Le 1er février 1953, l'ingénieur suisse Georg Endress et le banquier allemand Ludwig Hauser créaient la société L. Hauser KG à Lörrach, rebaptisée ultérieurement Endress+Hauser GmbH. L?activité de la jeune entreprise consistait en la commercialisation d'un appareil électronique de niveaumétrie destiné aux domaines de la mesure et de l'automatisation. Depuis, Endress+Hauser est devenue en moins de 50 ans une entreprise mondiale dans le domaine de l'instrumentation et l'automatisation des process. Retour sur un parcours exceptionnel.
Retour sur un parcours exceptionnel.
Celui qui s’est promené il y a cinquante ans dans les locaux de la L. Hauser KG, le premier « foyer » d’Endress+Hauser dans la Zeppelinstraße à Lörrach en Allemagne, n’aurait jamais pu imaginer qu'une entreprise mondiale était en train d’y voir le jour. Un assemblage de bâtiments hétéroclites constituait à l’époque le complexe d’exploitation du petit fournisseur de mesures de niveau capacitives. Collaborateurs et riverains baptisent gentiment le complexe d’« Usines sidérurgiques réunies ». L’ingénieur suisse Georg H. Endress, 29 ans, et le directeur d’une banque mutualiste de Lörrach, Ludwig Hauser, 59 ans, forment une paire fondatrice peu ordinaire à première vue, mais complémentaire.
Les débuts
La jeune entreprise se contente dans un premier temps de vendre des appareils Fielden en Allemagne. Mais très vite, Georg Endress commence à développer lui-même ses premiers appareils : « Nivotester » et « Silometer ». Fabriqués en série à partir de 1956, ils obtiennent un grand succès sur le marché allemand, la mesure de niveau électronique permettant de supplanter la laborieuse mesure mécanique, réalisée notamment avec des contre-poids. Pour les clients, la gestion des stocks est simplifiée et les coûts diminuent. La nouvelle technique s’impose rapidement. Le capital de départ de la société est de tout juste 25 000 marks (env. 12 500 euros) et, dans les premières années, le sens de l’économie semble être un impératif de base, contrôlé par le banquier Ludwig Hauser. Mais, dès cette époque, Georg Endress mise sur la croissance et définit ce qui reste aujourd’hui l'une des recettes du succès de l’entreprise : positionner des produits innovants, dont le client retire un profit élevé, dans les niches de marché et les secteurs de croissance des techniques de mesure et d’automatisation.
Les années 60 : de l’artisan à la société industrielle
À la fin des années cinquante, les « Usines sidérurgiques » de Lörrach craquent de toutes parts. Un déménagement de la société est inévitable. Endress+Hauser déménage en 1960 à Maulburg, dans le Wiesental. À cette époque, la société compte 120 collaborateurs et le chiffre d'affaires avoisine les 6 millions de marks (3 millions d’euros), un chiffre multiplié par dix par rapport à la première année d'exploitation.
Les conditions de la croissance étant créées, Georg H. Endress vise les marchés internationaux. La première représentation naît en 1960, dans la commune néerlandaise d’Amersfoort. D’autres voient le jour quasiment chaque année, en Suisse, France, Belgique, Suède, Autriche et Grande-Bretagne.
fête son cinquantenaire
Trois principes de mesure du niveau viennent s’ajouter à la technique capacitive : l'ultrason, la radiométrie, la conductivité, l’électromécanique. Les nouveaux instruments n’ont plus grand-chose à voir avec les premiers appareils. Des transistors, d'abord en germanium, puis en silicium, remplacent les tubes encombrants. La séparation physique entre l'électronique dans la sonde installée sur site et le traitement des signaux dans le transmetteur séparé offre la possibilité d'une ligne de transmission plus longue, réalisée pour la première fois dans le Nivotester NC 70 en 1964.
La relation clients que développe Endress+Hauser n'est pas étrangère à la croissance de l'entreprise. « D’abord servir, ensuite gagner de l'argent », telle est la devise de Georg H. Endress.
Vers 1970, Endress+Hauser est déjà une entreprise importante. Fournisseur global dans le domaine de la niveaumétrie, le chiffre d'affaires approche les 30 millions de marks (15 millions d’euros), la société compte 450 collaborateurs et de nombreux points de vente dans plusieurs pays européens. Mais cela n'est pas suffisant et l’entreprise fait ses premiers pas en Amérique et en Asie. Pour être compétitif au niveau international, il faut être présent en Europe, mais aussi aux USA et au Japon.
Les années 70 : quand la crise constitue une chance
C'est alors que survient la première crise de croissance. Une demande soutenue nécessite un nouveau bâtiment d’exploitation qui va coûter la bagatelle de 10 millions de marks (5 millions d’euros) alors que survient le premier choc pétrolier. Les ventes et les bénéfices fondent comme neige au soleil. E+H est frappé par une crise de solvabilité. Mais la crise de « puberté industrielle », selon la formule de Georg Endress, passe. En 1971, il prend seul la direction de l’entreprise. Après le décès de Ludwig Hauser, en 1975, la famille Hauser se retire. Dès lors, l’entreprise passe dans les mains de la seule famille Endress.
À l'issue de la crise, c'est une entreprise nouvelle qui voit le jour : plus décentralisée, elle mise plus encore sur l’initiative de ses collaborateurs. « Diriger signifie inciter d'autres hommes à penser et agir de façon autonome, encourager leurs initiatives et focaliser leurs actions sur un objectif commun », telle est la devise du management dès 1971. Mais la poursuite de la croissance est nécessaire pour pouvoir faire partie, avec une offre de produits complète, des premiers fabricants mondiaux d'appareils de mesure et de régulation. De nouveaux champs d'activité se succèdent coup sur coup.
Les années 80 : le défi de la microélectronique et la triade
Endress+Hauser aborde les années 80 avec un chiffre d'affaires de 130 millions de marks (65 millions d’euros), avec 1 290 employés, des représentations sur trois continents et, surtout, avec des produits innovants. Mais déjà s’annonce le défi technologique suivant : la microélectronique. Elle offre de nouvelles fonctionnalités comme l’autosurveillance permanente de l’installation de mesure complète. Georg Endress et son équipe misent à fond sur cette nouvelle technologie. Des spécialistes sont engagés, les collaborateurs sont formés et toute l’entreprise est orientée vers cette révolution technologique. À Maulburg, un nouveau
Endress+Hauser fête son cinquantenaire
➜ Le bâtiment voit le jour. Les salariés sont familiarisés avec le PC, alors qu’ailleurs beaucoup ignorent encore ce que signifie cet acronyme.
Cette orientation porte ses fruits. À Interkama en 1983, E+H triomphe avec de nombreuses nouveautés : les capteurs d’humidité en technologie couches minces, le débitmètre électromagnétique Autozéro 2000 ou le détecteur de niveau révolutionnaire Liquiphant, encore synonyme aujourd’hui d’une détection de niveau fiable.
Mais dans les années 80 les marchés deviennent plus étroits et la concurrence s’accentue. E+H doit faire face à une concurrence plus rude et à un recul du niveau des commandes. La première réponse consiste à réduire les coûts et optimiser les processus d’exploitation ; la seconde est d’accélérer l’expansion pour atteindre la taille nécessaire pour conserver l’indépendance. L’objectif du groupe est désormais d’offrir une gamme de produits complète et devenir un acteur mondial dans le domaine des techniques de mesure et d’automatisation. De nouvelles filiales sont fondées au Brésil, en Afrique du Sud, à Singapour et à Hong-Kong. La structure globale du groupe est réorganisée et adaptée aux besoins à long terme de l’entreprise. 1989 s’avère être la meilleure année de toute l’histoire de l’entreprise qui emploie alors plus de 4 000 personnes à travers le monde.
Les années 90 : globalisation et changement de génération
Mais les années 90 commencent mal. La conjoncture faiblit et la concurrence est défavorable à E+H. Le marché européen est en proie à de petits fournisseurs vendant au rabais mais aussi aux grands groupes japonais et américains. Et le développement de nouveaux produits est trop lent. Il faut réagir. La priorité est de regagner la position de leader technologique. La technique du bus de terrain, co-développée par E+H, marque le passage de l’instrumentation orientée signal à celle orientée information. La technique de mesure fait alors partie intégrante des techniques de conduite de procédés. Les nouveaux produits procurent plus de profit au client et permettent de tenir tête aux produits concurrents. Ainsi, la série « Pro » de Flowtec, de même que le capteur de pression...
« Cerabar », s’avèrent de véritables best-sellers.
Dans les années 90 s’annonce un changement de génération à la tête du groupe. Georg H. Endress souhaite se retirer de l’entreprise. En 1995, il cède la direction du groupe à son fils Klaus Endress qui, depuis, occupe la fonction de Chief Executive Officer du groupe. Sous sa direction, la croissance organique du groupe pour préserver son indépendance reste l’orientation fondamentale. Face à une concurrence rude, E+H continue de miser sur une expansion mesurée, obtenue par une croissance interne et quelques rachats, ainsi qu’au travers de multiples coopérations et réseaux. Grâce à de nouvelles unités de production en Chine et en Inde, l’entreprise renforce sa présence sur ces marchés en pleine croissance. Le domaine d’activité « température » est restructuré, les « analyses physico-chimiques » sont renforcées grâce à plusieurs rachats et de nouvelles filiales sont créées partout dans le monde. Mais le centre de gravité du groupe demeure dans la région tri-nationale autour de Bâle, avec l’Allemagne, la France et la Suisse, régulièrement renforcé par des constructions et extensions de personnel. Des coopérations commerciales ou technologiques restreintes avec des partenaires et concurrents exigent d’Endress+Hauser une extension verticale de son offre : de fournisseur d’appareils il devient fournisseur de solutions d’automatisation globales.
Bien armé pour l’avenir
Aujourd’hui Endress+Hauser aborde l’avenir en tant qu’entreprise familiale indépendante. Pour ce faire, une croissance permanente autofinancée est indispensable. Mais l’épisode PPE à la fin des années 90 assombrit le tableau. PPE s’était lancé vers le milieu des années 90 dans la production en masse de circuits pour téléphones portables et, allant ainsi à l’encontre des principes de base E+H, était devenu totalement dépendant de quelques gros clients. L’effondrement soudain du marché entraîne la chute de PPE et en 2001 le groupe se trouve pour la première fois de son histoire dans le rouge. La fermeture de l’usine alsacienne de Pulversheim et l’exclusion de PPE du groupe E+H sont nécessaires pour préserver l’entreprise.
Dans le domaine de la mesure et de l’automatisation, E+H grandit plus vite que la branche. C’est avec un chiffre d’affaires supérieur au milliard de francs suisses et environ 6 000 collaborateurs que l’entreprise aborde l’année de son 50e anniversaire. Elle mise avant tout sur le leadership technologique : plus de 141 inventions font l’objet d’une demande de brevet en 2002.
Le passage du statut de prestataire qui, au-delà de la vente d’appareils, propose au client des solutions est en cours. Des milliers de clients issus de la chimie fine, de la pharmacie, des biotechnologies et de la protection de l’environnement font confiance aux produits Endress+Hauser. Des branches qui offrent, à long terme, de bonnes perspectives d’avenir pour l’entreprise.