Communication présentée aux Journées d'information Eaux organisées à Poitiers les 3 et 4 octobre 1974 par l'Association des Anciens Élèves du Diplôme d'Études Supérieures Pratiques de l'Université de Poitiers — Option Traitement des Eaux.
DÉMINÉRALISATION CLASSIQUE
Les chaînes de déminéralisation classique pour le traitement d'eau à haute performance comportent, en général, et dans l'ordre suivant :
— une unité de résine carboxylique, de type Amberlite IRC-84 par exemple (1) ;— une unité de résine sulfonique, fortement acide, de type Amberlite IR-120 ;— un dégazeur atmosphérique ;— une unité de résine base faible (Amberlite IRA-93 ou IRA-94 S) ;— une unité de résine base forte (Amberlite IRA-402 ou IRA-410).
Ce schéma permet d'obtenir une eau dont la résistivité atteint 4 à 2 micro Siemens et qui peut être envoyée ultérieurement sur une unité tampon, constituée par une résine de type acide faible ou fort, qui lui confère une résistivité de 0,5 à 1 micro Siemens.
Si l'unité de finition est constituée d'un lit mélangé, on atteint 0,1 à 0,2 micro Siemens.
Le couplage de la régénération des unités faibles et fortes, qu'il s'agisse de la partie cationique ou de la partie anionique, est rendu obligatoire pour permettre une consommation minimum des réactifs, l'échangeur faible utilisant l'excédent de soude ou d'acide non consommé par l'échangeur fort, excédent qui lui est nécessaire.
(1) AMBERLITE est une marque déposée par ROHM et HAAS dans les principaux pays du monde pour ses résines échangeuses d'ions.
LA TECHNIQUE DES LITS SUPERPOSÉS
Dans le but de réaliser des économies sur le prix de l'installation, est apparue la technique des lits superposés qui permet de n'utiliser que deux colonnes et un dégazeur, au lieu de quatre colonnes et un dégazeur.
Le volume des colonnes s'en trouve augmenté, mais à débit égal le nombre de vannes est diminué de moitié.
Si l'on considère la densité des résines, il apparaît que les résines faibles sont plus légères que les résines fortes. En conséquence, la résine faible se trouvera au-dessus de la forte ; l'eau à traiter circulera donc de haut en bas, pour traverser d'abord la résine faible comme l'exige le schéma de déminéralisation.
Une condition nécessaire à la bonne marche d'un tel système est que les résines se séparent facilement, donc possèdent des densités assez différentes. Si cette condition est nécessaire, elle n'est pas suffisante car une résine échangeuse d'ions n'est pas homogène quant à sa granulométrie qui se trouve comprise, en général, entre 0,3 et 1,2 mm.
La condition d'une bonne séparation est que les plus grosses billes de la résine la plus légère se séparent des plus fines de la plus lourde, ce qui est schématisé de la manière suivante :
π — B (d – 1) – Kπ² > — L³ (D – 1) – KL² 6 6
l, diamètre des grosses billes de la résine supérieure ;L, diamètre des petites billes de la résine inférieure ;d, densité résine supérieure ;D, densité résine inférieure.
Pratiquement ceci est réalisé en éliminant une partie de la résine fine dans celle qui se trouve à la partie inférieure.
Les principales possibilités pour chacun des deux types de Stratabed sont résumées sur le tableau 1.
Nous reviendrons sur les diverses possibilités en donnant les caractéristiques chimiques des lits superposés.
Pendant la phase d’épuisement ou de déminéralisation de l’eau, la colonne de lit superposé ne se différencie pas essentiellement d’un bidon classique.
TABLEAU 1
STRATABED CATIONIQUE
— Résine faiblement acide polyacrylate carboxylique Amberlite IRC-84 : densité : 1,19 Ø effectif : 0,38 à 0,46 — Résine fortement acide polystyrène sulfonée copolymérisée au divinylbenzène 10 % Amberlite IR-122 : densité : 1,32 Ø effectif : 0,45 à 0,60 L’Amberlite IR-122 a été préférée au type standard Amberlite IR-120, dont la densité n’atteint que 1,27 pour un même diamètre effectif.
STRATABED ANIONIQUE
— Résine faiblement basique :
Diamètre | Densité | effectif | Structure |
---|---|---|---|
IRA-93 | 1,04 | 0,40 à 0,50 | macroréticulée |
IRA-94 S | 1,04 | 0,40 à 0,50 | macroréticulée |
— Résine fortement basique
Un choix plus large existe en ce sens que l’on peut utiliser soit une résine de type I ou II, gel ou macroréticulée
Densité | Diamètre | effectif | Fonction | Structure |
---|---|---|---|---|
IRA-400 | 1,11 | 0,38 à 0,45 | I | Gel |
IRA-402 | 1,07 | 0,39 à 0,46 | I | Gel |
IRA-900 | 1,07 | 0,43 à 0,52 | II | Macroréticulée |
IRA-910 | 1,09 | 0,40 à 0,50 | II | Macroréticulée |
IRA-410 | 1,12 | 0,38 à 0,45 | II | Gel |
En général, on utilise le couple Amberlite IRA-93-IRA-402.
L’eau à traiter pénètre par le haut du bidon et traverse successivement la couche de résine Amberlite IRC-84, puis IR-122 dans le bidon cationique et IRA-93 puis IRA-402 dans le bidon anionique.
La hauteur de chacune des deux couches de résines ne doit pas être inférieure à 700 mm et la hauteur totale peut avoisiner 1500 à 1700 mm.
Il est conseillé de ne pas utiliser de couche de silex pour supporter les résines, mais des planchers à buses.
Il est à noter, au cours de l’épuisement, que les résines faibles augmentent de volume : 25 % pour l’Amberlite IRC-84, 23 % pour l’Amberlite IRA-93, tandis que les résines fortes diminuent de volume : 6 % pour l’Amberlite IR-122 et 22 % pour l’Amberlite IRA-402, ce qui fait que le niveau des résines ne varie que dans de faibles proportions. Toutefois, les variations de niveaux entre le début et la fin du cycle sont à considérer et doivent être évaluées, car elles revêtent une grande importance lors de la régénération.
La régénération basée sur le même principe que dans le système classique à quatre bidons doit être effectuée à contre-courant, pour utiliser le langage classique, c’est-à-dire de bas en haut.
Ceci implique en premier lieu une bonne répartition du régénérant dans le bas du bidon, ce qui nécessite un répartiteur assez évolué. En second lieu, il faut maintenir en place le lit de résine qui a tendance à se soulever ; le compactage est obtenu à l’aide d’une contre-pression d’eau ou d’une contre-pression d’air introduite par le haut.
La contre-pression d’eau demande un débit sensiblement égal à celui du régénérant, et la contre-pression d’air une pression d’environ 500 g/cm², et un débit de 50 Nm³/h par mètre carré de section.
La sortie du régénérant ne s’effectue pas par le haut du bidon, mais par un collecteur situé à la surface des résines. Il est noyé dans une couche de polyéthylène haute de 300 mm et de granulométrie égale à 2 mm environ. Pendant la phase d’épuisement, le polyéthylène, plus léger que l’eau, reste dans le haut du bidon au-dessus du répartiteur d’arrivée d’eau.
Cette disposition complique quelque peu l’opération de détassage, qui consiste à envoyer dans la colonne un courant ascendant afin d’éliminer les fines de résines, c’est-à-dire les grains dont la dimension est inférieure à 0,3 mm. L’eau utilisée pour le détassage est envoyée à l’égout par la partie supérieure qui contient, malheureusement, le polyéthylène, d’où la nécessité d’effectuer le départ par un orifice spécial, autre que la purge d’air traditionnellement utilisée à cet effet, et situé plus bas.
Une erreur consiste à donner comme dimension aux orifices du collecteur central 0,1 mm, ce qui empêche le départ des particules fines inférieures à 0,3 mm, et peut provoquer des difficultés lors du passage du réactif.
D’autres techniques existent pour assurer le compactage du lit en dehors de la contre-pression d’air ou d’eau. Un système mis au point par la Compagnie Européenne de Traitement d’Eau et breveté permet de remplir l’espace libre au-dessus des résines, entièrement par du polyéthylène que l’on peut retirer à volonté.
Un autre système dénommé « Pressbed », breveté par la firme Interindustrie à Bruxelles, consiste à disposer une poche gonflable dans le bidon qui libère ou emplit l’espace libre.
Après avoir passé en revue les aspects mécaniques et technologiques du lit superposé classique, nous allons donner quelques éléments sur le principe de calcul du volume des résines et de leur régénération. Le calcul du lit superposé cationique fait appel à l’analyse de l’eau, que l’on peut présenter schématiquement (tableau 2).
TABLEAU 2
Anion | Cation |
---|---|
titre alcalimétrique complet | Alcalino-terreux TH |
TAC (en fait, les bicarbonates) | (Ca + Mg) |
Titre acide fort (somme chlorure + sulfate) TAF | Alcalin |
(Na) |
On a : TAC + TAF = TH + Na.
La résine acide faible IRC-84 fixe du TH jusqu’à une valeur égale à celle du TAC, tandis que la résine acide forte, qui elle peut tout fixer, retient ce qui reste, c’est-à-dire du TH pour une valeur : TH – TAC, en supposant, en général pour les eaux françaises, que TH > TAC. Ces cations correspondent alors à des chlorures et des sulfates (TAF).
L’utilisation des notices donnant les différentes valeurs de capacité en fonction des niveaux de régénération montre que les résines atteignent les capacités suivantes pour une régénération chlorhydrique :
Amberlite IRC-84 : 100 à 120 g CaCO₃ (1 ég. = 50 g CaCO₃)/litre de résine. Amberlite IR-122 : 45 à 60 g CaCO₃/litre de résine.
Il n’est pas obligatoire de fixer tout le TH correspondant au TAC sur l’IRC-84 pour les raisons suivantes :
— une bonne répartition des volumes de résines nécessite au moins 40 % d’Amberlite IR-122 ; — l’excès d’acide provenant de l’IR-122 doit, dans la mesure du possible, correspondre à l’acide nécessaire à la régénération de l’IRC-84 ; — la capacité de l’IRC-84 étant très sensible à la vitesse spatiale, il n’est guère possible de trop diminuer son volume ; — la capacité de l’IR-122 croît avec le pourcentage de Na dans les cations, et croît beaucoup plus avec le pourcentage de TAC dans les anions d’où l’intérêt de ne pas fixer tout le TH correspondant au TAC sur l’IRC-84.
Ces quatre conditions sont plus ou moins contradictoires et les volumes optima de résines sont déterminés par approximation.
Le niveau de régénération pour l’ensemble du lit superposé avoisine, dans le cas d’une régénération à l’acide chlorhydrique, 115 % de la quantité des cations fixés, ce qui représente une opération très économique.
Le lit superposé cationique possède ses limites par rapport à un lit acide fort régénéré à contre-courant, si l’on considère les éléments suivants :
— Prix IRC-84 : environ deux fois le prix de l’IR-122 ; — Capacité IRC-84 égale (grossièrement) à deux fois la capacité de l’IR-122 ; — Niveau de régénération du lit superposé : 115 % de la quantité théorique ; — Niveau de régénération IR-120 contre-courant : 150 % de la quantité théorique.
Partant du fait que dans le lit superposé la capacité de l’IR-122 baisse à cause d’un pourcentage de TAC faible, il est préférable, compte tenu de ce que les rapports de capacités et de prix se compensent, d’utiliser l’IR-122 régénérée à contre-courant, quand le rapport TAC/TAF reste faible (inférieur à 2).
Si le lit superposé cationique possède ses limites du fait des différences de capacités et de prix, il n’en est pas de même du lit anionique car les différences entre les capacités et les prix sont moins sensibles ; par exemple pour le couple IRA-93-IRA-402, on obtient :
— Prix IRA-93 égal à 1,5 fois le prix de l’IRA-402 ; — Capacité IRA-93 égale à 57,5 g CaCO₃, pour une capacité de l’IRA-402 de 25 à 35 g CaCO₃.
Après passage sur le lit superposé cationique puis dans le dégazeur, l’analyse de l’eau se trouve modifiée et peut avoir les valeurs suivantes, données à titre d’exemple :
Anions : TAC = 15 °F SiO₂ = 1 °F TAF (Chlorure + sulfate) = Cl 3 °F + SO₄ 2 °F (1 mval/l = 5° Français).
Partant du fait que l’Amberlite IRA-93 ne fixe que les anions forts (TAF) et l’Amberlite IRA-402 tous les anions, il apparaît que pour obtenir un lit superposé anionique équilibré (au moins 40 % d’IRA-402), il faut qu’une partie des anions forts soit fixée par l’IRA-402.
On choisit arbitrairement de ne fixer que 80 % du TAF sur l’Amberlite IRA-93, ce qui a pour effet d’augmenter sa capacité.
On détermine ensuite la capacité réelle de l’Amberlite IRA-402 en fonction de l’analyse de l’eau.
On corrige cette capacité en fonction du niveau de régénération réel. Si les volumes de résines sont déséquilibrés (hauteur inférieure à 700 mm ou volume d’IRA-402 < 40 %), on modifie la quantité de TAF fixée par l’IRA-93.
Le niveau de régénération d’un lit superposé est de 130 % de la quantité des anions fixés.
EAU À TRAITER CONTRE PRESSION D’AIR OU D’EAU PENDANT RÉGÉNÉRATION POLYÉTHYLÈNE PENDANT L’ÉPUISEMENT DISTRIBUTEUR SUPÉRIEUR PURGE D’AIR VOYANT POLYÉTHYLÈNE PENDANT LA RÉGÉNÉRATION TROU D’HOMME DISTRIBUTEUR MÉDIAN DÉPART RÉACTIF RÉSINE FAIBLE ACIDE OU BASIQUE VOYANT RÉSINE FORTE ACIDE OU BASIQUE PLANCHER À BUSE DISTRIBUTEUR INFÉRIEUR EAU TRAITÉE RÉACTIF
Nous avons mentionné précédemment les différentes résines anioniques que l’on peut utiliser.
En ce qui concerne l’Amberlite IRA-93, elle peut être remplacée par l’Amberlite IRA-94 S dont la capacité est plus faible (inférieure à 10 %), mais la stabilité meilleure (gonflement plus faible). Cette résine peut être conseillée pour les eaux à haute minéralisation ou qui contiennent des matières organiques.
Lorsque les spécifications en SiO₂ dans l’eau traitée sont faibles (< 50 microgrammes) il est possible d’utiliser l’Amberlite IRA-410 dont la capacité est plus élevée (40 g CaCO₃/litre de résine) ou l’Amberlite IRA-910, résine macroréticulée, lorsque l’on cherche une meilleure stabilité. Quand la spécification silice est stricte (< 20 microgrammes), et que l’on veut une résine de grande performance, on peut utiliser l’Amberlite IRA-900, mais la capacité reste limitée (25 g CaCO₃/litre de résine).
L’utilisation d’un lit superposé anionique trouve ses limites lorsque le taux de matières organiques augmente au-dessus de 10 mg MnO₄K/l, ou bien lorsque le TAF (chlorure + sulfate) est supérieur à 10° français (5° F = 1 mval/litre).
Il est à noter en ce qui concerne les opérations de régénération que le temps de passage des réactifs ne doit pas être inférieur à 25 minutes. On adapte la dilution en conséquence. Les opérations de dilution et de poussage nécessitent de l’eau déminéralisée. Le rinçage qui a lieu dans le même sens que l’épuisement se fait respectivement à l’eau brute et décationée.
La régénération sodique du lit anionique peut être effectuée à chaud pour faciliter l’élution de la silice. Dans ce cas il est recommandé de préchauffer le lit afin d’éviter les précipitations.
En conclusion, l’utilisation de lits superposés par rapport au schéma classique à quatre bidons permet une économie sur le plan de l’investissement, et une meilleure qualité d’eau, puisque 0,5 micro Siemens peut être obtenu contre 5 dans le schéma classique.
Par contre, la technologie un peu plus compliquée nécessite beaucoup de soin dans la conception de l’installation.
R. CORSIN.