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Elimination des nuisances olfactives sur la station d'épuration de Reims

30 juillet 1992 Paru dans le N°156 à la page 41 ( mots)
Rédigé par : Christophe BONNIN et Gilles SUDRY

La station d’épuration de Reims, d’une capacité nominale de 550 000 eq/habitants était, depuis de nombreuses années, la source de nuisances olfactives. Une campagne d’analyses a permis de les qualifier et de les quantifier.

Celles-ci sont situées au niveau des ouvrages de traitement des boues : puits de soutirage, épaississeurs, déshydratation (H₂S, CH₃SH, amines), salle de stockage (NH₃) et sur les postes de relevage (H₂S, amines). Les concentrations, très variables, peuvent atteindre des niveaux élevés à proximité des vis de relevage ou des filtres à bande, et au niveau de la salle de stockage.

La réduction des odeurs sur une station ancienne est plus complexe que dans une station intégrée. De par la conception très étendue de la station d’épuration de Reims, une couverture totale n’était pas envisageable, parce que trop coûteuse en investissements et en fonctionnement ; aussi, la réhabilitation a-t-elle été limitée à la couverture des principaux ouvrages incriminés, ainsi qu'à l'extraction et à la désodorisation de l'air vicié.

Compte tenu de l’espacement des ouvrages, la réalisation de la ventilation implique un réseau de collecte long et complexe. Le débit total d’air vicié à traiter a été évalué à 80 000 Nm³/h. La désodorisation s’effectue par voie physico-chimique, à travers trois tours de contact gaz-liquide disposées en série. Le taux de dépollution est supérieur à 99 % sur les molécules soufrées et azotées.

* * *

La station d’épuration de Reims est affermée à la Compagnie Générale des Eaux depuis 1975. Elle traite un effluent comportant une proportion notable de rejets industriels (agro-alimentaires essentiellement), correspondant à une charge de l’ordre de 4 à 4,5 tonnes de NTK/j, 22 à 25 tonnes de DBO₅/j et 50 à 52 tonnes de DCO/j.

À l'arrivée sur la station, l’effluent est dirigé vers deux filières séparées dont la chaîne de traitement est la suivante : • dessablage-dégraissage, • décantation primaire, • traitement biologique (moyenne charge) avec aération par insufflation d’air (filière 1) et par agitation de surface (filière 2), • clarification.

Les boues mixtes extraites des deux filières sont épaissies (éventuellement chaulées à ce niveau), déshydratées sur filtres à bandes, conditionnées à la chaux, puis stockées dans un hangar, où elles se tiennent entassées jusqu’à 7 m de hauteur, avec un talutage à 45°. La présentation de ce produit fini facilite sa valorisation agricole, qui atteint 19 000 tonnes/an.

Cependant, la désodorisation installée pour éliminer les odeurs du local de filtration et de la salle de stockage de boues conditionnées n’était pas suffi

Tableau I

Composition moyenne des effluents bruts (juillet 1990)

Filières pH T °C O₂ (mg/l) NH₄ (mg N/m³) N org (mg N/m³) Sulfures (mg S/m³)
Filière 1 7,82 17,6 1,2 39,6 13,9 0,2
Filière 2 7,82 18,1 1 43 16,9 1,5

Tableau II

Composition de l’atmosphère à proximité des ouvrages de traitement (juillet 1990)

Origine NH₄ (mg N/m³) N org (mg N/m³) S total (mg S/m³) Mercaptans (mg S/m³) Acétaldéhyde (mg C/m³)
Filière 1
Relevage 0,23 0,13 0,43 < 0,01 non mesuré
Décanteur 0,06 0,09 0,11 < 0,01 non mesuré
Puits de soutirage 0,11 0,08 0,34 < 0,01 0,016
Bassin d’aération 0,11 0,10 0,02 < 0,01 non mesuré
Filière 2
Relevage 0,12 0,07 23,1 5,44 non mesuré
Prétraitement 0,03 0,03 0,19 0,05 non mesuré
Décanteur 0,03 0,05 0,17 < 0,01 non mesuré
Puits de soutirage 0,06 0,13 15,4 < 4 0,019
Bassin d’aération 0,12 0,07 0,02 < 0,01 non mesuré
Traitement des boues
Bâche de répartition 0,07 0,05 0,19 0,05 0,018
Épaississeur 0,51 0,04 0,73 0,28 < 0,005
Salle de stockage 12,6 1,53 0,12 < 0,01 0,032
Désodorisation salle de stockage
Entrée 7,1 3,5 0,14 0,05 0,03
Sortie 5,8 0 0,18 < 0,01 < 0,005
Désodorisation salle de déshydratation
Entrée 1,96 0,03 23,1 4,3 0,017
Sortie 0,01 0,06 2,54 0,65 0,016

Tableau III

Plafonds de concentrations souhaitables des principaux composés odorants pour garantir l’absence de nuisances olfactives dans le voisinage

Composés en mg/Nm³ d’air Concentrations souhaitables en mg/Nm³
Hydrogène sulfuré (H₂S) ≤ 0,1
Sulfures totaux (en H₂S) ≤ 0,15
Mercaptans (en CH₃SH) ≤ 0,07 sur le total
Diméthylsulfure (CH₃-S-CH₃)
Diméthyldisulfure (CH₃-S-S-CH₃)
Ammoniaque (NH₃) < 5
Azote organique (en N) ≤ 0,1
Acides organiques
Aldéhydes
Cétones ≤ 0,4 sur le total
Seuil olfactif K50 en unités standards d’odeur ≤ 250

En avril 1990, il a donc été décidé de réaliser une campagne d’analyses pour déterminer la nature des odeurs émises par la station, et les moyens à mettre en œuvre pour les éliminer.

Évaluation des nuisances olfactives

La résolution d’un problème d’odeurs débute par la recherche analytique des sources malodorantes suivant un protocole capable d’identifier et de quantifier les principaux composés ou famille de composés en question et d’évaluer leur niveau malodorant. Dans le cas d’une station ancienne découverte ou partiellement couverte, la campagne d’analyses mise en œuvre doit permettre d’acquérir les informations nécessaires à la hiérarchisation des sources, afin d’établir une échelle de priorité dans les aménagements à entreprendre. Chaque source et chaque polluant doivent faire l’objet de mesures, ce qui implique un nombre élevé d’analyses, et des durées d’intervention importantes, de l’ordre d’une semaine environ pour la phase analytique.

Dans le cas des odeurs liées à l’assainissement, les familles de composés les plus gênantes sont connues. Il est alors préférable de mettre en œuvre des techniques analytiques sélectives de chaque famille de composé. Les méthodes d’analyse sont alors plus rapides et moins coûteuses car elles nécessitent un équipement moins sophistiqué.

Dosage des composés soufrés, azotés et des solvants volatils (aldéhydes et cétones)

Les prélèvements gazeux destinés à l’analyse physicochimique sont piégés par barbotage dans des solutions d’absorption, spécifiques du composé à analyser, durant des périodes variant de 4 à 24 heures. Afin d’éviter des interactions des gaz échantillonnés avec les organes de la pompe de prélèvement, cette dernière a été placée en aval des solutions de lavage.

Le dispositif de piégeage des composés odorants comporte quatre flacons :

— le premier flacon est un piège à condensats ; — le deuxième flacon contient un bain acide (HCl N/100) et sert à piéger les composés azotés. Parmi ces composés, nous analysons l’ammoniaque par la méthode de Nessler, et l’azote total après minéralisation de l’échantillon (méthode de Bichi). La différence entre l’azote ammoniacal et l’azote total correspond à l’azote organique (amines, indole, scatole...).

Tableau IV

Classement des différentes sources de nuisances olfactivespar ordre décroissant d’intensité sur la station d’épuration de Reims

Dénomination de la source malodorante ou de l’étape de traitement Intensité de la nuisance olfactive Composés à l’origine de la source de nuisance Couverture Traitement curatif
Salle de stockage +++++ azotés : NH₃ + amines indoles-scatole totale de l’air
Poste de relevage Station n° 2 +++++ soufrés : H₂S + CH₃SH de l’effluent du traitement des boues, de l’air
Puits de soutirage boues primaires ++++ soufrés : H₂S + CH₃SH aucun
Épaississeur ++++ soufrés : H₂S + CH₃SH de l’air
Relevage + benne stockage refus Station n° 1 +++ soufrés : H₂S + CH₃SH + azote organique
Bâche de répartition ++ soufrés : H₂S + CH₃SH
Prétraitements station n° 2 ++ soufrés : H₂S + CH₃SH
Décanteur primaire, 1ʳᵉ et 2ᵉ tranche + soufrés : H₂S + CH₃SH couverture des goulottes aucun
Bennes de stockage des refus + traces de composés soufrés bâche plastique fréquence d’évacuation des bennes plus importante

Tableau V

Polluants Concentration de sortie en mg N/m³ Rendement en %
H₂S < 0,1 99,5
CH₃SH < 0,1 99,5
(CH₃)₂S < 0,1 99
(CH₃)₂S₂ < 0,1 99
NH₃ < 0,1 95
N org. < 0,1 95
Cl₂ < 1 95

En parallèle au traitement de désodorisation, nous avons également prévu une injection de peroxyde d’hydrogène dans les jus de retour du traitement des boues (surnageants des épaississeurs et filtrats des presses à bandes) afin de diminuer la concentration en sulfures dans l’effluent brut, et donc de favoriser les traitements ultérieurs.

— le troisième flacon contient une solution de chlorure mercurique (HgCl₂, 4 ‰) en milieu acide, qui retient les composés soufrés sous forme de précipités de sulfures mercuriques ; les composés soufrés réduits totaux sont dosés par gravimétrie ;

— le quatrième flacon contient une solution de bisulfite de sodium en milieu neutre (NaHSO₃ 4 ‰) destinée au piégeage des aldéhydes, des cétones et des acides organiques. Ces composés sont dosés par chromatographie en phase gaz (détecteur à ionisation de flamme, colonne Tenax).

L’ensemble de ces analyses est effectué dans les 24 heures qui suivent le prélèvement.

Analyse des composés soufrés et des effluents

La méthode gravimétrique ne permettant d’obtenir que la concentration en sulfures totaux, nous identifions chaque composé soufré (H₂S, CH₃SH, C₂H₅SH, (CH₃)₂S, (CH₃)₂S₂) par chromatographie gazeuse sur le site.

L’appareil utilisé est un chromatographe en phase gazeuse présentant les caractéristiques suivantes :

  • - colonne : support-célite, phase dibutyl-phtalate ;
  • - gaz vecteur : azote ;
  • - détecteur électrochimique à l’acide chromique.

Pour compléter l’information donnée par les mesures en phase gaz, il est utile de mesurer l’état de septicité de l’effluent brut. Celui-ci est déterminé par la mesure du pH, de la température, du potentiel redox, et de la concentration en N total, N ammoniacal et sulfures.

Choix des points de prélèvement

La campagne d’analyses a été réalisée sur la station de Reims du 2 au 6 juillet 1990 pendant une période correspondant au fonctionnement normal de la station. Les deux filières de traitement des eaux, ainsi que la filière de traitement des boues, ont fait l’objet de mesures. Les points de prélèvement étaient les suivants :

Traitement des eaux (filières 1 et 2)

  • - Relevage
  • - Prétraitement (uniquement filière 2)
  • - Décanteur
  • - Puits de soutirage de la boue primaire
  • - Bassin d’aération

Traitement des boues

  • - Épaississeur
  • - Bâche de répartition de la boue brute
  • - Salle de stockage de la boue déshydratée

Tableau VI

Taux et débits de ventilation prévus sur les différents ouvrages

Local Température interne (Hiver) Taux de ventilation (**) Débit de ventilation m³/h Débit extrait Vers désodo m³/h Vers ext. m³/h
Filière 1
Relevage 3,2 1 000 1 000
Dessableur + benne 5 5 3 800 4 000
Filière 2
Prégrille 5 5 2 000 2 840
Relevage 4 360 360
Benne refus 5 8 1 400 1 600
Dégraillage fin – dessableur déshuileur 5 12 7 000 9 000
Puits de soutirage et iatus 4 1 000 1 120
Chaulage 5 23
Déshydratation 5 23 23 000 25 140
Bassin homogénéisation ~ 25 1 600 1 600
Stockage de boues 5 45 20 000 21 600
Épaississeurs 10 3 × 3 780 3 × 3 780
Bâche de répartition 7,3 220 220
Autres origines
Puits de soutirage 4 140 140 *

Total débit à traiter : 79 820 m³/h

* Traitement par filtre à charbon actif ** Les taux de ventilation sont calculés de façon à obtenir dans les salles une concentration en H₂S compatible avec la maintenance du matériel électromécanique et des bétons (phénomènes de corrosions si H₂S > 3 mg/m³), ou bien dans les salles comportant peu de matériels (cas des puits à boues par exemple) une concentration inférieure au seuil de toxicité (7,5 mg H₂S/m³ et 0,5 mg CH₃SH/m³ pour 8 heures d'exposition).

  • Entrée-sortie de désodorisation de la salle de stockage.
  • Entrée-sortie : tour de désodorisation salle de déshydratation.
[Photo : Vue générale de la station d'épuration de Reims, d'une capacité nominale de 55 000 eq/hab.]

Résultats

Les résultats des analyses mettent en évidence une septicité plus ou moins importante des effluents (tableau I), l'écart s'expliquant par la recirculation au pied des vis de relevage de la filière 2 des effluents (surnageants épaississeurs et filtrats) du traitement des boues ; celle-ci entraîne une augmentation de la charge en sulfure, donc un accroissement du potentiel odorifère de l'effluent.

À partir de l'ensemble des résultats de la campagne d'analyses, nous avons pu quantifier les émissions des principaux polluants pour chaque ouvrage de traitement (tableau II).

La majorité des nuisances olfactives est due aux composés soufrés, H₂S et CH₃SH. Les principales sources sont les postes de relevage, particulièrement sur la filière 2, où la charge importante de sulfures en phase aqueuse, combinée aux turbulences provoquées par les vis, provoque un dégazage atteignant 23 mg S/m³ exprimé en soufre total, et les ouvrages de traitement des boues (puits de soutirage, épaississeurs, déshydratation) où les concentrations peuvent atteindre 15 à 20 mg S/m³.

En ce qui concerne les composés azotés, l'ammoniaque n'est généralement pas une source de nuisances, sauf dans le cas de la salle de stockage, où la stabilisation finale à la chaux provoque un dégazage important d'ammoniaque (17,1 mg N/m³) dû à l'élévation du pH des boues.

L'azote organique, c'est-à-dire les amines et les composés tels qu'Indole et Scatole, est détecté à des concentrations supérieures au seuil de nuisance (0,1 mg Norg/m³), au niveau des postes de relevage, des puits de soutirage, et dans la salle de stockage.

Parmi les solvants, seul l'acétaldéhyde est détecté mais uniquement à l'état de traces.

Hiérarchisation des sources d'odeurs

La détermination de l'intensité de la nuisance d'une source odorante s'obtient par comparaison des concentrations mesurées avec les données du tableau III. Celui-ci fixe des valeurs-limites de la concentration de plusieurs composés, à partir desquelles il y a risques de nuisances olfactives pour l'environnement immédiat (au-delà des limites de la station d'épuration).

La campagne d’analyses a mis clairement en évidence la prépondérance des émanations en provenance de la salle de stockage des boues, et du poste de relevage de la station n° 2 dans le niveau général de nuisances olfactives. Il existe également des sources bien individualisées qui contribuent à la pollution olfactive dans le voisinage : il s'agit des puits de soutirage des boues primaires, du poste de dégrillage des boues liquides, des épaississeurs et de la bâche de répartition des boues liquides. Enfin, il existe des sources plus faibles, comme le poste de relevage de la station n° 1 et la benne de stockage des refus, le dessableur-dégraisseur de la station n° 2, et des sources secondaires : décanteurs, bennes.

Mis à part les ouvrages de tête (relevage, prétraitements), les ouvrages de la filière de traitement des eaux ne génèrent que peu ou pas de nuisances olfactives : les seuls composés odorants détectés sont des composés soufrés, H₂S et méthylmercaptan principalement. La concentration en sulfures dans l'air provient probablement des autres sources très chargées (poste de relevage de la station n° 2, puits de soutirage des boues primaires…) qui se dispersent dans toute la station.

On peut alors établir un tableau de nuisances qui classe par ordre décroissant d’intensité odorante les différentes sources (tableau IV). Il indique les composés responsables des nuisances ainsi que les aménagements à mettre en œuvre. Ce tableau n’est pas caractéristique de la station de Reims ; ses données peuvent s’appliquer à toute station et filière d’épuration de cette génération et de cette conception, où les sources de mauvaises odeurs à éliminer en priorité se situent principalement au niveau de la filière de traitement des boues et sur les ouvrages de tête du traitement des eaux.

Solution à mettre en œuvre

Pour éliminer les principales sources de nuisances, Anjou Recherche a proposé une solution technique comportant une action en trois points :

  • • Traitement de l’effluent dans le réseau.
  • • Couverture des ouvrages en cause, ventilation.
  • • Désodorisation de l’air extrait.

Traitement de l’effluent

Il s’agit de traiter les effluents du traitement des boues avant leur recirculation en tête de station, afin d’éliminer les sulfures solubles, donc de limiter le dégazage des polluants soufrés au-dessus des ouvrages de traitement.

Les deux traitements les mieux adaptés sont l’injection de sels de fer (formation d’un précipité de FeS) ou de peroxyde d’hydrogène (oxydation des sulfures en sulfates). Dans l’objectif d’augmenter l’oxygénation de l’effluent et de favoriser les traitements biologiques ultérieurs, nous avons proposé la solution au peroxyde d’hydrogène.

Couverture des ouvrages sources

Le confinement des sources les plus intenses et la mise en dépression des ouvrages par extraction forcée de l’air sont nécessaires. Face à la superficie de la station, on ne peut prévoir une couverture totale. Pour limiter les débits à traiter, il est nécessaire de ne couvrir que les principaux ouvrages-sources. Cette mesure concerne :

  • • la salle de stockage (qui devra être close hermétiquement),
  • • les épaississeurs ainsi que la bâche de répartition,
  • • les puits de soutirage,
  • • les vis de relevage (filières 1 et 2),
  • • le bassin de prétraitement (filière 2),
  • • les goulottes des décanteurs.

L’air vicié extrait de ces ouvrages sera ensuite désodorisé.

Désodorisation des atmosphères malodorantes

Compte tenu de la taille des installations et des taux de ventilation à appliquer, le débit d’air vicié a été estimé à 80 000 m³/h environ.

Deux technologies sont applicables à de tels débits :

  • • la biodésodorisation sur lit de tourbe,
  • • l’absorption gaz-liquide par lavage en tour garnie.

Compte tenu de la sensibilité du voisinage, des concentrations à épurer et de l’amplitude des variations de la composition de l’effluent gazeux, il a été jugé préférable de mettre en œuvre une désodorisation physicochimique comportant trois tours en série.

Mise en forme du projet de désodorisation

Les problèmes posés étaient délicats car la station d’épuration s’étend sur 5 hectares et elle ne constitue pas une station intégrée. En effet, du fait de sa conception ancienne, la filière d’épuration n’intègre pas les notions de prévention des émissions olfactives ainsi qu’une mise en œuvre aisée de solutions préventives et curatives. L’unité centrale de traitement des différentes sources d’odeurs doit donc collecter l’air vicié sur plusieurs ouvrages très distants, avec des taux de renouvellement différents suivant les types de bassins et la nature des odeurs, ce qui implique un circuit de ventilation long et complexe. Les ouvrages à l'air libre doivent non seulement être couverts mais aussi alimentés en air pulsé pour améliorer l’efficacité de la ventilation. Cette technique permet aux ventilateurs propres à l’atelier de désodorisation d’aspirer dans un « plénum » à pression « zéro ».

En tenant compte des remarques précitées, nous avons obtenu un débit total d’air vicié à désodoriser proche de 80 000 Nm³/h. Le bilan de ventilation est précisé dans le tableau VI. Pour un tel débit, et compte tenu de la nature et de la concentration des polluants à éliminer, nous avons proposé une désodorisation physicochimique comprenant trois tours de lavage en série.

Tour n° 1 : lavage acide (pH = 3) pour l’élimination des produits azotés. Tour n° 2 : lavage moyennement basique (pH = 9) et oxydant (chlore) pour éliminer les composés soufrés moyennement solubles (H₂S). Tour n° 3 : lavage fortement basique (pH = 11) et oxydant (chlore) pour éliminer les composés soufrés faiblement solubles (mercaptans).

Le dimensionnement, la conception et la mise en œuvre de la filière de désodorisation feront l'objet d'une publication ultérieure.

Les performances d’une telle unité de traitement sont résumées dans le tableau V.

Conclusion

L’emploi de technologies compactes de traitement permet d’ores et déjà de contenir et de traiter les nuisances olfactives des stations d’épuration urbaines intégrées. En revanche, la réduction des odeurs dans une station ancienne et étendue est plus complexe.

Compte tenu de la configuration de la station de Reims, des concentrations à épurer et des variations de la composition de l’effluent gazeux, un projet en trois points a été retenu qui comporte le traitement de l’effluent en réseau, la couverture des principaux ouvrages sources de nuisances, et la désodorisation par voie physicochimique à travers trois tours de contact gaz-liquide disposées en série. Ces actions permettent d’obtenir un taux de dépollution supérieur à 99 % sur les molécules soufrées et azotées.

BIBLIOGRAPHIE

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Laplanche A., Lesauze N., Wei Y., Martin G., Langlais B., Paillard H., Désodorisation des gaz par lavage et ozonation, in : « Actes des 8ᵉ Journées Information Eau », Poitiers, 28-30 septembre 1988, t. 2, p. EV.1-EV.23.

Langlais B., Odour control by ozone: wet process, « Ozonews », vol. 16, n° 6, novembre/décembre 1988, p. 15-16.

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