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Élimination des sous-produits de désinfection de l'eau et de l'air d'un bassin de piscine couverte, par un dispositif de transfert eau-air

30 juillet 2010 Paru dans le N°333 à la page 94 ( mots)
Rédigé par : René SEUX, Hélène PAULUS et Luc DERREUMAUX

Dans l'eau des piscines, le chlore utilisé comme désinfectant réagit avec la pollution apportée par les baigneurs pour former des sous-produits. Certains sont particulièrement volatils (trichloramine, trihalométhanes), et contaminent également l'atmosphère des bassins couverts. Or l'exposition à de telles substances est à l'origine de troubles chez les usagers et les professionnels de ces établissements. Dans ce contexte, un procédé innovant de transfert eau-air des polluants a été développé afin de réduire la contamination de l'eau et de l'air des piscines couvertes par ces sous-produits. L?évaluation de performances de ce dispositif montre une diminution significative des sous-produits dans l'eau (de 20 à 30 % selon les composés), mais également dans l'air.

Dans l'eau des piscines, le chlore utilisé comme désinfectant réagit avec la pollution organo-azotée apportée par les baigneurs (sueur, urine, …) pour former des sous-produits de la désinfection (chlore combiné, haloformes) (Seux, 1988). Certains composés, tels que le trichlorure d’azote (NCl₃) et les trihalométhanes (THM) sont très volatils et se transfèrent dans l’atmosphère des piscines couvertes.

Contexte de l’étude

Or, plusieurs études relativement récentes montrent que les conséquences sur la santé des expositions à ces sous-produits sont loin d’être négligeables (irritations, gênes respiratoires, risque de cancer de la vessie) (Bernard et al., 2003 ; Héry et al., 1994 ; Lee et al., 2009 ; Massin et al., 1998 ; Thickett et al., 2002 ; Villanueva et al., 2007). En France, les affections respiratoires liées à une exposition aux dérivés aminés des produits chlorés sont, depuis 2003, reconnues comme maladie professionnelle pour les maîtres nageurs ou les agents techniques des piscines (décret n° 2003-110 du 11 février 2003, JO du 13 février 2003).

Au regard de l’inconfort et des gênes occasionnés chez les usagers et le personnel des piscines par une exposition aux sous-produits de la désinfection, l’enjeu actuel est de proposer aux gestionnaires de ces établissements des techniques d’élimination.

Mots-clés : piscine, traitement de l’eau, air intérieur, trihalométhanes, chloramine.

[Photo : circuit de retraitement de l’eau du bassin ludique de la piscine de Cesson-Sévigné (35).]

nation de ces composés (Cassan et al., 2006 ; Gérardin et al., 1999 ; Gérardin et al., 2005).

Dans ce contexte, un procédé innovant de transfert eau-air des polluants a été développé dans le cadre de travaux de recherche menés au Laboratoire d’Étude et de Recherche en Environnement et Santé (LERES) de l’EHESP (Hamel, 2007), et fait aujourd’hui l’objet d’un brevet (demande n° 07/58354 du 16 octobre 2007, publiée le 17 avril 2009). La conception d’un dispositif pilote répondant à l’essentiel des revendications du brevet a été confiée à la société Cifec. Le dispositif a été installé à la piscine de Cesson-Sévigné (35) et une évaluation de ses performances d’élimination des sous-produits de désinfection volatils de l’eau et de l’air de la piscine (chlore combiné, trihalométhanes) a ensuite été menée par le LERES. Les résultats de cette étude pilote sont présentés dans cet article.

Présentation du dispositif pilote

Le principe de ce procédé est de favoriser le transfert de l’eau vers l’air des sous-produits de désinfection les plus volatils (trichloramine, trihalométhanes) au niveau de la boucle de recirculation de l’eau des bassins, afin de réduire la contamination par ces composés indésirables de l’eau des bassins et de l’air du hall.

Le prototype réalisé par la Cifec a été installé sur le circuit de traitement de l’eau du bassin ludique de la piscine de Cesson-Sévigné (35), par connexion au bac tampon. Ce bassin, d’un volume de 300 m³, présente un débit de recirculation de l’eau de 230 m³/h. La figure 1 précise les étapes du traitement de l’eau. Le déchloraminateur UV est resté en fonctionnement durant toute la durée de cette étude. Le renouvellement de l’air du hall se fait avec de l’air neuf exclusivement.

La figure 2 illustre le fonctionnement du dispositif pilote. L’eau issue du bac tampon est introduite en pluie par le haut du réacteur à un débit de 45 m³/h environ, soit 20 % du débit de recirculation de l’eau du bassin traité par le dispositif. Une fraction de l’eau accumulée dans le bas du réacteur est reprise avec un débit de recirculation de 15 m³/h environ pour créer des remous en fond de bac. Tous les sous-produits de désinfection transférés de l’eau vers l’air du réacteur dans ces conditions sont évacués vers l’extérieur de l’enceinte à un débit de 400 m³/h environ à l’aide d’un ventilateur centrifuge. Les réglages du registre d’entrée d’air sont tels que le réacteur se trouve en légère dépression. L’eau traitée est renvoyée dans le bac tampon.

Protocole d’étude

Le dispositif pilote a été mis en service début février 2009 sur le circuit de traitement de l’eau du bassin ludique de la piscine de Cesson-Sévigné. Pour évaluer ses performances, un suivi de la qualité de l’eau et de l’air du bassin a été réalisé.

[Photo : schéma de fonctionnement du dispositif pilote.]
[Photo : Figure 3 : évolution comparée des teneurs en chloroforme dans l’eau du bassin ludique et en sortie du prototype avec le nombre moyen de baigneurs dans le bassin pendant les prélèvements.]

dès janvier et s'est poursuivi jusqu’à fin avril 2009.

Les prélèvements d’eau ont été effectués deux à trois fois par semaine dans le bassin ludique et en sortie du dispositif pilote au cours de cette période. Simultanément, des prélèvements d’air ont été réalisés dans le hall du bassin ludique. Les paramètres suivis sont rassemblés dans le tableau 1. Les analyses ont été confiées au LERES, laboratoire accrédité Cofrac pour l'ensemble de ces paramètres (à l’exception des THM dans l'air).

Résultats

Impact du dispositif pilote sur les teneurs en sous-produits de désinfection dans l’eau

Le procédé induit une nette diminution de la teneur en trihalométhanes dans l’eau : en sortie du prototype, la teneur en chloroforme (qui représente 90 % en masse des trihalométhanes mesurés) est abaissée en moyenne de près de 30 % (soit – 5,9 µg/L) par rapport à celle observée dans le bassin (figure 3). Une étude ultérieure réalisée en fin d’année 2009 a permis de vérifier que la très grande majorité du chloroforme était bien extrait au sein du réacteur. Le dégazage partiel qui peut aussi se produire au niveau du bac tampon est nettement minoritaire.

On constate également, sur la figure 3, que les teneurs en chloroforme dans l'eau dépendent de la fréquentation dans le bassin ludique, c’est-à-dire de la charge polluante apportée par les baigneurs. Ainsi, 24 h à 48 h après un pic de fréquentation, une augmentation de la concentration en chloroforme est observée. Ce délai s'explique par une cinétique de formation de ce composé plus lente que celles qui interviennent dans la formation des produits pris en compte dans le dosage du chlore combiné.

En sortie du prototype, la concentration en chlore combiné est en moyenne de 21 % inférieure (soit – 0,1 mg/L) aux teneurs mesurées dans le bassin (figure 4). Comme pour le chloroforme, nous avons pu vérifier que les remous au sein du bac tampon n'engendrent pas d’élimination très significative des chloramines, car plus de 80 % des chloramines dégazées le sont par le dispositif pilote.

Les concentrations mesurées dans le bassin décroissent progressivement sur la période d’étude, et ce même en cas de forte affluence (vacances scolaires du 96ᵉ au 106ᵉ jour de l’année). À noter que les apports en eau neuve rapportés au nombre moyen de baigneurs pendant les prélèvements n’ont pas d’impact significatif sur les teneurs en chlore combiné dans le bassin.

Pour interpréter cette diminution de la concentration en chlore combiné, il convient de préciser les molécules halogénées prises en compte dans ce dosage et de considérer leur potentiel de volatilisation. La méthode à la DPD employée mesure non seulement les chloramines minérales (mono-, di- et trichloramines) dans l’eau, mais aussi une partie du chlore combiné organique (les chloro-urées, les N,N-dichloro-acides aminés par exemple).

Les résultats d’une étude menée dans une dizaine de bassins américains montrent que les chloramines organiques représenteraient près de 60 % en moyenne de la teneur en chlore combiné mesurée avec la méthode à la DPD (Weaver et al., 2009). La liste exhaustive des molécules chlorées réagissant avec l’iodure de potassium pour donner de l’iode dans les conditions opératoires de la méthode à la DPD reste pour l'essentiel à établir, mais dès lors que la polarité des substances est élevée, elles n’ont pas de caractère volatil (l'utilisation d’un déchloraminateur UV peut alors permettre leur élimination).

Des chloramines minérales, seule la trichloramine présente une volatilité comparable à celle du chloroforme (la monochloramine est environ 1000 fois moins volatile). Or, dans les conditions des eaux...

[Photo : Figure 4 : évolution comparée des teneurs en chlore combiné dans l’eau du bassin ludique et en sortie du prototype, avec les apports journaliers en eau neuve (m³) rapportés au nombre moyen de baigneurs pendant les prélèvements.]
[Photo : Figure 5 : évolution comparée des teneurs en trichloramine et en THM dans l’air du hall avec le nombre moyen de baigneurs dans le bassin ludique pendant les prélèvements au cours de l’étude.]

de piscines (pH, rapport chlore/précurseurs azotés), la trichloramine représente moins de 10 % du chlore combiné mesuré par la méthode à la DPD (Gérardin et al., 2005 ; Li et Blatchley, 2007). Le procédé de dégazage n’agit donc que sur cette fraction minoritaire du chlore combiné. Mais en raison des déplacements d'équilibre, il y a une évolution des autres formes de chloramines qui conduit à une régénération partielle de NCl₃ dans l'eau. C’est la raison pour laquelle, ces déplacements d’équilibre permettent d’extraire plus de trichloramine que la fraction initialement contenue dans l’eau du bassin.

Ainsi la diminution du chlore combiné de – 0,1 mg/L en moyenne (intervalle de confiance à 95 % de la moyenne : [– 0,14 ; – 0,07]) entre le bassin et la sortie du prototype, prouve la grande efficacité du procédé pour assurer l’élimination de la trichloramine. Ces performances ont un impact direct sur la qualité de l’air du hall du bassin ludique.

Impact du dispositif pilote sur les teneurs en sous-produits de désinfection dans l’air du hall du bassin ludique

Le suivi pendant toute la durée de l'étude de la contamination de l’air par NCl₃ et les THM montre qu’après la mise en service du prototype, la tendance générale des deux séries de mesure est décroissante. La valeur de confort de 500 µg/m³ pour la trichloramine n'est plus dépassée, et ce malgré les fréquentations particulièrement élevées dans le bassin ludique (figure 5).

Coûts de fonctionnement

Malgré le dégazage intensif dans le réacteur (dispersion en pluie de l’eau, bullage en fond de bac), le TAC de l’eau qui est très faible (2 °F en moyenne sur la durée de l'étude) n’est pratiquement pas affecté par le fonctionnement du prototype. Cela est dû à la fraction insignifiante de CO₂ libre dans ces valeurs de TAC et de pH. En conséquence la régulation de pH (et donc la consommation en acide et base) n’a pas été affectée pendant toute la période des essais.

Une diminution de la consommation de gaz pour l'ensemble de l’établissement est constatée pendant la période de l’étude. Elle est très probablement due à des conditions météorologiques clémentes. Les relevés mensuels de gaz des sept dernières années confirment cette tendance à cette période de l’année.

La consommation d’énergie électrique de la piscine provient essentiellement de l’éclairage et des pompes. Celle spécifique aux deux pompes et au ventilateur installés sur le prototype est globalement d'une dizaine de kWh. Elle ne représente donc que quelques pourcents de la consommation électrique de l’établissement, qui est en moyenne de 350 kWh en journée, sur la période d’étude.

Tableau 1 : paramètres suivis lors de la campagne d’évaluation de performances du prototype

Prélèvements d’eau :
- Au début du prélèvement d’air
- Au début et à la fin du prélèvement d’air

Prélèvements d’air :
- Trichloramine (sur 3 h)
- THM (sur 3 h)

Autres paramètres :
- T° eau
- T° air
- Fréquentation (bassin)
- Fréquentation journalière piscine
- Apports eau neuve
- Consommation électricité
- Consommation gaz

Avant mise en route du prototype :
- TAC, TH, conductivité ; COT (bassin)
- THM (bassin) (non disponible car problème analytique)
- Chlore libre et total (bassin) ; pH (bassin)

Après mise en route du prototype :
- TAC, TH, conductivité ; COT (bassin)
- THM (bassin + sortie prototype)
- Chlore libre et total (bassin + sortie prototype) ; pH (bassin)

Conclusions

Les résultats produits au cours de cette étude révèlent l'efficacité du procédé pour maîtriser les concentrations en chlore combiné et en trihalométhanes dans l'eau des bassins. On observe en effet une diminution significative des sous-produits de désinfection dans l'eau (de 20 à 30 % selon les com-

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posées, à une charge donnée). La contamination de l’air par ces mêmes sous-produits décroît également. Ainsi, aucun dépassement de la valeur de confort pour la trichloramine n’a été observé depuis la mise en service du dispositif pilote, malgré des fortes pointes de fréquentation dans les bassins, alors qu’elle l’a été dans le passé.

L'étude complémentaire que nous avons menée en fin d’année 2009 a montré que l’augmentation du débit d’eau traité par le procédé (passant de 20 à 37 % du débit de recirculation de l'eau du bassin) et l’amélioration du dispositif d’introduction de l'eau dans le haut du réacteur permettaient d’améliorer encore davantage la qualité de l'eau et de l'air de la piscine. Nous avons également pu constater qu’en période de moyenne affluence, le dispositif pilote suffisait à lui seul à maîtriser la contamination de l’eau par les chloramines et les THM et donc à maintenir une qualité d’air très satisfaisante. Le déchloraminateur UV était en effet à l’arrêt pendant cette période. Lors de fortes fréquentations, le couplage du procédé de dégazage avec un déchloraminateur UV peut être envisagé pour une maîtrise optimale des teneurs en sous-produits de désinfection.

Du point de vue des coûts de fonctionnement, le dispositif pilote n’engendre pas de surconsommation de réactifs pour la régulation du pH, car le dégazage du CO₂ reste très faible. Il n’entraîne pas non plus de consommations de gaz ou d’électricité significatives.

Références bibliographiques

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