L’opération de dégrillage consiste à extraire d'une eau, par un procédé mécanique, les matières solides qu'elle contient. Cette opération s’applique principalement aux prises d’eaux brutes, aux boucles d’eau de procédés ou de refroidissement, et aux eaux résiduaires industrielles et urbaines.
Parmi ces différentes applications, ce sont probablement les eaux résiduaires urbaines qui présentent le cas le plus difficile à résoudre, en raison des problèmes qu’elles ont posés ces dernières décennies :
- — les déchets transportés sont devenus de plus en plus difficiles à extraire, parce que plus petits et relativement fragiles (exemple : cotons-tiges et cellulose provenant des articles sanitaires) et leur quantité a augmenté très fortement ;
- — les procédés d’épuration s’affinant, il est devenu nécessaire d’améliorer les prétraitements et donc de retenir un maximum de matières solides au niveau du dégrillage.
Les exploitants de stations d’épuration ont ainsi été confrontés d'une part, à la difficulté croissante des problèmes posés et, d’autre part, à la nécessité de les résoudre de façon satisfaisante, ce qui a conduit à l'évolution des techniques et à l'apparition de nouveaux types de dégrilleurs, notamment à partir de 1975. Une étape extrêmement importante de ce point de vue a été franchie en 1978, avec l'installation en France des premiers dégrilleurs continus à chaîne filtrante*.
Après un bref rappel technique, le présent article se propose de décrire les avantages offerts par ce procédé, puis de donner une sélection de cas correspondant, soit à des applications typiques usuelles, soit à des applications originales où la chaîne filtrante a permis de résoudre des problèmes jugés jusqu’alors pratiquement insolubles.
* Brevetés sous la dénomination « Aqua-Guard »
FONCTIONNEMENT DU DÉGRILLEUR CONTINU À CHAÎNE FILTRANTE
La pièce essentielle de l'appareil (bien connu des spécialistes du traitement des eaux) est l'élément filtrant (figure 1), plus communément appelé « dent » ou « crochet ». Plusieurs éléments sont assemblés sur des axes en acier inoxydable pour constituer une chaîne filtrante (figure 2) qui est montée sur un châssis support, l'ensemble constituant le dégrilleur (figure 3) que l'on place dans le canal de circulation des eaux (figure 4). Pendant la traversée de la chaîne, les solides sont arrêtés, relevés par les dents et déchargés en partie haute à l’arrière, juste après le passage sur le tourteau d’entraînement. La cinématique de la chaîne est telle (détail de la figure 4) que les éléments filtrants s’autonettoient par mouvement rentrant des pointes de dents entre les bras avant (figure 1) des éléments suivants, l’autonettoyage étant lui-même complété par le travail d’une brosse rotative.
LES AVANTAGES DU PROCÉDÉ
Les caractéristiques de fonctionnement les plus appréciées des utilisateurs sont les suivantes :
- — la chaîne filtrante est équipée de mailles de 1, 3, 6, 10 ou 15 mm (à noter qu'une modification de la maille peut facilement être réalisée, même après plusieurs années de fonctionnement, par changement des éléments filtrants) ;
- — l'eau rencontre deux surfaces successives de filtration. Par exemple (figure 5), en maille 6 mm, on réalise d’abord, entre les bras avant d'une rangée de dents, une première filtration à 14 mm qui retient les grosses particules puis, entre les bras avant d'une rangée et les bras arrière de la rangée voisine, la filtration à 6 mm proprement dite. Grâce à cette opération en deux stades, on évite le phénomène de compactage des déchets sur la surface filtrante, ce qui facilite le passage du liquide (diminution de la perte de charge) et permet aux matières solides de se décrocher plus facilement lors de la phase d’évacuation ;
- — la chaîne comporte un double champ de barreaux (figures 1 et 5), l'un vertical constitué par les bras avant et arrière des éléments et l'autre horizontal, constitué par les axes de la chaîne et par les guides d’éléments. Pratiquement, cela signifie, par exemple, qu'un appareil de maille 6 mm présente une maille rectangulaire de 6 mm × 18 mm ; c'est une différence fondamentale avec les dégrilleurs classi-
… à barreaux verticaux qui n’ont pas de champ horizontal et peuvent laisser passer, par exemple, des morceaux de papier ou de textile dont la plus grande des dimensions est pourtant très supérieure à l’écartement des barreaux ;
— il est possible de relever des déchets de grande dimension (figure 6) : par exemple, un SKST, qui a une chaîne verticale et peut relever des déchets cylindriques de 170 mm de diamètre. Un appareil à 75°, 60° ou 45° est encore plus performant ;
— l’appareil offre une exceptionnelle capacité de relèvement des déchets (qui s’exprime en m³/h). Il peut donc accepter sans problème des afflux massifs de matières en suspension comme ce peut être le cas, par exemple, sur des eaux résiduaires de papeterie ou de tannerie ou sur des matières de vidange ;
— la chaîne filtrante assure à elle seule les deux fonctions d’arrêt et de relèvement des déchets. Il n’y a donc pas de mouvement relatif entre une partie fixe (les barreaux) et une partie mobile (le système de relèvement), comme c’est très généralement le cas avec d’autres dégrilleurs.
Il en résulte plusieurs avantages :
— il n’existe aucun risque de voir passer en force des particules au travers de la grille ;
— il est possible de relever des déchets très fragiles, par exemple : agglomérats de graisses en station urbaine, sang coagulé en abattoir, méduses en prises d’eau, mucus en boyauderie, coquilles d’œufs en casserie ;
— les déchets ne s’écrasent pas sur la chaîne, et leur chute à la décharge en est facilitée ;
— l’appareil peut être réalisé avec des hauteurs de chute des déchets très importantes (jusqu’à 12 m) ; ce qui a été déjà réalisé aux U.S.A. ;
— mise en place et mise en route : d’une manière systématique, les dégrilleurs à chaîne filtrante arrivent entièrement assemblés sur le site (y compris le motoréducteur d’entraînement), prêts à être mis en place. Le montage est très aisé, même pour des appareils de très grande taille : deux hommes et un moyen de levage adéquat y suffisent, la durée totale de l’opération étant de l’ordre de deux heures. Après les scellements des éventuels points d’ancrage et les raccordements électriques, la mise en route est quasi instantanée.
QUELQUES APPLICATIONS
Nous les avons répertoriées en trois catégories, les types d’appareils étant classifiés comme suit :
SK = skimmer = dégrilleur P, MN ou S (figure 1) : P série petite : entraxe moyeux 70 mm MN série moyenne : entraxe moyeux 100 mm S série lourde : entraxe moyeux 200 mm T, C ou A : T chaîne verticale à 90° (figure 3) C chaîne inclinée à 60° (figure 4) A chaîne relevable (figure 10) Dimensions : largeur canal × hauteur de chute des déchets à l’arrière du dégrilleur.
Prises d’eau
Deux sites spectaculaires sont à citer :
— la ville d’Amsterdam (Pays-Bas) dont les prises d’usines d’eau potable sont protégées, depuis 1985, par 3 SKST de 2 m × 5 m à maille de 3 mm, débit total de pointe : 18 000 m³/h ;
— Vaal River/Western Transvaal (Afrique du Sud) utilise, depuis 1982, 3 appa-
Reçus pour protéger ses prises d’usines d'eau potable :
2 SKST de 1,2 m x 4 m à maille de 15 mm, pour 5 000 m³/h
1 SKST de 2 m x 2 m à maille de 15 mm, pour 5 800 m³/h
Stations d’épuration urbaines
On y relève plusieurs types d’applications du procédé.
Dégrillage d’eaux usées
Le choix du dégrilleur à chaîne filtrante pour les eaux usées urbaines se justifie notamment pour la protection des lits bactériens ou des décanteurs lamellaires. Cette technique fait l'objet de petites et de très grosses installations et les exemples dans ce domaine sont extrêmement nombreux.
Nous relèverons, parmi les plus significatifs :
— Milly-la-Forêt (91), premier appareil installé en Europe, en 1978 : SKMNC de 0,75 m x 0,9 m à maille de 3 mm – débit 300 m³/h — Nice (06) : 5 appareils SKST de 1 m x 3,5 m à maille de 6 mm – débit total 14 400 m³/h (figure 7).
Tamisage d’écumes
Un SKMNT de 0,5 m x 2,5 m à maille de 6 mm a été installé en 1987 à la station de Valenton (94). Le débit à traiter est de 80 à 160 m³/h d’écumes de surface de décanteur primaire, constituées d'un mélange de boues flottantes, filasses, graisses et mousses. Il s’agit d'une application originale où l'appareil permet de relever, sans les dilacérer, les déchets très fragiles véhiculés par l'eau.
Tamisage des boues
Dans les stations d’épuration qui ne sont pas équipées avec des dégrilleurs fins, on retrouve dans les boues de grandes quantités de matières non biodégradables telles que bâtonnets de coton-tige, textiles, matières plastiques, caoutchouc, bouchons et capsules, fibres et filasses. Procéder à leur tamisage, c’est s'affranchir des problèmes tels que bouchage des pompes ou des échangeurs de chaleur, formation de croûtes en surface des épaississeurs et des digesteurs, colmatage des canalisations ou bouchage des entrées de centrifugeuses.
La station d’épuration de la ville de Tours (37) utilise ainsi un SKMNC de 0,5 m x 0,9 m à maille de 6 mm (débit 100 m³/h de boues à 50/80 g/l). L'appareil a été installé en 1978 (c’était le troisième en Europe) à la suite d’essais positifs.
Des sites plus spectaculaires existent à l'étranger où, par exemple à Salzbourg (Autriche) un SKST de 1,3 m x 6,1 m à maille de 6 mm est en service depuis 1986 pour traiter un débit de 3 600 m³/h de boues biologiques.
Filtration des matières de vidange
Cette application nécessite l'emploi d'un bac surélevé de déversement de matières de vidange dans lequel est installé un tamis à chaîne de maille de 6 mm (figure 8).
L'ensemble est conçu pour la filtration fine des matières de vidange à l'entrée des stations d'épuration urbaines et permet le dépotage automatique de 100 m³/h (ce qui correspond à la charge d'un camion-citerne de 8 m³ en 5 minutes). Le capotage supprime les éclaboussures, les aérosols et les odeurs. Les déchets arrêtés sont lavés en continu par une rampe à buses de façon à en retirer les matières organiques.
L'ensemble de filtration peut comporter de nombreux équipements tels que compacteur de déchets, dessableur du liquide tamisé, identification automatique du camion en cours de dépotage, mesure de pH et de conductivité.
De nombreuses unités sont en service à l'étranger, notamment dans la région de Sarrebruck (RFA), où sept unités ont été mises en route en 1986.
Dégrillage avant rejet en mer
Dans les villes côtières non pourvues de stations d’épuration, le rejet en mer des eaux usées est une solution souvent adoptée... dans ce cas, le seul équipement utilisable est le dégrilleur et il est donc primordial que celui-ci soit très performant.
Citons, par exemple, la ville de Valencia (Espagne) qui est dotée depuis 1982 d'un SKST de 1 m x 4,5 m à maille de 6 mm, débit 3 250 m³/h.
Eaux de sortie de station
La ville d’Upsala (Suède) utilise un SKST de 1,4 m x 7,5 m à maille de 1 mm, débit 5 400 m³/h. Il s’agit là des eaux de sortie de la station d’épuration que l’on filtre avant passage sur des échangeurs thermiques pour récupérer des calories pour le chauffage urbain (autres applications du même type à Lund/Kaelby et Kalmar (Suède) et à Baerum (Norvège).
Eaux usées industrielles
Les exemples sont très nombreux :
Papeterie
La Chapelle-Darblay a mis en service deux appareils, en 1986 et 1987. Le premier, un SKST de 1,4 m x 6 m à maille de 3 mm, installé à Grand-Couronne (76) traite un mélange d’effluents issus du désencrage de vieux papiers par flottation, de la fabrication de pâte thermomécanique et des cassés de la machine à papier. Le débit admissible est de 1 450 m³/h et la quantité de déchets peut atteindre 3 t/heure ; le second appareil est un SKST de 0,76 m x 4 m à maille de 3 mm, installé à St-Etienne-du-
Rouvray (76), dimensionné pour 360 m³/h d’effluents et 1 t/heure de déchets.
Industrie de la viande et industries connexes
— Abattoirs de volailles : Un SKMNC de 0,5 m x 0,9 m à maille de 6 mm est, par exemple, installé à La Chapelle-d’Andaine (61) ; l'appareil arrête toutes les plumes présentes dans les effluents et n’est pas affecté par la graisse.
— Abattoirs de bovins, ovins, porcs : un SKST de 1 m x 5 m à maille de 15 mm est installé aux abattoirs municipaux d’Arras (62) pour 135 m³/h et un SKMNC de 0,75 m x 1,4 m à maille de 1 mm chez Soviba, au Lion d’Angers (49) pour 150 m³/h.
— Aliments pour animaux : l’usine Unisabi de St-Denis-de-l’Hôtel (45) utilise 3 SKMNC de 0,5 m x 1,4 m à maille de 3 mm.
— Boyauderies : un SKPC de 0,5 m x 0,6 m à maille de 1 mm a été installé en 1979 dans une boyauderie à Ploërmel (56).
— Équarrissage et industrie des colles et gélatines : les établissements Caillaud utilisent, dans leur usine de Mortagne-au-Perche (61), deux SKMNC de 0,5 m x 1,4 m à maille de 3 mm pour 70 m³/h. Le débit unitaire est de 60/80 m³/h et les appareils sont installés sans inconvénient avant le dégraisseur.
Embouteillage
Vittel & Vittel (88), Coca-Cola à Cagnes-sur-Mer (06) utilisent chacun un SKPC de 0,3 m x 0,6 m à maille de 3 mm pour filtrer les eaux usées de leurs ateliers d'embouteillage. Le débit admissible pour ces appareils est de 50 m³/h.
Brasserie
Un SKST de 1 m x 3,5 m à maille de 1 mm filtre les eaux usées de la brasserie SEB de Maxéville (54) (débit 2 000 m³/h) avant leur admission dans la station d'épuration commune avec celle de Nancy/Maxéville.
Tannerie, mégisserie, délainage
Parmi de nombreuses installations, citons Graulhet (81) : 10 unités, et Mazamet (81) : 8 unités. Ces appareils sont généralement des SKMNC de 0,5 à 0,75 m x 0,9 à 1,4 m à maille de 3 mm. La figure 9 représente un SKMNC, typique sur cette application.
Citons, dans ces industries :
— la blanchisserie de Grenelle à Issy-les-Moulineaux (92) : un SKMNT de 0,75 m x 1,5 m à maille de 3 mm, débit 300 m³/h à une température pouvant atteindre 80 °C.
Industrie du lait
Chez Bresse Bleu, à Servas (01), un SKMNT de 0,5 m x 2,5 m à maille de 1 mm protège un lit bactérien. Débit 115 m³/h.
Chimie
Un SKMNT de 1 m x 4,5 m à maille de 1 mm traite depuis 1981 un circuit d’eaux de ruissellement chez Ato-Chimie, à Gonfreville (76), au débit de 1 000 m³/h pour éliminer des granulés de plastique.
Un appareil sera mis en service en 1988 sur la même application chez Copenor à Dunkerque (59).
Conserverie de légumes
L'intérêt de l'appareil réside ici dans la finesse de la maille de filtration, dans la grande capacité d’évacuation des déchets et dans la possibilité d’enlever des déchets fragiles, sans relevage préalable des eaux.
La conserverie de Vaulx Vraucourt (62) utilise ainsi, depuis 1980, deux SKMNC de 0,5 m x 0,9 m à maille de 1 mm.
Industrie du poisson
La conserverie de poisson de St-Guénolé (29) utilise un SKMNT de 0,5 m x 2 m à maille de 1 mm – débit 100 m³/h.
Centrales de production d’énergie électrique
À Brindisi, deux SKSA de 1,5 m x 5 m à maille de 6 mm filtreront 2 000 m³/h d'eau de mer de lavage des tambours tamisants de la centrale (100 000 m³/h). Les déchets sont constitués de morceaux de bois, algues, méduses, etc. La figure 10 montre l'un des deux appareils en usine au moment de son chargement sur camion.
La construction du tamis à grille filtrante a commencé en France en 1980 et, à ce jour, plus de 1 100 appareils ont été mis en service, ce dont le constructeur est particulièrement fier, ceci pour deux raisons :
— d'une part, ce type de dégrilleur a été le pionnier des dégrilleurs fins (depuis 1 mm) puisqu’il a été introduit par importation en Europe en 1978, à une époque où, malgré l'acuité des problèmes de dégrillage qui existaient déjà, on rencontrait une grande réticence vis-à-vis du dégrillage fin, la norme se situant alors au-delà de 10/15 mm ;
— ensuite, parce que, sur ces 1 100 dégrilleurs, 800 environ ont été expédiés à l’étranger (essentiellement en Europe), ce qui a contribué de façon positive à l’équilibre de la balance commerciale française.