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Elimination préventive ou curative des sulfures en eaux usées par peroxyde d'hydrogène

30 janvier 1992 Paru dans le N°151 à la page 49 ( mots)
Rédigé par : Guy MARTIN, Olivier LE GOALLEC, Alain LAPLANCHE et 2 autres personnes

Origine des sulfures

L'importance du problème de l’apparition et du traitement des sulfures conduit à de nombreuses expérimentations pour comprendre et tenter de maîtriser ce phénomène. La production des sulfures est surtout due à la réduction des sulfates inorganiques par les bactéries sulfato-réductrices (anaérobies strictes, gram négatif). Les deux genres les plus connus sont Désulfovibrio et Desulfotomaculum, qui se trouvent soit dans l’effluent (au sein des matières en suspension), soit dans le « biofilm ». Ce dernier est composé de biomasse et de matériaux divers et se forme sur les parois des postes de refoulement et des canalisations (Colin, 1988).

Les bactéries sulfato-réductrices sont résistantes aux métaux et aux composés organiques toxiques, croissent entre pH 5 et 9,5 à des températures comprises entre – 5 °C et + 75 °C. Elles ne se développent que dans des milieux à bas potentiel d’oxydo-réduction et, très rapidement, on peut noter une chute de ce potentiel jusqu’à – 100 mV (H2) (Postgate, 1979). Les sulfures produits dans le biofilm diffusent dans l’effluent et sont oxydés par l’oxygène dissous. Cependant, dès que la concentration en O2 est faible (< 0,5 mg/l), la totalité des sulfures n’est pas oxydée, ce qui entraîne le dégagement d’hydrogène sulfuré dans l’atmosphère de la conduite.

La production des sulfures en réseau étant un processus essentiellement biologique, il est influencé par différents paramètres (Colin, Munk-Koefed, 1987 ; Barrais, 1990) :

* La température : une augmentation de la température favorise le développement des bactéries sulfato-réductrices et accélère aussi la consommation d’oxygène (donc la septicité des eaux) par les bactéries aérobies ;

* Le pH : le pH des eaux usées (entre 5 et 9,5) n’influence pas le métabolisme des bactéries, mais par contre le pH conditionne le dégazage de H2S ;

* Le potentiel d’oxydo-réduction : le potentiel doit être nettement négatif (entre 0 et – 100 mV H2) pour permettre le développement des bactéries sulfato-réductrices. Si ces conditions n’existent pas obligatoirement dans l’effluent elles peuvent exister dans le biofilm ;

* La concentration en O2 dissous : c’est l’un des paramètres les plus importants. À une concentration supérieure à 1 mg/l dans l’effluent, on considère que les risques de production de sulfures sont inexistants. Pour une concentration inférieure à 0,5 mg/l le problème se pose ;

* Le temps de séjour : le rôle du temps de séjour (comme l’influence des dépôts) n’a pas été étudié dans la littérature scientifique. Cependant, il est pourtant considéré par les exploitants comme le paramètre le plus important. On considère ainsi qu’au-delà d’un temps de séjour (dans un refoulement ou une canalisation gravitaire en charge) de 2 heures (temps de séjour moyen sur 24 h), l’effluent devient suffisamment septique pour permettre la formation de sulfures ;

* La vitesse instantanée des effluents dans la conduite de refoulement : elle doit être suffisante pour remettre en suspension les dépôts qui ont pu se former entre deux pompages. On considère ainsi qu’une vitesse instantanée de 1,2 m/s est nécessaire, c’est-

à-dire une vitesse supérieure à la vitesse « conventionnelle » dite d’auto-curage (0,5 m/s) ;

  • La concentration en sulfates : les avis divergent sur l’influence des sulfates et dans l’état actuel des connaissances, il semble difficile d’émettre une conclusion (facteur limitant…).

Malgré l’impossibilité d’étudier l’influence de ces facteurs, paramètre par paramètre, sur la production des sulfures, de nombreux auteurs ont établi des modèles mathématiques de formation des sulfures en prenant comme base la vitesse de circulation du fluide, la DBO, ou la DCO, la température, la concentration en sulfates, le rayon hydraulique de la conduite et le temps de séjour.

On peut ainsi écrire, pour les conduites de refoulement :

ds/dt = 0,5 10-3 Vs (DBO5)0,6 (SO42-)0,4 1,139 2° r-1 (Thistlethwayte — 1972)
ds/dt = Ma (DBO5)1,07 2° r-1 (1 + 0,37 D) (Pomeroy — 1977)
ds/dt = Mb (DCO)1,07 2° r-1 (1 + 0,37 D) (Boon et Lister — 1975)

et pour les conduites gravitaires :

ds/dt = M’ (DBO5)1,07 2° r-1 N (SU)2* S dm-1 (Parkhurst et Pomeroy — 1972),

formules dans lesquelles on a :

ds/dt = variation de la concentration en sulfures dans l’effluent en mg/l/h, Vs = vitesse moyenne de l’écoulement en m/s, DBO5, DCO exprimé en mg/l, T = température de l’effluent en °C, D = diamètre de la conduite en mètre, r = rayon hydraulique en mètre (r = 1/4 D), Ma = 0,928 10-3 et Mb = 0,228 10-3, S = concentration de sulfures et en sulfates en mg/l, s = pente de la conduite en m/m, u = vitesse de l’écoulement en m/s, dm = profondeur hydraulique moyenne en m, M’ = 0,073 10-3 et N = 0,96 (résultats moyens).

Cependant, ces modèles, appliqués aux réseaux français, ont montré qu’ils surestimaient la concentration en sulfures. Actuellement, il n’existe aucun modèle applicable à l’ensemble des réseaux (gravitaire et refoulement).

Les remèdes

En dehors de toute solution qui modifierait la conception hydraulique des réseaux, deux procédés de traitements chimiques retiennent l’attention des exploitants :

  • la précipitation des sulfures sous forme de FeS par utilisation du sulfate ferreux ; ce traitement conduit à la production d’une importante quantité de boues noires. Musquère (1983) préconise une dose de 10 mg de FeSO4, 7H2O par mg de sulfures (~ 1,1 moles/mole) ;
  • l’oxydation par le peroxyde d’hydrogène, technique utilisée dans notre expérimentation, comme on le verra ci-après, transforme les espèces soufrées réduites en composés où le soufre a un degré d’oxydation positif ou nul.

Pour l’hydrogène sulfuré, représenté ici par HS-, qui est l’espèce prédominante au pH des eaux usées, les équations suivantes ont été établies (Le Goallec et coll.; 1990) :

HS- + H2O2 + H+  →  S° + 2 H2O
2 HS- + 4 H2O2  →  S2O32- + 5 H2O
S2O32- + 2 H2O2  →  2 SO42- + H2O + 2 H+
SO32- + H2O2  →  SO42- + H2O

En discontinu, la cinétique apparente de disparition de H2S est du premier ordre par rapport aux sulfures et à l’eau oxygénée, et la constante cinétique a une valeur faible de 1,15 M-1 s-1 (Le Goallec et coll.; 1990).

Les mercaptans, quant à eux, peuvent s’oxyder en disulfures, puis en acide sulfonique (Schirmann ; 1979) selon le schéma :

RSH  →  R-S-S-R  →  R-SO3H
Mercaptans  Disulfures  Acides sulfoniques

Présentation du site expérimental

La station d’épuration des eaux usées de Livery se situe sur la commune de Guérande. Elle traite les eaux usées domestiques collectées sur les SIVOM de La Baule et de Piriac.

L’exploitation et l’entretien des réseaux sont assurés par CISE depuis le 1er juillet 1976. La partie du réseau sur laquelle a été conduite l’expérimentation est schématisée sur la figure 1. Nous avons choisi de travailler sur les deux tronçons de refoulement : L’Etang — Kerdinio constitué d’une conduite d’un diamètre de 250 mm en PVC installée en 1978 (le refoulement du poste du Toulport n’intervient que pour un faible débit) et Lerat — La Turballe constitué d’une conduite d’un diamètre de 300 mm en PVC installée en 1976. Ils sont caractérisés par des longueurs très importantes (respectivement de 5 310 m et de 2 760 m). Les temps de séjour de l’effluent y varient par exemple de 50 heures, en période hivernale sèche, à 7 heures l’été pour le tronçon le plus long. De plus, ces deux sections sont placées en série, et les problèmes rencontrés sont cumulatifs. En aval de ces refoulements, les conduites gravitaires d’un diamètre de 400 mm en amiante-ciment sont très corrodées sur une distance avoisinant 250 m, ce qui a nécessité de nombreuses réfections.

L’ensemble des paramètres de fonctionnement des deux tronçons est donné par le tableau IV.

Par la suite, la mise en œuvre d’une oxydation au peroxyde d’hydrogène dans diverses conditions expérimentales au niveau des deux postes de refoulement a permis de dresser un bilan de la méthode préventive d’élimination des sulfures (été 89). L’injection s’est faite à l’aspiration des pompes de refoulement.

La campagne de mesures effectuée pendant la saison estivale 1990 a été axée sur l’aspect curatif du traitement par l’eau oxygénée, asservi ou non au débit et/ou au potentiel d’oxydo-réduction. L’injection s’est faite à quelques centaines de mètres en amont du regard d’arrivée du refoulement sur la conduite en charge de l’Etang-Kerdinio.

Matériels et méthodes

Analyses effectuées (méthodes préventive et curative) : La détermination des paramètres

[Photo : légende : Fig. 1 : Réseau d’assainissement du SIVOM de Piriac.]

Pe : Prise d’échantillon Aq : Asservissement de la pompe doseuse H2O2 (35 %) au débit Em : Asservissement de la pompe doseuse H2O2 (35 %) au Redox H2O2 : Unité de peroxyde d’hydrogène 35 % EU : Eaux usées AB : Longueur entre l’introduction du réactif et la lecture du potentiel d’oxydo-réduction L = 20 m = t = 45 secondes

[Photo : légende : Fig. 2 : Principe de l’installation du traitement curatif au peroxyde d’hydrogène.]
[Photo : légende : Fig. 3 : D.T.S. sur la conduite de refoulement de l’Etang-Kerdinio.]

…qui permettent de caractériser l’effluent et son évolution a été réalisée soit directement sur le terrain, soit par prélèvement d’échantillons et analyses ultérieures au laboratoire en effectuant les mesures suivantes :

Sur le terrain

pH (pH-mètre Knick), conductivité (conductimètre Ponselle), potentiel d’oxydo-réduction (électrodes Polymetron), température, oxygène dissous (oxymètre Ponselle), mesure rapide des sulfures (Trousse Merck-Aquaquant, gamme 0-5 ppm).

Au laboratoire :

  • • sulfates : méthode néphélométrique par précipitation de BaSO₄ par du chlorure de baryum (λ = 450 nm) ;
  • • sulfures : méthode ionométrique par électrode spécifique Orion après blocage de l'échantillon sur le terrain par une solution dite « Saob » dont la composition est pour un litre (le dosage des sulfures a été réalisé le plus rapidement possible après la prise d’échantillon) :
  • — 320 g de salicylate de sodium (ou 67 g EDTA),
  • — 80 g de soude qui élève le pH pour déplacer l’équilibre : H₂S ➔ HS⁻ + H⁺ ➔ S²⁻ + 2H⁺ ; les formes ionisées HS⁻ et S²⁻ sont solubles dans l’eau,
  • — 72 g d’acide ascorbique qui joue le rôle d’antioxydant (ou 35 g si 67 g EDTA)

DCO : norme Afnor NFT 90101 MES : norme Afnor NFT 90105

[Photo : Action préventive du peroxyde d’hydrogène.]

Méthodes de prélèvement :

Sur le terrain, de très grandes précautions ont été prises pour réaliser les échantillonnages d’effluent afin d’éviter les remous qui entraîneraient des pertes en sulfures. Nous avons donc utilisé une pompe péristaltique fonctionnant sur une batterie de 12 volts. Le tuyau d’aspiration est inséré dans la conduite de refoulement pour prélever l’échantillon avant la chute de l’effluent dans le regard vers le gravitaire. Dans le cas des postes de refoulement, il plonge dans le liquide à quelques centimètres de la surface pour éviter de collecter des amas de boues et de graisses. Lorsque cela n’est pas possible, nous avons prélevé l’échantillon au seau ; il s’est avéré qu’une manipulation rapide et un blocage des sulfures sur le site n’entraînent pas de grande variation de la concentration en espèces soufrées.

Méthode préventive :

Les injections d’eau oxygénée ont été faites à l’aspiration des pompes de refoulement, et asservies à celles-ci au moyen d’une pompe doseuse. Des marqueurs d’événements Endress + Hauser (type Primo Event), situés à l’intérieur de l’armoire électrique des postes de refoulement, nous ont permis de connaître de manière précise les temps de fonctionnement des pompes, les débits, les temps de séjour et les vitesses de circulation de l’effluent dans les conduites. Les expériences ont été réalisées en faisant varier le taux de traitement de l’eau oxygénée de 0 à 136 g d’H₂O₂ pur par m³, soit de 0 à 4 moles d’H₂O₂ par m³ d’effluent.

Méthode curative :

Les essais ont été réalisés sur la conduite de refoulement en PVC entre le poste de l’Étang et Kerdinio (SIVOM de Piriac).

Caractéristiques de la conduite de refoulement :

L = 5 310 m, d = 250 mm, V = 261 m³.

Caractéristiques des pompes de refoulement au poste de l’Étang :

P₁ = 80 m³/h, P₂ = 86 m³/h ; pompes de type Flygt.

Situation du lieu d’injection de l’unité-pilote :

Les calculs ont été effectués suivant les valeurs obtenues pendant les mois de juillet et août 89 : P_moyen = 83 m³/h ; soit v_instantanée = 0,47 m/s. Temps de contact H₂O₂ (35 %) / sulfures = 30 mn.

Période diurne :

141 < L (m) < 564.

Période nocturne :

85 < L (m) < 174.

Nous avons émis l’hypothèse que l’effluent transite en charge dans la conduite de refoulement et non en semi-charge (conduite fonctionnant en semi-gravitaire) ; car dans ce cas, le temps de contact ne serait pas respecté et le rendement d’élimination des sulfures serait modifié. Le point d’injection du réactif a été placé à 450 m en amont du regard d’arrivée de Kerdinio (calcul effectué dans les conditions les plus défavorables, c’est-à-dire pour des flux importants de débit de 9 h 30 à 11 h).

Lors de l’asservissement de l’ajout du peroxyde d’hydrogène au potentiel Redox, il a été impératif de laisser le réactif se mélanger à l’effluent avant la lecture du potentiel d’oxydo-réduction. L’introduction de la sonde Redox ne s’est pas faite dans le même tampon que l’injection du réactif, mais 20 m en aval de l’unité de traitement (fig. 2).

[Photo : Évolution de l’échantillon de Kerdinio après traitement curatif.]
[Photo : Corrélation entre les sulfures éliminés et la dose de peroxyde d’hydrogène injecté.]
[Photo : Évolution des sulfates et des sulfures dans la conduite de refoulement.]

Expérimentations et résultats

Fonctionnement des postes (1989)

Au cours des premiers mois de l’année 89 on constate de grandes disparités de débits et donc de temps de séjour entre les périodes de vacances et les périodes hivernales. De même, des écarts importants existent entre les débits de pointe diurne (10 h-12 h ; 15 h-16 h ; 19 h-22 h) et ceux correspondants aux périodes nocturnes. Pendant les mois de juillet et août, au cours desquels ont été réalisés les essais, les temps de séjour moyens varient de 7,8 à 16,5 heures pour l’Étang-Kerdinio et de 1,4 à 7,2 heures pour Lerat-La Turballe, ce qui s’est confirmé au cours des mois de juillet-août 1990.

[Tableau I : Récapitulatifs des essais préventifs au peroxyde d’hydrogène (89).]

[Tableau II : Récapitulatifs des essais curatifs au peroxyde d’hydrogène (90).]

σ² calculée à partir de la courbe de la figure 3.

La tuyauterie est considérée comme un réacteur ouvert, et dans ce cas :

σ²/τ² = 2/Pe + 8/Pe², avec Pe = UL/D et U = vitesse de l’effluent, L = longueur de la canalisation, D = coefficient de dispersion axiale.

Dans notre expérimentation on relève la valeur Pe ≃ 470, qui caractérise un écoulement en flux piston (Pe > 50), ce qui signifie que l’eau usée se déplace par à-coups dans la canalisation pendant la durée de fonctionnement des pompes, sans zone morte ni mélange interne notable. L’élimination des sulfures par la méthode curative nous a amené à maîtriser parfaitement la variation du temps de séjour de l’effluent dans la canalisation. Comme nous l’avons vu précédemment, pour optimiser l’utilisation du peroxyde d’hydrogène, on s’est fixé un temps de contact H₂O₂/sulfures de 30 minutes. Il nous a semblé nécessaire de vérifier que le temps de séjour réel de l’effluent dans la canalisation correspond au temps de séjour calculé avec les indications du marqueur d’événement. Pour cela, nous avons effectué un traçage à la fuschine, qui compte tenu du pH des eaux résiduaires prend une couleur jaune fluorescente.

Trois essais ont été effectués entre le point de mesure du potentiel d’oxydo-réduction et l’arrivée du refoulement dans les conditions suivantes :

Date Temps de séjour chronométré (mn) Temps de séjour théorique (mn)
17/09 23 120
18/09 18 83
18/09 15 73

Les vitesses instantanées (lQ/m²/d) des eaux usées dans les conduites de refoulement sont respectivement de 0,5 et 0,8 m·s⁻¹ pour les secteurs de l’Etang et de Lérat.

La qualité de l’effluent dans les postes de refoulement est représentative d’une eau usée urbaine : 7,5 < pH < 8,75 ; 146 < DCO (mg O₂/l) < 1885 ; 164 < MES (mg/l) < 1210 ; 12 < T (°C) < 24 ; 0 < S poste et S entrée (mg S/l) < 5,5. En appelant S l’ensemble des formes dissociées et non dissociées de l’hydrogène sulfuré (S²⁻, HS⁻, H₂S), S entrée est la mesure faite sur l’eau arrivant dans le poste et S poste, celle effectuée dans le bac tampon du poste. Les valeurs obtenues sont celles d’un effluent urbain classique, et il faut remarquer de plus qu’il n’y a pas de sulfure à l’entrée du poste en période hivernale.

Mesure de la distribution des temps de séjour (DTS) (étés 89 et 90)

Pour connaître l’écoulement des eaux usées dans les conduites, une mesure de distribution des temps de séjour a été effectuée entre l’Etang et Kerdinio. En suivant la conductivité de l’effluent dans le regard de Kerdinio, l’analyse de la déformation d’un signal impulsion de chlorure de sodium au poste de l’Etang a été réalisée. Le résultat brut est donné sur la figure 3.

Le temps de séjour mesuré « + » correspond au temps de séjour calculé par les marqueurs d’événements. Le nombre de Peclet (Pe), qui caractérise la dispersion de l’écoulement, a été déterminé d’après la variance.

Pumpe Étang :

P₁ = 80 m³/h — Temps de séjour = 18,75 mn P₂ = 86 m³/h — Temps de séjour = 14,70 mn

L = 430 m (Vol = 21 m³)

Les temps de séjour calculés par l’intermédiaire d’un marqueur d’événement ne reflètent donc pas la réalité, ce qui s’explique du fait de l’état semi-gravitaire de la conduite de refoulement. L’effluent continue son cheminement dans la canalisation avec une vitesse d’écoulement de 0,05 à 0,1 m/s après l’arrêt des pompes de l’Etang. Les valeurs obtenues pendant les essais curatifs seront alors représentatives d’un temps de séjour compris entre 15 et 30 mn.

Suivi du traitement à l’eau oxygénée

Action préventive (1989) :

Au cours de l’été 1989, l’expérimentation a été réalisée sur les deux tronçons de refoulement en faisant

[Photo : Abattement des sulfures par le peroxyde d’hydrogène par la méthode curative.]

varier le taux de traitement à l’eau oxygénée. Le tableau indique les valeurs expérimentales relevées dans les postes et à la sortie des refoulements : le taux de traitement, le potentiel d’oxydo-réduction, le pH, la température, les composés soufrés, l’oxygène dissous, la DCO et les MES.

Les valeurs indiquées sont la moyenne d’au moins cinq mesures ponctuelles. En utilisant les résultats obtenus lors de la détermination de la DTS, les analyses à l’arrivée du refoulement ont été faites en tenant compte du temps de séjour réel dans la canalisation afin de raisonner sur la même tranche d’eau.

Les diagrammes représentant l’évolution des sulfures en fonction du taux de traitement est donné par les figures 4. Ils indiquent une diminution du taux de sulfures en fonction de la dose d’H₂O₂ utilisée. Sur le tronçon le plus court avec un taux de traitement maximum (110 g H₂O₂ pur/m³), il est possible d’éliminer la quasi-totalité des sulfures ; en revanche, en période chaude (t° de l’effluent > 20 °C) avec des temps de séjour relativement longs (7 à 9 heures), le traitement maximum au poste de l’Étang (136 g H₂O₂ pur/m³) ne permet qu’une diminution de 10 mg l⁻¹ des sulfures, soit 50 % de rendement d’élimination de ceux présents au regard de Kerdinio sans traitement.

Action curative (1990)

L’étude a été réalisée sur le tronçon de refoulement reliant le poste de l’Étang au regard de Kerdinio. Pendant l’étude, l’unité de traitement au peroxyde d’hydrogène de l’Étang a été mise « hors service », afin de ne pas perturber les essais. L’effluent ne se trouvant plus traité au niveau du poste de l’Étang, il a pu générer une forte quantité de sulfures dans la conduite de refoulement.

Le tableau II indique les résultats des différentes expériences réalisées sur le site. L’expérimentation s’est décomposée en cinq phases :

  • — la phase 1, consistant à faire varier la quantité de H₂O₂ injecté sans aucun asservissement. La pompe a fonctionné en continu avec un débit de 9 à 66 l/h ;
  • — la phase 2, consistant à asservir l’injection au débit de l’effluent dans la conduite. Une vitesse minimale de passage a été fixée (0,1 m s⁻¹) ;
  • — les phases 3 et 4, qui ont voulu mettre en évidence le rôle prépondérant du potentiel d’oxydo-réduction, dans l’élimination curative des sulfures par l’eau oxygénée. Nous nous sommes fixés un débit de pompe doseuse de l’ordre de 42 l/h (variateur au maximum). La phase 3 a permis d’asservir l’injection au débit et au Redox. Quatre seuils ont été testés (–100 mV ; –50 mV ; 0 mV et +100 mV (Ag/AgCl)). La phase 4 a consisté à asservir l’injection uniquement au Redox : deux seuils ont été étudiés (–50 mV et 0 mV Ag/AgCl) ;
  • — la phase 5 présentant un suivi de l’effluent entre l’unité de traitement et l’arrivée de l’effluent à Kerdinio, sans ajout de réactif.

Dans ce tableau, nous avons mentionné la mesure du Redox, exprimé par rapport à l’électrode Ag/AgCl ; l’état des sulfures entrée-sortie ; l’état du fonctionnement du poste de l’Étang (débit, temps de fonctionnement des pompes, temps de séjour) et le traitement en lui-même (dose, débit). De plus, nous y avons indiqué le rendement d’élimination des sulfures (R (%)), le taux de traitement global calculé sur la durée de l’expérience (TMg) et le taux de traitement (TM) reporté au temps de fonctionnement de la pompe à l’Étang. TM est représentatif de l’efficacité du traitement calculé sur un petit volume d’effluent correspondant à un temps continu de fonctionnement de pompe. Ces taux de traitement sont exprimés en mole H₂O₂ pur par mole de sulfures.

Les valeurs indiquées dans le tableau II représentent la moyenne de trois à quatre mesures pour l’effluent de départ et de quatre à sept mesures pour l’effluent de Kerdinio, en ce qui concerne les phases 1, 2 et 5. Pour les phases 3 et 4, dix à seize mesures ponctuelles ont été réalisées à Kerdinio.

N’ayant pu respecter totalement le temps de séjour théorique de contact H₂O₂/effluent fixé à 30 mn, il nous a semblé intéressant de suivre l’effluent de Kerdinio dans le temps après traitement. La figure 5 regroupe ces mesures. Nous y avons indiqué la concentration en sulfures et le potentiel d’oxydo-réduction avant traitement, aux temps T, T + 15 mn et T + 30 mn. T représente le temps de séjour ou de contact de l’effluent avec le peroxyde d’hydrogène. Nous y indiquons aussi le pourcentage d’abattement des sulfures au taux de traitement TM correspondant.

[Photo : Évolution des sulfures en fonction du Redox.]

Discussion

Action préventive de H₂O₂

Lorsque le peroxyde d’hydrogène est utilisé à l’aspiration des pompes de refoulement, pour être efficace, il doit non seulement oxyder les composés soufrés réducteurs présents dans le milieu au moment de l’injection, mais également réagir avec les sulfures formés tout au long de la canalisation. Il améliore la qualité de l’effluent par augmentation du potentiel d’oxydo-réduction et de l’oxygène dissous. Néanmoins, au vu des figures 4, il semble illusoire d’effectuer un traitement préventif dès que le temps de séjour dépasse deux heures pour un taux de traitement maximum de 95 g H₂O₂ pur/m³. En effet, au poste de Lerat, où le temps de séjour est compris entre 1,75 et 2,5 h, il nous a été possible d’éliminer 90 % des sulfures pour cette dose, soit pour un coût de 1 F/m³. Au-delà de 2 heures, au poste de l’Étang par exemple, nous n’avons pu éliminer que 50 % des sulfures pour un taux de 136 g H₂O₂ par m³, soit un coût de 1,60 F/m³.

Un bilan massique des sulfures entre l’entrée et la sortie d’un tronçon de refoulement s’écrit :

Entrée + Production = Sortie + Accumulation

Soit : S poste + ΔS formé + ΔS oxydé = S regard (S poste : quantité initiale de sulfures dans le poste de refoulement, ΔS formé : quantité de sulfures formée dans la canalisation de refoulement, ΔS oxydé : quantité de sulfures oxydée par le traitement H₂O₂, S regard : quantité de sulfures obtenue à l’arrivée de l’effluent).

Les échantillons étant pris à l’intérieur de la canalisation, il est normal de pouvoir négliger H₂S regard. De plus, en régime permanent, le terme d’accumulation est nul.

Les essais effectués pendant une période de 15 jours peuvent être comparés entre eux, car ils se déroulent en période sèche, sans intrusion d’eaux parasites, avec des paramètres physico-chimiques de l’effluent stables.

En l’absence d’eau oxygénée, il est possible de calculer ΔS formé par l’équation : ΔS formé = S regard – S poste. Avec un traitement au peroxyde d’hydrogène, en ayant déterminé ΔS formé dans l’équation précédente, la quantité réelle de ΔS oxydé est : ΔS oxydé = S poste + ΔS formé – S regard. Les résultats de ces calculs, ainsi que la teneur en sulfates dans le poste et le ΔSO₄²⁻ entre le poste et le regard sont

Tableau III

Bilan massique des différentes espèces soufrées.

Tableau IV

indiqués dans le tableau III, dans lequel ΔS représente la valeur S regard – S poste, avec et sans traitement.

Si nous représentons ΔS oxydé en fonction de la quantité de peroxyde d’hydrogène introduit, compte tenu de la difficulté des mesures effectuées sur le terrain et de l’hypothèse faite précédemment (stabilité des paramètres physico-chimiques), il est possible de tracer la droite de la figure 6. La pente de cette droite nous indique que dans les conditions réelles de traitement par H₂O₂ appliqué au refoulement des pompes, on consomme environ 12 grammes d’oxydant par gramme de sulfures éliminés (11,5 moles/mole). Si on compare cette valeur aux 4 moles/mole nécessaires en théorie pour oxyder les sulfures en SO₄²⁻ ou aux 2 moles/mole obtenues en laboratoire pour les transformer en diverses espèces soufrées oxydées (S°, S₂O₃²⁻, SO₃²⁻, SO₄²⁻), il faut admettre que l’eau oxygénée introduite est consommée par de nombreuses réactions « parasites » (oxydation de la matière organique de l’effluent et du biofilm, oxydation d’espèces minérales réduites, autodécomposition…).

Bien que seules les expériences effectuées aient été prises en compte, la représentation graphique de ΔSO₄²⁻ en fonction de ΔS (figure 7) permet également de tracer une droite proche de la première bissectrice. De ce fait on peut penser que les sulfates produits (ΔSO₄²⁻ positifs) sont issus de l’oxydation des espèces soufrées réduites par le peroxyde d’hydrogène, et que les sulfures formés par les bactéries sulfato-réductrices (ΔS positifs) le sont au détriment des sulfates présents dans l’effluent. La superposition de ces deux phénomènes peut être expliquée à la fois dans le temps et dans l’espace : si l’on considère l’écoulement du fluide (facteur temps le long de la canalisation) au moment de l’addition du réactif, les conditions sont remplies pour former des sulfates et lorsque l’oxydant a été consommé, les conditions peuvent être à nouveau favorables à la production de sulfures ; si l’on considère une tranche de fluide (facteur spatial), la réduction des sulfates peut avoir lieu dans le « biofilm » au niveau d’une sous-couche, près de la paroi où le peroxyde d’hydrogène ne diffuse pratiquement pas. En revanche, l’oxydation se produit au sein du fluide circulant, H₂O₂ oxydant au fur et à mesure les sulfures formés dans le « biofilm ».

Action curative de H₂O₂

Les différentes phases de travail réalisées sur le site de l’Étang-Kerdinio ont permis d’étudier le mode d’utilisation curatif du peroxyde d’hydrogène sur les sulfures présents dans l’effluent. Les résultats indiqués dans le tableau II montrent l’efficacité de ce type de traitement ; au plus faible taux de traitement (TM) testé, nous avons en effet pu éliminer plus de 70 % des sulfures présents au départ ; ces résultats sont représentés sur la figure 8.

L’obtention d’un abattement supérieur à 80 % nécessite un taux compris entre 5 et 7 moles H₂O₂ pur/mole de sulfures initial pour un temps de contact de 16 à 25 mn. Le suivi des paramètres physico-chimiques de l’effluent compris entre le point d’injection du réactif et le débit de l’effluent gravitaire n’indique pas de grand changement d’état de l’effluent traité, en ce qui concerne la charge organique et la teneur en MES. L’eau oxygénée, sélective, est prioritairement consommée par les espèces soufrées réductrices présentes en solution. Compte tenu de la difficulté d’analyser avec précision une même tranche d’eau et de l’hétérogénéité de l’échantillonnage, l’ajout du peroxyde d’hydrogène ne modifie pas de manière sensible la valeur de la DCO de l’effluent. En outre, l’état de « fraîcheur » de l’effluent est amélioré, pour deux raisons :

  • le potentiel d’oxydo-réduction passe de – 270, – 340 mV à des valeurs comprises entre – 150 et + 133 mV (Ag/AgCl). Les valeurs positives sont obtenues pour des sur-doses en réactif ; en effet, il est utopique d’un point de vue économique d’essayer de maintenir l’effluent à un Redox positif ;
  • l’augmentation de l’oxygène dissous avec présence d’H₂O₂ résiduel, quel que soit le traitement, améliore la qualité de l’effluent.

La mesure de l’hydrogène sulfuré gazeux montre l’existence de poches de gaz. En effet, la méthode curative ne traite que les sulfures présents dans l’effluent, et non l’hydrogène sulfuré gazeux qui s’est formé en amont, d’où l’obtention de concentrations ponctuelles, supérieures à 200 ppm de H₂S, quelle que soit la dose de H₂O₂ injectée.

L’analyse des sulfates ne donne aucun renseignement, le temps de contact étant trop court pour permettre une oxydation des sulfures en sulfates, ce qui renforce l’hypothèse que l’oxydation en dérivés soufrés de degré d’oxydation intermédiaire (S(0), S(+II), S(+IV)) est réalisée.

La figure 5 montre l’importance du temps de contact H₂O₂/effluent. Le temps T est compris entre 16 et 25 mn. L’augmentation de T à T + 15 a permis d’augmenter le rendement d’élimination des sulfures à plus de 90 % pour des taux de traitement (TM) compris entre 5,3 et 9,6 moles H₂O₂ pur/mole sulfures. Bien que nous ne nous trouvions plus dans les mêmes conditions expérimentales, le maintien d’un temps de contact de 30 à 45 mn nous permet de diminuer le taux de traitement tout en améliorant le rendement d’élimination. Les phases 3 et 4 ont consisté à mettre en valeur le rôle prépondérant du potentiel d’oxydo-réduction en ce qui concerne l’existence en solution des sulfures de degré d’oxydation –II. Les essais sur le terrain, où l’injection du réactif est asservie uniquement au Redox, ont permis d’éliminer les sulfures à plus de 87 %. Cependant, du fait de l’état semi-gravitaire de la conduite de refoulement, cet asservissement au Redox a entraîné une sur-dose en réactif (208 g H₂O₂ pur/m³), d’où un coût très élevé (> 2 F/m³). Par contre, l’asservissement au débit et au Redox permet l’obtention d’un rendement d’élimination des sulfures supérieur à 90 %, quel que soit le seuil Redox. Nous avons pu stabiliser le taux de traitement à 47 g H₂O₂ pur/m³ avec un rendement de 94 % pour des seuils Redox de 0 mV et + 100 mV (Ag/AgCl). Le potentiel d’oxydo-réduction à Kerdinio est voisin de – 20 mV (Ag/AgCl). Le coût du traitement est alors de 0,55 F/m³, et devient de ce fait compétitif vis-à-vis des autres modes d’élimination des sulfures dans les eaux usées.

Les phases 3 et 4 ont permis de représenter l’évolution de la concentration en sulfures en fonction du potentiel d’oxydo-réduction aux temps T, T + 15 et T + 30 mn.

À l'issue d'un temps de contact T, quel que soit le taux de traitement appliqué, un potentiel d'oxydo-réduction de +0 mV (Ag/AgCl) correspond à une concentration en S(-II) < 1 ppm. Pour un temps de contact T + 15 ou T + 30 min, le potentiel d'oxydo-réduction continue à décroître, et pour la même concentration en sulfures, le seuil Redox à prendre en compte descend à −50 mV (Ag/AgCl).

Conclusion

L'étude réalisée au cours des deux saisons estivales de 1989 et 1990 sur le réseau d'assainissement de la Presqu'île Guérandaise a permis de dresser un bilan des deux modes d'utilisation du peroxyde d'hydrogène pour l'élimination des sulfures présents dans les eaux usées. La comparaison des deux traitements, préventif et curatif, a montré la meilleure rentabilité de ce dernier.

En effet, la méthode préventive ne peut être efficace que si le temps de séjour de l'effluent dans la conduite de refoulement est inférieur à 2 h. Au-delà, son coût devient prohibitif. L'amélioration de la qualité de l'effluent nécessite un taux de traitement de 12 moles H₂O₂ pur/mole de sulfures, soit un coût supérieur à 1 F/m³.

Le traitement curatif, où l'injection est réalisée en un point proche du regard d'arrivée du refoulement, permet un abattement des sulfures supérieur à 90 %. La quantité du réactif est de l'ordre de 50 g H₂O₂ pur/m³, soit un coût de 0,55 F/m³. Le taux de traitement est alors de 6 à 7 moles H₂O₂ pur/mole de sulfures. Cependant, pour obtenir une efficacité maximale en utilisant la méthode curative, il sera indispensable de suivre les dispositions suivantes :

  • l'injection du réactif doit être réalisée en un point proche du regard de fin de refoulement, de telle manière qu'un temps de contact de 30 à 45 minutes soit respecté ;
  • l'injection doit être effectuée sur une conduite de refoulement en charge et doit être asservie au débit refoulé et au Redox. Le seuil Redox est fixé de telle façon que le potentiel d'oxydo-réduction de l'effluent en fin de refoulement soit proche de −50 mV (Ag/AgCl).

De plus, pour pallier la différence de flux entre la période diurne et la période nocturne, il serait nécessaire d'effectuer l'injection de réactif en deux points de la conduite pour maintenir un temps de contact suffisant.

Nota : La bibliographie sera fournie par les auteurs aux lecteurs intéressés.

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