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De nombreuses agglomérations assurent leur production d'eau potable à partir des eaux de surface. La dégra-
[Photo : Les progrès analytiques permettent aujourd'hui de mieux mettre en évidence la dégradation de la qualité de la ressource. De nouveaux risques biologiques et chimiques émergent, avec pour enjeu de possibles progrès sanitaires si l'on se donne les moyens de mieux la contrôler, d'alerter et d'agir sur le process de traitement pour garantir la qualité de l'eau distribuée.]
S'interroger sur les risques éventuels que pourraient présenter certains polluants moins bien connus au sujet desquels des préoccupations émergent. D'où l'étude réalisée par l'Agence de l'Eau Seine-Normandie. Ce travail rassemble les connaissances nationales, européennes et internationales de ces problèmes. Il porte sur un certain nombre de composés et de micro-organismes au sujet desquels les interrogations émergent actuellement et sur la situation de l'agglomération parisienne en termes de réseau de mesure pour savoir s'il est possible de quantifier les risques dans les principales ressources superficielles de la région. Ce rapport conclut sur la maîtrise des risques concernant les espèces chimiques et microbiologiques les mieux connues. Il est en revanche possible de renforcer la surveillance des eaux de rivières pour certains contaminants microbiologiques ou chimiques peu recherchés jusqu'alors.
Ces deux thèmes ont été abordés lors du dernier colloque de l'ASTEE (Association scientifique et technique pour l'eau et l'environnement). « Ces risques émergents, ils ne sont pas encore bien connus, explique Martine Vullierme, présidente de la commission distribution d'eau à l'ASTEE, présidente des deux sessions du colloque consacrées à l'eau potable, nous ne disposons pas encore d'assez d'informations pour garantir notre objectif de risques qui est de 10^-6. » Ces informations sont nécessaires pour détecter la pollution et adapter le niveau de traitement ou modifier le process de production. Pour les professionnels, les risques biologiques sont plus importants que les risques chimiques et leur prééminence implique de poursuivre les recherches de certains micro-organismes pathogènes jusqu'ici difficilement analysables.
Mieux prendre en compte les risques biologiques
La contamination doit d'abord être évaluée. Il s'agit notamment, par des campagnes de mesure réalisées par temps sec et par temps de pluie, de mieux connaître la contamination du milieu par les virus, principalement Norovirus, et par la bactérie Campylobacter, tout en complétant l'information sur les parasites Cryptosporidium et Giardia par des mesures par temps de pluie.
D'autres micro-organismes comme les légionelles sont également présents à l'état naturel dans les eaux douces superficielles et parfois dans les eaux souterraines. Une étude menée de concert par les trois traiteurs d'eau que sont Lyonnaise des Eaux, Saur et Veolia Eau montre qu'aucune Légionella n'a été détectée sous sa forme cultivable quels que soient le traitement, la ressource et la nature de l'eau (brute, en cours de traitement, traitée ou distribuée). Elles ne posent donc pas de problème dans les réseaux de distribution d'eau froide.
Les cyanobactéries, qui sont des algues, sont elles aussi l'objet de toutes les attentions. En se développant, elles interagissent avec le procédé de traitement en colmatant les membranes et en perturbant la décantation. De plus, elles peuvent générer dans l'eau traitée des toxines ou des goûts et odeurs intenses de type « terre » ou « moisi ». Actuellement, la réglementation française impose une limite de qualité sur une seule de ces toxines pour les eaux destinées à la consommation humaine : la microcystine-LR. Or, certaines d'entre elles ont des effets sur la santé, il est donc important de contenir la concentration de l'ensemble de la population de cyanobactéries. « Pour ceci, il nous faut comprendre ce qui déclenche le bloom algal et trouver localement des indicateurs de développement », explique Martine Vullierme. Il faut aussi développer une stratégie de surveillance comme l'a fait Veolia sur ses installations en France. Cependant, les limites et les difficultés liées à cette stratégie orientent aujourd'hui la recherche vers les méthodes d'analyse de la biologie moléculaire. Elle s'appuie sur les travaux menés depuis plusieurs années sur ce sujet à l'Institut Pasteur.
Comprendre le mode de développement des cyanobactéries et le surveiller c'est bien, mais il faut savoir ensuite comment agir sur la filière de traitement pour s'affranchir du problème. Une équipe du Cirsee travaille également sur ce problème à la station du Ribou à Cholet. Cette unité de traitement d'eau potable est confrontée de façon récurrente au problème des cyanobactéries. Pour renforcer la fiabilité du traitement des matières organiques dissoutes et des micropolluants, elle combine maintenant des étapes de coagulation, ozonation et adsorption sur charbon actif en grains. Pour suivre en continu la concentration de chlorophylle et les cyanobactéries dans l'eau, des capteurs ont été installés pour quantifier et anticiper les risques. Ces informations permettent la modification des consignes d'exploitation et fiabilisent la filière en cas d'alerte.
Les risques chimiques aussi
Les risques chimiques émergents, notamment les perturbateurs endocriniens et les résidus de médicaments, sont également un des sujets de préoccupation majeure. L'INERIS, qui travaille à l'identification des molécules toxiques, a répertorié plusieurs centaines de substances toxiques dont certaines se retrouvent dans les masses d'eau superficielles.
[Photo : Il faut également compter avec les substances médicamenteuses métabolisées par l'organisme et non ou imparfaitement éliminées par la filière épuration qui préoccupent les traiteurs d'eau.]
Les analyses environnementales de Veolia Environnement ont travaillé sur le sujet. Elles expliquent : « Pour les paramètres émergents, nous utilisons la chromatographie liquide couplée à deux étages de détection par spectrométrie de masse. La méthode est complexe à mettre en œuvre car nous recherchons des composés présents à des concentrations très faibles, de l'ordre du nanogramme par litre. » Compte tenu de la concentration très faible des produits à détecter, il semble difficile pour l'instant de simplifier la méthode, qui ne pourra être mise en place que dans certains laboratoires de contrôle dotés de laborantins dûment formés et prêts à investir 300 k€ dans l'équipement.
La détection des produits chimiques dans l'eau brute implique aussi d'être attentif aux traitements de potabilisation. Le projet européen Poseidon, coordonné par le Federal Institute of Hydrology (Allemagne) et dans lequel était engagé le Cirsee, avait pour objectif le suivi en détail du comportement d'une dizaine de médicaments et produits cosmétiques lors des traitements d'épuration et de potabilisation. Il a permis de mieux connaître les phases d'élimination des produits, notamment le rôle joué par la chloration et l'ozonation dans l'élimination des polluants chimiques. Ces travaux ont été complétés par des études menées par Eau de Paris et l'équipe du Laboratoire de chimie de l'eau et de l'environnement UMR CNRS 6008 de Poitiers.
Pour les perturbateurs endocriniens, les résultats semblent plutôt rassurants pour tous les procédés de potabilisation couplant ozonation et chloration. Mais il reste à résoudre le sort des sous-produits d'ozonation, moins bien éliminés par le charbon actif. Pour supprimer les sous-produits d'oxydation pouvant présenter des risques sanitaires, il est indispensable de connaître les valeurs des constantes de réactions pour évaluer le degré d'élimination par. De plus, ces travaux relèvent l'importance de l'hydraulique des réacteurs dans l'évaluation réelle du degré d'oxydation des composés, une hydraulique qu'il faut connaître par des traçages des réacteurs d'ozonation.
Certaines des substances étudiées sont des substances prioritaires déjà prises en compte par la directive-cadre sur l'eau, mais la directive fille, qui précisera les seuils et mesures à prendre, annoncée pour 2006, prend du retard. « Pour l'instant cette directive est peu prescriptive, car l'Union européenne ne fixe pas de valeurs limites d'émission, celles-ci devant être fixées pays par pays », souligne Martine Vullierme.
Les sujets de préoccupations portent sur les perturbateurs endocriniens et les résidus de médicaments. Ils sont nombreux à être présents dans le milieu naturel. Pour l'instant, 553 substances sont répertoriées comme perturbateurs endocriniens par la Commission européenne et 4 000 médicaments sont utilisés au niveau européen. Présents sous forme de traces, leur analyse reste difficile. Gaéla Leroy, chef de projet au Centre d'analyses
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