Your browser does not support JavaScript!

Efficacité et innocuité du traitement inhibiteur du plomb : le cas du SEDIF

30 juillet 2007 Paru dans le N°303 à la page 47 ( mots)
Rédigé par : Malik DJAFER, Véronique HEIM, Dominique TOZZA et 2 autres personnes

Depuis le 25 décembre 2003, le code de la santé publique fixe à 25 µg/l la concentration limite du plomb dans l'eau, mesurée au robinet du consommateur. Cette valeur sera de 10 µg/l à partir de 2013. Pour respecter ces seuils, le Syndicat des Eaux d'Île de France a entrepris deux actions : - le changement de tous les branchements en plomb d'ici 2013, - l'application d'un traitement inhibiteur du plomb par injection d'acide orthophosphorique. Le SEDIF a accompagné la mise en ?uvre de ce traitement d'un programme de surveillance comportant trois volets : l'appréciation de l'efficacité du traitement, le contrôle de son effet sur la qualité sanitaire et organoleptique de l'eau et l'évaluation de son impact environnemental.

Depuis le 25 décembre 2003, le code de la santé publique fixe à 25 µg/l la concentration limite du plomb dans l’eau, mesurée au robinet du consommateur. Cette valeur sera de 10 µg/l à partir de 2013. Pour respecter ces seuils, le Syndicat des Eaux d'Île-de-France a entrepris deux actions :

  • le changement de tous les branchements en plomb d’ici 2013,
  • l’application d’un traitement inhibiteur du plomb par injection d’acide orthophosphorique.

Le SEDIF a accompagné la mise en œuvre de ce traitement d’un programme de surveillance comportant trois volets : l’appréciation de l’efficacité du traitement, le contrôle de son effet sur la qualité sanitaire et organoleptique de l’eau et l’évaluation de son impact environnemental.

Le Syndicat des Eaux d'Île-de-France (SEDIF) est un syndicat mixte composé de 144 communes d'Île-de-France, réparties sur 7 départements. Il distribue quotidiennement près de 800 000 m³ d'eau potable à 4 millions d’habitants via 8 700 km de canalisations organisées en un réseau maillé. 95 % de l'approvisionnement en eau est issu de ressources superficielles : la Seine, la Marne et l'Oise, traitées dans les usines de Choisy-le-Roi, Neuilly-sur-Marne et Méry-sur-Oise. L’exploitation des installations est confiée à Veolia Eau au travers d'un contrat de régie intéressée.

Renouvellement de 250 000 branchements sur 13 ans

Le code de la santé publique, transposant la directive européenne 98/83/CE, précise que la personne responsable du réseau public est responsable de la qualité de l'eau jusqu’au robinet du consommateur. Ce même texte fixe une valeur limite concernant le plomb de 25 µg/l jusqu’en 2013 et 10 µg/l au-delà. L’eau produite par le SEDIF est exempte de plomb, mais elle peut être contaminée, juste avant le robinet du consommateur, au niveau du branchement et/ou d'un réseau intérieur en plomb. C'est souvent le cas des logements construits avant 1963, date où le règlement sanitaire départemental type a déconseillé très fortement l'installation de conduites en plomb.

En 2001, le SEDIF recensait 250 000 habitations pourvues d'un branchement en plomb, soit plus de 40 % de ses abonnés. Pour respecter le seuil de 10 µg/l, il a programmé le remplacement sur 13 ans de tous ces branchements par des conduites en polyéthylène, ce qui représentera à terme un budget d’investissement de 550 millions d'euros. Les remplacements ont concerné

[Photo : Territoire du SEDIF]

Prioritairement les établissements recevant du public (crèches, écoles, hôpitaux, …) puis les branchements les plus longs (plus d’une dizaine de mètres).

Rôle du traitement aux orthophosphates

Toutefois, ces mesures s’avèrent insuffisantes pour respecter le seuil transitoire de 25 µg/l tant que la totalité des branchements en plomb n’a pas été remplacée. Le SEDIF a donc souhaité mettre en œuvre une solution d’accompagnement, qui permette de limiter la dissolution du plomb : l’application d’un traitement inhibiteur de corrosion à l’acide orthophosphorique. Ce traitement dit filmogène permet de réduire la solubilité du plomb en formant un film protecteur d’hydroxypyromorphite (Pb₅(PO₄)₃OH) à la surface des canalisations. Ce type de traitement est déjà répandu à l’étranger notamment en Grande-Bretagne, où quatre-vingt-quinze pourcents des contrats de distribution d’eau y recourent [2].

Le traitement à l’acide orthophosphorique a été choisi suite à une étude comparative menée par le SEDIF entre 1994 et 1996 à l’échelle pilote, puis avec l’accord des autorités sanitaires sur un petit réseau cloisonné. Cette expérimentation testait l’efficacité de plusieurs produits : l’acide orthophosphorique, l’orthophosphate de zinc, un mélange de polyphosphates et d’orthophosphates, et du silicate de sodium. Parmi les produits testés, l’orthophosphate de zinc s’est révélé le plus performant puisqu’il permettait de réduire de 70 % la concentration en plomb après 7 jours de traitement. Toutefois, le SEDIF a renoncé à ce produit à cause de la pollution en zinc qu’il engendrait, et a préféré opter pour l’acide orthophosphorique. Ce dernier permettait tout de même d’atteindre un abattement de 55 % pour une dose de 3 mg/L de H₃PO₄ [3].

La demande d’autorisation de mise en œuvre du traitement par acide orthophosphorique sur les trois usines principales a été déposée en mars 1998. Elle a reçu un avis favorable du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France et de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments, pour les usines de Choisy-le-Roi et Neuilly-sur-Marne. Le taux de traitement autorisé était de 2 mg H₃PO₄/l pendant six mois, durée estimée pour la formation du film de passivation, puis diminution du taux à 1 mg H₃PO₄/l, dose nécessaire à l’entretien du dépôt protecteur. Ce traitement devait être accompagné d’un programme de suivi de la qualité de l’eau distribuée, dont les résultats sont présentés dans le présent article.

Un traitement jugé inutile sur le secteur desservi par Méry-sur-Oise

Les autorités sanitaires ont jugé inutile le traitement à l’acide orthophosphorique sur l’usine de Méry-sur-Oise qui produit une eau plus douce que les usines de Neuilly-sur-Marne et Choisy-le-Roi, grâce à son procédé de nanofiltration. Les travaux de l’ASTEE sur la corrosion du plomb avaient en effet montré que le pouvoir corrosif d’une eau

[Photo : Dispositif de dilution du H₃PO₄ avec l’eau issue des filtres à charbon actif en grains]

telle que celle de Méry-sur-Oise, avec un pH de 8 et un TAC de 14 °F, était limité vis-à-vis du plomb [4].

L’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments a toutefois demandé au SEDIF d’appliquer un programme de suivi de la qualité de l'eau sur le secteur Nord desservi par Méry-sur-Oise, comparable à celui mis en œuvre sur le secteur Sud, desservi par Choisy-le-Roi, et Est, desservi par Neuilly-sur-Marne (cf. figure 1).

Efficacité du traitement à l'acide orthophosphorique

Conditions d’injection

Après obtention des arrêtés préfectoraux autorisant le traitement, celui-ci a été mis en œuvre le 9 février 2004 à l'usine de Choisy-le-Roi, et le 13 avril 2004 à l'usine de Neuilly-sur-Marne. L'injection de l'acide orthophosphorique est réalisée en sortie des filtres à charbon actif en grains (CAG), juste avant les tours de chloration. Le taux de traitement est régulé à l’aide d’une pompe doseuse, et le mélange est effectué par le biais d'un mélangeur statique (photo 1). Ce dispositif permet d’assurer une meilleure dispersion du produit au niveau du piquage. L'injection se fait à raison de 7 l/h du produit dilué (photo 2) dans la conduite d'eau arrivant aux tours de chloration.

Bonne conservation du produit dans le réseau de distribution

Des analyses d’orthophosphates ont été faites chaque semaine en différents points du réseau pour vérifier la conservation du produit sur l'ensemble du territoire : aux points les plus éloignés des usines la perte d’orthophosphates était inférieure à 10 % (cf. figure 2).

Efficacité sur la contamination en plomb au robinet du consommateur

L'efficacité du traitement a été évaluée grâce aux analyses de contamination en plomb effectuées quatre fois par an au robinet de 10 consommateurs des secteurs Sud et Est. Le suivi appliqué sur le secteur Nord, non traité, a servi de témoin dans l’interprétation des résultats. Ces suivis ont débuté deux ans avant la mise en œuvre du traitement sur les usines de Choisy-le-Roi et de Neuilly-sur-Marne. Les habitations des consommateurs retenues étaient toutes alimentées par un branchement en plomb, et le réseau intérieur pouvait également comporter des parties en plomb. Les longueurs cumulées de plomb allaient de 6 à 22 mètres.

Les prélèvements étaient réalisés le matin au robinet d’eau froide de la cuisine selon deux modes :

  • - directement à l'arrivée de l'agent préleveur (prélèvement dit “aléatoire”),
  • - après rinçage du réseau puis stagnation de l'eau dans la conduite pendant 30 minutes (prélèvement dit “de stagnation contrôlée”).

Les prélèvements n’étaient réalisés qu’en pavillon, du fait des contraintes de la stagnation contrôlée : il est très difficile d'imposer à tous les habitants d’un immeuble de ne plus utiliser d’eau pendant 30 minutes.

Les analyses du prélèvement aléatoire ont montré une bonne efficacité du traitement. Ainsi entre 2002 et 2003, le pourcentage moyen des analyses du prélèvement aléatoire supérieures à 25 µg/l était de 57 % dans les secteurs Sud et Est, et 43 % dans le secteur Nord. À partir de 2004, ce taux a nettement diminué dans les secteurs Sud et Est, où le traitement à l'acide orthophosphorique était appliqué : 17 % de valeurs supérieures à 25 µg/l en 2004 puis 5 % en 2005 et 2006 (cf. figure 3). À titre comparatif, dans le secteur Nord, le nombre de valeurs non conformes à la réglementation est resté relativement constant pendant cette période (cf. figure 4).

Remarque : les valeurs de contamination en plomb constatées au cours de ce suivi ne sont pas représentatives de la situation de l’ensemble du territoire du SEDIF. En particulier, le fait de restreindre notre périmètre d'étude à des pavillons a fortement influencé les analyses. Ainsi, comme l’ont montré D. Gaujous et R. Chrétien [5], les valeurs moyennes de plomb du prélèvement aléatoire sont nettement plus faibles en immeuble qu’en pavillon : la corrosion y est plus limitée, car le diamètre du branchement est généralement supérieur (et donc le rapport surface de contact/volume plus bas).

[Photo : point d’injection du H₃PO₄, en amont de la chloration]
[Photo : Figure 2 : concentration moyenne en orthophosphates en six points du secteur Sud]
[Photo : Figure 3 : Répartition des analyses de plomb total du prélèvement aléatoire (secteurs Sud et Est).]

La circulation d’eau plus importante que dans un pavillon.

Les analyses des prélèvements de stagnation contrôlée ont quant à elles permis de quantifier le taux d’abattement moyen du plomb obtenu grâce au traitement sur les secteurs Sud et Est : la comparaison entre les valeurs mesurées avant et après traitement indique qu’il était en moyenne de 57 %, ce qui est cohérent avec les résultats des expérimentations préalables.

Des analyses de cuivre ont également été effectuées à l'occasion de ce suivi car l'acide orthophosphorique inhibe la corrosion de ce métal. Les analyses des prélèvements de stagnation contrôlée au robinet des consommateurs ont montré un abattement de plus de 50 % de la concentration en cuivre (ce matériau étant constitutif du réseau intérieur de 8 consommateurs parmi les 10 suivis sur les secteurs Sud et Est).

Impact du réseau intérieur sur les fortes concentrations en plomb

La qualité de l'eau peut être altérée lors de son trajet dans le réseau intérieur des habitations. C’est particulièrement le cas lorsque celui-ci est en plomb car :

- la température de l’eau peut augmenter lorsque l'eau stagne dans les canalisations intérieures favorisant alors la dissolution du plomb,

- la corrosion du plomb peut être accentuée par un effet pile (suite au contact de matériaux différents comme le couple plomb/cuivre par exemple),

- la présence de coudes, vannes ou soudures peut entraîner la formation de plomb particulaire.

Les campagnes d’analyse du plomb effectuées avant l’application du traitement à l'acide orthophosphorique ont mis en évidence à plusieurs reprises la présence de concentrations en plomb très élevées (supérieures à 50 µg/l) chez un nombre restreint de consommateurs (8 parmi les 25 suivis). Quasiment tous (7 cas sur 8) possédaient un réseau intérieur en plomb au sein de leur habitation.

L’impact du réseau intérieur sur la contamination en plomb de l’eau a clairement été mis en évidence dans deux situations :

- chez un consommateur de Taverny, dans le secteur Nord, où la contamination en plomb est restée inchangée (entre 20 et 60 µg/l) malgré le remplacement de son branchement par une conduite en polyéthylène,

- chez un consommateur des Loges-en-Josas (secteur Sud), où l'exécution d’une soudure sur la canalisation en plomb de la cuisine avait engendré un important relargage de plomb particulaire (les concentrations en plomb variant de 80 à 340 µg/l).

Impact des orthophosphates sur la qualité microbiologique de l'eau

Outre l’efficacité du traitement, le programme de surveillance mené par le SEDIF visait à contrôler l'impact de l'ajout d'orthophosphates sur la qualité sanitaire et organoleptique de l'eau. Une attention particulière était portée aux paramètres microbiologiques afin de vérifier que le traitement n’engendrait pas de reviviscence bactérienne.

Le phosphore est un élément déterminant de la constitution et du métabolisme des cellules (en particulier du stockage et des échanges d’énergie via l'Adénosine Tri Phosphate). Toutefois, il constitue rarement l’élément limitant du développement bactérien dans une eau potable issue de rivière, lequel est généralement contrôlé par la matière organique biodégradable. Des travaux menés aux États-Unis [6] ont montré l'absence de reviviscence bactérienne suite à l’ajout d’orthophosphates. Dans le cas d’un réseau en fonte corrodée, l'application de ce traitement peut même se traduire par une diminution de l'activité bactérienne dans le biofilm en limitant les réactions redox à l'interface eau-matériau [7]. D’autres études menées en région parisienne [5] [8] ont, au contraire, mis en évidence une légère augmentation de la population bactérienne liée à l'utilisation d’orthophosphates, sans toutefois en identifier la cause.

[Photo : Figure 4 : Répartition des analyses de plomb total du prélèvement aléatoire (secteur Nord - secteur sans traitement).]

Le programme d’analyses microbiologiques mis en œuvre par le SEDIF comportait deux volets. Le premier concernait la qualité sanitaire de l’eau au robinet de cuisine du consommateur : différentes analyses étaient menées sur les échantillons prélevés après purge du réseau intérieur, comme les germes tests de la contamination microbienne (coliformes fécaux, Escherichia coli, streptocoques fécaux, clostridiums sulfito-réducteurs), la flore totale (par coloration de l'ADN au DAPI), les légionelles sur eau froide et chaude. Par ailleurs, dans chaque secteur (cf. carte), sept incubateurs munis de pastilles de fonte (cf. figure 7) étaient installés en dérivation sur le réseau, afin d’étudier le développement et l’activité du biofilm : analyse du nombre total de bactéries et de l’Activité Exoprotéolytique Potentielle (AEP).

[Photo : Schéma d’un incubateur biofilm.]

Le traitement n’a pas favorisé l'apparition de germes test. La présence de légionelles au-delà du seuil de détection a été mise en évidence dans un prélèvement sur eau chaude mais la mauvaise gestion du ballon d’eau chaude en était la cause.

Les tests statistiques de Student et de Wilcoxon-Mann-Whitney appliqués aux analyses de flore totale et d’AEP n’ont mis en évidence aucune évolution significative du nombre de bactéries, ni de l'activité du biofilm consécutive au traitement filmogène (cf. figures 6 et 7).

En ce qui concerne les paramètres physico-chimiques – autres que le phosphore – et organoleptiques, aucune évolution n’a été constatée avant et après traitement dans les prélèvements effectués au robinet des consommateurs.

Impact du traitement sur l’environnement

Une des inquiétudes des pouvoirs publics quant à l'injection d’acide orthophosphorique portait sur l'impact du traitement sur l'environnement et, plus précisément, sur l'augmentation des rejets de phosphore dans le milieu naturel.

Un premier calcul montre que la charge supplémentaire en phosphore apportée par le traitement inhibitif du plomb représente environ 3 % de celle “classiquement” présente dans les eaux usées. En effet, le taux de traitement autorisé étant de 1 mg/l de PO₄³⁻ – soit environ 0,3 mg P-PO₄/l –, la pollution quotidienne engendrée par un individu censé utiliser environ 200 litres d'eau par jour est de l'ordre de 60 mg P/jour/équivalent habitant. Or le rejet domestique journalier “classique” est évalué à 2,5 g P/équivalent habitant [9].

Toutefois, pour étudier plus précisément l’impact du traitement filmogène sur la qualité des eaux superficielles, il ne semblait pas pertinent de compiler simplement les analyses de phosphore dans la Seine. En effet les quantités de phosphore générées par le traitement inhibitif du plomb sont de l'ordre des variations habituellement constatées dans le fleuve pour cet élément. Le SEDIF a opté pour une démarche de modéli-

[Photo : Évolution du nombre total de bactéries mesurées sur l'eau prélevée aux robinets des consommateurs des secteurs Sud, Est et Nord.]
[Photo : Évolution de l'activité exoprotéolytique potentielle du biofilm mesurée sur les réseaux des secteurs Sud, Est et Nord.]

En s’adressant au PIREN-Seine, structure de recherche spécialisée dans l'étude du fonctionnement biogéochimique du système « Seine ».

Le PIREN-Seine a mis en œuvre, en partenariat avec l'IFREMER de Brest, la chaîne de modélisation SENEQUE-SIAM/Elise [10], pour évaluer l’effet sur les phénomènes d’eutrophisation dans la Basse Seine et la zone marine côtière, d’un accroissement global de 1 mg PO₄/l de la charge en phosphore des eaux domestiques de l'agglomération parisienne (SEDIF et Eau de Paris). Des hypothèses pénalisantes ont été retenues, telles qu'une hydrographie critique (celle de 2003, année particulièrement sèche), ou l’absence de traitement de la charge additionnelle en phosphore en station d’épuration. En réalité, celle-ci transite nécessairement par les ouvrages d’épuration qui dès aujourd’hui retiennent de 45 à 90 % de la charge phosphorée des eaux usées et en retiendront plus encore à l’horizon 2012.

D’après cette étude, l’application du traitement à l'acide orthophosphorique en région parisienne, à raison de 1 mg H₃PO₄/l, augmente de 2 % la charge totale de phosphore entrante dans les stations d’épuration parisiennes (essentiellement Achères). La modélisation montre que cette charge additionnelle, même si elle n’était pas traitée, n’a pas d’effet significatif sur l'eutrophisation de la Seine, ni actuellement, ni à l’horizon 2012 où l’on prévoit une forte diminution des autres rejets de phosphore dans le milieu aquatique. En Baie de Seine, toutefois, cet apport pourra se traduire par une légère augmentation de la biomasse lors du pic de croissance estivale des dinoflagellés indésirables. La modélisation montre que cette augmentation restera toutefois insignifiante, même dans les zones les plus proches du panache de la Seine.

Conclusion

Le programme de surveillance établi par le SEDIF dans le cadre de la mise en œuvre du traitement inhibiteur du plomb par l'acide orthophosphorique a montré une réduction significative de la contamination en plomb. Le taux d’abattement moyen de la teneur en plomb au robinet du consommateur est supérieur à 50 % et permet de respecter, dans 95 % des cas, la limite de 25 µg/l fixée par la nouvelle réglementation.

Les résultats obtenus au cours du suivi ont également permis de vérifier que le traitement n’avait pas d’impact sur la qualité physico-chimique, organoleptique et microbiologique de l'eau. Une étude de modélisation menée par le PIREN-Seine a démontré par ailleurs l'effet négligeable du traitement sur l'eutrophisation de la Seine.

Le traitement inhibiteur du plomb par l'acide orthophosphorique répond donc parfaitement à l'objectif du SEDIF. En limitant efficacement la dissolution du plomb, il permet de poursuivre le remplacement de tous les branchements en plomb, avec un risque de dépassement de la norme réduit.

Toutefois, le traitement n'est autorisé que jusqu’à fin 2013. Si le SEDIF a achevé à cette date la modernisation des branchements en plomb, il est fort probable qu'il subsistera des parties en plomb dans les réseaux intérieurs, dont le suivi de la qualité de l'eau a fait ressortir qu'elles pouvaient être à l’origine d'un risque sanitaire fort, notamment lorsque la configuration du réseau favorise la formation de plomb particulaire (soudures, présence de coudes ou survenue de coups de bélier). Ces observations soulèvent donc la question des travaux à mener, par les propriétaires privés, pour remplacer les parties en plomb des réseaux intérieurs.

Références bibliographiques

[1] M. Mercier, La stratégie du Syndicat des eaux d’Ile-de-France dans le remplacement des branchements en plomb. Techniques Sciences et Méthodes, janvier 2001.

[2] C.R. Hayes, Respecter les nouvelles normes européennes sur les teneurs en plomb dans l'eau potable au moindre coût par traitement aux orthophosphates, Techniques Sciences et Méthodes, n° 4, 2005 – 100ᵉ année.

[3] A. Boireau, M. Benezet-Toulze, G. Randon, J. Cavard, Limitation de la solubilisation du plomb par ajout de produit filmogène. Transposition d’une étude sur pilote à un réseau réel. Techniques Sciences et Méthodes, n° 5, mai 1997.

[4] G. Randon, au nom du groupe de travail AGHTM, Synthèse du travail collectif réalisé par l'AGHTM sur le plomb dans l'eau de distribution, Technique Science et Méthodes, n° 7, 1996.

[5] D. Gaujous, R. Chrétien, J. Cordonnier, N. Laurent, P. Piru, Teneur en plomb des eaux distribuées et essais de traitement filmogène dans la banlieue Ouest de Paris, Journal Européen d’Hydrologie, tome 31, 2000.

[6] C.J. Volk, M.W. Le Chevallier, Impact of nutrient and corrosion control on bacterial levels in a model distribution system, American Water Works Service Company, 1998.

[7] B. Appenzeller, M. Batté, L. Mathieu, J.C. Block, Effect of adding phosphate to drinking water on bacterial growth in slightly and highly corroded pipes, Water Research, volume 35, 2001.

[8] E. Delahaye, B. Welte, L. Mathieu, M.C. Bonnet, A. Montiel, Impact d’un traitement filmogène à l'acide phosphorique sur la microbiologie du réseau de distribution parisien : bilan de deux ans d’étude. Journées Information Eau du 26 au 28 septembre 2006 – Poitiers.

[9] M. Meybeck, G. De Marsily, E. Fustec, La Seine en son bassin : fonctionnement écologique d'un système fluvial anthropisé, 1999.

[10] P. Cugier, G. Billen, J.-F. Guillaud, J. Garnier, A. Ménesguen (2005). Modelling eutrophication of the Seine Bight under present, historical and future Seine river nutrient loads. Journal of Hydrology 304 : 381-396.

[Publicité : LE GUIDE DE L’EAU]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements