Traiter l'eau consomme de l'énergie. Depuis la réutilisation de l'eau jusqu'à la mise en oeuvre de procédés nouveaux, il existe quantité de réponses au besoin de maîtriser, voire réduire la facture énergétique. Une démarche structurée est nécessaire pour sérier les potentiels d'économies et adapter les réponses au niveau des installations. Ainsi qu'une vision de long terme : économiser, récupérer de l'énergie ne relève pas du temps de retour à deux ans !
Coût énergétique du traitement de l’eau
Tout volume d’eau traité représente un coût énergétique que l’on rapporte au volume traité et à la pollution éliminée. On distingue les consommations imputables au réseau de celles imputables à l’usine de traitement. Dans le domaine des eaux usées, la station d’épuration représente les trois quarts des dépenses ; en eau potable, le réseau est plus consommateur et la proportion est très variable selon la nécessité de traiter l’eau et la topographie.
Adapter la qualité de l’eau à son usage
Économiser sur l’eau commence par adapter le niveau de la qualité de l’eau à son usage : eaux usées pour les golfs et espaces verts, eaux pluviales pour l’arrosage ou le nettoyage, y compris en interne dans les usines. L’économie directe est importante, sans compter d’éventuels impacts inchiffrables mais bien réels sur la ressource en eau. Les sources d’économies ne sont donc pas uniquement techniques, mais aussi organisationnelles et comportementales, voire législatives ou réglementaires : autoriser ou non tel usage.
Traitement des eaux usées et potabilisation
Traitement des eaux usées et potabilisation se rejoignent sur des points comme le pompage avec les atouts de la vitesse variable (voir EIN n° 314) et des moteurs haute efficacité EFF1, mais restent des activités différentes.
vis-à-vis de l’optimisation d’énergie.
En France, le choix a été fait d’épurer les eaux usées par digestion aérobie, de préférence dans des usines de grande taille, alimentées par un réseau dimensionné en conséquence. L’apport de l’air aux bactéries qui dégradent les pollutions organiques, consomme beaucoup d’énergie électrique. Ce choix suppose implicitement une énergie bon marché. Le taux d’épuration obtenu à l’époque était jugé satisfaisant. Aujourd’hui, les coûts de l’énergie se sont envolés, les exigences d’épuration se sont renforcées, doublées d’exigences sur l’environnement : les odeurs (gros volumes d’air à déplacer, process gourmands en énergie) et la qualité des boues à épandre. L’épuration est donc prise en ciseau entre un coût de l’énergie toujours plus élevé et l’accroissement des performances épuratoires. Il y a donc urgence à mettre en œuvre des solutions pour limiter les coûts de traitement, voire les réduire.
D’autant que le sujet est devenu sensible : les grands exploitants lancent des audits énergétiques de leur parc de stations ; en avril dernier, l’Office international de l’eau organisait une journée spécifique sur la gestion durable de l’énergie dans les services eau et assainissement. Roger Pujol, Expert assainissement à la direction technique de Lyonnaise des Eaux, s’y est ainsi exprimé : « optimiser les dépenses énergétiques passe par la bonne application des règles de l’art en matière de conception, dimensionnement et exploitation des ouvrages et équipements d’épuration ». Une fois le béton coulé, et si possible en l’optimisant (béton et ferraillage représentent une immobilisation d’énergie nette), on ne revient pas dessus. Autre constat de Roger Pujol : « les consommations spécifiques de traitement ne feront qu’augmenter vu l'accroissement des exigences ».
gences de traitement et de préservation de l’environnement (odeurs) ». D’autres paramètres doivent être pris en compte. « Le lieu d’implantation de l’ouvrage est aussi important ; il faut utiliser au maximum le gravitaire et éviter si possible les relèvements, ce qui n’est pas facile en milieu urbain et d’autant moins avec les obligations vis-à-vis de la mise hors crue des ouvrages » affirme Michel Riotte, conseiller scientifique et technique au Siaap. Le choix du procédé d’épuration est bien entendu décisif, surtout sur les petites et moyennes collectivités qui peuvent recourir au lagunage, aux lits de roseaux et aux procédés à cultures fixées, en particulier lorsque les milieux récepteurs ne sont pas trop sensibles. Ces procédés sont peu gourmands en énergie.
Pour une station d’épuration typique à boues activées, la consommation électrique s’établit entre 1,5 à 3 kWh par kg de DBO éliminée. Elle intervient à tous les stades et
Eau potable, des économies aussi
La distribution d’eau relève essentiellement du pompage : porter l’eau en hauteur et profiter de cette énergie potentielle pour la distribution gravitaire sous pression. Tout est dans le mot « potentielle » : un réservoir plein d’eau représente des kilowattheures. La valeur stockée dans le réservoir dépend du prix de ce kilowattheure lors du remplissage ! Or ce prix est fluctuant, d’où l’intérêt du pompage en heures creuses. Il représente 70 à 95 % de la consommation d'énergie de la production-distribution d’un réseau. Un réseau de distribution avec des réservoirs un peu surdimensionnés pourra accumuler de l'énergie. Le choix des groupes de pompage et de leur fonctionnement est décisif : une ou plusieurs pompes, démarrages et durées optimisés, vitesse variable etc. Un bon système de vannes de régulation favorisera une plus grande latitude de fonctionnement, parfois en couplant plusieurs réservoirs. Des petites économies au quotidien qui finissent par rapporter.
Schneider Electric développe la solution 3S Control pour les stations de surpression. Elle intègre les alimentations moteur, les variateurs de vitesse et les cartes électroniques, la télégestion et un terminal de paramétrage pour piloter jusqu’à quatre pompes. Livrée clé en main, elle régule la pression d’eau, évite les à-coups, assure la disponibilité (secours entre pompes) et réduit globalement les consommations d’électricité en s’adaptant aux courbes de consommation.
Toute eau pompée doit arriver à son point d’utilisation et la chasse aux fuites est une priorité. Des transferts entre réseaux, quitte à acheter de l’eau momentanément excédentaire sur un réseau, participent aux économies d’énergie. La pression de distribution est essentielle : accepter des pressions plus faibles (sans pour autant pénaliser le client) limitera les surconsommations d’énergie, les problèmes de fuite et les casses. Les limiteurs de pression sont donc des auxiliaires essentiels. Des économies de 10 à 15 % sont réalisables.
La potabilisation constitue 5 à 30 % du coût global. Selon les procédés mis en œuvre, les consommations énergétiques sont très variables : filtration sur sable, chloration, dosage chimique représentent chacun 0,1 à 0,6 Wh/m³. L’élimination du fer et du manganèse par aération de 30 à 60 Wh/m³ ; ozonation, UV sont dans une fourchette très large de 7 à 120 Wh/m³ et les procédés membranaires atteignent 300 Wh/m³. Il est important de hiérarchiser les priorités, d’étudier les interactions entre les étapes de traitement en cascade. Les rinçages de filtres et de membranes, par exemple, sont consommateurs d’énergie et d’eau, mieux vaut les réaliser à bon escient.
Le dessalement d’eau de mer par membranes se développe. Dans ces installations généralement de grande taille, il est décisif de récupérer l'énergie de pression. C’est ce qui est fait de plus en plus au travers de systèmes d’échange d’énergie entre les flux sortants (60 à 80 bar) et entrants. KSB, avec son système SalTec à pistons libres, a baissé la consommation à 2,3 kWh/m³, alors que les premières installations de dessalement sans récupération consommaient 6 à 7 kWh/m³.
boues activées, l’épaississement dynamique des boues et leur stockage consommera 26 % d’énergie pour le relevage et 44 % pour l’aération avec une consommation de 1,8 kWh/kg DBO ; 94 % pour traiter l’eau, 6 % pour les boues. Une autre de 35 000 EH qui traite en plus l’azote et le phosphore, déshydrate par centrifugeuse, chaulé les boues et traite l’air consom-
En moyenne 36 % à l'aération, 14 % à la recirculation des boues (azote), 17 % à la désodorisation ; au total 2,2 kWh/kg DBO, à 70 % au traitement d'eau, 13 % aux boues et 14 % à la désodorisation. Autres données : « dans le groupe Lyonnaise nous sommes globalement autour de 2,8 kWh/… »
Mais à charge reçue identique, deux lignes parallèles de boues activées peuvent générer une consommation allant d’un facteur 1 à 3, remarque Roger Pujol à partir de mesures de la consommation en continu.
Suivre les paramètres
À ouvrages comparables, la consommation est fortement dépendante de la manière de mener les installations. Ce qui impose de disposer de capteurs d’oxygène, d’ammonium, de phosphate, etc., ainsi que des moyens d’automatisation pour les exploiter. Coûteux ! « Installer un point de mesure avec son capteur, ses branchements, son environnement et l'entretien, coûte environ 20 000 € » estime Roger Pujol. « Le pilotage du procédé est important mais il faut garder des experts sur place » précise Alain Marie, gestionnaire de patrimoine du Centre régional Bourgogne Sud Jura de Lyonnaise des Eaux à Chalon-sur-Saône. Une bonne aération pour que les bactéries travaillent bien sans encrasser les diffuseurs est donc essentielle à l’optimisation énergétique.
Immergées, selon la profondeur, est parfois préférable aux surpresseurs.
« Plus en amont, au niveau du relevage, on peut réaliser aussi des économies d’énergie en lissant l’arrivée des eaux à la station en profitant des stockages sur le réseau. En différant le pompage on optimise à la fois sur l’instant du pompage (tarif) et les pointes de consommation électrique, ce qui suppose un gros travail d’optimisation hydraulique du réseau, tenant compte du besoin réel d’aérer », affirme Michel Riotte qui souligne aussi le rôle moteur des certificats d’économie d’énergie dans la démarche de choix des équipements à vitesse variable, de régulation, d’éclairage basse consommation.
Mais le suivi de certains paramètres permet de limiter les consommations d’énergies. Le service assainissement-hydraulique de la communauté d’agglomération Bayonne, Anglet et Biarritz a ainsi fait l’acquisition, en juin 2008, de la sonde NH4D sc d’Hach Lange qui s’est révélée être une bonne opportunité pour réaliser des économies d’énergie.
« Notre consommation énergétique a d’ailleurs été réduite depuis l’achat de la sonde NH4D », explique-t-on au service assainissement-hydraulique de la communauté d’agglomération Bayonne, Anglet et Biarritz. « Elle fonctionne très bien, délivre des résultats très fiables et ne demande qu’un étalonnage minimum. La manipulation est très simple, grâce notamment au nettoyage automatique. Nous étalonnons la sonde seulement une fois par semaine. Elle commande le fonctionnement automatique de l’aération, ce qui nous permet de réaliser des économies d’énergie. »
Mais pour réaliser ces économies, il faut investir dans un analyseur d’ammonium. D’après Hach Lange, il faut compter 5 000 € pour la sonde NH4D sc. En amortissant ces coûts sur huit ans, cela revient à 266 €/mois auxquels il faut ajouter 120 €/mois de coût opérationnel, soit 386 €/mois. Le coût énergétique par équivalent habitant est estimé à 0,17 €, sur lequel il est possible d’économiser 15 %, ce qui représente 0,02 €. « L’investissement est donc rentable dès que la STEP fait plus de 15 500 EH », indique-t-on chez Hach Lange.
L’emploi de turbines
Combiner procédés innovants et optimisation des processus
L’analyse des consommations énergétiques d'une station d’épuration montre que les postes principaux concernent les transferts de gaz comme par exemple l’aération dans les procédés à boues activées, mais aussi de manière générale l’optimisation des volumes et des mélanges.
C’est ainsi qu’YLec Consultants a étudié des procédés d’oxygénation performants à partir d’air atmosphérique dont la consommation énergétique peut atteindre 0,5 kWh/kg O₂ dissous. Il s’agit d’utiliser des tubes en U de grande profondeur, une cinquantaine de mètres, dans lesquels l’effet combiné de la pression et du temps de séjour permet d’épuiser l’oxygène de l’air injecté et d’optimiser son utilisation. Il a été montré que ce type d’appareil, qui peut produire jusqu’à 300 kg d’oxygène dissous par heure, pouvait être mis en œuvre pour aérer l’hypolimnion de lacs de la dimension du lac Léman. Ce procédé breveté est utilisable pour d’autres opérations de transferts de masse comme par exemple l’ozonation.
La flottation par microbulles fait également partie des pistes explorées. Ce procédé consomme en général l’équivalent de 1 bar sur le débit total d’eau traitée. Diverses techniques, basées sur l’utilisation de générateurs de microbulles plus performants ou sur l’optimisation des transferts de masse dans les phases de création et de transport de ces microbulles, permettent de diminuer de manière significative les volumes de séparateurs de phases comme par exemple les décanteurs de boues en sortie de digesteurs anaérobies.
Le mélange constitue également une source d’économie brute mais il faut prendre en compte également l’ergonomie et la sécurité. Redéfinir les éclairages en fonction de la configuration des lieux de travail est aussi indispensable pour que les équipes de maintenance et les rondiers travaillent dans de bonnes conditions, souligne Michel Riotte. La maîtrise des consommations est un problème à nombreuses facettes.
Dans le domaine de la séparation des phases, YLec Consultants a développé des appareils fixes et tournants particulièrement compacts. Parmi ces développements récents figure un séparateur d’huile dans l’eau d’un diamètre de 90 mm et d’une longueur de 2,5 m qui permet de traiter une émulsion fine jusqu’à un taux d’huile de 70 %, couvrant une gamme de débits allant d’une valeur quasi nulle à 20 l/s. Le diamètre de coupure, qui dépend des débits et des conditions de fonctionnement, est typiquement de l’ordre de 10 micromètres.
YLec Consultants est également présent dans des procédés de traitement innovants utilisant la cavitation hydrodynamique et la sonoluminescence en lieu et place de produits chimiques. Ces procédés sont destinés à traiter des composants chimiques volatils ou non présents dans l’eau au travers de deux mécanismes : la thermolyse et la création de radicaux libres OH·. Ils ont également une efficacité biologique démontrée. L’efficacité technico-économique de cette solution a été démontrée à l’étranger et est utilisée en particulier pour traiter des eaux de nappes polluées par des rejets chimiques ou des eaux industrielles telles les eaux des tours de refroidissement ou les eaux de ballastage des navires de transport. Les études en cours de validation expérimentale permettent d’espérer un gain énergétique de l’ordre de 10, voire 100, pour le traitement de certaines espèces par rapport aux meilleurs procédés existants, sans aucun apport de produits chimiques.
La filière boues : porteuse d’enjeux décisifs
Outre l’aération, la filière boues est porteuse d’enjeux décisifs. Les boues ont une valeur agricole certaine par leur contenu en carbone, mais ce carbone est aussi un combustible potentiel, de différentes manières. « Depuis vingt ans, nous avons eu tendance à abandonner l’anaérobie alors que les Suisses ont continué de le pratiquer, mais on y revient », remarque Michel Riotte. La digestion anaérobie fournit du méthane utilisable en cogénération (voir EIN n° 315). Les bioréacteurs ont été très optimisés ces dernières années ; reste à voir s’ils seront effectivement développés, et avec une motivation autre que le simple attrait du tarif d’achat favorable du kilowatt-heure issu du biogaz. Une valorisation sur place qui apporte de nouveaux problèmes comme celui du stockage du gaz pour moduler les variations de charge, ce qui pose aussi des problèmes de sécurité en milieu urbain.
En process aérobie, l’incinération des boues sur place avec cogénération est possible, mais plutôt réservée aux grosses installations. La station de Pierre-Bénite a
Associer les technologies pour diminuer les consommations d’énergie
Naskeo Environnement vient de démarrer son projet de méthanisation des rejets issus de la production du fromage de la fromagerie Bocage du Pays de Maroilles. Cette installation, située dans le Nord de la France, a comme but à la fois l'épuration des effluents en deçà des limites permettant son rejet au milieu naturel (conformément à l’arrêté du 2 février 1998) et la valorisation de la matière organique en énergie permettant d’éviter les dépenses de gaz naturel pour la production de l'eau chaude pour la fromagerie.
La production de la fromagerie génère environ 8 m³ de lactosérum brut par jour. Le lactosérum brut est un effluent gras, azoté et chargé en matière organique, avec des concentrations en DCO atteignant 70 g O₂/l. En parallèle, les lavages fréquents et réguliers de l'atelier génèrent des eaux blanches plus faiblement chargées, représentant un volume journalier de 20 m³ pour un flux de DCO équivalent à 45 kg O₂/j. Le mélange de ces deux effluents représente une charge organique totale de 570 kg DCO/j et ne peut être rejeté au milieu naturel en raison de sa forte concentration en matière organique, azote et phosphore.
Le procédé innovant de Naskeo Environnement se déroule en utilisant deux technologies différentes : la digestion anaérobie (méthanisation) et une phase aérobie (procédé Sequencing Batch Reactor) permettant de rejeter les eaux traitées dans le milieu naturel et de récupérer le biogaz issu de la méthanisation, source d’énergie renouvelable.
La méthanisation
Dans un premier temps, une flottation par air dissous abat en grande partie les concentrations en matière grasse et en matières en suspension présentes dans l'effluent brut. L'abattement a pour but d’obtenir un effluent soluble à plus de 96 %, sur lequel une méthanisation à forte charge peut être réalisée. Dans un second temps, 90 % de la matière organique est transformée en biogaz dans un réacteur à forte charge.
Le méthaniseur utilise la technologie Proveo® issue d'une collaboration Naskeo-INRA. L'effluent après aéroflottation est pompé et réchauffé via deux échangeurs jusqu’à une température de 37 °C. Le réacteur fonctionne en flux ascendant sur un principe hybride entre lit fixe et lit fluidisé. Il présente un volume utile de 40 m³ et un ciel de 10 m³ permettant un stockage temporaire et un nivellement du biogaz produit. Une recirculation permanente à débit réglable permet l’homogénéisation du réacteur et l’ajustement de la vitesse ascensionnelle à travers le lit. L’énergie produite est directement valorisée sur une chaudière dédiée, permettant l’exportation d’eau chaude à 80 °C vers la fromagerie. Celle-ci utilise l'eau chaude sur un réseau interne en substitution de celle habituellement produite par sa chaudière au gaz naturel. La puissance thermique moyenne valorisée au niveau du process est de 45 kW, correspondant à plus de 175 m³ de biogaz par jour.
En sortie du méthaniseur, l'effluent présente une DCO dix fois plus faible qu'en entrée. Cependant, l'abattement portant principalement sur les matières carbonées (production de CH₄), les concentrations en nutriments (azote et phosphore) restent très supérieures aux limites de rejet au milieu naturel et un traitement de finition est nécessaire.
Étape aérobie
L’étape aérobie permet l’élimination de la matière organique résiduelle, ainsi que des matières azotées et phosphorées. Cette étape se déroule à faible charge sur une technologie de type SBR (Sequencing Batch Reactor). Ce type de procédé se caractérise par le fait que les phases d’aération et de décantation se déroulent séquentiellement dans le même bassin et non dans deux bassins séparés. Ceci présente des avantages en termes de nombre de cuves ainsi que pour la réduction du développement de bactéries filamenteuses. L’élimination des matières phosphorées n’est pas réalisée par voie biologique mais par précipitation simultanée à l'aide de chlorure ferrique. Ce réactif permet l'abattement complet du phosphore, celui-ci se retrouvant sous forme de strengite (FePO₄) au sein des boues aérobies.
La puissance électrique de 15 kWél demandée par le compresseur pour l’aération des bassins est en fin de compte compensée par la puissance thermique de l’installation (75 kWth utilisables sur site dans le process de production de fromage). Par ailleurs, l’installation est entièrement automatisée et très compacte (traitement de près de 600 kg de DCO/j sur un réacteur de 40 m³).
De plus, Naskeo Environnement est propriétaire de la technologie de méthanisation Ergenium® qui permet d'optimiser de 20 % les procédés traditionnels de production de biogaz. Une première application de cette technologie brevetée sera construite à Bressomilliers (91), dans l’Essonne. Le dépôt du dossier d’installation classée pour l’environnement et du permis de construire s'est fait courant mars 2008. L’installation traitera de 12 à 15 000 tonnes de déchets et effluents bruts et générera une puissance électrique de 250 kWél. L'installation devrait être opérationnelle début 2009.
Lyon dispose de deux fours à lit fluidisé de 2,5 t/h de matières sèches (récupération d’énergie par chaudière de 3,2 MW et différents échangeurs) ; Valenton gazéifie ses boues (110 t/j de matière sèche). La boue est aussi transformable en combustible ailleurs qu’en STEP : « la boue séchée est l’équivalent d’un charbon pauvre, cela intéresse les cimentiers. Il est techniquement faisable d’utiliser ce combustible sur de grosses chaufferies urbaines mais cela nécessite des autorisations administratives » remarque Michel Riotte.
Sécher les boues pose un problème énergétique en soi. Si une partie des boues est brûlée sur place, la chaleur peut servir à les sécher ; on voit se développer les serres solaires, le séchage par pompe à chaleur. Mais, mal maîtrisés, ces procédés peuvent générer des odeurs, d’où la nécessité de couvrir, ventiler, désodoriser, ce qui ne va pas dans le sens des économies d’énergie.
Autre approche : tirer parti des gisements potentiels de chacun des procédés. Huber propose ainsi, depuis 2004, un procédé de séchage solaire des boues qui a fait l’objet d'un accord de partenariat avec Ternois. L’originalité du procédé repose sur le fait qu’il est entièrement automatisé et qu'il est doté d’un plancher chauffant alimenté par une pompe à chaleur qui va récupérer les calories sur l'eau de sortie de la station d’épuration.
Les sites utilisés pour l’épuration des eaux représentent souvent des surfaces immobilisées importantes sur lesquelles il est tentant d’installer des unités de production d’énergies renouvelables : éoliennes, panneaux photovoltaïques, solaire thermique. « Ces énergies alternatives représentent un apport limité, 5 % au maximum alors que les boues peuvent représenter 50 % » remarque Roger Pujol. « Avant de les considérer, il faut avoir bien étudié les postes consommateurs d’énergie, mis en œuvre des solutions efficaces et éliminé tous les gaspillages » insiste Michel Riotte.
Des économies sur les réseaux
Les économies d’énergie réalisables ne sont pas limitées au périmètre de l’unité de traitement, ni même à son périmètre économique. Les réseaux mettent aussi en jeu de l’énergie. En eau potable, tout volume traité perdu constitue également une perte d’énergie ; la chasse aux fuites est donc impérative et l’attention portée aux pressions de distribution aussi.
En réseau d’eaux usées, les capacités de stockage transitoires participent aux économies de pompage. Ces eaux ont par ailleurs un potentiel thermique non négligeable. Les eaux d’égouts sortent des habitations où elles se sont réchauffées ; elles représentent un potentiel énergétique stable (température de 10 à 20 °C au long de l'année), utilisable grâce à des pompes à chaleur. Cela nécessite des cunettes creuses particulières qui intègrent le circuit caloporteur. Deux options se présentent : distribuer le fluide basse température (7 à 17 °C) vers les habitations avec leur propre pompe à chaleur ou mettre une pompe à chaleur centrale proche du réseau d’égout et distribuer de l’eau à haute température (60 à 80 °C), mais avec tuyaux isolés.
Optimiser l’aération en évitant les concentrations en oxygène inutilement élevées
Avec une mesure d’ammonium, éviter des concentrations en oxygène inutilement élevées permet de réduire tout naturellement la facture énergétique.
Un exemple concret permet de démontrer dans quelle mesure l'utilisation d'une sonde de type ISE NH4D sc d'Hach Lange, particulièrement adaptée à une utilisation dans les bassins d’aération au sein des stations de traitement des eaux usées, peut influencer le processus de décomposition et permettre une économie d'énergie.
La STEP de Villau (5 000 EH) est composée de deux bassins d'oxydation avec aérateurs à brosse et d'un bassin de décantation secondaire. Dans le cas de cette installation, la recherche des points à optimiser est passée par l'utilisation de la nouvelle sonde ammonium NH4D sc ISE d'Hach Lange. Cette électrode sélective d'ions doit d’abord remplacer une commande purement temporelle des aérations pour garantir une décomposition efficace en permanence, tout en offrant des économies d’énergie considérables. L’étude réelle a été précédée d'un test de fiabilité réalisé dans l'un des deux bassins d’oxydation.
À Villau, le processus d’aération est généralement activé pendant 45 minutes puis désactivé pendant 20 minutes. Durant la phase d’aération, un premier aérateur à brosse tente de porter la concentration en oxygène à au moins 0,8 mg/l pendant 10 minutes. Si le fonctionnement de cette seule brosse ne suffit pas à atteindre ce niveau d’O₂, une seconde brosse s’active.
Avec ce type de commande, lorsque la teneur en O₂ se situe juste en dessous de 0,8 mg/l avec la 1ᵉʳᵉ brosse, l'activation de la 2ᵉ brosse fait systématiquement passer la teneur en O₂ bien au-dessus du seuil requis. Par ailleurs, les relevés effectués durant ces deux jours révèlent clairement que l'oxygénation était régulée de manière tout à fait indépendante des besoins réels, sans tenir compte de la charge à traiter.
Le 7 juillet, le relevé indiquait que la concentration en NH₄ montait jusqu'à 2,4 mg/l, tandis que la teneur en O₂ dépassait à peine 1 mg/l. Quatre jours plus tard, les rapports étaient complètement inversés : alors que la teneur en NH₄ n’évoluait qu’entre 0,4 et 0,5 mg/l, la concentration en O₂ atteignait souvent 4,5 mg/l, voire 2 mg/l. De plus, dans une STEP, une consommation d’O₂ excédentaire peut certainement être exclue le samedi après-midi et le samedi soir.
Baisse de température sur l’eau d’égout est inférieure à 1 °C et ne pénalise pas le fonctionnement de la station d’épuration en aval.
Saunier et Associés propose, avec Lyonnaise des Eaux, un dispositif de récupération de chaleur ingénieux basé sur une technologie simple. L'installation est composée d’un échangeur situé dans les canalisations, d’une pompe à chaleur et éventuellement d’un réseau de distribution. Les pompes à chaleur sont utilisées pour transférer dans les bâtiments, l’hiver, les calories puisées dans les eaux usées. En été ce transfert est inversé et la même installation permet le rafraîchissement des bâtiments en renvoyant leurs calories dans les eaux usées. L’échangeur de chaleur, placé dans les eaux usées, permet le transfert des calories vers les pompes à chaleur. Il est constitué de tôles en acier inoxydable qui lui assurent une bonne durée de vie. Il peut être placé à l’entrée ou à la sortie d’une station d’épuration ou dans le réseau d’assainissement.
Ces échangeurs peuvent être installés dans des canalisations existantes ou directement intégrés dans les canalisations pour des réseaux neufs. Lors de rénovations, on utilise de plus en plus souvent des canalisations préfabriquées avec échangeur de chaleur intégré. Cette solution réduit à la fois le temps d’installation et l’investissement. Les nouvelles constructions bénéficiant d'une bonne isolation thermique et équipées d'un chauffage au sol à basse température sont particulièrement appropriées pour un chauffage au moyen d'une pompe à chaleur sur les eaux usées. Les puissances de chauffage ou de rafraîchissement vont de 100 kW à plusieurs MW. Cette source d’énergie est particulièrement pertinente en milieu urbain où il est très difficile de disposer d’une source d’énergie renouvelable conséquente.
Depuis 20 à 25 ans, une vingtaine de villes suisses se chauffent grâce à leurs eaux usées : Bâle, Binningen avec ses cinq réseaux de chaleur, Morat, Winterthur...
L'intérêt pour ces dispositifs redémarre. De telles réalisations ne sont possibles que s'il existe un intérêt commun à faire des économies. La trop grande division entre exploitants, utilisateurs payeurs, propriétaires des installations entraîne des conflits d’intérêts qui ne vont pas dans le sens d'une gestion globale énergétique et environnementale pourtant urgente à mettre en œuvre si l'on veut se préoccuper réellement des enjeux climatiques.
Autre façon de récupérer de l’énergie grâce au réseau : le turbinage.
Il concerne majoritairement l'eau potable surtout chez nos voisins suisses, favorisés par le relief, mais qui montrent une volonté d’application. L'eau potable fait tourner une bonne centaine de minicentrales électriques de quelques dizaines à la centaine de kilowatts. Cette année à Saint-Étienne de Tinée dans les Hautes-Alpes a démarré une centrale de 210 kW sur le réseau d'eau potable (débit 40 l/s, chute 710 m) pour une production annuelle attendue de 1 GWh. Le turbinage sur des eaux usées est plus délicat. Verbier, en Suisse, le pratique (chute de 447 m) et cela reste une exception mais le potentiel dépasse la centaine d'installations possibles.
En France, Valloire s'est équipée d'une turbine Pelton sur les eaux usées, mise en service mi-2007, qui profite d’une chute de 680 m avec un débit maximal de 95 l/s soit une puissance maximale de 580 kVA (puissance de la génératrice). L'exemple le plus récent et le plus imposant en matière de turbinage d’eaux usées et d'utilisation rationnelle des eaux (la qualité suffisante à l’irrigation) est le site d’As Samra en Jordanie réalisé par Degrémont, et démarré mi-2008 (voir encadré). Plusieurs stations d’épuration en Europe turbinent également leurs eaux en profitant de chutes de 5 à 15 m sur de gros volumes.