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Effet de la température sur le processus de biotraitement

30 avril 1998 Paru dans le N°211 à la page 50 ( mots)
Rédigé par : Moussa AMRANI, Abdelkader FODIL-CHERIF et Latifa HAMEL

Un des facteurs importants dont dépend l'efficacité du procédé de biooxydation est la température du milieu brassé. L?objectif de notre recherche a été d'évaluer l'activité microbienne en fonction de la température et le degré d'élimination de la charge polluante que renferme l'effluent issu de la production des levures S. cerevisiea. Pour ce faire, nous avons mis au point une installation comprenant un fermenteur de type air-lift thermostaté et une biocénose aérobie, appropriée au traitement de cet effluent. La plage de température optimale est de 30 à 35 °C. Dans ces conditions, la floculation des boues est la meilleure et la réduction de la pollution de l'effluent atteint un taux maximum qui est d'environ 68,4 - 70,2 % en DCO et 74,3 - 75,6 % en DBO5.

[Photo : Dispositif expérimental – 1 : moteur-agitateur ; 2 : bac d’effluent ; 3 : système d’alimentation ; 4 : aérateur ; 5 : décanteur ; 6 : système de chauffage ; 7 : recueil d’effluent traité ; 8 : recueil des boues.]

La production des levures boulangères génère en moyenne une quantité d’effluent de 9,5 m³/tonne de mélasse qui est, de par son origine, riche en matière organique bioassimilable et en macro-éléments (Bronn, 1975). Le procédé le plus répandu de son traitement est l’épuration biologique par voie aérobie en boues activées en suspension dans des bassins bétonnés à ciel ouvert. Il permet, en effet, le développement d’une biomasse épuratrice bien supérieure à celle fixée sur lits bactériens et d’atteindre la plus grande vitesse des processus de biooxydation. En revanche, cette technique exige nécessairement de grandes superficies de terrains et des moyens maté-

Tableau 1 : Caractéristiques générales de l’effluent liquide de levurerie

ParamètresUnitésQuantité
D.C.O.mg O₂/l20 000 – 25 000
D.B.O.mg O₂/l6 000 – 8 000
pH6,2 – 7
THm l25 – 30
TACm l7 – 9
Matière sècheg/l18 – 20
Matière organiqueg/l10 – 13
Matière minéraleg/l6 – 7
Azote totalmg/l580 – 600
Phosphore totalmg/l120 – 140
Nitratesmg/l300 – 320
Chloruresmg/l150 – 200
Couleur°Pt.Co1 000 – 1 500
[Photo : Effet de la température sur la concentration de la biomasse (●) et sa teneur en cendres (◆)]

riels importants (Guibelui, 1994). En conséquence du manque de place, du coût du terrain et de l’infrastructure, se développent de plus en plus maintenant, au niveau des unités de production, des installations de biotraitement compactes, dont le fermenteur nécessite une observation stricte du régime technologique appliqué, car l’activité vitale et un rendement suffisamment élevé des micro-organismes ne sont possibles que dans des conditions bien déterminées. Le travail présenté fait l’état d’une étude d’optimisation de la température, paramètre conditionnant le processus de biotraitement aérobie à haute charge polluante.

Plan de travail expérimental et méthodes d’analyse

On a fait des études sur l’efficacité du processus de biotraitement de l’effluent de levurerie par biocénose appropriée en fonction de la température. Cette efficacité est évaluée à partir des variations expérimentées par les principales caractéristiques polluantes de l’effluent, la dynamique microbienne et les caractéristiques physiques de la biomasse produite.

Effluent employé

Comme effluent liquide, on a utilisé la liqueur issue de la culture des levures Saccharomyces cerevisiae à l’échelle industrielle sur un substrat constitué principalement d’un mélange de 2/3 de mélasse de betterave et de 1/3 de mélasse de canne à sucre. Les caractéristiques principales de cet effluent sont exposées dans le tableau 1.

Culture de la microflore

L’installation des populations microbiennes sélectionnées à partir des boues prélevées des parois du collecteur des effluents issus de la séparation des levures a pris approximativement six semaines à la température de 30 °C. L’alimentation de la microflore en substrat est séquentielle les deux premières semaines. Au-delà de la deuxième semaine, elle est appliquée en continu, en faisant augmenter la charge progressivement jusqu’à la sixième semaine où elle a été maintenue à 12 kg DCO/m³ · jour. L’étude morphologique de la boue activée produite révèle que la microflore la plus dominante est du genre : Pseudomonas, Bacillus, Chromobacterium, Leuconostoc, Lactobacillus, Micrococcus et Candida.

Technique de traitement

Étant donné que la charge polluante de l’effluent est élevée (DCO de 20 000 – 25 000 mg O₂/l), pour la préparation de l’eau résiduaire employée pour les essais de biotraitement, on a procédé à sa dilution avec l’eau brute à une DCO de 5 000 – 5 600 mg O₂/l pour maintenir une charge massique spécifique de 1,5 kg DCO/kg de boue par jour. Après l’enrichissement en nutriments azotés et phosphatés monopotassiques jusqu’au rapport DBO : N : P = 100 – 150 : 5 : 1, l’eau résiduaire employée traverse de bas en haut, à des températures fixées pour chaque essai (20, 25, 30, 35, 40 °C), la zone brassée et aérée du fermenteur de 6 litres (fig. 1). L’aération est assurée par un flux d’air injecté à un débit de 50 – 60 m³/m²·h dans la partie inférieure. La suspension du milieu brassé est évacuée vers un clarificateur de 5 litres. La biomasse décantée et l’eau clarifiée sont recueillies dans des flacons et soumises par la suite aux analyses.

Méthodes employées

– Demande chimique en oxygène (DCO) : déterminée par la méthode de Moore, oxydation avec K₂Cr₂O₇ à reflux, en employant Ag₂SO₄ comme catalyseur.

– Demande biochimique en oxygène (DBO) : déterminée au moyen d’un appareil normalisé (Hach modèle 16500.10) basé sur la méthode manométrique (Toll, 1967). Dans ce travail on a mesuré la DBO à 5 jours (DBO₅).

– La concentration des boues est déterminée après centrifugation à 3 000 tours/min pendant 20 min et séchage dans l’étuve à 105 °C pendant 24 heures.

– Les cendres dans la biomasse sont quantifiées après calcination d’un gramme de boue sèche au four à moufle à 550 °C pendant 2 heures.

– L’activité microbienne est déterminée au moyen d’un appareil (I.S.CO, OUR test) basé sur la quantité d’oxygène consommée par litre de suspension et par heure (Vittadini, 1991).

– Indice de boue : calculé à partir de la quantité de dépôt obtenue, dans les conditions de la suspension, après 30 min de décantation en employant une burette de 500 mm de hauteur et 120 mm de diamètre.

Analyses des résultats obtenus

La plus grande partie des processus biochimiques de traitement s’effectue par des

Figure 3 : Evolution de l’activité microbienne (●) et de l’indice de boue (■) en fonction de la température

micro-organismes mésophiles dans la plage de température de 20 à 40 °C (Keleti et al., 1976). La constante de leur vitesse est une grandeur qui dépend des valeurs des constantes de vitesse des réactions biochimiques directes, inverses et parasites. La constante augmente tant que la température n’a pas atteint une certaine limite. La température limite d’augmentation de la constante est celle pour laquelle la vitesse de réaction inverse ou des réactions parasites commencent à devenir importantes. Pour la plupart des processus relevant du domaine cinétique, la constante de vitesse de réaction est fonction de la température et s’exprime par l’équation d’Arrhenius (Bray et White, 1966) :

k = k₀ e^(−Ea/RT)

avec k₀ et k : constantes de réaction biochimiques pour les températures respectivement T₀ et T E : énergie d’activation R : constante universelle des gaz

Cette équation montre que la vitesse de réaction directe doit toujours augmenter avec la température. Or, les résultats d’études obtenus révèlent qu’on ne peut, dans tous les cas, élever indéfiniment la température pour intensifier le processus. Les données du tableau 2 indiquent que la bio-oxydation de l’effluent à différentes températures du régime mésophile amène à différents taux d’abattement de la matière polluante. Selon Laidler (1969), à basses températures, le taux de biconversion est déterminé par la vitesse du processus direct : il est limité par l’équilibre et diminue lorsque la température augmente. Pour telle ou telle condition donnée du processus, il existe une température optimale. Cette dernière, trouvée dans nos essais, est de 35 °C, température à laquelle correspond le taux maximal d’abattement de la pollution en DCO et en DBO₅, respectivement 70,2 % et 75,6 %, et un effluent traité de pH = 7,6, valeur optimale au développement de la biocénose aérobie (Metcalf et Eddy, 1979).

Le remaniement du contenu de l’effluent par l’élimination de certaines matières est le résultat de la croissance et de la dynamique de la microflore de la bioconversion, qui dépend étroitement de la température. Les résultats du tableau 2 mettent en évidence la croissance progressive et importante de la biomasse dans la zone d’aération en augmentant la température jusqu’à 30 °C. Elle se stabilise ensuite à une concentration d’environ 10,5 g/l, qui est la maximale. Au-delà de 35 °C, la quantité de biomasse connaît une phase de perturbation de l’équilibre biologique : le processus de biodégradation domine alors le processus de synthèse. Notons cependant que la biosorption de la matière minérale manifeste la même allure que la concentration de la biomasse en augmentant la température jusqu’à 35 °C.

Les températures de la zone de perturbation (au-delà de 35 °C) accélèrent le processus d’adhésion de la matière minérale, ce qui confirme les travaux de Yakovleev et al. (1980). À la température de 40 °C, la biosorption atteint un taux de 24,8 % en matière minérale, ce qui signifie que la biomasse microbienne, à des températures élevées, joue un rôle d’adsorbant important. La figure 3 résume les résultats des analyses de l’évolution de l’activité microbienne et de l’indice de boue, exprimés respectivement en gO₂ consommé / l · h et en ml/g, en fonction de la température. On note que la meilleure activité métabolique (930 gO₂/l · h) est obtenue avec l’effluent à la température de 30 °C, ce qui correspond à une consommation d’oxygène spécifique de 88,6 gO₂/g de biomasse · h.

Baskin et Suidan (1945) ont précisé dans leurs travaux qu’il existe plusieurs façons de caractériser la décantabilité d’une boue biologique, qui reste souvent encore une limite à l’efficacité du traitement. Néanmoins l’indice de boue, autrement dit le volume occupé par un gramme de boue après un certain temps de décantation (en général 30 minutes), est le paramètre encore le plus fréquemment employé aujourd’hui pour caractériser la capacité de compactation naturelle d’une boue. La fiabilité de ce paramètre semble maintenant acceptée (Lee et al., 1983). La figure 3 présente les valeurs correspondantes.

Tableau 2 : Effet de la température sur le métabolisme microbien aérobie

moyennes expérimentales de l’indice de boue (30 minutes) en fonction de la température du milieu.

On remarque que les valeurs de l’indice de boue lorsque la température s’élève au-dessus de 35 °C sont hors de la gamme (40-120 ml/g) recommandée pour un bon traitement (Degrémont, 1989). Dans ces conditions, la concentration d’oxygène devient faible et le manque d’oxygène provoque la respiration endogène et la lyse des micro-organismes floculants et, par la suite, la croissance des bactéries filamenteuses, dont l’activité dégradante est moindre (Edellin, 1988).

Conclusion

Au cours des deux dernières décennies, le traitement biologique local s’est révélé la seule technique d’épuration des effluents de forte charge organique. L’efficacité de bio-traitement de l’effluent de production des levures boulangères, en utilisant des micro-organismes appropriés et un fermenteur de type air-lift, est une fonction de la température. Les différentes températures du régime mésophile induisent différentes valeurs d’activité microbienne. L’activité est optimale, et induit le meilleur rendement d’élimination de la pollution, à une température comprise entre 30 et 35 °C.

Références bibliographiques

Collectif (1989). Mémento technique de l’eau. Degrémont, 9e éd., Paris.

Baskin D. D., Suian (1945). Unified analysis of the chning. J. Environ. Eng., ASCE 114, 10-26.

Bray H. H., White K. (1966). Kinetics and thermodynamics in biochemistry. Churchill.

Bronn W. K. (1975). Die Abwasserbelastung der Hefefabriken und Melassebrennereien : Die Branntweinwirtschaft.

Edeline F. (1988). L’épuration biologique des eaux résiduaires. Cebedoc, Belgique.

Guibelui E. (1994). Le procédé biocarbone épurateur biologique des eaux usées. Revue « La Tribune de l’eau », Cebedoc, Belgique.

Keletin I., Ovadi J., Batke J. (1976). Catalysis and enzyme. The thermodynamic and kinetic of enzyme regulation. J. Mol. Catal., 1, 173-200.

Laidler K. J. (1969). Theories of chemical reaction rates. McGraw-Hill, New York.

Lee S. E., Kopman B., Bode H., Jonkins B. (1983). Evaluation of alternative sludge settleability indices. Water Res., 17, 1421.

Metcalf and Eddy Inc. (1979). Waste water engineering : treatment, disposal, reuse. McGraw-Hill Series in Water Resources and Environmental Engineering, New York.

Tool H. R. (1967). Manometric measurement of the biochemical oxygen demand. Water & Sewage Works, 114 (6), 211-214.

Vittadini A. S. (1994). Mode d’emploi relatif au contrôleur de toxicité. Milano, Italia.

Yakoleev N. N., Voronov M. I. (1985). Filtres biologiques. Stroïzdat, Moscou.

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