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Enquête sur l'évolution des besoins dans le domaine des circuits de refroidissement

27 février 1987 Paru dans le N°107 à la page 35 ( mots)
Rédigé par : J.-l. FASSEN et M. ALIN

UNE ENQUÊTE : POURQUOI ?

Une enquête réalisée il y a quelques années auprès des lecteurs de la revue « Chemical Engineering » faisait apparaître que « seuls les reporters de télévision, les magistrats et les hommes politiques étaient moins bien classés », quant à leur éthique, que… les vendeurs de produits chimiques. Jugement sévère s’il en est, dans lequel les intéressés sont sans doute les derniers à se reconnaître. Pourtant, quelle que soit la sincérité de leur étonnement et de leurs dénégations, il reste que l’image donnée est révélatrice d’un problème réel : celui de la méfiance qu’inspirent leurs actes ou leurs propos. Celle-ci n’est en réalité que la conséquence d’une déception provoquée par le décalage entre les propositions du vendeur et les besoins du client. Plus ce décalage est important et plus les efforts respectables de l’un seront ressentis comme une pression intolérable par l’autre… Ainsi, dans le domaine particulier du traitement des eaux, quel fournisseur n’a jamais constaté avec amertume que tous ses efforts entrepris pour démontrer l’efficacité de ses procédés et pour bâtir une relation de confiance aboutissaient à l’effet inverse ?

Une véritable autocritique ne nous pousserait-elle pas à reconnaître que cette situation est loin d’être exceptionnelle et que la raison en est presque toujours une mauvaise appréciation des besoins réels du client ? S’il est vrai que ce problème n’est pas limité à notre profession, loin s’en faut, on remarquera néanmoins que la multiplicité des prestations attachées à nos produits, l’impact de nos procédés sur la marche des unités de fabrication et notre implication croissante dans l’exploitation des installations traitées, sont autant de facteurs qui rendent notre rôle plus complexe et donc plus difficile à définir.

UNE ENQUÊTE : COMMENT ?

Pour toutes ces raisons, il nous a semblé intéressant d’associer au travail habituel d’identification des besoins par les vendeurs une approche statistique reposant sur la technique des sondages (croyez que notre intention n’était pas de poursuivre le parallèle avec les médias ou les hommes politiques…).

Aucune technique ne pouvant se substituer à la relation directe entre l’utilisateur d’un produit et son fournisseur, notre but n’était autre que de dégager des tendances générales susceptibles de mettre en lumière soit des besoins nouveaux, soit des modifications sensibles dans la hiérarchie des besoins déjà clairement identifiés.

C’est ainsi que, sur une période d’environ trois mois, nous avons contacté plus de 110 exploitants de circuits de refroidissement et que nous leur avons demandé, dans le cadre d’un entretien, de répondre à 34 questions regroupées par séries autour de thèmes tels que les coûts, les résultats, le suivi, la mise en œuvre, etc. La diversité des industries représentées (tableau 1) et le parfait esprit de collaboration dans lequel les réponses nous ont été données portent à croire que les informations recueillies à travers cette enquête constituent une base utile de réflexion pour toute société spécialisée qui, en matière de circuit de refroidissement, désire mieux orienter ses efforts tant en recherche (produits, monitoring, automatisation des injections) qu’au niveau de sa démarche commerciale.

Tableau 1 : Détail des industries ayant fait l’objet de l’enquête

INDUSTRIES Nombre de sites < 300 m³ h > 300 m³ h
Raff. et pétrochimie 16 12 22
Métallurgie 6 6 3
Engrais 12 8 9
Agroalimentaire 10 5 4
Sucrerie 8 8 3
Industrie automobile 6 7 0
Ind. caout./pneu. 9 10 5
Chimie 38 45 9
Divers 7 10 1
Total 112 152 56

ANALYSE DES RÉSULTATS

Le plan adopté pour cette analyse est celui du questionnaire, chaque chapitre correspondant, à l’exception du premier, à un type particulier de besoins.

Questions d’ordre général

Parmi celles-ci, l’une visait à définir quelles étaient les principales préoccupations de notre ou nos interlocuteurs quant à la conduite des circuits. Il était demandé notamment de classer par ordre d’importance décroissante :

  • — les coûts d’exploitation (énergie électrique, consommation d’eau, redevance sur les rejets, produits de traitement) ;
  • — la maintenance (détérioration du matériel par la corrosion, usures mécaniques — moteurs, pompes —, nettoyages chimiques ou mécaniques) ;
  • — le rendement des unités (optimisation des échanges thermiques, des débits, etc.) ;
  • — l’automatisation (réduction des contrôles et de la surveillance, simplification des réglages et injections de produits, etc.).

Sur l’ensemble des réponses, la maintenance et le rendement devancent largement les autres préoccupations. Elles sont l’une et l’autre classées alternativement en première position dans plus de 35 % des cas et elles viennent aux deux premiers rangs pour 62 % des personnes interrogées.

[Photo : Fig. 1 — Nombre de fois (en %) où une préoccupation donnée est placée en 1ʳᵉ position.]

La même analyse effectuée selon une partition par industries traduit une bonne homogénéité des réponses, à l’exception toutefois de la métallurgie et de l’industrie automobile où l’on semble accorder moins d’importance au rendement. Non seulement celui-ci est rarement la préoccupation majeure, mais il est même le plus souvent relégué derrière les coûts et l’automatisation. Bien qu’elle repose sur les deux échantillons les plus réduits (six usines chacun), ce qui suppose une certaine prudence en matière d’exploitation statistique, cette constatation n’a peut-être pas lieu de surprendre. Elle s’explique en effet aussi bien par les types d’installations concernées (en sidérurgie, encrassement est synonyme davantage de détérioration du matériel et d’arrêt de fabrication que de pertes de rendement ; dans l’industrie automobile, les circuits de refroidissement ne mettent pas en cause directement le processus) que par un environnement économique difficile qui rend prioritaires les coûts (associés à « déficit ») et l’automatisation (suppressions d’emplois).

À noter enfin que c’est dans le domaine du raffinage et de la pétrochimie que le rendement est le plus souvent cité en première position. À cela, une raison simple peut être donnée : le lien direct existant entre pertes de rendement et pertes de production.

[Photo : Fig. 2 — Nombre de fois (en %) où la maintenance et le rendement sont placés en 1ʳᵉ position. Répartition par industries.]

Coûts

Le conditionnement chimique des circuits de refroidissement a pour but la réduction, à des degrés divers, de la corrosion et de l’encrassement, mais cette amélioration technique n’a de sens que si elle s’accompagne de réelles économies pour l’entreprise et si, plus généralement, elle permet des augmentations de productivité ou de rentabilité. Autrement dit, les mêmes critères techniques peuvent recouvrir des objectifs financiers très différents qu’il nous a paru important de mieux identifier.

Pour ce faire, parmi une série de six questions relatives aux coûts, il était demandé aux responsables qui avaient accepté de nous recevoir de nous préciser :

  • * à quels autres coûts ils associaient explicitement dans leur esprit les coûts de traitement. La liste proposée était la suivante :
    • — les dépenses en eau
    • — les taxes sur les rejets
    • — les pertes énergétiques
[Photo : Fig. 3 — Nombre de fois (en %) où les divers coûts listés sont mis en relation avec les coûts de traitement.]

— les pertes de production

— les frais de maintenance

— les frais de personnel

— les frais annexes (transport, stockage, ...)

• lesquels ils étaient en mesure de chiffrer

• sur lesquels ils souhaitaient agir en priorité.

Les figures 3 et 4 résument assez bien les enseignements tirés de cette partie du questionnaire : elles montrent en particulier toute l’importance du choix d’un traitement puisque plus de 60 % des exploitants considèrent qu’il a des répercussions financières sur leurs deux principales préoccupations, à savoir la maintenance et les problèmes de rendement ; c’est d’ailleurs, de façon tout à fait logique, sur ces deux postes de dépenses ou de « pertes » qu’ils désirent agir en priorité.

[Photo : Importance relative des actions prioritaires (nombre de fois en % où un poste donné est cité).]

On remarque également mais à un degré moindre, que la réduction des dépenses en eau et des frais de personnel fait partie des souhaits les plus fréquemment exprimés.

Enfin, on ne sera pas surpris de voir que la compression des dépenses en produits de traitement demeure un objectif essentiel pour près de 30 % des personnes interrogées. Ce résultat demande cependant à être nuancé par quelques commentaires :

— il signifie aussi que deux exploitants sur trois sont peu réceptifs à des arguments qui ne portent que sur des diminutions de coût de traitement ;

— les réponses traduisent des besoins très différents d'une industrie à l’autre. Ainsi, en raffinage et pétrochimie, les 30 % deviennent 6 %, les efforts étant orientés en premier lieu vers une meilleure maîtrise des pertes énergétiques (75 %), des pertes de production (69 %) et des frais de maintenance (81 %) ;

— le coût des produits est davantage remis en cause sur les circuits de moins de 3 000 m³/h de recirculation (46 %) que sur les autres (18 %). Il est vrai que dans le même temps, les responsables de ces circuits reconnaissent, en majorité, ne pouvoir chiffrer qu’un nombre limité des autres coûts.

Résultats

Il va de soi que le choix d’un traitement suppose avant toute chose une définition claire des objectifs techniques. Bien que ces objectifs soient propres à chaque installation et dépendent entre autres de l’expérience personnelle de l'exploitant, la plupart peuvent être répertoriés dans l’une des quatre catégories suivantes :

— un certain taux de corrosion, mesuré sur plaquette témoin ou par sonde électrique ;

— un certain niveau de corrosion ou d’encrassement en un point critique de l’unité (contrôles visuels, mesures d’épaisseur, etc.) ;

— une certaine fréquence des interventions de maintenance (nettoyages, remplacements d’équipements, etc.) ;

— un certain niveau des échanges thermiques.

Nous avons ainsi établi que les deux objectifs les plus souvent retenus en pratique sont, dans l’ordre, un certain taux de corrosion et une certaine fréquence des opérations de maintenance. Que l’on rapproche ce classement de celui des « préoccupations » et l’on ne manquera pas de relever un paradoxe, à savoir l’importance que revêtent les problèmes de rendement d’une part, et le faible nombre d’installations sur lesquelles le niveau des échanges thermiques compte parmi les objectifs d’autre part. En réalité, il est aisé d’imaginer — comme le confirment d’ailleurs les réponses à la question correspondante — que la définition des objectifs est fortement influencée, notamment sur les circuits de taille moyenne, par la simplicité des critères d’évaluation qu’ils requièrent.

N’est-ce pas justement l’une des principales raisons du succès rencontré par les mesures de corrosion sur plaquettes qui constituent encore, dans bien des cas, les seuls contrôles systématiques effectués ?

Economies d’eau

Il ressort de l’enquête que la concentration en circuit est principalement limitée par les caractéristiques de l’eau d’appoint. Lorsque d’autres eaux sont susceptibles d’être récupérées (eaux de procédé, eaux résiduaires), c’est

[Photo : Objectifs en matière de résultats (nombre de fois en % où un objectif donné est cité).]

presque toujours la crainte des problèmes techniques qu'elles pourraient occasionner qui en empêche l'utilisation.

Suivi

Parmi les divers moyens de suivi disponibles, le pH-mètre et les coupons de corrosion sur by-pass sont de loin les plus fréquemment utilisés, mais plus étonnant est le fait que seuls 32 % des circuits ayant un débit de recirculation supérieur à 3 000 m³/h sont équipés de dispositifs de mesure plus complets (coupons de corrosion sur échangeurs d'unités, échangeur test, simulateur électrique d'encrassement, enregistreur de température, etc.).

Concernant les analyses, une nette tendance se dessine en faveur de leur automatisation (68 %) et d'une prise en charge accrue par le traiteur d'eau (45 %). Néanmoins, en comparant ces chiffres avec ceux relatifs aux actions engagées sur les différents postes de dépenses (cf. « frais de personnel »), il semble que cette tendance ne soit pas encore exprimée sous la forme d'un besoin prioritaire.

Dans le même esprit d'étroite collaboration entre utilisateur et fournisseur, un très grand intérêt est porté aux moyens informatiques et télématiques en termes de suivi et d'assistance. Plus d'un responsable sur deux souhaiterait que des efforts soient entrepris dans cette voie.

Mise en œuvre

On retiendra surtout un désir de simplification impliquant la suppression de tout contact direct avec les produits et donc d'emploi de formulations liquides ne nécessitant aucune préparation, leur injection étant assurée par des systèmes entièrement automatisés.

Allant plus loin, près de 40 % des exploitants seraient intéressés par des contrats avec leurs fournisseurs incluant la gestion complète de cet aspect du traitement.

Environnement

Dans l'ensemble, les purges des circuits ne représentent pas une part importante des redevances de l'usine. Par contre, des pressions administratives ont été exercées ces dernières années (environ un site sur six), pour éliminer certains composés chimiques des programmes de traitement dont, en particulier, les sels de chrome.

Expertise — Formation

Pour près de 70 % des exploitants, le fournisseur est un interlocuteur privilégié pour aborder des questions techniques autres que celles relatives à ses produits. Dans une proportion sensiblement équivalente, on attend également de lui, et ce, quelle que soit la taille des installations, qu'il assure une formation des opérateurs spécifique au traitement d'eau.

CONCLUSION

Dans leur grande majorité, les exploitants de circuits de refroidissement souhaitent que se développe une réelle collaboration avec leur traiteur d'eau. Cela n'est sans doute pas une surprise pour des sociétés spécialisées qui interviennent quotidiennement dans ce domaine, mais ce qui l'est peut-être davantage, c'est que cette collaboration implique bien d'autres choses que le suivi des traitements et de leur efficacité. En fait, si l'on devait dégager une tendance générale, elle pourrait se définir ainsi :

— volonté de l'industriel d'intégrer le conditionnement chimique de l'eau dans un bilan d'exploitation global incluant, outre les coûts de fonctionnement du circuit, les coûts de production (rendement) et les frais de maintenance ;

— nécessité pour le fournisseur d'optimiser son programme de traitement et ses prestations, dans le cadre — élargi — d'un tel bilan.

Autant dire que les besoins ne s'expriment plus simplement en termes de performances ou de prix, mais en termes de rentabilité, or, qui dit rentabilité dit adaptation continue des moyens aux objectifs de l'entreprise et non plus seulement aux caractéristiques techniques d'une installation. Il en résulte que des besoins nouveaux se font jour, que d'autres, considérés comme secondaires, deviennent prioritaires et surtout, qu'ils se combinent pour former un tout de plus en plus complexe, voire unique.

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