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Elimination des micropolluants par l'ozone couplé avec le peroxyde d'hydrogène dans le traitement de potabilisation de l'eau

26 février 1993 Paru dans le N°161 à la page 46 ( mots)
Rédigé par : Catherine GALEY et Dominique PASLAWSKI

Cet article décrit les conditions de mise en ?uvre dans les trois usines du Syndicat Des Eaux d'Ile-de-France, de l'injection de peroxyde d'hydrogène (H202) pour le traitement des pesticides. Dans tous les cas, le respect de la norme européenne est assuré en sortie d'usine pour l'atrazine. Les résultats présentés concernent également l'élimination d'autres micro-polluants que l'atrazine, résultats obtenus par dopage d'un pilote d'ozonation installé au centre d'essais de Méry-sur-Oise. Les triazines (atrazine, simazine, et terburtyne) sont éliminés à plus de 80% par un traitement O3/H2O2, l'atrazine étant la triazine la plus difficile à traiter. De même, les phényl-urées sont très réactives à l'ozone. En revanche, les organo-chlorés (lindane et endosulfan) sont mal éliminés par l'ozone, même en présence de H2O2.

Les résultats présentés concernent également l’élimination d’autres micro-polluants que l’atrazine, résultats obtenus par dopage d’un pilote d’ozonation installé au Centre d’essais de Méry-sur-Oise. Les triazines (atrazine, simazine et terbutryne) sont éliminées à plus de 80 % par un traitement O₃/H₂O₂, l’atrazine étant la triazine la plus difficile à traiter. De même, les phényl-urées sont très réactives à l’ozone. En revanche, les organochlorés (lindane et endosulfan) sont mal éliminés par l’ozone, même en présence de H₂O₂.

La norme européenne concernant la présence de micropolluants dans les eaux potables est très stricte : 0,1 µg/l pour chaque substance individualisée et 0,5 µg/l au total. Elle a conduit les traiteurs d’eau à modifier les traitements utilisés. Ainsi, sur les filières de potabilisation possédant une étape d’ozonation après la clarification de l’eau, le respect de la norme pour l’atrazine peut être réalisé en augmentant la dose d’ozone appliquée et en introduisant du peroxyde d’hydrogène. C’est le cas des trois usines du Syndicat des Eaux d’Ile-de-France (SEDIF) : Choisy-le-Roi, Neuilly-sur-Marne et Méry-sur-Oise, où une injection de H₂O₂ est en service.

Dans le cadre de l’étude qui nous a été confiée par le Syndicat des Eaux d’Ile-de-France nous présenterons tout d’abord les conditions de mise en œuvre de l’ozonation couplée au peroxyde d’hydrogène (O₃/H₂O₂) sur les usines du SEDIF. Un pilote d’ozonation pouvant simuler les différentes configurations des cuves d’ozonation de ces usines a été installé au Centre d’essais de Méry-sur-Oise. Puis, nous développerons les résultats d’abattements obtenus par l’action de l’ozone seul et couplé à H₂O₂ sur différents micropolluants.

Les pesticides étudiés sont représentatifs de différentes familles de pesticides largement utilisés, et susceptibles d’être présents aux prises d’eau. Ce sont des triazines (atrazine, simazine et terbutryne), des phényl-urées (isoproturon, linuron et chlortoluron) et des organochlorés (lindane et endosulfan).

L’étape d’inter-ozonation : utilisation de O₃/H₂O₂

Les figures 1, 2 et 3 présentent les cuves d’inter-ozonation de Choisy-le-Roi, Neuilly-sur-Marne et Méry-sur-Oise, constituées de trois ou quatre compartiments. L’ozone est injecté dans les deux premiers, qui sont les compartiments de transfert. L’air ozoné circule à contre-courant de l’eau dans le premier compartiment, afin d’optimiser le transfert de l’ozone, de l’air dans l’eau, et à contre ou à co-courant dans le deuxième. Les troisième et quatrième constituent les compartiments de contact eau/ozone.

L’injection de H₂O₂ s’effectue en différé à Choisy-le-Roi et à Neuilly-sur-Marne, c’est-à-dire après les cuves de transfert ; cela permet de dissocier le traitement bactéricide/virulicide de l’eau, effectué par l’ozone seul dans les cuves de transfert, du traitement de l’atrazine, qui s’effectue en quelques minutes dans les cuves de contact par O₃/H₂O₂.

en tête à Méry-sur-Oise, dans la canalisation d’arrivée de l’eau filtrée sur sable, car cette usine possède une étape de post-ozonation en fin de filière pour la désinfection.

Le tableau 1 présente, pour ces trois installations, les taux d’ozone utilisés, le mode de régulation de l’injection de H₂O₂, et les performances obtenues concernant l’élimination de l’atrazine.

Le pilote d’ozonation

La figure 4 présente le pilote d’ozonation utilisé au cours de cette étude. Alimenté par l’eau filtrée sur sable de l’usine de Méry-sur-Oise, à 450 l/h, il est constitué de quatre colonnes en PVC de 4 m de hauteur et de 100 mm de diamètre, montées en série. Les deux premières colonnes simulent les compartiments de transfert des cuves d’ozonation. Elles sont équipées de diffuseurs poreux à leur base, permettant l’injection d’air ozoné. Les courants « air ozoné » et « eau » sont de sens contraires dans la première colonne, et de sens contraires ou identiques dans la deuxième. Il est possible de mesurer l’ozone dans les évents de ces deux colonnes, afin de déterminer avec précision le taux d’ozone réellement transféré dans l’eau. Les deux colonnes suivantes sont des colonnes de contact. Le débit correspond à un temps de contact d’environ quatre minutes par colonne.

Un autre mode d’injection de l’ozone est également possible : il s’agit de l’utilisation du mélangeur statique, qui est monté en ligne, en entrée du pilote. Le transfert de l’ozone de l’air à l’eau est alors quasi instantané. Il s’effectue au sein du mélangeur statique, l’air étant séparé de l’eau en haut de la première colonne du pilote. Les quatre colonnes sont alors utilisées uniquement comme des colonnes de contact. Des prises d’échantillons situées à différentes hauteurs de la première colonne permettent d’étudier les cinétiques des réactions.

L’eau est dopée en pesticides à l’entrée du pilote, à une concentration de 1 µg/l environ. L’injection de H₂O₂ est également réalisée à l’entrée du pilote (injection en tête).

Résultats

Les résultats de l’élimination des pesticides obtenus sur le pilote sont explicités par rapport à un taux d’ozone transféré. Certaines expériences ont été effectuées avec une injection d’ozone par les diffuseurs poreux. D’autres ont été réalisées avec injection d’ozone par le mélangeur statique, dont l’utilisation n’a pas été optimisée au niveau du transfert de l’ozone, beaucoup moins efficace. Comme un bilan complet de l’ozone est possible sur ce pilote, pour les rendre comparables, il est préférable d’exprimer tous les résultats en fonction de l’ozone transféré, la formule obtenue étant la suivante :

conc ozone air × q air – conc ozone évent × q évents  
Taux O₃ transféré = ——————————————————————————  
q eau

Élimination de l’atrazine

Calage du pilote par rapport aux cuves d’ozonation de l’usine de Méry-sur-Oise

Nous avons commencé par vérifier la bonne représentativité du pilote d’ozonation par rapport à son fonctionnement en usine.

La figure 5 montre les pourcentages d’élimination de l’atrazine obtenus sur l’eau filtrée sur sable de Méry-sur-Oise, sur le pilote d’ozonation ou dans les cuves d’inter-ozonation. Le transfert de l’ozone étant meilleur dans les colonnes d’ozonation du pilote que dans les cuves d’ozonation de l’usine, nous avons fait fonctionner le pilote de manière à obtenir des résiduels d’ozone comparables après le transfert d’ozone. Dans ces conditions de fonctionnement, les abattements d’atrazine mesurés sur le pilote ou en usine sont en très bonne concordance, comme nous l’indique la figure 5.

Avec des taux transférés proches de 3-3,5 g/m³ (taux utilisés habituellement à Méry-sur-Oise), les abattements sont proches de 50 % pour un traitement à ozone seul, et atteignent 80 % si du peroxyde d’hydrogène est utilisé. Les essais effectués sur le pilote ont permis d’étudier d’autres taux transférés. Les essais ont été réalisés en 1991 et 1992, et donnent des abattements qui ne dépendent que du taux d’ozone. En dessous de 3 g/m³, le pourcentage d’élimination décroît très rapidement, pour devenir nul vers 1 g/m³. Cette valeur est proche de la demande en ozone de l’eau filtrée sur sable à Méry-sur-Oise. Il est inutile d’appliquer des taux supérieurs à 4-4,5 g/m³, puisqu’un plateau est atteint dans le cas de l’ozonation couplée à H₂O₂.

Élimination des autres micropolluants

Autres triazines : la simazine et la terbutryne

La simazine et la terbutryne ont également été étudiées sur l’eau filtrée sur sable de Méry-sur-Oise. Elles ont montré une meilleure réactivité que l’atrazine vis-à-vis de l’ozone, seul ou couplé au peroxyde d’hydrogène. Nous pouvons donc retenir l’échelle de réactivité suivante pour les traitements d’oxydation à l’ozone :

Atrazine < Simazine < Terbutryne

Tout traitement adapté à l’atrazine sera donc efficace sur ces deux autres triazines.

Phényl-urées : cas de l’isoproturon, du linuron et du chlortoluron

Comme la figure 6 l’indique, les phényl-urées sont très réactives à l’ozone seul ou couplé à H₂O₂ : plus de 90 % d’élimination, en moins de quatre minutes, avec des taux d’ozone inférieurs à 3,5 mg/l.

L’élimination de l’isoproturon est quasi instantanée à l’ozone seul, à partir d’un taux transféré de 2 mg/l. Elle s’effectue en moins de 4 minutes pour le chlortoluron, également dès 2 mg/l d’ozone seul transféré. L’élimination du chlortoluron nécessite 3,5 mg/l d’ozone, et la présence de H₂O₂. La présence d’atomes de chlore sur les molécules semble rendre la réaction moins favorable. Les phényl-urées sont toutefois des molécules très réactives à l’ozone.

Organochlorés : lindane et endosulfan

Les résultats sont présentés sur les figures 7 et 8.

L’élimination de ces pesticides organochlorés par oxydation à l’ozone est difficile ; l’utilisation de H₂O₂ l’améliore significativement.

Le lindane n’est ainsi transformé qu’à moins de 15 % en présence d’ozone seul pour des taux transférés supérieurs à 5 g/m³. Ce pourcentage monte à 30 % en présence de H₂O₂, pour un même taux d’ozone transféré et un ratio (H₂O₂/O₃) (g/g) de 0,4.

[Photo : Fig. 1 : Usine de Choisy-le-Roi. Huit cuves d’inter-ozonation de débit maximal 4 000 m³/h (A) ou 5 000 m³/j (B) : injection différée, injection en tête possible.]
[Photo : Fig. 2 : Usine de Neuilly-sur-Marne. Cinq cuves d’inter-ozonation de 6 250 (A) ou 8 000 m³/j (B) : injection différée, injection en tête possible.]
[Photo : Fig. 3 : Usine de Méry-sur-Oise. Deux cuves d’inter-ozonation de 10 000 m³/j : injection en tête possible.]
[Photo : Fig. 4 : Pilote d’ozonation. H = 4 m ; Ø 100 ; Qeau = 450 l/h. Représentation d’une configuration de fonctionnement.]
[Photo : Fig. 5 : Influence du taux d’ozone transféré sur l’élimination de l’atrazine. Action de l’ozone seul ou couplé à H₂O₂. Résultats obtenus en pilote ou sur l’usine.]
[Photo : Fig. 6 : Élimination de phényl-urées. Essais effectués en pilote sur eau filtrée sur sable de Méry-sur-Oise, dopée à environ 1 µg/l pour chaque pesticide.]
[Photo : Fig. 7 : Élimination du lindane par O₃ ou O₃/H₂O₂. Essais effectués sur pilote, à Méry-sur-Oise et à Neuilly-sur-Marne.]
[Photo : Fig. 8 : Élimination de l’endosulfan par O₃ ou O₃/H₂O₂. Essais effectués sur pilote, à Méry-sur-Oise et à Neuilly-sur-Marne.]

L’élimination de l’endosulfan varie entre 5 et 30 % en présence d’ozone seul, pour des taux transférés également supérieurs à 5 g/m³. Cette élimination semble dépendre fortement de la matrice, puisque des abattements nettement meilleurs ont été obtenus sur l’eau de la Marne par rapport à l’eau de l’Oise. De même, la présence de H₂O₂ améliore significativement ces abattements, qui atteignent alors 35 à 70 %.

L’utilisation de traitements complémentaires sera donc nécessaire pour éliminer ces pesticides organo-chlorés, si leurs concentrations initiales sont supérieures à 150 ng/l. Un traitement possible est l’adsorption sur du charbon activé.

Tableau I

Caractéristiques de l’étape d’inter ozonation dans les trois usines

ÉlémentsChoisy-le-RoiNeuilly/MarneMéry/Oise
Taux appliqué3,5-4,5 g/m³3,5-4,5 g/m³3-3,5 g/m³
Injection de H₂O₂différéedifféréeen tête
Régulation de l’injection0,1 mg O₃/l en0,2 mg O₃/l en0 mg O₃/l en
sortie de cuve 3sortie de cuve 3sortie cuve 4
R (H₂O₂/O₃) (g/g)0,150,140,1
Concentration (ng/l) en
atrazine (mai-juil. 92)
à l’entrée100-1 600150-2 000500-2 000
% abattementrespect normerespect normerespect norme

Conclusion

L’ozonation couplée au peroxyde d’hydrogène est un procédé qui a fait ses preuves au niveau industriel. Ce couplage permet d’accroître le rendement de l’élimination des pesticides. Les triazines et les phényl-urées sont réactives vis-à-vis de l’ozone. Sur l’eau de l’Oise, nous avons démontré qu’un tel traitement permettait le respect de la norme pour des concentrations initiales inférieures à 1 000 ng/l. Par contre, certains organochlorés nécessiteront des traitements complémentaires si les concentrations initiales dépassent 150 ng/l.

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