L?eau du robinet est le produit alimentaire le plus contrôlé en France. Pour être reconnue comme potable, l'eau ne doit pas contenir des germes ou bactéries susceptibles de provoquer des maladies, ni présenter de concentrations de substances dangereuses supérieures aux normes. Au total, 64 paramètres sont contrôlés pour garantir la qualité de l'eau. L?entrée en application début 2004 de la directive européenne de 1998 renforce les contraintes en imposant des normes de plus en plus strictes au robinet du consommateur, avec une ressource de plus en plus dégradée.
La Directive Européenne du 3 novembre 1998, transposée par le décret n° 2001-1220 du 20 décembre 2001, constitue désormais les articles R 1321-1 et suivants du code de la santé publique. Elle remplace les dispositions du décret de 1989 et entre en application cette année. Le changement le plus important de ce nouveau décret concerne la conformité de l’eau de consommation, désormais contrôlée au robinet du consommateur et non plus au compteur. Ceci permet de prendre en compte les risques de dégradation dans les canalisations intérieures des immeubles, mais pose un problème de droit qui reste à régler, puisque la responsabilité
Du distributeur est étendue tout en laissant l'entretien du réseau intérieur au propriétaire.
Autres changements essentiels :
- * le consommateur doit disposer des informations sur la qualité de l'eau en toute circonstance.
- * les exigences de qualité renforcent la sécurité sanitaire de l'eau de consommation. Des paramètres apparaissent et sont soumis à contrôle. De nouvelles limites et références de qualité sont définies pour certains paramètres microbiologiques et physico-chimiques.
Cependant, des difficultés sont rencontrées pour appliquer le décret, avec en premier lieu la dégradation de la ressource qui rend difficile le respect des seuils autorisés.
Les exigences de qualité se renforcent
Les nitrates sont présents à l'état naturel dans le sol. Ils sont aussi apportés par certains amendements et par l’épandage des lisiers. Lorsqu’ils sont épandus en excès, ils ne sont pas utilisés par la végétation et contaminent les eaux (de surface et souterraines). La norme impose une concentration maximale de 50 mg/l. Elle est fixée (sur les bases des recommandations de l’OMS) en fonction des risques encourus sur la population la plus vulnérable (nourrisson et femme enceinte). L'information des populations doit être réalisée au-delà de 50 mg/l. Il existe des traitements pour abaisser la concentration de nitrates, mais ils sont coûteux.
Respecter la teneur en pesticides, les experts estiment que l’eau de boisson ne représente que 10 % des apports de pesticides dans l’alimentation, le reste provenant des fruits et des légumes. Pour l'eau, les limites exprimées en microgramme par litre sont fixées par le décret 2002-1220 du 20 décembre 2001, relatif aux destinées à la consommation humaine. À l’exception des eaux minérales, la limite unique pour tous les pesticides est de 0,1 µg/l, sauf quatre molécules : l’aldrine, la dieldrine, l’heptachlore et l'époxyde d’heptachlore pour lesquelles la limite applicable est celle de l'OMS, soit
Les légionelles sous surveillance renforcée
Le 7 juin 2004, Philippe Douste-Blazy, ministre de la Santé et de la Protection sociale et Serge Lepeltier, ministre de l'Écologie et du Développement durable, ont présenté au Conseil des ministres le plan de prévention de la légionellose.
L'objectif est de réduire par deux le nombre de cas d'ici à 2008. Pour ceci, les tours aéroréfrigérantes et les réseaux d'eau chaude sanitaire sont placés sous surveillance. Le plan de prévention vise à maîtriser les sources potentielles de contamination en améliorant la surveillance de ces installations, mais aussi en améliorant les connaissances sur les légionelles et la maladie et en organisant l'intervention des services de l'État en cas d’épidémie. Les mesures touchant l'eau chaude sanitaire collective et les eaux minérales utilisées à des fins thérapeutiques ne sont pas encore totalement arrêtées. Il est probable qu’elles porteront notamment sur une température minimale de 50 °C à respecter pour éviter le développement des colonies de légionelles. Et sur des prescriptions techniques relatives à la conception et à la maintenance des réseaux collectifs des immeubles.
Des guides de bonnes pratiques de gestion des risques sanitaires liés à l'eau seront également distribués aux professionnels pour les informer. Inspections et contrôles vont être renforcés dès cette année. Ces mesures complètent l'inventaire des tours aéroréfrigérantes qui s'achève. Ces équipements seront soumis à la législation des installations classées, avec une mise en œuvre de surveillance périodique et un contrôle de l'inspection des installations classées renforcés.
Pour compléter ces actions, un programme de recherche et développement de 1,5 M€ fera l'objet d'une action concertée de l'Ineris (Institut national de l'environnement et des risques) de l'AFSSE et de l'InVS (Institut national de veille sanitaire). Ce programme vise à améliorer les connaissances sur la bactérie et la maladie, sur l'identification des dangers et sur l'appréciation et estimation des risques. Rappelons qu'en 2003, 1 044 cas de légionellose ont été détectés en France.
0,03 μg/l. La concentration totale, c’est-à-dire la somme de tous les pesticides détectés ne peut excéder 0,5 μg/l. Il faut noter que le CSHPF (Conseil supérieur de l’hygiène publique de France) a proposé des conditions d’intervention en cas de dépassement de la limite de 0,1 μg/l (avis du 7 juillet 1998). Un programme de suivi mensuel renforcé est appliqué dès que la limite réglementaire est franchie. Une interdiction provisoire de consommation d’eau doit même être prise dès qu'une analyse révèle une concentration dépassant de 20 % la valeur guide pendant plus de trente jours. Et l’information de la population effectuée dès que la concentration de pesticides est supérieure pendant plus de 30 jours au cours de 12 derniers mois. Ces contraintes entraînent pour certains sites la mise en service de traitements curatifs pour abaisser le taux des pesticides sur certaines eaux d'origine souterraine. Mais ces traitements sont très coûteux surtout pour les petites unités.
Une autre solution, basée sur la mise en place d’un périmètre de protection autour des captages et un épandage raisonné des lisiers, engrais et pesticides peut être mise en place. Cette approche s'avère efficace et moins onéreuse.
* Arsenic, microbiologie et turbidité sont les nouveaux paramètres à surveiller. En France, la quasi-totalité de la contamination de l'eau à l'arsenic est d'origine naturelle. Les diverses toxicités qui lui sont liées ont conduit l'OMS à abaisser en 1993 sa valeur guide dans les boissons de 50 à 10 μg/l d’eau. Cette valeur guide vient d’être reprise dans le nouveau texte sous forme d'une concentration maximale admissible et d'une limite de qualité fixée à 10 μg/l au lieu des 50 μg/l précédents. La limite des eaux brutes utilisées pour la production d’eau potable reste inchangée avec 100 μg/l. Ceci implique un traitement pour éliminer l'arsenic excédentaire.
Deux traitements sont actuellement disponibles pour éliminer l’arsenic dans l'eau. Le premier consiste en la précipitation, la coagulation et la décantation par des sels de fer ou d’aluminium, après une oxygénation de l'eau pour assurer que l’arsenic est sous forme oxydée. L’autre est basé sur l’adsorption sur des colonnes d’oxyde de fer ou dioxyde de manganèse. L’efficacité des traitements est cependant variable selon l’acidité et l’origine de l'eau. L’arsenic est plus facilement éliminé dans les eaux de surface que dans les eaux souterraines.
Pour la microbiologie, le problème se pose en d'autres termes. Les méthodes d’analyse existent. Cependant, les techniques utilisées jusqu’à présent par les services de contrôle nécessitent une mise en culture, ce qui implique un délai de temps important entre le moment de l'échantillonnage et la connaissance du résultat d’analyse. Pendant ce temps, l'eau est consommée, d’où un problème lorsqu’elle se révèle positive. Les pouvoirs publics (français, européens, mais aussi l’Organisation mondiale de la santé, OMS) réfléchissent actuellement à une nouvelle façon de gérer et prévoir les risques sanitaires pour s’affranchir de ce problème. Une des pistes consiste à gérer les difficultés aux différentes étapes et points critiques.
Quant à la turbidité, elle est provoquée par les particules en suspension. Et lorsqu’on sait que les micro-organismes s'accrochent à elles, on voit tout l'intérêt d'avoir une eau aussi claire que possible. Actuellement, le seuil autorisé est de 0,5 NTU contre 2 NTU précédemment. Pour les prélèvements en milieu notamment, cela peut s’avérer diffi-
cité et impose aux collectivités concernées de s’équiper de moyens de filtration poussés comme l’ultrafiltration.
Le problème du plomb
Depuis le 1ᵉʳ janvier 2004, le taux maximal de plomb dans l’eau potable est de 25 µg/l et il devra être inférieur à 10 µg/l fin 2013. Ce seuil reprend la valeur guide recommandée par l’OMS en 1993. Pour ne pas dépasser 10 µg/l en 2013, toutes les canalisations, branchements et installations intérieures en plomb devront être changés. Sur la partie publique, les travaux de restauration du réseau sont largement entamés. La plupart des communes ont programmé leurs travaux de réfection des tuyauteries en plomb. Pour les branchements, par exemple, Suez Lyonnaise des Eaux a opéré plusieurs réflexions sur le sujet. Considérant que la durée de vie du réseau est de cinquante ans et qu’elle a un million de branchements à changer (dont seulement 35 % sont réalisés à ce jour), l’entreprise a standardisé deux modèles de branchements pour jouer sur l’effet de volume. De plus, pour limiter les nuisances, elle met en œuvre dès qu’elle le peut des techniques de travaux sans tranchée pour en diminuer l’impact sur l’environnement. Une des techniques les plus utilisées est un « aspirateur » permettant de faire de grandes séries de trous dans le sol, sans ouvrir en surface. Profitant de ces travaux sur le réseau public et l’intervention sur les branchements, Lyonnaise des Eaux en profite pour déplacer les compteurs en limite de propriété. Ils sont alors placés dans un coffret les protégeant du gel de façon à être vus et lus par les agents. Et dans certains cas bien particuliers, comme à Paris, ces compteurs sont munis d’un système de télérelève par radiofréquence, et ce réseau de la rive gauche devrait être opérationnel début juillet 2004.
« Aujourd’hui, le problème du plomb ne touche plus le réseau public en cours de traitement », affirme Daniel Villessot, directeur technique chez Lyonnaise des Eaux France, « mais pour le réseau privatif, tout reste à faire ». La partie privative du réseau de distribution reste aujourd’hui un des problèmes majeurs. Très souvent non entretenu, donc entartré et corrodé, il participe à la dégradation de l’eau et demeure un point critique du process. Pour sensibiliser les propriétaires à l’entretien de leur réseau privatif, plusieurs actions se mettent en place, basées sur des conseils et des aides incitatives. Le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) sort un guide technique rassemblant les bonnes pratiques et bons matériels pour un réseau intérieur. Avec la norme de repérage, des problèmes rencontrés sur le réseau l’Afnor participe à l’action et permet d’en évaluer les risques. Cependant, sa mise en œuvre dans la partie privative n’est pas simple. Bien souvent, les plombiers rencontrent des problèmes pour appliquer ces conseils, car le réseau n’est pas toujours visible et qu’il n’y a aucune traçabilité ni sur le lieu de passage, ni sur les matériaux…
En attendant la réalisation des travaux, l’exploitant assure des traitements spécifiques pour corriger le pH par équilibre calco-carbonique. Le traitement aux phosphates est réservé aux cas les plus difficiles.
Le NMR PIPETECTOR est un procédé qui permet de traiter la corrosion interne des canalisations d’eau en acier, acier galvanisé ou fonte. Il s’applique à tout type de réseaux : alimentation en eau potable, ECS, chauffage, climatisation, eau de process, etc. Un seul appareil peut traiter jusqu’à 20 km de canalisations de diamètre 6 mm jusqu’à 2 m. Cette nouvelle technologie, développée au Japon et introduite en France par SHINRYOKU Technologies, utilise la résonance magnétique nucléaire (RMN). Celle-ci, par l’apport d’électrons, passivise les canalisations en transformant la rouille en film dur de magnétite qui se plaque contre les parois internes des tuyaux. Ce type de traitement, à la fois préventif et curatif, prévient la corrosion en régénérant les canalisations et en prolongeant leur durée de vie. Sa compacité autorise une installation simple et rapide, sans coupure d’eau. Le NMR PIPETECTOR compte aujourd’hui plus de 11 000 références mondiales, dont plus de 40 hôpitaux, de nombreux hôtels et immeubles de logement ainsi que des industriels comme Nissan, Toyota, Dunlop… C’est un procédé respectueux de l’environnement puisqu’il ne nécessite pas de produits chimiques, ne modifie pas la composition de l’eau et ne génère pas de sous-produits.
La Direction Générale des Services Techniques de la ville de Rueil-Malmaison a mis en place un traitement faisant appel à ce procédé au sein d’un réseau de distribution d’eau d’un centre social. Une campagne avait révélé une corrosion importante de la boucle d’eau chaude sanitaire. Celle-ci présentait un taux de fer dissous quatre fois supérieur à la norme. De plus, une forte présence de boues rouges au fond des deux ballons électriques d’eau chaude avait été constatée. Le taux de fer y était de 130 mg/l, soit plus de 600 fois la concentration normale. Ces boues proviennent vraisemblablement de la décomposition du revêtement galvanique des canalisations qui par la suite ont été facilement attaquées par la corrosion, d’où la couleur rouge foncée de ces boues. En 12 semaines, un abattement du taux de fer de 81 à 95 % a été constaté, ramenant la concentration en fer dans l’eau de la boucle ECS en dessous de la norme.
Cette norme Afnor de repérage définit quatre causes fondamentales du risque pouvant être rencontrées sur le réseau d’eau potable :
* La longueur du branchement qui augmente le temps de séjour dans la canalisation ;
* L’effet de pile produit par la coexistence de deux matériaux différents, d’où corrosion ;
* Le risque de point chaud du réseau (par exemple, lorsqu’il passe à proximité du réseau de chauffage). L’élévation de la température facilite la culture des bactéries ;
* Les courants créés par la prise de terre branchée sur le réseau. Celui-ci est propice au développement de la corrosion ;
* La présence de bras mort qui favorise le développement des bactéries et des micro-organismes.
Pour limiter ces risques, qui sont essentiellement d’ordre biologique, plusieurs actions peuvent être entreprises, comme l’écoulement forcé d’un réseau haute pression vers un réseau basse pression ou encore la mise en place d’une chloration en ligne.
ments long, par exemple). Considéré comme une solution transitoire, ce traitement ne sera pas suffisant pour ramener la concentration du plomb à moins de 10 μg/l à l’échéance 2013.
Pour respecter ces nouveaux textes, la réduction des valeurs seuils des paramètres ne suffit plus. La responsabilisation des gestionnaires et des élus sur l'ensemble de la chaîne de production et ce, jusqu’au robinet du consommateur, implique d’améliorer l’ensemble de la chaîne de production en éliminant tous les points noirs.
Identifier les points critiques
Il s'agit alors d'identifier en quels points de la chaîne de production ou le prélèvement de la ressource et le robinet du consommateur, l'eau se dégrade. « Ce travail consiste à vérifier la robustesse du traitement, la conception du réseau, la présence de fuite, de bras morts », explique Daniel Villessot, « l'analyse de l'ensemble de ces points met en évidence les zones posant interrogation, et qui est à la base du plan de gestion préventive du risque sanitaire ».
Les trois majors que sont Lyonnaise des Eaux, Générale des Eaux et Saur travaillent actuellement sur ce sujet. L’objectif est de trouver quels sont les points critiques susceptibles de nuire à la qualité de l'eau et devant être améliorés. Pour ceci, les gestionnaires explorent leur chaîne de production pour identifier les points noirs. Et voir si les mesures adoptées sont les bonnes.
Pour répondre à ces interrogations, Générale des Eaux-Banlieue de Paris a mis en œuvre l’évaluation HACCP (voir encadré), une démarche utilisée et bien connue des industriels de l'agroalimentaire. Dans le cas de l'eau potable, cette méthode d’analyse s'intéresse à l'eau brute et à son traitement aux “intrants”, ces produits intervenants dans la production de l'eau potable, au transport de l'eau dans le réseau public, à l'information du consommateur sur l’entretien de leurs réseaux privés.
À chaque étape de ce procédé, et à chaque difficulté liée à la production d’eau potable, sont déterminés des points de contrôle critiques (PCC).
Chaque phase du process peut comporter plusieurs risques et chacun d'eux peut donner naissance à plusieurs dangers. Chaque PCC est assorti de seuils critiques. Ils conduisent à l’établissement d’un système de surveillance et d'un plan de traitement des non-conformités. La méthode mise au point sur le territoire du Sedif est assise sur les seuils réglementaires et a été évaluée en mars 2004 par un organisme indépendant.
La méthode d’étude des risques sanitaires mise en œuvre par Lyonnaise des Eaux France s’inspire elle aussi de la méthode HACCP. « Cette méthode est très utile au niveau des usines et de la ressource », affirme Eric Grodard, Lyonnaise des Eaux France, « mais pour le réseau c’est trop compliqué. Nous avons cherché une méthode pouvant être dupliquée rapidement sur tout autre réseau ».
En attendant, les méthodes mises au point et validées par chaque participant ont été communiquées à la Direction générale de la santé pour examen. « L’Afssa (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments) et le Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France ont été consultés sur ces différents points », affirme Daniel Villessot, « La position de la Direction générale de la santé progresse, un texte définitif devrait sortir en septembre ». À suivre...