Inondations, refoulement des réseaux d'eaux usées, surcharge des stations d'assainissement, pollution des rivières' En zone urbanisée, les problèmes causés par les fortes pluies sont nombreux. Aujourd'hui, les collectivités locales possèdent tout un arsenal d'outils pour en limiter les effets.
Les volumes et les débits de pointe générés par les orages peuvent être extrêmement importants. Les inondations urbaines par ruissellement constituent une menace de plus en plus présente aux conséquences graves dans une société fortement urbanisée où l’exigence de sécurité se pose en besoin fondamental. Les réseaux d’assainissement pluviaux ne sont pas conçus pour protéger la ville contre ces problèmes. Leurs dimensions sont juste suffisantes pour évacuer les débits générés par les événements pluviaux décennaux. Ils ne sont pas adaptés pour évacuer les pluies exceptionnelles, comme celle qui a ravagé Nîmes en 1989. De plus, pour couvrir les besoins nécessaires au drainage des surfaces imperméables étendues, construites de plus en plus loin des exutoires naturels (rivière, lac) les réseaux doivent devenir très importants. Les coûts engendrés par la construction et l’entretien de ces ouvrages sont tels qu'il devient insupportable pour de nombreuses collectivités françaises.
Autre problème, les villes se sont souvent développées dans les points bas des bassins versants, à proximité des rivières ou près d'un lac. Les réseaux qui fonctionnent en mode gravitaire ont tendance à ramener toute l'eau vers ces centres urbains, exposant le cœur des villes et les rendant plus vulnérables. De plus, en ruisselant sur les sols imperméabilisés, les eaux se chargent de micropolluants à des doses beaucoup plus importantes que celles présentes dans les eaux usées. Ces polluants, produits pétroliers, matières provenant de l’érosion de pneumatiques, revêtements de chaussée ou encore métaux lourds : cadmium, chrome, cuivre, mercure, plomb, zinc..., sont générés par l'activité humaine. Rejetées dans les réseaux d’assainissement, ces pollutions doivent être maîtrisées si l'on veut améliorer, voire préserver la qualité du milieu naturel. Or l'afflux important d’eau à traiter par la station pendant les épisodes de fortes pluies rend souvent le traitement illusoire. Pour faire face à cet événement, de nombreuses stations de traitement des effluents se sont équipées d'une filière de traitement réservée au temps de pluie. Mais cette solution qui vise à doubler la capacité de la station d'une seconde file de traitement réservée à quelques jours par an tout au plus se révèle coûteuse tant au niveau de l’investissement que de la maintenance. En effet, cet équipement, qui doit toujours être opérationnel même après une longue période d'inactivité, a un entretien astreignant. D'où les nombreux investissements vers des solutions visant à retarder le transfert d’eau vers les exutoires de surface pour en diluer le traitement dans le temps, ou tout simplement pour encadrer le retour dans le milieu naturel. Le choix des ouvrages, leur capacité, leur implantation ne peut être assuré sans une étude précise des besoins.
Réaliser une étude des besoins
En effet, l’équipement projeté doit pouvoir répondre à l'un ou à l’autre des centres d’intérêt retenus par l'aménageur, à savoir :
- l’optimisation d’un réseau existant,
- la protection d’une zone.
L’étude hydrologique doit être menée au niveau du bassin versant puisqu’il regroupe l'ensemble des surfaces susceptibles de contribuer par ruissellement à l’engorgement des infrastructures existantes. Cette étude doit prendre en compte des données aussi diverses que les phénomènes pluvieux du bassin versant, sa topographie, la nature de ces surfaces, le plan d’occupation des sols... Ces deux derniers points sont particulièrement importants dans les zones urbanisées puisqu’ils permettent d’accéder au coefficient de ruissellement, au coefficient d'infiltration et au temps de concentration. De plus, ils devraient faciliter l’estimation des pollutions véhiculées par les eaux de ruissellement.
Ces premières données fournissent des données sur le volume d’eau à évacuer et cernent les zones géographiques où vont se révéler les problèmes. Elles serviront à trouver la meilleure solution technique et à déterminer les lieux d’implantation des équipements. Pour réaliser ces études, des bureaux d’études comme Burgeap, Safège, Sogreah sont souvent associés aux collectivités et maîtres d’œuvre du projet. Ce sont elles qui, à partir des éléments collectés, trouveront la solution technique à mettre en œuvre. Pour cela, elles se servent d'outils de modélisation et de simulation comme MOUSE (Modelling of Urban Sewer), un logiciel développé par DHI Water, commercialisé par Safège. Il permet de simuler les problèmes de ruissellement, les écoulements en conduites, la qualité des eaux et le transport solide sur des bassins versants urbains et dans les systèmes d’assainissement. Ces outils, composés de différents modules, aident à l'étude du ruissellement de surface qui est modélisé en fonction de différents scénarios possibles, ou encore détaillent le comportement hydraulique des écoulements et analysent la qualité de l’écoulement (notamment
Toutes ces études intègrent les équipements existants et définissent au cas par cas la meilleure solution à adopter.
Adopter la meilleure solution
Pendant longtemps, les pluviales ont été dirigées vers les réseaux unitaires d’évacuation des eaux usées. Aujourd’hui, ces derniers sont encore couramment implantés en France. Par exemple en 1999 le réseau d’assainissement de l'agglomération lyonnaise est à plus de 90 % un réseau unitaire. Pour éviter les débordements par temps de pluie, le réseau comporte 360 déversoirs d’orage. La mise en œuvre de l'autosurveillance des 2 500 km de conduite a nécessité, outre la connaissance du patrimoine et l'étude de son fonctionnement, l’installation de stations de mesure et la formalisation des procédures de contrôle. Cette solution très répandue en France se révèle peu satisfaisante. Le mélange pluvial-eau usée est d'ailleurs aujourd'hui interdit sur les nouvelles installations ou sur les réseaux réhabilités. Pourquoi ? En ruisselant, les eaux de pluie lessivent le sol et se chargent de divers polluants et de matières en suspension. Leur arrivée dans les réseaux est brutale et fait office de chasse d'eau, remettant en suspension des pollutions particulaires sédimentées pendant la période antérieure à l'épisode pluvieux. Cet apport brutal de MES, accompagné d’un volume d’eau important, surcharge la station qui ne peut remplir son rôle. Aujourd’hui, l'aménagement passe plutôt par la mise en place de structures visant à retarder le cheminement de l’eau. Ces structures réservoirs assurent
Mettre en place des structures réservoirs
Dans les zones où l’emprise foncière n'est pas trop élevée, le bassin de retenue en surface, mais aussi les puits, les tranchées, fossés, les noues sont autant de solutions privilégiées aujourd'hui. Ces ouvrages sont courants le long des routes et des autoroutes. Ils peuvent aussi se cacher dans les parcs ou autres espaces ouverts au public. Chacun d’eux est constitué d'un collecteur d’arrivée, d'un bassin de stockage et d’un déversoir de sortie pour réguler le débit sortant. Dans le cas d'un bassin par exemple, celui-ci peut être conservé à sec ou laissé en eau entre deux épisodes pluvieux. Dans le premier cas, l'ouvrage est vidangé et nettoyé entre deux utilisations. Il est alors rendu à une tout autre vocation et devient parc public, terrain de sport, parking... Dans le second cas, il est aménagé et se transforme selon sa taille en étang ou lac et devient un lieu de loisir. Ces ouvrages sont intéressants car ils réduisent les pointes de débit et constituent une lagune de dépollution efficace. Cependant, leur conception doit être soignée avec notamment une étanchéité par géomembrane ou par bentonite pour éviter toute pollution de la nappe si le sol n’est pas étanche. Leur gestion rigoureuse devra également être prise en compte dès la conception pour limiter les nuisances olfactives, les moustiques et les boues. Une autre solution, quand le sol est perméable, consiste à créer un stockage temporaire, ou encore des tranchées et des puits d'infiltration, puis de laisser l'eau s’infiltrer dans le sol. Mais là encore, une étude doit être réalisée sur les risques de pollution de la nappe. Cette solution est à retenir en cas d’absence d’exutoire naturel. Cependant, toutes ces réalisations présentent un gros inconvénient en zones fortement urbanisées : leur emprise foncière élevée. C’est pour cela qu’en zone fortement urbanisée on leur préfère la construction de bassins enterrés.
Les ouvrages enterrés peuvent avoir un volume plus ou moins important. Certains d'entre eux comme le bassin de Clichy-Colombes dont la réalisation débutera en 2002 ont des capacités qui se comptent en centaines de milliers de mètres cubes d'eau ; celui-ci fera 280 000 m³. Leur intérêt : ces structures enterrées permettent de reconquérir un espace, tout en permettant la régulation des excédents d’eau par temps de pluie. L’activité supportée par l'ouvrage doit être prise en compte dans le dimensionnement. Pour optimiser leur fonctionnement et leur exploitation, ces structures de génie civil sont découpées en plusieurs zones plus ou moins agitées selon que l’on est plus ou moins proche de l’entrée ou de la sortie. Dans la zone calme, les sédiments vont se déposer en grand nombre. Il est alors indispensable de prévoir dans l’étape de conception une rampe d’accès pour les engins motorisés afin de pouvoir curer les bassins entre deux périodes d’utilisation. Ces équipements d’envergure sont coûteux, aussi pour ne pas multiplier leur construction, les aménageurs préconisent de plus en plus de retenir l’eau à la source utilisant des structures de stockage intermédiaires, de plus petites tailles comme les chaussées réservoirs ou les STAUL.
Retenir l’eau à la source
Les STAUL, ou Structure alvéo-lulaire ultra légère de type Nidaplast EP fabriqués par Induplast ou Geolight d’Hamon Industrie Technique, sont très utilisées
Comme remblais allégés en travaux publics. Leur mise en œuvre dans le cadre du stockage de l'eau de pluie permet d’obtenir rapidement un volume de stockage tampon enterré. Leur taux de vide est élevé : 95 %.
Prenons l’exemple du Nidaplast. C’est une structure nids d’abeilles en polypropylène à mailles hexagonales de 8 ou 20 mm. Elles se présentent sous la forme de panneaux ou de blocs revêtus ou non sur leurs grandes faces d'un revêtement souple qui sert de support de stratification ou de collage. Les alvéoles sont solidaires les unes par rapport aux autres sur toute leur longueur, ce qui leur confère une excellente résistance mécanique (à la compression et au cisaillement).
D'un point de vue chimique, cette structure présente d’excellentes caractéristiques de résistance à l'eau, à la corrosion et à un très grand nombre de produits chimiques et se comporte bien vis-à-vis des bactéries. L'épaisseur de la structure varie de 5 mm à 500 mm et sa mise en œuvre s'effectue facilement par stratification, collage, thermosoudure ou simple découpe. Un bassin de 1 000 m³ est ainsi en place sur le site de Roland-Garros. Il est construit à partir de structures Geolight.
La conception sur le plan hydraulique d'une SAUL pour l’assainissement pluvial doit prendre en compte trois fonctions de base : recueillir et injecter les eaux pluviales dans la structure, retenir temporairement ces eaux et les évacuer. La ville du Mans a réalisé sa première expérience en Nidaplast en 1991 dans le lotissement de l’Allée des Cigognes. Le volume de l’ouvrage construit, 90 m³, est implanté sous la voirie. Son alimentation est assurée en partie supérieure par une chaussée poreuse et en partie inférieure par le réseau pluvial dont le débit se répartit dans trois diffuseurs placés sous les blocs. Une chambre de dessablage est réalisée en amont de l’ouvrage et une canalisation de 60 mm calibre le débit de fuite recherché. À noter qu'une alimentation par le bas permet par son fonctionnement à courant et contre-courant un autocurage du système.
La plupart des grandes réalisations conjuguent toutes ces techniques, comme à Bordeaux, qui lutte depuis plus de dix ans contre l'imperméabilisation des parkings de sa périphérie et qui a aménagé des noues et des bassins de stockage en souterrain et dans ses espaces verts. Dans cette agglomération, l'efficacité de ces espaces de rétention ne se ferait pas sans un contrôle et une gestion poussée des ouvrages.
Un contrôle poussé des ouvrages
Un des problèmes rencontrés dans la gestion des ouvrages de stockage des pluviales est le manque de reproductibilité du procédé. En effet, la pluie est un phénomène aléatoire non reproductible ni dans le temps ni dans l'espace. Il est donc très difficile de réaliser l'algorithme de pilotage automatique des équipements. Le département de la Seine-Saint-Denis est moteur dans ces recherches. Il travaille au développement d’algorithmes basés sur l'apprentissage et la logique neuronale. Il s'agit (en résumant) de faire réagir des équipements de conduite — vanne d’ouverture ou fermeture de réservoir par exemple — à partir de situations apprises et reconnues par le capteur. D’autres voies ont été explorées au cours de ces dernières années, notamment à Bordeaux.
Pour répondre à des problèmes d’inondations récurrentes, la communauté urbaine de Bordeaux (CUB) s'est équipée voici déjà quelques années d'un système de prévision et de gestion des eaux pluviales. Rappelons le contexte. Un tiers de l'agglomération est sous les plus hautes eaux de la Garonne. L’étendue du bassin versant, qui collecte les eaux de 150 ruisseaux, est deux fois plus importante que la superficie de la CUB d’où un réel problème d'inondation, lorsqu'il y a la conjonction d’un orage et d'une grande marée.
- * Fruits de la coopération « Le point de vue des maîtres d'ouvrage de Caen, Montsin-sur-Orne et de Laval », par Thierry Caussinsetti (Service des Eaux – SETRA).
marée. Dans un premier temps, 3 000 km de réseau recueillent l'eau pluviale pour limiter le risque d’inondation. Mais cela ne suffit pas à endiguer le volume d’eau qui déferle sur la ville pendant les gros orages. Pour lutter contre les inondations, l’agglomération s'est engagée dès 1992 dans une multitude de petites réalisations, qui, sommées les unes aux autres, permettent de stocker l'eau avant de l’évacuer à retardement. Fin 1993, ces investissements ont été épaulés par un projet européen Pays d’Est, réunissant différents acteurs dont le CIRSEE et Ondeo Degrémont. Le but a été de développer un outil de prévision et de gestion, capable d’assister les opérateurs d’astreinte au moment de la crise. L’événement étant non répétitif dans le temps ni dans l’espace, l’objectif a été de mettre en place un système informatique permettant de réagir très vite aux informations provenant des 3 200 capteurs implantés sur l'ensemble du bassin versant. Pour ceci, les informations sont filtrées pour ne conserver que les éléments essentiels. Puis des fonctions de raisonnement temporel sont intégrées dans le traitement pour pouvoir gérer, dans le bon ordre, l'ensemble des équipements mis à la disposition des opérateurs, notamment les 100 automates de commande des pompes, vannes et autres équipements de transfert. Autre contrainte, ces informations devaient être gérées dans un temps très court.
Pour se soustraire à une régulation lourde des équipements, les sociétés d’aménagement prônent de plus en plus de copier le cycle naturel en traitant les différentes étapes que sont la collecte, le stockage, l’épuration et l'infiltration lente. Dans ce domaine, la réalisation « Porte des Alpes » dans la périphérie lyonnaise peut être citée comme exemplaire.
Porte des Alpes : Une réalisation exemplaire
Comment assainir 200 hectares à urbaniser, sans exutoire naturel ou existant ? Impossibles à collecter et à infiltrer sur le site en raison de la nature du sous-sol, les eaux pluviales sont gérées par tout un système de bassins paysagers. Les eaux ruisselant des voiries sont dirigées vers des noues et des tranchées drainantes avant de rejoindre les collecteurs. Ces dispositifs écrêtent les débits d’eau pluviale et provoquent une première décantation des matières en suspension. Avant chaque lac, un dessableur, muni d'une paroi siphoïde, intercepte également les flottants et les hydrocarbures surnageants. Les eaux s’écoulent ensuite par un déversoir, au fond en forme de pointe de diamant, qui les ralentit et procède à un dessablage encore plus fin. À la fin du cycle, une roselière, plantée sur une profondeur d’environ 20 mètres devant chaque lame déversante, épure naturellement les eaux des lacs. Dans les périodes sèches, et pour éviter tout risque d’eutrophisation, un système de recirculation est prévu. Les eaux clarifiées et purifiées sont pompées du troisième lac et dirigées vers les deux premiers. L'eau pré-traitée est ensuite conduite vers des bassins de rétention qui ont fait l'objet d'études particulières d'usage et de paysage. Ces surfaces techniques destinées à l’infiltration, qui couvrent 5 ha, sont aménagées en terrains de sport. Conçues en prairie avec des pentes douces, elles permettent l'accès des piétons dans son fond. Il est entièrement ouvert au public. En cas de pollution accidentelle, un système de vannage bloque la pollution dans la première retenue, tandis que les eaux de ruissellement sont détournées vers le second bassin. La pollution est alors traitée sur place ou évacuée en usine spécialisée. En sortie de rétention, les eaux épurées sont dirigées vers un fossé d’infiltration, longue bande de gravier, avant d’être absorbées dans la nappe. Ce fossé est agrémenté sur ses rives de plantes de milieux humides (iris, par exemple). Quand l’eau dans le fossé atteint une certaine cote, elle est acheminée vers des drains sous les aires de sport. Rien n’est visible tant que la pluie n’a pas une intensité supérieure à une pluie de période de retour de 20 ans. Au-delà, les eaux pourront refluer à la surface et inonder les terrains les uns après les autres...