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Electricité et protection de l'environnement

30 novembre 1992 Paru dans le N°159 à la page 44 ( mots)
Rédigé par : Jean HEURTIN et Christian SULLE

Les valeurs environnementales interviennent de plus en plus dans les décisions des entreprises et dans le choix des produits utilisés par les consommateurs ; d'autre part les réglementations concernant les rejets et les pollutions deviennent plus sévères et les besoins de traitement croissent considérablement. Dans ce contexte, l'électricité joue un rôle primordial dans la prévention des pollutions par le recours à des procédés propres et par la gestion performante de l'énergie. Mais elle apporte aussi des solutions curatives lors du traitement des déchets ou effluents produits, grâce à ses propriétés spécifiques et à la diversité des techniques qu'elle met en ?uvre.

L'ampleur des dégâts causés à l'environnement par l’activité économique moderne aura marqué ces dernières décennies. Le citoyen d’aujourd’hui a pris conscience de la gravité de la situation et considère que la protection de la nature est une priorité immédiate. Sous la pression d'une opinion publique aussi sensibilisée, les Pouvoirs Publics et le système productif ont dû adapter leurs comportements, ce souci de l'environnement ne pouvant plus être considéré comme un phénomène transitoire. Les gouvernements, à travers une série de normes, réglementations, taxation et procédures judiciaires fixent des objectifs de plus en plus sévères. Les entreprises industrielles doivent intégrer l'ensemble de ces contraintes dans leurs décisions stratégiques et économiques, d’autant plus que les consommateurs exercent maintenant une pression commerciale sensible en faveur des « produits verts ». Beaucoup d’entreprises ont compris que produire en respectant l’environnement constituait une source de compétitivité et contribuait à l’amélioration de leur image dans le public. Le concept de technologie propre, ou de produit propre « du berceau à la tombe », se traduit pour l’industriel en termes d’économies de matières premières et/ou d’énergie, d’amélioration de la qualité du produit, d’amélioration de la sécurité et des conditions de travail.

La course au leadership écologique a commencé et les entreprises qui sauront allier impératifs écologiques et économiques assureront leur pérennité, tout en contribuant à un développement durable de l’activité économique du XXIᵉ siècle.

Les entreprises d’électricité et l'environnement

Les entreprises d’électricité, en tant que consommatrices de ressources naturelles et productrices d’énergie, ne sauraient se désintéresser de l’environnement. Bien au contraire, elles sont nécessairement amenées à le prendre en compte globalement et rationnellement sur toute la chaîne allant de la planification à l’utilisation de l’électricité, en passant par la production, le transport et la distribution de cette énergie. En effet, selon que l'on se place à un point ou à un autre de cette chaîne, les problèmes environnementaux se posent en des termes bien différents. C’est ainsi que les choix des filières de production d’électricité soulèvent des questions se rapportant surtout à la réduction des rejets et des déchets, alors que celles posées par la distribution de cette énergie concernent principalement l’intégration des ouvrages dans la nature.

Depuis de nombreuses années, EDF se montre très attentive aux problèmes de l’environnement. Allant bien au-delà des obligations auxquelles elle était tenue vis-à-vis de l’environnement par la réglementation en vigueur, l’Entreprise signait ainsi dès 1982 avec les Pouvoirs Publics une convention l’engageant dans tout un ensemble d’actions, en coordination avec le Ministère de l'Industrie et le Ministère de l’Environnement. En 1988, une deuxième convention traduisait son souci de poursuivre l’effort entrepris tant pour améliorer les procédés mis en œuvre que pour réduire les nuisances pouvant être générées par ses activités. Si en 1990 les actions menées par EDF pour protéger l'environnement représentaient déjà 1 660 MF, soit 1,1 % du chiffre d'affaires de l’Entreprise, l’élaboration, en 1991, d’un Plan Environnement a marqué la volonté de l’Entreprise d’aller encore plus loin en s’affirmant comme un grand service public moderne.

En ce qui concerne son utilisation, l’électricité a un rôle indéniable à jouer pour l’amélioration de l’environnement et du cadre de vie, en permettant de traiter efficacement les pollutions ou, mieux encore, de les prévenir grâce à l’introduction de technologies propres dans les procédés. Ces aspects vont être maintenant développés.

Les usages performants de l'électricité dans l'industrie

Un rôle préventif

Le premier moyen efficace pour limiter les effets sur l’environnement d’une

activité industrielle consiste à réduire les besoins en énergie de cette activité.

Les techniques électriques contribuent à améliorer la performance énergétique des procédés de l’industrie, et permettent par conséquent une réduction de leur impact global sur l’environnement.

L’électricité joue ici un rôle préventif en intervenant dans des procédés propres, c’est-à-dire économes en matières premières et en énergie et peu polluants.

Citons quelques exemples :

◆ en chimie :

• le chauffage des réacteurs en chimie fine, soit par induction, soit par le procédé Monofluide,

• le rotomoulage ou la polymérisation par rayonnement infra-rouge, en plasturgie,

• la production de vide par des pompes, en substitution aux éjecteurs à vapeur.

◆ en agro-alimentaire :

• la transformation de céréales par cuisson-extrusion (chauffage par induction),

• la valorisation des eaux blanches par ultrafiltration, dans l’industrie laitière,

• la distillation d’alcools par pervaporation,

• la mise en œuvre de la compression mécanique de vapeur, pour la préconcentration de lactosérum et la concentration finale de produits laitiers en laiterie-fromagerie, la concentration de jus de tomates et de fruits en conserverie, le séchage des pulpes de betteraves, la cristallisation continue en sucrerie-distillerie et la cuisson du moût de bière en brasserie.

◆ en mécanique et en sidérurgie :

• le réchauffage électrique des vents de cubilots,

• les traitements thermiques sous vide par résistance ou superficiels par induction,

• la récupération des métaux dans les bains de rinçage par électrodéposition,

• la fusion de l’aluminium dans les fours à induction.

◆ en papeterie et textile :

• le blanchiment à l’ozone de la pâte à papier,

• l’ultrafiltration des sauces de couchage,

• la récupération de l’indigo par ultrafiltration en teinturerie,

• la récupération de colles des bains de désencollage.

Cette énumération est loin d’être exhaustive et, grâce aux efforts de recherche menés conjointement par les industriels et par EDF, de nouveaux procédés propres viendront prendre place dans l’industrie dans les années à venir.

Un rôle curatif

Toutefois, la production de déchets de toutes sortes restera encore pour longtemps abondante et la fermeture progressive des décharges autorisées renforcera la nécessité de leur traitement ou de leur destruction. Comme nous le verrons ci-après, plusieurs techniques électriques peuvent contribuer à des actions de dépollution, en particulier pour la destruction ou la neutralisation des déchets solides (déchets chimiques toxiques, déchets hospitaliers, cendres des usines d’incinération des ordures ménagères, …) ou bien pour le traitement des effluents liquides et gazeux avant leur rejet dans l’environnement (récupération de sels ou de métaux, traitement des eaux usées, …).

Les techniques à haute température

Il s’agit de l’emploi de torches à plasma ou de résistances électriques, ou encore de fours à induction, pour détruire (par pyrolyse ou incinération) ou vitrifier des résidus de consistance solide ou pâteuse.

La torche à plasma a déjà été utilisée pour la destruction de déchets toxiques à titre expérimental sur le site de la centrale de Porcheville. La ligne de traitement s’articule autour d’une torche à plasma de 2 MW et d’un four dans lequel les déchets sont portés à 1 500 °C. Des expérimentations de vitrification ont été conduites sur les produits suivants :

• mélange de plastiques, pneumatiques dilacérés, gravats, métaux, bois,

• amiante et gravats amiantés, laine de verre, laine de roche, calorifuge, mâchefers.

Un pilote industriel de 200 kg/h a également fonctionné à l’usine Rhône-Poulenc de Pont-de-Claix, dans le cadre d’un GIE regroupant Spie-Batignolles, Rhône-Poulenc, Ciments Lafarge et EDF. Le programme d’essais, mené pendant près d’un an sur des déchets solides générés par le site et contenant jusqu’à 70 % de chlore, a permis de démontrer les avantages du procédé, en particulier, sa capacité à détruire des produits très stables (à plus de 3 000 °C), en un temps très court, tout en respectant les normes de rejet en vigueur. Cette technique a été retenue par les Hospices Civils de Lyon pour le traitement de leurs déchets contaminés ; elle sera également mise en œuvre pour l’inertage de déchets contenant de l’amiante. Enfin, des recherches très actives sont menées pour l’appliquer au traitement des résidus ultimes des usines d’incinération d’ordures ménagères.

La résistance est utilisée pour le chauffage de lits réactionnels fluidisés, dont certaines applications résolvent des problèmes d’environnement : c’est le cas de la régénération des sables de fonderie qui, utilisés comme moules, sont pollués après usage par des résidus organiques : 2 Mt sont envoyés chaque année en décharge de classe 1 ; le lit fluidisé chauffé par résistance électrique permet de les traiter en les rendant dans leur état d’origine, et de les recycler. Cette technique est aussi utilisée pour le décapage thermique des peintures.

L’induction, déjà utilisée pour la vitrification des déchets nucléaires, est également étudiée pour la vitrification ou l’inertage de certains résidus toxiques.

Les techniques électrochimiques

Lorsqu’il s’agit d’effluents liquides, d’autres techniques peuvent être mises en œuvre en permettant, dans la mesure du possible, de récupérer et de recycler une bonne partie de leurs constituants. Les techniques électrochimiques sont prêtes à répondre à ce double objectif. Ce sont, en effet, des techniques qui, soit mettent en œuvre directement un processus de dépollution, soit génèrent in situ un agent dépolluant. Parmi elles, citons :

• l’électrodéposition, qui est une technique bien adaptée au traitement d’effluents chargés en métaux lourds, tels que le cadmium, le zinc, le nickel, le cuivre… ou en métaux précieux, comme l’or ou l’argent ; le métal déposé à la cathode peut en effet être aisément récupéré, purifié, recyclé. C’est surtout dans le secteur des traitements de surface que s’applique le mieux ce procédé ;

  • • l’électrodialyse, qui est une technique de reconcentration d’espèces ioniques et dont les applications en dépollution sont, par exemple, le traitement des eaux usées en papeterie ou le traitement des bains de galvanoplastie ;
  • • l’électro-électrodialyse, qui, en plus de la reconcentration, permet de générer ou d’éliminer certains produits et dont les applications en développement visent le traitement d’effluents salins avec régénération d’acide et de base ;
  • • la génération de produits dépolluants, qui concerne le chlore dont l’application reste intéressante pour la destruction des cyanures, et l’ozone dont l’utilisation, à l’inverse du chlore, ne génère pas de sous-produits toxiques et qui est applicable à de nombreuses familles de polluants. Sa production fait appel à des techniques électriques, la plus performante d’entre elles pour les applications à grande échelle étant la décharge à effet de couronne (plasma froid) provoquée dans un courant gazeux d’air ou d’oxygène. Pour sa production par plasma froid, l’ozone requiert, selon le gaz utilisé, entre 7 et 20 kWh/kg d’ozone. L’ozone est actuellement essentiellement utilisé pour la potabilisation de l’eau ; l’arrivée sur le marché des ozoneurs — matériels compacts et relativement peu onéreux — fait apparaître d’importantes possibilités de développement de cette technique, comme, par exemple, la destruction de substances toxiques dans les effluents industriels (cyanures, composés aromatiques) et la délignification de résidus végétaux. D’autres applications telles que désodorisation, décoloration, synthèse chimique doivent être également étudiées ultérieurement.

Les techniques membranaires

Les techniques que nous venons d’évoquer sont encore peu répandues parce que récentes ou encore en développement. D’autres, comme les techniques à membranes, sont déjà largement utilisées, notamment pour le traitement des eaux usées. Elles apportent en plus un potentiel d’économie d’énergie par rapport à des méthodes classiques de séparation comme la distillation.

Parmi leurs nombreuses applications, citons :

  • • en microfiltration, le recyclage d’eaux de rinçage des industries mécaniques, le traitement de rejets de blanchisserie, l’épuration de bains photographiques ;
  • • en ultrafiltration, le recyclage d’huiles mécaniques, ou le traitement d’émulsions d’huiles ;
  • • en osmose inverse, la récupération de peintures ou de métaux en solution, ainsi que le dessalement de l’eau de mer et des eaux saumâtres ;
  • • en pervaporation, la déshydratation et le recyclage de solvants organiques ; les applications industrielles sont encore très peu nombreuses, car il s’agit d’une technique nouvelle.

Afin de compléter le panorama des techniques électriques, nous n’omettrons pas :

  • • la compression mécanique de vapeur utilisée pour la concentration d’effluents (eaux de lavage de laine par exemple) ou, associée avec un séchage à la vapeur d’eau surchauffée, pour sécher des produits sans polluer (voir ci-dessus les procédés propres). De plus, les économies d’énergie sont très importantes comparativement aux procédés traditionnels ;
  • • la pompe à chaleur, dont les applications en séchage conduisent aussi à des économies, permettant de récupérer l’énergie thermique des rejets liquides (effluents d’usines d’ennoblissement textile par exemple), ou de concentrer les rejets pour le recyclage des produits toxiques (exemple : eaux de traitement de surface) ;
  • • les micro-ondes (régénération d’acides), les ultraviolets (désinfection des eaux, destruction de polluants organiques) ;
  • • l’électropolissage (traitement de surface), l’électrophorèse et l’électro-osmose (concentration des boues, traitement des sols).

Bien entendu, là aussi, la liste n’est pas complète, et parmi les techniques citées, certaines ont déjà de nombreuses applications opérationnelles dans l’industrie, alors que d’autres n’en sont qu’au stade du prototype.

Naturellement, EDF entend bien appliquer pour ses propres déchets, chaque fois que cela sera possible, les techniques proposées, afin de qualifier industriellement les procédés et de constituer une vitrine incitative. C’est ainsi qu’ont été effectués des essais de vitrification d’amiante provenant du démantèlement de centrales de production. Les résultats ayant été jugés satisfaisants, une installation-pilote comprenant une torche à plasma de 2 MW, d’une capacité de traitement de 500 kg/h, va être prochainement implantée sur le site d’Arjuzanx.

Une volonté de partenariat

Tout un volet du Plan Environnement d’EDF concerne l’utilisation de l’électricité, notamment dans l’industrie, où, grâce aux efforts de recherche de l’Entreprise, cette énergie s’affirme aujourd’hui comme un puissant vecteur de développement de technologies nouvelles pour l’amélioration de l’environnement et du cadre de vie. C’est ainsi que la Direction des Études et Recherches d’EDF s’est vu décerner en mai 1992 la médaille d’or, promotion « Environnement et Développement », de la Société d’Encouragement pour la Recherche et l’Invention. Cette distinction a récompensé les innovations de l’Entreprise dans deux grands domaines : la réduction de l’impact des ouvrages de production d’électricité sur l’environnement et la mise au service de la lutte contre la pollution et la protection de l’environnement des technologies électriques.

Innover ne suffit pas, il faut également établir un véritable dialogue avec l’ensemble des acteurs directement impliqués dans la protection de l’environnement. Aussi EDF a-t-elle accru ses efforts de communication en direction des industriels. Le numéro de « La Lettre d’Électricité de France aux Industriels », paru en décembre 1991, est ainsi entièrement consacré au potentiel des nouvelles techniques électriques en matière de protection de l’environnement. Parallèlement, a été publié en 1991 dans la collection « Electra », un ouvrage sur « l’environnement et l’électricité » faisant le point sur les procédés électriques de traitement des rejets industriels. EDF est par ailleurs membre de RECORD (Réseau Coopératif de Recherche sur les Déchets) et adhérent à l’AFITE (Association Française des Ingénieurs et Techniciens de l’Environnement).

Comme les exemples l’ont montré, la mise en œuvre de technologies nouvelles et intégrées à un procédé industriel complexe nécessite le concours de nombreux partenaires : des fabricants de matériel, des ingénieries, des ensembliers, ainsi que des centres techniques et de recherches. La politique volontariste de partenariat affichée par EDF trouve ici un champ d’application particulièrement riche, bien sûr au niveau Recherche et Développement, mais aussi par le soutien à l’innovation et les transferts de technologies, notamment en direction des PMI.

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