Une autre voie existe dans l'emploi des techniques volt-ampérométriques et en particulier la polarographie. Cette dernière permet en effet une analyse multi-éléments avec des limites de détection exceptionnelles, tout en conservant une dynamique importante.
C'est dans cet esprit que nous avons mis au point un polarographe qui permet d'analyser cinq métaux fréquemment rencontrés dans les eaux de surface.
Développement d’un polarographe
Cinq anions sont analysés : Cu²⁺, Zn²⁺, Cd²⁺, Pb²⁺, Cr³⁺. Pour les quatre premiers on utilise la polarographie de redissolution anodique pulsée ; les métaux sont d'abord réduits sur une goutte de mercure, puis un balayage anodique pulsé génère une courbe courant-tension où chaque métal est identifié, sous forme de pic, grâce à son potentiel de demi-vague (figure 1).
[Image : Exemple de polarogramme : I = f(V) pour les quatre métaux. Pour : [Cu²⁺] = 300 ng/l, [Cd²⁺] = 22,5 µg/l, [Pb²⁺] = 45 µg/l, [Zn²⁺] = 300 µg/l. Remarque : les potentiels sont exprimés par rapport à l'électrode de référence (AgCl, KCl 3 M). Fig. 1 : Polarogramme (exemple).]
[Photo : Polarographe SEIT. Fig. 2.]
Tableau I.
Cation |
limite de détection (ppb) |
gamme standard (ppb) |
directives européennes (ppb) |
exemple de seuil d’alerte (ppb) |
Cu** |
20 |
20-1000 |
1000 |
500 |
Zn** |
20 |
20-1000 |
1000 |
500 |
Pb** |
3 |
3-200 |
50 |
30 |
Cd** |
1 |
1-50 |
5 |
4 |
Cr** |
10 |
10-500 |
50 |
30 |
Toutes choses égales par ailleurs, la hauteur de chaque pic est directement proportionnelle à la concentration de l’espèce présente.
Le chrome hexavalent est déterminé, sur un autre prélèvement, par polarographie impulsionnelle directe.
Les conditions de pH et de force ionique sont ajustées, pour les deux méthodes, à l’aide de tampons ; on obtient alors, pour chaque métal, des courbes courant = f (concentration) où la linéarité est respectée sur toutes les gammes de l’analyseur. Dans ces conditions la pente des droites est déterminée par la méthode des ajouts dosés. Ces procédures sont toutes entièrement automatisées et gérées par un microprocesseur, lequel contrôle en particulier la sensibilité des méthodes et permet ainsi de détecter tout dysfonctionnement. Les différentes phases de l’analyse et les résultats sont visualisés sur un afficheur. Tous les paramètres de fonctionnement et les seuils de transmission de l’alerte sont modifiables par l’intermédiaire d’un clavier.
Pour des conditions standard de fonctionnement sur eau de surface, le tableau I donne les limites de détection et les gammes liées à chaque métal, comparées aux directives européennes concernant les eaux destinées à la consommation humaine.
On y remarque que pour chaque métal les gammes sont compatibles avec ces directives.
Une bonne précision est garantie (coefficient de variation inférieur à 5 % au-delà des limites de détection) par l’emploi de doseurs volumétriques justes et d’une carte électronique d’interface polarographique développée spécifiquement. La cadence analytique optimale est de deux déterminations (pour les cinq métaux) par heure, soit 1 680 résultats par semaine, pour un coût d’exploitation très faible en consommables (réactifs et azote).
L’analyseur est donc constitué par l’assemblage et l’interconnexion des éléments suivants :
- une partie hydraulique, qui assure l’introduction de l’échantillon et des réactifs,
- une partie capteur polarographique, pour l’application des tensions générées et la prise en compte des courants produits,
- une partie électronique, pour assurer les commandes des organes hydrauliques et polarographiques, l’acquisition et le traitement des courbes courant-tension, les calculs, l’affichage des résultats, le stockage et la transmission des résultats, la visualisation de l’état de l’appareil.
[Photo : Station d’alerte de l’usine d’eau potable de Méry-sur-Oise]
Intégration d’un polarographe dans une station d’alerte
Les qualités physico-chimiques des eaux de rivière, utilisées pour la production d’eau potable, sont sujettes à des fluctuations saisonnières ou accidentelles. Partant de ce constat, le traiteur d’eau désire s’équiper de moyens lui permettant de suivre en permanence sa source d’approvisionnement. C’est dans cet esprit qu’est développé le concept de station d’alerte ou de surveillance de la qualité de l’eau.
Ces stations, placées en amont des prises d’eau, permettent, depuis plusieurs années déjà, de suivre en permanence des paramètres physico-chimiques comme ammonium, nitrite, nitrate, cyanure, carbone organique total, hydrocarbures… L’analyseur de métaux lourds s’intègre parfaitement dans cette structure. Toutes les mesures sont centralisées, l’archivage et l’édition de statistiques s’effectuant automatiquement. Ces analyseurs, développés par la Compagnie Générale des Eaux pour le compte du Syndicat des Eaux d’Île-de-France et commercialisés par SEIT, équipent les réseaux d’alerte et de surveillance de nombreux cours d’eau français et étrangers.
BIBLIOGRAPHIE
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Mousty P., Dutang M., Grimaud A. : Pollutions accidentelles des eaux et production d’eau potable : le défi quotidien relevé par le Syndicat des Eaux d’Île-de-France et la Compagnie Générale des Eaux, AQUA, 1988, 4, pp. 193-198.
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