité d'un effluent traité pour son rejet direct en milieu naturel, soit moins de 100 g O₂/L de DCO, ont pu être respectées. Ce rendement peut être relativement bien estimé à l'aide d'un modèle mathématique, que l'on pourra utiliser pour préparer des essais, ou les suivre, mais certainement pas les remplacer.

De nos jours, divers procédés sont mis en œuvre pour l’épuration d’effluents difficilement ou non traitables par voie biologique : par exemple la filtration membranaire ou sur charbon actif, l’évaporation ou les procédés d’oxydation. Le principal critère de choix d'une technologie sera, avant tout, le rapport performances/prix.

L'oxydation chimique, selon le procédé utilisé, peut offrir des performances élevées pour la transformation des matières organiques en composés inorganiques, et présente l'avantage d’une production de déchets fortement réduite, déchets qui doivent en temps normal être traités pour un

Tableau 1 : Potentiels d'oxydation de différents oxydants (Fraser & Sims, 1984)

Oxydant Réaction Potentiel d’oxydation (Volts)
Radicaux hydroxyles OH + H⁺ + e⁻ → H₂O 2,80
Ozone O₃ + 2H⁺ + 2e⁻ → H₂O + O₂ 2,07
Peroxyde d’hydrogène H₂O₂ + 2H⁺ + 2e⁻ → 2H₂O 1,77
Permanganate MnO₄⁻ + 8H⁺ + 5e⁻ → Mn²⁺ + 4H₂O 1,52
Dioxyde de chlore ClO₂ + e⁻ → ClO₂⁻ 1,50
Chlore (gaz) Cl₂ + 2e⁻ → 2Cl⁻ 1,36

En plus d’un coût plus ou moins élevé, on peut compter sur la possibilité de rendre dégradables par voie biologique une pollution qui, à l’origine, ne l’était pas.

Chaque oxydant possède un potentiel d’oxydation spécifique (voir tableau 1), le plus réactif d’entre eux étant le radical hydroxyle OH.

La technologie présentée ici est un procédé d’oxydation avancée (PAO) permettant notamment la production de radicaux hydroxyles par une utilisation inédite d’électrodes de diamant, et constitue une nouvelle solution pour l’épuration poussée d’eaux usées.

Constitution et fonctionnement des électrodes de diamant

Pour la fabrication de ces électrodes, une fine couche — épaisse de quelques millièmes de millimètre — de diamant cristallin est déposée sur un support conducteur (voir figure 1). Le comportement électrochimique de ces électrodes est déterminé par celui du diamant : elles présentent une extrême stabilité vis-à-vis des substances agressives présentes dans l’eau à traiter.

La principale propriété des électrodes de diamant est le type d’hydrolyse qu’elles provoquent. Alors qu’en règle générale l’électrolyse de l’eau aboutit à la production d’hydrogène et d’oxygène, la plage de fonctionnement de ces électrodes leur permet d’aboutir à la production d’ozone ou de radicaux hydroxyles. De même, il est envisageable d’utiliser des électrodes de diamant pour la désinfection des eaux.

Les radicaux hydroxyles permettent d’oxyder intégralement en CO₂ les composés organiques, comme par exemple les émulsions eau-huile, les phénols, les perturbateurs endocriniens, les hormones, l’EDTA, les colorants organiques, et d’autres encore.

[Photo : Couche de diamant cristallin sur une électrode.]

La figure 2 présente de façon schématique les plages de fonctionnement de différents types d’électrodes. Il s’avère que le diamant présente la plus haute surtension pour la formation d’oxygène. Dans le cadre du traitement des eaux, le diamant offre la possibilité, et sous une faible tension, de produire des radicaux hydroxyles à partir de la dissociation des molécules d’eau.

[Photo : Plage de fonctionnement de différents types d’électrodes, jusqu’à la production d’hydrogène (limite gauche du graphique) et d’oxygène (limite droite). En orange : la tension nécessaire à la production de radicaux hydroxyles.]

Essais

Afin de démontrer l’efficacité du système, des essais ont eu lieu sur le site d’une entreprise de chimie, qui traite des matières premières pour en faire des produits de base utilisés ensuite dans l’industrie chimique. Entre autres, des acides gras végétaux sont modifiés par des réactions de conjugaison ou d’addition à haute pression et température. En ajoutant à cela l’utilisation d’acide sulfurique, on obtient au final un effluent très concentré en sels, au pH faible, et fortement chargé en polluants organiques sous forme de graisses (la DCO atteint 1 800 mg O₂/L). Sa température oscille entre 70 °C et 90 °C.

L’objectif du traitement est d’éliminer la pollution organique pour atteindre une concentration inférieure à 100 mg O₂/L et permettre un rejet direct vers le milieu naturel, la mer du Nord.

Principe du montage pilote

L’installation du montage pilote dans la zone de production de l’usine facilitait l’amenée de l’effluent à traiter vers le montage, ainsi que son rejet vers le réseau principal de l’usine après traitement.

Le montage est constitué, en dehors de la cellule d'électrolyse, d'un transformateur de courant continu, d'un réservoir de type BATCH avec agitateur et ventilation, de deux pompes membranaires fonctionnant à l'air comprimé, des valves nécessaires, d'un indicateur de niveau et du dispositif de commande du système (voir figure 3).

Les essais ont donc été réalisés en « BATCH », la quantité d'eau voulue était d'abord pompée d'un réservoir de stockage vers le bassin de réception. L'effluent contenu dans le bassin de réception est alors amené à la température voulue à l'aide d'une lance à vapeur. Une fois celle-ci atteinte, il traverse la cellule d'électrolyse en circuit fermé, circulant pendant un temps défini par l'utilisateur. Un agitateur présent dans le réservoir assure l'homogénéité du mélange. Le réglage du transformateur agit sur l'intensité du courant, et

Par la suite, on a tenté de procéder à une modélisation numérique des résultats, pour ensuite fixer ces paramètres en fonction du taux d'abattement de la pollution désiré.

[Photo : Schéma de principe du montage pilote.]

Abattement de DCO en fonction de la température de l'effluent

La figure 4 présente la relation entre abattement de DCO et température de l'effluent. L'abattement augmente de façon attendue avec la température, son élévation facilitant le mélange eau-graisses et accélérant les réactions chimiques en général. On notera par contre que pour une forte intensité du courant, des ions peroxodisulfates sont produits lors de l'électrolyse et contribuent considérablement à l'abattement de la DCO. La réaction est complète à partir de 60 °C ; ils agissent alors comme des oxydants puissants.

Le procédé choisi d'électrolyse par électrode de diamant correspond, pour les caractéristiques de l'effluent à traiter, au processus de production d'acide peroxodisulfurique (« acide de Marschall », H₂S₂O₈) et de ses sels, les peroxodisulfates, pour lesquels des solutions concentrées d'acide sulfurique, et donc de sulfates, sont portées à réaction sous une forte densité de courant (environ 1 A/cm²) par l'entremise d'électrodes de platine.

La figure 4 montre clairement que l'amélioration de l'abattement suit de façon quasi-linéaire l'élévation de la température. Elle représente l'élimination de la charge totale donc sur la quantité de radicaux hydroxyles produits. Une fois écoulée la durée voulue de traitement, le réservoir se vide automatiquement et le processus peut recommencer à zéro. Le prélèvement d'échantillons s'effectue à partir du bassin de mélange.

[Photo : Abattement de DCO en fonction de la température (pour un courant de 350 A).]

Résultats

L'objectif des essais était de démontrer l'efficacité du procédé sur l'effluent considéré, ainsi que de rechercher les réglages optimaux en ce qui concerne la température de l'effluent, l'intensité du courant et par extension la densité de courant (en A/m²).

Ils ont permis d'observer la relation entre l'abattement de DCO et la température d'une part, et l'intensité du courant d'autre part.

[Photo : Abattement de DCO en fonction de l'intensité (pour une température de 70 °C).]
[Photo : Figure 6 : Taux d'abattement en fonction de la température.]

de DCO présente dans le volume traité en fonction de l'apport en énergie électrique en kWh proportionnelle au produit de l'intensité du courant par la tension d'alimentation.

Abattement de DCO en fonction de l'intensité du courant

La quantité de radicaux hydroxyles générés dépend de l'intensité – et donc de la densité – de courant circulant dans la cellule d'électrolyse. À haut ampérage, davantage de radicaux •OH et de peroxodisulfates sont produits qu’à faible intensité.

La figure 5 représente la relation abattement de DCO – intensité du courant. On peut déduire de tout cela un point de fonctionnement optimal, pour lequel s’accordent idéalement le volume du réservoir BATCH, le brassage et le courant circulant dans la cellule.

Ce point de fonctionnement, dans le cas de ce montage pilote, pour un réservoir BATCH de 150 l et un débit de circulation de l’effluent dans le système de 600 l/h, se situe dans la gamme 300-400 A.

Avec un courant plus fort, le rendement épuratoire va diminuer en raison d’un trop faible brassage des radicaux hydroxyles produits avec les composés organiques présents dans l’eau usée, ceux-ci réagissant intégralement entre eux. Avec un courant trop faible, trop peu de radicaux sont produits pour leur dégradation. Le point de fonctionnement considéré est visible sur les figures 6 et 7.

[Photo : Figure 7 : Taux d'abattement en fonction de l'intensité du courant.]

Le taux d’abattement le plus élevé qui soit observé, soit 43 g DCO/kWh, correspond à une température de 70 °C et un courant de 350 A. En théorie, l’abattement augmentera encore avec la température. Mais la cellule d’électrolyse utilisée dans ce montage n’était pas prévue pour une utilisation à plus de 70 °C, c’est pourquoi aucun essai n’a été effectué à plus haute température.

Essais à une intensité de courant adaptée

On a procédé à d’autres essais en vue d’augmenter le rendement énergétique du système, essais au cours desquels on a diminué l’intensité de 300 A jusque 50 A.

C’est au cours de cet essai que l’on a atteint le meilleur de tous les résultats d’abattement de DCO : 70 g DCO/kWh, ce qui correspond à un rendement énergétique de 91 %. Ceci peut s’expliquer par une concordance idéale entre le nombre de radicaux produits et la concentration en polluants de l’émulsion. Plus celle-ci est faible, et plus le nombre de radicaux produits peut l’être aussi, puisque sinon les radicaux en excès réagissent entre eux, en pure perte.

[Photo : Figure 8 : Abattement de DCO en fonction de l'énergie électrique.]

À une température de 50 °C, l’abattement de DCO est de 34 g/kWh ; il est de 37,5 g/kWh à 60 °C et de 43 g/kWh à 70 °C. Les résultats d’analyse du carbone organique total (COT), parallèlement à celle de la DCO, témoignent d’une bonne élimination de la pollution carbonée et d’une élimination quasi totale de la pollution organique.

[Photo : Figure 9 : Comparaison de deux courbes obtenues grâce au modèle de Michaud, représentant l'abattement en DCO pour des conditions différentes de température et de densité de courant.]
[Photo : Figure 10 : courbes d'abattement de la pollution de l'effluent pour différentes densités de courant.]

Les expériences de Michaud, P-A. (2002) fournissent une modélisation de ce comportement : un modèle mathématique de calcul dont les paramètres sont les valeurs initiale et finale de DCO, le volume et la surface d'électrodes.

On peut en déduire un réglage optimal de l'intensité selon la concentration initiale de l'effluent, et ainsi atteindre un haut rendement énergétique du système.

Pour ces essais, 176 litres d'eau usée ont été employés, d'une DCO moyenne de 1,3 g O₂/l, une concentration typique du type d'effluent considéré ici.

Le modèle de Michaud a fait ses preuves à de nombreuses reprises ; cependant, dans le cas pratique d'une solution très chargée en sulfates et portée à haute température, on note des singularités contradictoires avec ce modèle. D'une part, le mélange eau-huile étant favorisé à de hautes températures, la pollution organique est plus susceptible d'être attaquée par les radicaux hydroxyles dans la phase aqueuse. D'autre part, les réactions d'oxydation par les persulfates – provenant des sulfates présents en grande quantité dans l'effluent – peuvent devenir concurrentielles avec les réactions d'oxydation par les radicaux OH. À des températures supérieures à 70 °C, les persulfates participent très nettement à la dégradation de la pollution organique, comme le montre la figure 9. À 50 °C, la dégradation observée des polluants est plus lente que celle calculée par ce modèle, et devient plus rapide que celle-ci à 70 °C.

La cellule d'électrolyse du montage pilote étant fabriquée en polypropylène, on ne peut l'utiliser à des températures de plus de 70 °C. Une cellule en PVDF pourrait alors être construite, et permettrait une utilisation à des températures atteignant 90 °C. Afin de pouvoir procéder à de tels essais, des essais au laboratoire ont été conduits.

Il s'est avéré que la durée de traitement nécessaire était inversement proportionnelle à la température, et que les meilleurs résultats étaient obtenus dans la gamme 80-90 °C. L'analyse de la densité de courant, elle, présente de nettes différences avec la modélisation. La température choisie pour les tests était de 80 °C. Comme à cette température les persulfates produits participent notablement à la dégradation des polluants, on peut relever la densité de courant à une valeur supérieure à la valeur optimale donnée par le modèle de Michaud. On peut voir sur la figure 10 qu'une densité de courant de 70 mA/cm² permet d'abaisser le temps de traitement nécessaire de 170 minutes à environ 60 minutes.

Par contre, son augmentation jusque 100 mA/cm² ne permet pas d'abaisser davantage cette durée. Ce n'est donc pas, du point de vue économique, une bonne solution, puisque le rendement diminue.

Références bibliographiques

  • – Fraser, J.A.L.L. & Sims, A.F. (1984). Hydrogen peroxide in municipal landfill and industrial effluent treatment. Effluent and Water Treatment Journal, vol. 24, mai, pp. 184-188.
  • – Michaud, P-A. (2002). Comportement anodique du diamant synthétique dopé au bore, thèse n° 2595, École Polytechnique Fédérale de Lausanne.
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