Your browser does not support JavaScript!

Eau potable : d'abord restaurer la ressource

30 septembre 2003 Paru dans le N°264 à la page 35 ( mots)
Rédigé par : Marie-odile MIZIER

Il devient de plus en plus difficile d'obtenir une eau potable de qualité acceptable sans mettre en ?uvre des procédés de traitement de plus en plus complexes et coûteux. Une autre solution consiste à restaurer la qualité de la ressource pour limiter les traitements et les risques. C?est à quoi s'attaque la directive 2000/60/CE qui vise à restaurer la qualité de la ressource à l'horizon 2015. Sur le terrain, voici une dizaine d'années que les Bretons se sont attaqués au problème. Un travail de longue haleine qui commence à porter ses fruits puisque les premiers indicateurs commencent à s'inverser.

[Photo : sans légende]

Depuis 1998, l’IFEN (Institut Français de l’Environnement) établit des bilans annuels rendus publics et conclut à une situation préoccupante sur l'ensemble des milieux observés. À cette dégradation, s’ajoutent les pollutions aux nitrates, notamment dans les régions d’élevages intensifs ou de grandes cultures. Par-

[Encart : La dégradation de l’eau captée implique de mettre en œuvre un traitement visant à la rendre potable. Ce traitement est obligatoire pour les eaux d’origine superficielle. Il doit être adapté aux caractéristiques de l’eau brute et notamment à ses évolutions possibles dans le temps.]

Partout, la qualité de la ressource en eau se dégrade : pesticides, micro-organismes pathogènes, métaux lourds… sont présents dans de nombreux cours d’eau. Longtemps considérées comme bien protégées, les eaux souterraines sont atteintes à leur tour. Ce constat dressé dans la plupart des régions pose de gros soucis aux fabricants d’eau potable qui puisent leur matière première dans les eaux de surface ou les nappes phréatiques. La dégradation de l’eau captée implique de mettre en œuvre un traitement visant à la rendre potable. Ce traitement est obligatoire pour les eaux d’origine superficielle. Il doit être adapté aux caractéristiques de l’eau brute et notamment à ses évolutions possibles dans le temps.

Une ressource fortement dégradée

En 2000, les données recueillies montrent que les pesticides sont présents sur 90 % des points surveillés en rivières et sur 58 % des points de surveillance de la qualité des eaux souterraines. Sur les 320 pesticides recherchés dans les eaux de surface, 148 molécules sont présentes. Quant aux eaux souterraines, 62 molécules sont visibles sur les 292 recherchées. Les substances les plus rencontrées sont les triazines. Leur présence chronique a conduit le ministère de l’Agriculture à interdire la plupart des triazines à partir de 2003. Bien qu’interdites, d’autres substances comme le lindane, le dinoterbe ainsi que le dinosèbe sont aussi mesurées, notamment dans les eaux souterraines. Ces molécules illustrent ainsi les délais parfois très longs de renouvellement de ces milieux.

Mesures visant à garantir la salubrité de l’eau distribuée portent donc sur l’ensemble de ces étapes et sont pour l’essentiel fixées par le décret n° 89-3 du 3 janvier 1989 modifié pris en application du code de la santé publique et de la directive 80/778/CEE du 15 juillet 1980. Suite à la publication de la directive 98/83/CE du 3 novembre 1998, ce décret devrait être modifié, mais le schéma général de l’intervention sanitaire devrait être maintenu.

L’eau potable : une denrée très encadrée

Le dispositif de sécurité sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine est bien établi. Il comporte plusieurs niveaux complémentaires, dont des procédures administratives qui portent sur l’autorisation des captages d’eaux et des installations éventuelles de traitement des eaux afin de les adapter au contexte local. L’autorisation de prélèvement doit déterminer les périmètres de protection du captage. Elle relève du préfet après avis du Conseil supérieur d’hygiène publique de France. Ce dispositif de sécurité sanitaire s’intéresse aussi aux exigences de qualité pour les eaux douces superficielles utilisées pour produire l’eau potable. « Elles permettent, en application de la directive 75/440/CEE du 16 juin 1975, de caractériser globalement la qualité d’une ressource en eau (A1, A2, A3, hors norme) et d’apprécier les possibilités d’un niveau de traitement (T1, T2, T3) à réaliser, ainsi que les éventuels plans ou programmes de gestion ou d’amélioration à mettre en œuvre pour cette ressource », soulignent les rapporteurs du rapport d’évaluation sur « La politique de préservation de la ressource en eau destinée à la consommation humaine ».

Ainsi, une eau classée :

  • • A1 nécessite un traitement simple (par exemple filtration rapide) et désinfection ;
  • • A2 requiert un traitement normal physique, chimique et une désinfection. Le traitement-type serait par exemple la préchloration, la coagulation, la décantation et la chloration finale ;
  • • A3 demande un traitement physique et chimique poussé, puis un affinage et une désinfection. Par exemple chloration au « break point », coagulation, floculation, décantation, filtration, affinage sur charbon actif, désinfection à l’ozone et chloration finale ;
  • • Enfin, sont classées hors normes (HN) les eaux de captage qui ne respectent pas les limites de qualité de A3. Ces eaux peuvent être utilisées pour la production d’eau potable de manière exceptionnelle en adaptant des procédés appropriés comme les membranes de nanofiltration. Les techniques utilisées doivent permettre de ramener les caractéristiques de l’eau distribuée conformes aux limites de l’eau de qualité alimentaire.

Ce fort encadrement de l’eau potable, associé à la dégradation constante de la ressource, implique une surveillance constante de la qualité du milieu.

Des mesures pour surveiller la qualité du milieu

En France, il existe 525 000 kilomètres de cours d’eau de plus d’un kilomètre et 26 000 plans d’eau de plus d’un hectare. Localement, ces eaux sont suivies depuis plusieurs années.

[Photo : Sur notre territoire, 3000 stations de contrôle surveillent la qualité de l’eau.]
[Photo : Endress + Hauser, en partenariat avec les sociétés ER et Aqua MS est capable de fournir une solution clé en mains incluant l’assemblage, le montage, la transmission du signal, la mise en service et la maintenance des appareils de mesure des stations d'alerte.]

Dizaines d’années, contrairement aux eaux souterraines que l’on explore avec méthode seulement depuis le milieu des années 90. Sur le territoire, plus de 3 000 stations de contrôle permettent de suivre la qualité de l’eau des cours d’eau, les mesures sont conduites pour partie sur site : paramètres non conservatifs, et en laboratoire par des méthodes normalisées pour tous les autres paramètres. Certains d’entre eux peuvent être mesurés sur place en utilisant des équipements portables. Les stations de mesures et d’alerte, en continu, tendent à se développer pour permettre une gestion en temps réel des captages. Il s’agit de plus en plus d’installations simples à coût réduit en investissement et en maintenance. Aujourd’hui, elles ne se contentent plus de mesurer les paramètres physico-chimiques standard (pH, potentiel redox, conductivité, oxygène, turbidité), elles associent des capteurs et analyseurs pour la mesure de paramètres globaux : matière organique, ou de polluants spécifiques : Hydrocarbures Polycycliques Aromatiques (HPA), composés de l’azote : ammonium, nitrate, nitrite, et du phosphore : orthophosphate, mais aussi de certaines substances toxiques. La panoplie est complétée par des bio-indicateurs ou bio-capteurs : poissons, algues, bactéries, permettent d’appréhender des pollutions plus ou moins spécifiques. L’offre se développe rapidement. Endress + Hauser, en partenariat avec les sociétés ER Ingénierie et Aqua MS, est par exemple capable de fournir une solution clé en mains incluant l’assemblage, le montage, la transmission du signal, la mise en service et la maintenance de ce type de stations. OTT France a également présenté un nouveau système de mesure ponctuelle ou en continu de la qualité des eaux en rivière ou en nappes. Au total, 17 paramètres sont recherchés. Environnement SA, de même que Hach-Lange, Secomam, Seres, Datalink Instruments ou EFS Lac Instruments disposent également d’un savoir-faire.

[Publicité : LAC instruments et systèmes]
[Encart : Directive 2000/60/CE un calendrier très serré La directive 2000/60/CE impose un très gros travail d'investigation sur l’état de la ressource en eau, avec un calendrier très serré. - Fin 2004 : Échéance de la caractérisation des districts hydrographiques et de l'influence des activités humaines sur l'état des eaux de surface et des eaux souterraines (art. 5 de la directive). - Fin 2004 : Établissement du registre des zones protégées (art. 6). - Fin 2006 : Établissement des programmes de surveillance de l'état des eaux au sein de chaque district hydrographique (art. 8). - Fin 2009 : Détermination des masses d'eau fortement modifiées et de toutes celles pour lesquelles il ne sera pas possible d’obtenir la qualité nécessaire dans les délais prévus par la directive (art. 13).]

Important en matière de conception et de réalisation de stations d'alerte.

Cependant, certains utilisateurs sont désemparés devant le choix qui s’offre à eux ; ils peuvent s’adresser à des sociétés de conseil, telles que Aquametris, lesquelles assurent un accompagnement technique tout au long d'un projet : de la conception à l’exploitation.

Par ailleurs, utilisateurs et fournisseurs d'équipements se sont regroupés dans une nouvelle structure, le Centre Technique de la Mesure dans l’Eau, le CTME. Ce centre est installé à Alès (Gard) en partenariat avec l'École des Mines de cette ville (EMA) et

[Photo : Vue de la station d'alerte du Syndicat des eaux de la station du Hurepoix (91), fournie par Hach Lange. Neuf paramètres sont mesurés en continu pour la surveillance de l’entrée d'une importante usine d'eau potable (20 000 m³/jour).]

L'Institut de Régulation et d’Automation (IRA) à Arles. Il se veut une plate-forme de confrontation de tous les acteurs du domaine pour permettre dans le futur une réelle adéquation entre les besoins et les moyens.

Au niveau du suivi, l’effort d’équipement s'est organisé autour de cinq types de réseaux :

  • - Le réseau national de bassin (RNB),
  • - Les réseaux complémentaires de bassin (RCB) au niveau départemental,
  • - Le réseau d’usage qui contrôle des points de prélèvement destinés à l'eau potable,
  • - Les réseaux locaux,
  • - Les réseaux spécifiques à certains paramètres notamment les pesticides, ou encore ceux dédiés à un usage comme les réseaux piscicoles.

Cette multiplication des infrastructures pose de nombreux problèmes, comme sur la représentativité des informations disponibles. Comme aime à le dire Jean-Luc Cecile, Ingénieur Conseil et actuel Président de la commission AFNOR T90L Mesure en continu pour l'eau, « Avant d'engager toute mesure, mais en particulier les mesures alternatives telles que celles en continu, il est impératif de répondre correctement aux quatre questions : Pourquoi mesurer ? Où, quoi et comment mesurer ? ».

Malgré l'importance du réseau, certains sites sont mal représentés et mal analysés. Il existe peu d'information sur l’eutrophisation.

[Photo : L'efficacité d'une station d'alerte repose sur le suivi de nombreux paramètres. Hach-Lange maîtrise bien cette gamme d'analyses et les paramètres spécifiques : pH, conductivité, turbidité, oxygène dissous, température… comme les éléments organiques : ammoniaque, nitrates, C.O.T.]
[Encart : La directive eau potable modifie le test des coliformes La directive européenne sur l'eau potable (98/83/CE) va entraîner la modification des procédures de test de certains indicateurs d'eau potable tels les coliformes ou les E. coli. D'ici à novembre 2003, tous les laboratoires testant l'eau potable dans les États membres devront utiliser la méthode ISO 9308-1 pour rechercher le coliforme ou le E. coli. Ce test intègre une filtration sur membrane puis une incubation sur un milieu de culture spécifique. Pour la recherche d’Enterococcus, il est prescrit la méthode ISO 7899-2. Lorsqu’un État membre n’utilise pas les méthodes référencées, il doit prouver que la méthode qu'il adopte est équivalente. Dans ce cadre, le gouvernement allemand a lancé un appel pour l’évaluation de méthodes de test microbiologique pouvant se présenter comme une alternative aux méthodes officielles. Une vingtaine de laboratoires a participé à cette évaluation à travers l'Europe. La méthode Colilert-18/QuantiTray des laboratoires Idexx a été reconnue comme étant la meilleure et soumise à l'approbation comme méthode alternative à la méthode ISO. La méthode est déjà adoptée par Hamburg Waterworks GmbH pour réaliser entre 10 et 20 tests quotidiens de recherche de E. coli et coliformes. Cette entreprise estime que l'appareil révèle la présence ou l'absence de coliformes en dix-huit heures. Le Colilert-18 identifie la bactérie à travers des effets spécifiques de l'enzyme. Ainsi, pour la détection de l'activité des coliformes et de E. coli, l'appareil mesure l'activité des enzymes respectivement à travers la bêta-D-galactosidase et la bêta-D-glucuronidase, deux caractéristiques primaires de ces organismes. Cette mesure, dont la préparation dure moins d’une minute, ne nécessite ni la préparation d’un support de culture, ni la filtration : seul un réactif est additionné à un échantillon d'eau. L'incubation dure 24 heures. La présence de coliformes fait tourner le mélange au jaune et celle de E. coli est marquée par la fluorescence. La précision du test est d'un organisme présent dans 100 ml d'eau.]
[Publicité : Éditions Johanet]
[Publicité : PadovaFiere]

poussées alors que pour d'autres, des données stratégiques sont méconnues, les analyses et mesures réalisées ne peuvent pas être comparées entre elles faute d'harmonisation des méthodes... Le ministère de l'Écologie et du Développement Durable travaille depuis près d’un an à établir un bilan diagnostic des différents réseaux de données sur l'eau. L’objectif est de constituer une base de données par bassin, puis une base de données nationale. Ces données d'état recueillies sur l'ensemble du territoire vont permettre aux experts de dresser un état complet de la ressource pour préparer l’arrivée annoncée de la directive européenne 2000/60/CE.

Préserver la qualité de la ressource

La directive européenne 2000/60/CE du 23 octobre 2000 (publiée au journal officiel des Communautés européennes le 22 décembre 2000 et encore non transcrite en droit français) cherche à mettre en place une politique globale de préservation de la ressource en eau à l'échelle européenne. Si cette directive affirme des principes déjà en œuvre en France depuis de nombreuses années comme la gestion à l’échelle de grands bassins hydrographiques ou encore la participation des différents acteurs, elle introduit de nouvelles méthodes. Elle lance une ambition nouvelle : la reconquête du milieu afin que les rivières retrouvent un bon état écologique à échéance de quinze ans. Elle marque ainsi le passage d'une politique de prescriptions (dictant les normes de rejets) à une appréciation globale, tout usage confondu, des impacts sur la qualité du milieu. Cette démarche instaure des obligations fortes en ce qui concerne la connaissance, la surveillance, la préservation et la reconquête générale de la qualité des eaux. Avec une première étape : un inventaire qualitatif et quantitatif de toutes les masses d'eau fournissant plus de 10 m³ par jour ou desservant plus de 50 personnes. L'objectif est, d'ici à 2015, de rendre conforme à des normes européennes (sauf exceptions justifiées à notifier en temps utile) les différentes catégories de masses d'eau présentes sur le territoire. Avant cette date, la tâche est rude et il ne reste plus beaucoup de temps. Il faut d'abord diagnostiquer les masses d’eau pour lesquelles l'objectif est hors d’atteinte et elles doivent être rapidement notifiées. Il faut ensuite concevoir des plans d’actions pour toutes celles qui seront rendues conformes. Le tout doit être mené dans un calendrier très serré.

Cette restauration de la ressource, certaines régions l’ont déjà entreprise pour faire face aux problèmes de pollution rencontrés pour leur approvisionnement en eau potable. C'est le cas de la Bretagne et de l'initiative Bretagne Eau Pure.

Restauration, une action déjà démarrée en Bretagne

Le syndicat mixte d’Arguenon-Penthièvre est propriétaire d’une usine de fabrication d’eau potable à Pléven (Côtes d’Armor) depuis 1972. L’eau est prélevée sur l'Arguenon à raison de 10 millions de mètres cubes par an. Elle est traitée par un procédé de tamisage, décantation flottation puis filtration sur filtre à sable et enfin traitée à l'ozone avant d’être chlorée. Une partie de l'année, un procédé de dénitratation sur résines échangeuses d'ions est mis en œuvre pour fixer les nitrates et occasionnellement du charbon actif en poudre sert à fixer les pesticides. Pour faire face au problème des nitrates rencontré dès 1995 (le problème des pesticides n’apparaît ailleurs qu’en 1997), ce syndicat se lance dans la protection de la ressource en eau en organisant des actions auprès des pollueurs. Il s'agissait à l’époque de ne plus se contenter de mener des actions curatives réalisées au niveau du procédé de production, mais d’attaquer à la source le problème en s’engageant dans des

[Encart : Si la pollution par les nitrates est issue des seules exploitations agricoles, il n'en va pas de même pour les pesticides et des produits de désherbage dont l'origine est plus diffuse. Pour ces polluants, 50 % des pollutions viennent des milieux non agricoles : les communes, la voirie, la SNCF, les particuliers, autant d’acteurs qu’il faut pouvoir toucher.]
[Photo : Plan de désherbage de Trémeur]
[Photo: Le Fluotox, d’Aqua MS, permet de détecter en continu et à de très faibles teneurs (de l'ordre de 1 g/l) les traces d’herbicides présentes dans les eaux brutes.]

Actions préventives auprès de tous les acteurs, principalement agriculteurs, collectivités publiques et particuliers. Objectifs : prévenir une augmentation excessive et constante des polluants dans la ressource.

Au départ, deux bassins versants se sont lancés dans l’aventure. Les porteurs de projet ont créé un syndicat des eaux qui, au nom de l'ensemble des pollueurs du bassin, a établi un programme d'action sur cinq ans. L’action de « Bretagne Eau Pure » (BEP) était née.

La structure financée par les Conseils généraux, la Région, l'État, l'Europe et l'Agence de l'eau, s’est mise en place en 1996. Elle s'est dotée d’un poste d’animateur pour faire vivre le programme et d'un poste d’animation agricole. « Dès le départ, le programme Bretagne Eau Pure est basé sur le volontariat », raconte Henri-Claude Le Gallic, chargé de mission à Bretagne Eau Pure. « Il nous fallait toucher les agriculteurs, les collectivités locales et territoriales, les particuliers. Pour les agriculteurs, Jean Salmon, ce leader agricole, nous a beaucoup aidé. Il a eu le courage voici quinze ans de reconnaître que l'agriculture était source de pollution ».

Pour toucher les agriculteurs, BEP travaille avec les coopératives agricoles. Celles-ci adaptent des aliments pour bétail de manière à produire plus ou moins de nitrates en fonction des besoins de l’animal. Mieux consommés, ces aliments limitent la teneur en nitrate des rejets.

De plus, sur les exploitations volontaires, un technicien formé à la pratique des zones de désherbage classe avec l’agriculteur les zones par niveau de risque de transfert dans l’eau des produits. Marie-Christine Toquet, animatrice du bassin versant de l’Arguenon, explique : « Le technicien conseille ensuite l’agriculteur sur les taux d’épandage et les molécules de désherbage ou de pesticides à utiliser en fonction des risques ».

Actuellement, sur le bassin versant de l'Arguenon, une centaine d’exploitations représentant 6 000 ha sur un bassin versant de 40 000 ha ont adhéré à cette pratique et plus de 150 exploitations devraient s'y rallier dans les trois années qui viennent.

Si la pollution par les nitrates est issue des seules exploitations agricoles, il n’en va pas de même pour les pesticides et des produits de désherbage dont l’origine est plus diffuse. Pour ces polluants, 50 % des pollutions viennent des milieux non agricoles : les communes, la voirie, la SNCF, les particuliers, autant d’acteurs qu’il faut pouvoir toucher.

Pour sensibiliser ce public, BEP a dû adapter sa démarche. « Pour les communes, comme pour les agriculteurs, nous avons établi un plan de désherbage qui isole les zones à risque fort, des zones à risques plus faible. Cet inventaire débouche sur la mise en place d’un plan de désherbage communal sur lequel la municipalité s’engage dans le cadre de BEP à supprimer en trois étapes l’utilisation des désherbants chimiques. En parallèle, nous assurons la formation du personnel communal sur les techniques de désherbage alternatif », explique Henri-Claude Le Gallic.

Il poursuit : « Nous avons aussi travaillé avec la SNCF pour qu'elle modifie ses pratiques de désherbage, notamment les molécules qu’ils utilisent. Aujourd’hui, les mesures que nous réalisons en aval des ponts de chemin de fer ne laissent plus apparaître de niveau significatif de désherbants. Pour les routes, des efforts ont également été réalisés pour limiter la quantité des désherbants épandus ».

« Pour toucher les particuliers c'est beaucoup plus difficile et nos efforts ne sont pas quantifiables. Nous avons distribué des plaquettes d’information et de sensibilisation. Mais, il est difficile d’évaluer les changements réels de pratique à la suite de ces efforts ». Christine Toquet croit beaucoup au relais d'information par l'agent communal, à l'information spécifique des associations de jardiniers amateurs, au club de troisième âge, au porte-à-porte… Bref, à un travail de fourmi visant toujours et toujours à « expliquer les bons gestes ». Une telle pratique demande du temps. Et il est difficile d'évaluer un changement réel dans les pratiques.

[Encart: Les perturbateurs endocriniens On a commencé à s’en inquiéter il y a un peu plus de dix ans. D’étranges phénomènes de dérèglements hormonaux et de mutations sexuelles dans les milieux naturels se multiplient. En cause, une possible pollution provoquée par la présence de molécules chimiques et organiques de plus en plus sophistiquées rejetées dans l’environnement. Leur impact sur la santé humaine est pris très au sérieux. Mais, l’action de ces produits est encore mal connue et le principe de précaution oblige à tout mobiliser pour la traquer et l’évaluer. En mai 2002, la DG Recherche annonce qu'elle finance quatre projets sur les perturbateurs endocriniens à hauteur de 20 millions d’€. * Credo (Cluster of research on endocrine disruption in Europe) rassemble 64 équipes qui travaillent entièrement sur ces molécules. * Eden (endocrine disrupters exploring novel endpoints, exposure, low-dose and mixture effects in humans, aquatic wild and laboratory animals) réunit 22 partenaires dans 10 pays. * Comprendo (Phylogenetic approach and common principles focusing on androgenic/antiandrogenic compound) regroupe 13 partenaires. Leur travail : étudier les substances androgènes et antiandrogènes des vertébrés et des mollusques pour mettre au point des sentinelles et des tests. * Fire (Risk assessment of brominated flame retardants as suspected endocrine disrupters human and wildlife health) réunit 19 partenaires. Ce projet s’intéresse à un groupe important des composés organo-halogénés : les BFR (Brominated Flame Retardants). Très utilisés dans l'industrie, deux de ces ignifugeants (diphényléthers polybromés et tétrabromobisphénols) font l'objet d'une attention toute particulière. Ce projet va étudier la distribution et l'évolution du degré d’exposition au BFR dans la faune cétiaire sauvage. Rappelons qu’en 1996, Kavlock définissait un perturbateur endocrinien comme « un agent exogène qui interfère avec la production, la sécrétion, le transport, le métabolisme, la liaison, l’action ou l’élimination d’hormones naturelles dans l’organisme responsable de la maintenance de l’homéostasie et de la régulation des processus de développement ».]

Pratiques. À ce niveau, les seuls indicatifs fiables sont l’évolution des mesures.

Pour surveiller l’évolution de ces actions, les mesures de surveillance sont réalisées par deux partenaires dont la DDASS. Soixante-dix paramètres sont surveillés. Les nitrates sont mesurés une fois par semaine et une cinquantaine de pesticides sont recherchés. Cinq stations de jaugeage sont installées sur le bassin versant pour surveiller le barrage géré par le Conseil général. Ces mesures sont complétées pour arriver à 20 points de contrôle. Les derniers résultats sont là pour réconforter de tant d’efforts. « Il nous semble avoir atteint le maximum sur ce qui est mesuré, voici deux à trois ans, explique Henri-Claude Le Gallic, depuis, les nitrates sont à la baisse, de même les pesticides. Mais si les indicateurs se sont inversés, il faut rester prudent car les résultats sont très difficiles à interpréter car ils sont étroitement liés à la pluviométrie. »

Quoiqu’il en soit, les Bretons ont reconnu leurs problèmes voici bientôt dix ans. Et cela deviendra une force quand ils pourront valoriser leurs résultats. Bientôt. En attendant, cette démarche mise en place voici sept ans a fait école. Elle réunit aujourd’hui 44 bassins versants dans la seule région de Bretagne. De plus en plus souvent, Bretagne Eau Pure prodigue des conseils et ses travaux font référence. La Loire-Atlantique, la Vendée, la Normandie et l’Alsace sont aujourd’hui sensibles à cette démarche qui pourrait faire école avec l’arrivée de la directive 2000/60/CE.

[Encart : Diagnostiquer rapidement une pollution dans l’eau Pour faire face aux problèmes de la ressource en eaux et aux atteintes de l’environnement, Secomam, en association avec le professeur Olivier Thomas de l’École des Mines d’Alès, a développé une technique alternative basée sur l’analyse du spectre d’absorption dans l’ultraviolet des échantillons. Cette technique permet un gain de coût et de temps considérable. Le PASTEL-UV peut mesurer 6 paramètres simultanément et permet donc une caractérisation rapide d’un effluent. Ces paramètres peuvent varier d’un utilisateur à l’autre. Après prélèvement de l’échantillon avec une micropipette et remplissage de la cuve en quartz, l’analyse et l’obtention des résultats ne dépassent pas une minute. Cette rapidité permet de faire un grand nombre de mesures et de réagir en temps réel en cas de pollution accidentelle ou d’incident dans un process. Dans le domaine des analyses en ligne Secomam propose l’IXO 510, une solution performante et économique pour la mesure en ligne de la qualité de l’eau. L’innovation réside dans le fait que l’analyse est multiparamétrique et sans réactif. Le coût de fonctionnement est ainsi minimal, et l’investissement initial est moindre. L’analyse est réalisée en deux étapes : – acquisition du spectre UV de l’échantillon (mesure de l’absorbance entre 200 et 320 nm) ; – analyse du spectre UV de l’échantillon : comparaison du spectre acquis avec des spectres de référence et calcul des paramètres. L’IXO 510 permet d’estimer la concentration des paramètres de pollution organique (DCO, DBO5, COT), des matières en suspension (MES), des nitrates (NO3) et des détergents anioniques (DBS). Les paramètres sont affichés simultanément et presque instantanément (l’analyse UV dure 1 minute).]
[Publicité : Sade]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements