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Emploi de l'HEDP dans l'entretien des piscines

30 octobre 1990 Paru dans le N°140 à la page 100 ( mots)
Rédigé par : Janice W. MABE et Fred ROTHENBERG

Le traitement des eaux de piscines vise à contrôler deux types majeurs de pollutions. La plus grave d’entre elles est la pollution organique par les bactéries ou les algues qui cause de sérieuses préoccupations sur le plan sanitaire ; c’est contre ce type de pollution que le chlore possède une efficacité remarquable. L’autre source de pollution est d’origine minérale. Les facteurs chimiques, qui sont à son origine, sont indifférents à l’oxydation par le chlore et leurs effets sont particulièrement néfastes sur l’aspect des piscines ; ils sont à l’origine des salissures, de décolorations et de l’entartrage le long des parois, de la turbidité ou du manque de limpidité de l’eau.

C’est de ces problèmes et en particulier des salissures et de l’entartrage qu’il sera question dans le présent article.

Origine des salissures et de l’entartrage

Les processus chimiques sur lesquels reposent presque tous les phénomènes de salissures et d’entartrage sont très simples ; il s’agit de la précipitation de sels métalliques insolubles, soit à l’état de dépôts solides sur les parois des piscines, soit sous forme de dispersions causant la turbidité de l’eau. Si les sels sont colorés, une décoloration de l’eau ou l’apparition de taches sur les parois est inévitable.

La plupart des sels insolubles en question sont des oxydes, hydroxydes et carbonates de métaux tels que le calcium, le magnésium, le fer, le cuivre et le manganèse. Tous ces sels partagent l’insolubilité relative dans l’eau, et les sels de fer, de cuivre et de manganèse sont fortement colorés. Les sels comme les carbonates de magnésium et de calcium peuvent être présents en quantités suffisamment importantes dans les piscines pour déposer des tartres, alors que les sels de métaux lourds (fer, cuivre, manganèse, etc.), habituellement observés en concentrations de quelques parties par million, provoquent principalement des encrassements.

* HEDP = acide 1-hydroxyéthylidène — 1,1 diphosphonique.

[Photo : Fig. 1 : Dégradation de l’HEDP à la lumière en présence de 2 ppm de chlore (piscine à St Louis, MO-USA).]

La nature des matériaux constituant les parois exposées de la piscine s’avère très importante pour évaluer la difficulté d’enlèvement des souillures. En effet, une surface fortement alcaline contenant du calcium (tels plusieurs types d’enduits ou ciments) diminuera la solubilité de la souillure, en rendant son enlèvement plus difficile ; par ailleurs, une surface fortement poreuse fournira à la salissure un meilleur support qu’une surface très lisse ou émaillée. Pour ces deux raisons l’encrassement par les métaux lourds est un problème habituellement associé aux piscines protégées par un enduit ou recouvertes de ciment, mais il ne leur est pas exclusif.

Méthodes d’élimination des salissures

Les possibilités d’élimination des salissures sont réellement très limitées. En fait, il n’en existe que deux : le traitement par les acides ou la séquestration.

Le traitement par les acides repose sur le fait que la plupart des sels métalliques intéressés se dissolvent rapidement aux faibles pH. Il est évident toutefois que cette méthode n’est pas applicable couramment, à la fois parce qu’une eau à pH très inférieur à la neutralité s’avère très irritante pour les baigneurs, et aussi parce que la corrosivité de l’eau introduirait probablement plus de métaux dans la piscine par corrosion des éléments métalliques de celle-ci, parois, tuyauteries, fixations, etc. qu’il n’en serait éliminé dans les salissures. Ainsi, bien que très efficace, le traitement à l’acide nécessite généralement la vidange de la piscine et une application manuelle. Sur un marché où l’entretien des piscines tend de plus en plus à rechercher des procédés commodes à main-d’œuvre réduite, cette méthode n’apparaît pas comme la plus performante.

La séquestration fait appel à un mécanisme légèrement différent : l’ion métallique est solidement lié à une molécule additionnelle, empêchant ainsi sa précipitation par séquestration. L’effet séquestrant (ou chélatant) peut être défini comme la capacité de former un complexe demeurant en solution en dépit de la présence d’agents de précipitation.

Une méthode aisée de comparaison des agents séquestrants fait appel aux stabilités thermodynamiques des espèces complexes formées par le métal et l’agent séquestrant. C’est une mesure de l’importance avec laquelle les espèces spécifiques se formeront ou seront transformées en d’autres espèces dans certaines conditions lorsque le système atteindra son équilibre. Si l’on considère une équation de formation d’un complexe

Mⁿ⁺ + Lᵐ⁻ = ML⁽ⁿ⁻ᵐ⁾

la constante d’équilibre sera :

K = (ML⁽ⁿ⁻ᵐ⁾)/(Mⁿ⁺)(Lᵐ⁻)

Il est habituel d’exprimer la stabilité thermodynamique par les constantes de stabilité représentées par les valeurs logarithmiques de la constante d’équilibre, soit :

Constante de stabilité = β = log K

Une comparaison de la grandeur de ces constantes de stabilité fournit une indication de la quantité d’ions métalliques non séquestrés en solution. Plus la valeur est élevée, plus la tendance d’un sel (salissure) à se redissoudre est élevée.

Agents séquestrants pour les eaux de piscines

Pour être employé dans les piscines, un agent séquestrant doit posséder les quatre caractéristiques suivantes :

  • – il doit complexer préférentiellement les métaux, tels le fer ou le cuivre, par rapport aux alcalino-terreux comme le calcium. Comme toutes les eaux d’approvisionnement des piscines contiennent des ions cal-

cium ou magnésium en quantités bien supé- rieures aux métaux lourds, l'attirance préférentielle pour ces derniers doit être très importante, sinon l’agent séquestrant ne « trouvera » pas les ions tachants. En d'autres termes, l’agent devrait avoir des constantes de stabilité importantes pour le fer et le cuivre ;

  • il doit être stable face à la dégradation par l'eau (hydrolyse) sinon il risque d’être détruit avant d’avoir « trouvé » l’agent tachant ;
  • il doit être raisonnablement stable face au chlore employé dans la piscine pour les mêmes raisons ;
  • il ne doit pas pouvoir être assimilable par des micro-organismes, faute de quoi on aggraverait la situation d’un côté (croissance des bactéries ou algues) tout en l’améliorant de l'autre (salissures).

Très peu de produits répondent à tous ces critères. Toutefois, l'acide 1-hydroxyéthylène — 1, 1 diphosphonique (HEDP) offre des possibilités remarquables comme agent d’élimination des salissures de piscines. Plus particulièrement, on peut employer une solu- tion aqueuse à 60 % de cet acide. Il se compare aux autres séquestrants habituels (le nitrilotriacétate (NTA) et le tripolyphos- phate de sodium (STP)) pour son pouvoir séquestrant vis-à-vis du calcium et du magnésium. La constante de stabilité élevée pour les complexes —> HEDP Fer indique une très solide complexation du Fer (III) par le produit.

Outre son pouvoir complexant, l'HEDP a aussi la propriété de défoculer et de dis- perser les particules colloïdales. De petites concentrations de l’anion HEDP fortement chargé négativement sont solidement absor- bées sur les surfaces possédant des charges répulsives. Cette caractéristique apparaît importante à la fois pour la prévention de l'entartrage et l’élimination des taches. En outre l'HEDP inhibe la formation de tartres provoqués par le calcium et le magnésium même lorsqu’il n'est présent qu’en quantités très inférieures à celles requises pour la séquestration des ions métalliques.

Certains composés sont susceptibles de maintenir en solution d’importantes quan- tités d’entartrants, même lorsqu’ils sont employés à des concentrations très faibles. Cette propriété est connue sous le nom d’ef- fet de seuil. Les théories actuelles interpré- tent ce phénomène par une adsorption des agents d’inhibition sur les sites de croissance des cristaux de tartre, ce qui altère leur déve- loppement.

L'aptitude de l'HEDP à inhiber la précipitation de différents systèmes est bien connue. Ces systèmes sont : le carbonate de calcium, le sulfate de calcium, le phosphate de calcium, le sulfate de strontium, le sulfate de baryum,

l'hydroxyde ferrique (Fe3+), l'hydroxyde d’aluminium, l'hydroxyde cuivreux (Cu2+) et l'hydroxyde de cobalt (Co2+).

Doses d'emploi de l'HEDP dans les piscines

Il est très difficile d’évaluer la dose d’HEDP nécessaire à l'élimination d'une tache don- née sans connaître son origine. Toutefois il est établi que les taches les plus sérieuses proviennent de la précipitation d’un métal lourd introduit par l’eau employée pour la piscine, par opposition aux taches épi- sodiques provenant d’épingles à cheveux, de pièces de monnaie, etc.

Les métaux lourds sont habituellement intro- duits dans les piscines soit par l’eau muni- cipale, ou à partir de corrosion de pièces métalliques appartenant à l’équipement de la piscine ou aux accessoires. Le fer est sou- vent introduit à l'état d’ion ferreux Fe (II) soluble, et oxydé par le chlore de la piscine en ion ferrique Fe (III) marron insoluble.

La plupart des eaux municipales contiennent moins de 3 ppm de métaux lourds, quoique les concentrations dans les eaux non traitées (comme les eaux de puits) soient suscep- tibles d’atteindre des niveaux plus élevés. En l'absence d'évaluation plus précise, nous admettrons que la concentration en métaux lourds de 3 ppm présente un sérieux pro- blème de pollution : cette teneur est suffi- sante pour produire des salissures sévères.

La séquestration nécessite la présence d’une molécule de HEDP par ion métallique. Comme les ions métalliques lourds possè- dent un poids atomique de 50 à 65 et que l'HEDP présente un poids moléculaire de 206, il sera nécessaire d’employer sur un plan pondéral environ quatre fois plus d'HEDP que de métal. Comme on l’a noté, 3 ppm de métal représentent un très sévère exemple de contamination ; en utilisant les proportions explicitées ci-dessus, il fau- drait faire appel à 12 ppm d’HEDP. En pra- tique, l’emploi de 12 ppm d’HEDP représente un excès adéquat par rapport aux valeurs requises de réactif.

Dans les cas de surfaces particulièrement tachées ou de salissures fortement fixées, il est préférable de redoser l'HEDP après une semaine plutôt qu’introduire une dose unique plus importante.

Stabilité de l'HEDP dans l’eau de piscine

L'HEDP s’hydrolyse très lentement ; sa durée de vie à 25 °C et pH 7 est estimée à plusieurs années. De plus, il ne constitue pas un élé- ment assimilable par les algues ou les micro- organismes.

Heureusement il existe un mécanisme (dif- férent de la vidange de la piscine) par lequel l'HEDP et ses complexes avec les métaux lourds peuvent être éliminés de celle-ci ; il s'agit d'un processus photochimique relati- vement lent, relatif à l'HEDP ou à l'un de ses complexes, au chlore de la piscine et à l'in- tensité lumineuse élevée (par exemple la lumière solaire directe). La figure 1 montre la perte de l'HEDP en fonction du temps. En supposant que la chloration de la piscine est continue, de sorte que la concentration de chlore est relativement stable, le pourcen- tage de l'HEDP éliminé après une certaine durée de temps est indépendant de la quan- tité introduite. De plus, la vitesse de dispa- rition est proportionnelle à la concentration en chlore. En faisant appel à ces deux don- nées, une valeur approximative de la vitesse de réaction peut être calculée suivant la rela- tion : pourcentage d’HEDP éliminé = (0,03 × ppm de chlore × nombre d’heures d’expo- sition au soleil) × 100 %.

Par exemple, 48 heures après l'addition d'HEDP (dont 24 heures d’exposition au soleil) dans une piscine contenant 1,0 ppm de chlore, environ 21 % de l'HEDP auront disparu ; après une semaine d’exposition au soleil, cette proportion atteindra environ 90 %.

Si l'on considère ce qui arrive lors de l'ap- plication du produit dans une piscine, celui- ci doit atteindre la paroi et éliminer la tache (HEDP — complexe soluble HEDP-métal), et à cet effet l'HEDP doit arriver à la surface tachée à la plus haute concentration pos- sible. La solution préférable consiste à intro- duire le produit au crépuscule, afin que la décomposition catalysée par la lumière solaire ne commence pas tout de suite, ce qui permet à l'HEDP de produire son plein effet durant 20-12 heures. Lorsque le complexe HEDP-métal est dégradé par la lumière solaire et le chlore, il peut se pro- duire une recristallisation et de nouvelles taches. Toutefois, les piscines bien équipées possèdent des vitesses de filtration 3 à 4 fois plus rapides que la vitesse de dégradation du complexe, de sorte que les précipités pourraient être fixés sur le filtre pratiquement lors de leur formation.

Ainsi l'HEDP agit comme agent susceptible d’éliminer les salissures des parois de la pis- cine vers le filtre, ce qui constitue le meilleur moyen de traiter les taches de métaux lourds. Si les taches étaient maintenues en solution et que le complexe possédait une stabilité indéfinie dans la piscine, on pourrait s'attendre à une augmentation substantielle de la demande en chlore de celle-ci, étant donné qu'il est connu que les métaux lourds catalysent la disparition photochimique du chlore.

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