C’est ainsi que, depuis près de 10 ans, on utilise quotidiennement dans le monde entier la technique de la corrélation pour détecter et localiser les fuites sur les canalisations enterrées ; aujourd’hui, grâce à cette expérience et à des efforts de recherches considérables, un système complet permettant la détection et la localisation des fuites sur longue distance a pu être mis au point, lequel, adapté aux caractéristiques particulières des réseaux en cause, donne dès aujourd’hui des résultats très positifs dans le domaine de l’eau comme dans celui du gaz.
Ces résultats ouvrent des perspectives importantes pour la surveillance longue distance des réseaux de transports de fluides.
LA RECHERCHE DES FUITES DANS LES RÉSEAUX DE DISTRIBUTION D’EAU
Deux méthodes sont utilisées à cet effet, celle de l’acoustique et celle de la corrélation.
La méthode acoustique
Elle est fondée sur le fait que l’eau s’échappant d’une canalisation enterrée provoque bruits et vibrations.
La méthode la plus classique consiste à « écouter » la fuite pour la localiser. Au fil du temps, le « traqueur » de fuites a utilisé pour cela son tournevis, sa clé de manœuvre, puis un amplificateur mécanique et enfin un amplificateur électronique. Cet ensemble a rendu et rend encore d’immenses services dans la recherche des fuites. Malheureusement, l’utilisation en est délicate à cause des nombreux bruits environnants : lorsqu’on écoute la fuite, tous les bruits extérieurs deviennent une gêne.
L’un des moyens d’améliorer ce type d’appareil acoustique est l’utilisation d’un capteur qui sera plus sensible aux vibrations du sol qu’aux bruits ; c’est ce qui a été rendu possible grâce au capteur accélérométrique qui équipe le plus évolué de ces appareils.
La méthode de corrélation
Dès la fin des années 70, un appareil a été développé, qui permet la détection et la localisation des fuites grâce aux vibrations qu’elles provoquent. Ce corrélateur reçoit des signaux vibratoires en provenance de deux capteurs placés sur la canalisation, ou mis en contact avec le fluide. Dans ce signal, le corrélateur reconnaît tout d’abord le bruit de la fuite, puis calcule la différence de temps que met ce bruit pour aller du point de fuite à un capteur et du point de fuite à l’autre capteur. La différence des temps, la longueur de la partie de canalisation située entre les capteurs et la vitesse de propagation du bruit dans le tronçon inspecté étant connues, le corrélateur détecte la fuite éventuelle et le point où elle se situe.
Aujourd’hui, on peut trouver sur le marché différents corrélateurs, notamment celui fonctionnant en « temps réel » avec des capteurs performants spécialement étudiés pour la recherche de fuites, qui a obtenu un grand succès, aussi bien en France qu’à l’étranger.
Ce corrélateur permet des mesures rapides et précises ; en effet, l’ensemble des points composant le signal du premier capteur est directement corrélé avec l’ensemble des points composant le signal du deuxième capteur. De ce fait, il n’y a aucune perte d’informations et l’on peut voir « naître » la fuite sur l’écran de visualisation.
Maîtrisant la technologie de la corrélation et des capteurs, possédant une solide expérience dans le domaine de la recherche de fuites sur les réseaux de distribution, nous avons perfectionné ce système pour l'adapter à la surveillance des réseaux de transport d’eaux. Ces réseaux présentent deux caractéristiques importantes :
— ils sont en général de gros diamètre, dépassant 500 mm,
— leurs accès sont le plus souvent très espacés : un kilomètre et plus.
Peu de corrélateurs peuvent être utilisés sur de telles distances et de tels diamètres... Le défi à relever était de taille, mais, après trois ans de recherches et d’essais sur site, le système « FLUID » (Fluid Leak Unit Intelligent Detection) a vu le jour.
LE SYSTÈME FLUID
Ce système a pour base un corrélateur devenu « intelligent » grâce à l’adjonction d'un ordinateur (figure 1) : alors que le corrélateur de base assure l’inspection d'une canalisation par tronçons de quelques centaines de mètres avec la sujétion du déplacement des capteurs, FLUID permet l'auscultation directe de tronçons de plusieurs kilomètres.
L'opérateur a seulement à mettre en place les capteurs à quelques kilomètres l’un de l’autre (la liaison au corrélateur étant assurée par radio), pour observer successivement les différents tronçons. Il sélectionne la distance des plages de travail (300 à 400 m pour dégrossir, 100 à 200 m pour affiner le résultat).
Le corrélateur, piloté par l'ordinateur, inspecte ensuite la canalisation en calculant pour chaque portion 512 points de corrélation en temps réel (comme le fait le corrélateur simple).
Le calculateur permet de visualiser l’ensemble des corrélations, comme le défilement de la canalisation, ce qui permet à l’opérateur de constater s’il existe ou non une fuite. Automatiquement, il affiche la position de celle-ci lorsqu’elle se présente. L’opérateur peut utiliser le calculateur pour l'édition d'un rapport de manipulation.
Les avantages liés au fractionnement de la canalisation sont multiples. Tout d’abord, il convient de rappeler les performances du corrélateur quant à la précision de la localisation d'une fuite :
— lorsqu’on travaille sur une canalisation d'eau en observant une distance de 400 m entre capteurs, la position de la fuite est donnée à ± 0,80 m, et cela en raison du fait que le nombre de points de corrélation calculés de façon permanente par le corrélateur est de 512.
Avec des capteurs distants de 3 km, il faudrait calculer plus de 3 800 points simultanément pour obtenir une précision identique ;
— sur des canalisations d’air ou de gaz, on obtient une précision de ± 0,20 m avec des capteurs espacés de 100 m ; avec des capteurs espacés de 10 km et pour obtenir la même précision, il faudrait utiliser un corrélateur à plus de 50 000 points de corrélation. On comprend l’impossibilité d’un tel projet et la nécessité de diviser en secteurs la canalisation à tester.
Conserver une bonne précision dans la localisation de la fuite tout en ménageant une distance importante entre capteurs est le premier avantage d’un corrélateur équipé d’un ordinateur.
Le deuxième avantage concerne la souplesse d'utilisation. En effet, inspecter cinq kilomètres de canalisations par tranches de 100 ou 200 m deviendrait vite long et fastidieux. C’est pourquoi l’opérateur qui arrive sur un site doit effectuer une première mesure par portions de 400 à 500 m. Si une amorce de pic de corrélation apparaît, signalant une fuite possible, l’opérateur refait des mesures par tronçons de 100 à 200 m mais uniquement sur la zone repérée lors du premier passage.
LES RÉSULTATS
Nous nous sommes attachés à valider les performances du système dans le maximum de situations, afin de déterminer si ses limites sont d'ordre technologique (liées au système) ou d’ordre physique (propagation des vibrations sur de telles distances).
Les essais ont porté sur des canalisations des types ci-après :
— gaz : acier, haute pression,
— eau : PVC, petit diamètre ; béton, gros diamètre ; fonte, petit et gros diamètres.
Dans tous les cas examinés ci-dessous, on a utilisé des capteurs hydrophones standard DF 3000.
Canalisations de transport de gaz
Parmi les nombreux essais réalisés, le plus spectaculaire a été celui effectué à Pau en juin 1986 sur le site expérimental de la Société nationale du gaz du Sud-Ouest.
Les caractéristiques de la mesure étaient définies comme suit :
— matériau : acier,
— diamètre : 200 et 300 mm,
— pression : 40 bars,
— température du gaz : 15 °C,
— distance entre les capteurs : 18 500 m,
— capteurs utilisés : microphones standard du DF 3000.
Résultats : une fuite créée a été détectée à 10 km de l'un des capteurs.
Canalisations de distribution d’eau
De nombreux essais ont été réalisés en France et à l’étranger. Parmi les principaux résultats, nous en présenterons trois à titre d’exemple.
Tuyaux en PVC
Demandés par la DDA de l'Ain, ces essais ont eu lieu dans la commune de Chalamont en septembre 1986.
Caractéristiques de la mesure :
— matériau : PVC,
— diamètre : 150 mm,
— pression : 5 bars,
— distance entre les capteurs : 1 051 m.
Résultats : une fuite de 6 mm de diamètre a été détectée à l’extérieur des capteurs. Cette mesure ne correspond certainement pas aux limites de performances possibles avec des canalisations en PVC. On peut estimer qu'une fuite située à mi-distance de deux capteurs espacés de 2 km environ serait détectée aussi facilement.
[Photo : Pic de corrélation (= fuite sur le tronçon 4800-5400 m. Les capteurs étant distants de 7 700 m)]
Tuyaux en béton de gros diamètre
Ces essais ont été réalisés dans la région parisienne sur le réseau de la Compagnie Générale des Eaux au mois de juin 1988.
Caractéristiques de la mesure :
— matériau : béton,— diamètre : 1 250 mm,— distance entre les capteurs : 934 m.
Résultats :
une fuite de 4 m/h a été détectée entre les capteurs. Nous pouvons nous apercevoir que les performances en distance sont moindres sur les gros diamètres, ce qui est lié au phénomène d'amortissement des vibrations provoquées par la fuite.
Tuyaux en fonte
De nombreux essais ont été réalisés sur la fonte : à Brignais (69), sur le réseau de la SDE : 2 120 m sur du 600 mm ; à Paris, sur le réseau de la CGE : 2 446 m sur du 250 mm ; en Angleterre, sur le réseau de la Southern Water Authority : 3 900 m sur du 600 mm.
[Photo : Pic de corrélation localisant la fuite sur le réseau de Mâcon avec capteurs espacés de 5 200 m]
Incontestablement, l'essai le plus remarquable a été réalisé à Mâcon sur le réseau de la SDEI :
Caractéristiques de la mesure :
— matériau : fonte ductile,— diamètre : 500 mm,— pression : 13 bars environ,— distance entre les capteurs : 5 200 m.
Résultats :
une fuite de 13 mm a été détectée à 920 m de l'un des capteurs. Ce résultat est tout à fait exceptionnel, d'autant que la localisation a été relativement précise (939,50 m au lieu de 920 m).
De nouvelles possibilités de surveillance des canalisations de transport de fluides sur longues distances sont maintenant ouvertes dans des domaines aussi divers que le gaz, les produits pétroliers ou l'eau.
On peut ainsi mettre au point deux types d'intervention :
— une surveillance systématique, de façon à ausculter régulièrement l'ensemble d'un réseau,— une surveillance permanente, en installant des capteurs à poste fixe sur une canalisation de façon à contrôler un tronçon particulièrement sensible.
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