Your browser does not support JavaScript!

Diagnostic des réseaux d'assainissement: aller plus loin que l'inspection vidéo

27 février 1998 Paru dans le N°209 à la page 25 ( mots)
Rédigé par : Marie-odile MITIER

Une inspection poussée du comportement physique du réseau d'assainissement permet d'aller plus loin que la simple étude hydraulique. C'est une étape incontournable pour qui veut optimiser le fonctionnement de son équipement et les investissements de maintenance.

La pollution de la nappe phréatique, la surcharge d'une station de traitement peuvent être les conséquences d'un réseau d’assainissement en mauvais état. « Construits pour durer longtemps, les réseaux sont des ouvrages que l’on ne voit pas et l’on néglige trop souvent leur entretien », explique Jean-Michel Bergue de la Mission Génie Civil du Ministère de l'Équipement, du Logement, des Transports et du Tourisme. Pourtant ce patrimoine est soumis à de nombreuses sollicitations : trafic routier, effondrement des entourants, racines d’arbres… Il s'use. Il est donc important de le surveiller régulièrement de façon à intervenir au plus vite dès qu'un dysfonctionnement majeur apparaît, voire même avant, lorsque c’est possible.

Cette surveillance approfondie est particulièrement intéressante là où le réseau est dense. Elle fait l'objet de mesures suivies.

Les résultats recueillis sur le terrain sont ensuite analysés avec soin. Ils conduisent à un diagnostic sur l'état du réseau. Et c’est à partir de ce diagnostic que l’on renforce la surveillance ou que l’on déclenche les opérations de réhabilitation nécessaires.

[Encart : Méthodologie de surveillance des ouvrages visitables Le Ministère de l'Équipement, du Logement, des Transports et du Tourisme va sortir courant février 1998 une disquette d'aide méthodique de surveillance des réseaux visitables. À partir d'une approche risque, la méthode mise au point permet de trier sur un réseau donné les parties qui demandent le plus d'attention au niveau du suivi diagnostic, puis de la réhabilitation. Le logiciel, dénommé Rerauvis, travaille comme un tamis. En premier on n’ausculte rien, on définit simplement un certain nombre de zones à risque qui devront être définies comme prioritaires. Cette disquette est le fruit de la première étape du programme Rerau. Gratuite, elle est disponible sur simple demande écrite à la Direction de la Recherche et des affaires scientifiques et techniques du Ministère. En optant pour la même approche, une disquette pour les ouvrages non visitables devrait être disponible d'ici deux ans.]
[Encart : Débitmètre portable non intrusif Le débitmètre PT868 de Panametrics est entièrement équipé pour résoudre n’importe quelle mesure de débit en extérieur de canalisation. Son principe de mesure est basé sur le calcul de la différence du temps de transit. Deux transducteurs, alternativement émetteur et récepteur, sont placés sur la paroi du conduit. Ils rentrent alors en communication acoustique l’un avec l’autre. L’intervalle de temps entre l’émission et la réception du signal ultrasonore est mesuré dans les deux directions. Quand le liquide est au repos dans la canalisation, le temps de transit est identique dans les deux sens. Dès que le liquide s’écoule, un décalage se produit dans la transmission du signal. La différence des temps est alors proportionnelle à la vitesse du liquide et son signe indique le sens de circulation. Sur un diamètre supérieur à 150 mm, l’appareil mesure des vitesses supérieures à 0,3 m/s ±2 % de la valeur lue.]
[Photo : Le débitmètre PT868 de Panametrics]

Interventions ponctuelles de maintenance

Ces dernières permettent de réaliser les travaux en fonction des besoins réels de l’ouvrage. Jusqu’à ces dernières années, le diagnostic hydraulique était souvent la seule approche pratiquée pour connaître l’état du réseau.

Le diagnostic hydraulique

Pour les petites collectivités, la surveillance des débits entrant et sortant est encore très utilisée. Il s’agit de rechercher les eaux parasites, c’est-à-dire les eaux d’infiltration, qui pénètrent par une rupture (fissure, écrasement, déboîtement, etc.) de l’ouvrage et qui surchargent le fonctionnement de la station d’épuration. Cet examen est mené par temps sec et par temps de pluie.

Lorsque la preuve est apportée d’une entrée d’eau parasite, il faut ensuite trouver l’endroit détérioré pour entreprendre une réparation. Et ce n’est pas une mince affaire ! Il s’agit alors de zoner le réseau pour cerner les anomalies. À ce stade, il peut être demandé des tests de coloration pour visualiser les apports d’eau claire ou de fumée prouvant l’étanchéité ou non des différents éléments du réseau. En dernier lieu, une inspection visuelle (si la conduite est visitable) ou vidéo (quand ce n’est pas le cas) peut être réclamée pour affiner le diagnostic. Une fois l’objet du problème trouvé, il est possible de se lancer dans une opération de maintenance corrective.

Edacére est une entreprise savoyarde spécialisée dans le diagnostic des réseaux (eau potable et assainissement). « Nos études précèdent ou non l’élaboration d’un schéma directeur d’assainissement », explique A. Ruche, « elles comportent plusieurs phases ».

Dans un premier temps, l’entreprise se lance dans une phase de reconnaissance et d’enquêtes. Elle recueille et interprète les documents nécessaires à une première analyse : rôle des eaux, bilan de la station d’épuration, redevance industrielle, cartographie… Une visite du réseau et de ses ouvrages particuliers permet au bureau d’études d’en savoir plus sur l’état des installations. Une enquête auprès des industriels et de la population précise l’usage de la ressource.

La seconde étape concerne les mesures :

  • mesures de débit et de pollution,
  • recherche et prélocalisation des arrivées d’eaux parasites par une inspection nocturne,
  • utilisation de méthodes particulières visant à trouver l’origine des apports : tests à la fluorescéine, essais à la fumée, inspection télévisée,
  • étude du milieu récepteur et impact.

Tous ces résultats sont ensuite synthétisés dans un rapport. L’acquis expérimental est analysé. Il conduit à la modélisation des écoulements. Il apporte des informations sur la gestion et le traitement des eaux pluviales et permet une meilleure définition de la station d’épuration, tout en précisant l’impact des rejets sur la qualité du milieu récepteur. « Ces études peuvent déboucher sur des schémas directeurs d’assainissement présentant des programmes de travaux pluriannuels chiffrés et hiérarchisés », rappelle-t-on chez Edacére.

Ce diagnostic hydraulique est encouragé par les agences de l’eau, qui souhaitent que les exploitants du réseau se préoccupent plus de son entretien. Cependant, aujourd’hui tous les outils sont là pour faire de la prévention et anticiper encore plus les problèmes. La dégradation physique du réseau peut être suivie pas à pas. Elle permet d’établir un diagnostic précis tiré d’un contrôle régulier des ouvrages. Cette façon de procéder permet d’intervenir juste avant l’apparition des problèmes majeurs. Elle laisse ainsi le temps de choisir correctement la meilleure technique de réparation, ce qui fait gagner de l’argent à la collectivité puisque l’on n’agit plus dans l’urgence.

Suivre la dégradation physique

À la Direction des Services de l’Environnement et de l’Assainissement du Val-de-Marne (DSEA 94) : « La surveillance régulière de la structure physique du réseau et de son entourant permet d’en connaître les faiblesses et d’engager une surveillance plus attentive des tronçons à problème. » Cette surveillance accrue implique le suivi des installations.

[Photo : Scherlock, mis au point par CMR-SMR est un appareil de test à l’air qui contient un compresseur, un ordinateur et un automate. Ce système autonome permet de tester l’étanchéité d’un réseau de diamètre 400, sur 50 mètres.]

installations de collecte d’effluents. Elle améliore la pertinence du diagnostic. C’est la voie retenue par la plupart des grands gestionnaires d’ouvrage qui préfèrent engager une action de maintenance préventive pour conserver l’intégrité du réseau.

“L’idéal, ce serait d’inspecter les réseaux une fois par an, mais c’est irréaliste car il y a beaucoup trop d’ouvrages à contrôler”, précise-t-on au Conseil Général du Val de Marne. Une inspection visuelle est bien réalisée par les égoutiers, pendant leur ronde, mais ils ne sont pas toujours formés pour observer les dégradations physiques des conduits. De plus, il reste à contrôler tout le réseau non visitable.

Dans le Val de Marne, les tronçons inspectés sur le réseau départemental sont donc sélectionnés en fonction de différents critères. Ils sont liés :

  • aux résultats des diagnostics précédents
  • à l’ouvrage lui-même, à savoir s’il est sous chaussée, à côté d’arbres (problème des racines), en profondeur…
  • aux problèmes signalés par les collectivités locales et par le personnel de terrain.

Cette approche nécessite de bien connaître la cartographie du réseau, avec la levée et la mise à jour des plans, la géologie du terrain, ainsi que son histoire. Pour ceci, il est intéressant d’appréhender l’environnement urbain et industriel du réseau que l’on souhaite diagnostiquer afin d’en connaître les points faibles. Ils seront les premiers contrôlés.

Pour ausculter le réseau il n’y a pas d’outils uniques, ils sont tous complémentaires. Telles sont les conclusions du rapport Rerau N° 1, une étude concernant l’auscultation et le diagnostic des réseaux visitables, menée par le Ministère de l’Équipement et différentes collectivités locales, achevée depuis le 8 janvier 1998.

[Photo : Le couplage de l'appareil de détection de fuite à un ordinateur PC, facilite grandement l’interprétation des données et l’édition du rapport de contrôle.]

Il n’y a pas d’outil unique

“Le premier outil d’inspection utilisé”, explique Jean-Michel Bergue, “c’est le contrôle visuel. Cet outil de grand rendement permet de faire une visite systématique. Il identifie les zones les plus malades sur lesquelles il faut revenir avec un outil complémentaire plus précis”. Dans les conduites visitables, cette opération est menée par le personnel de maintenance. Elle s’accompagne de relevés géométriques du profil en long et en travers du réseau. Pour les autres conduits, non visitables, elle est effectuée à l’aide d’une caméra vidéo embarquée sur un équipage mobile.

Après cette inspection systématique, une analyse des premiers résultats permet de retenir quelques zones où une surveillance plus détaillée doit être réalisée. Pour la mener à son terme, il faut choisir une méthode plus fine, afin d’identifier le problème. À chaque fois, il s’agit aussi de faire attention au rapport coût / qualité d’informations.

Pour les structures visitables, l’inspecteur choisit parmi différentes méthodes en fonction des pathologies. Le choix se porte sur le radar géophysique, les ultrasons, l’auscultation mécanique (méthode MAC), les méthodes électriques... Il peut également demander d’équiper un ouvrage de fissur­omètres pour suivre le développement d’une fissure. “L’objectif de cette exploration plus fine est de trouver l’origine des dégradations qui peuvent provenir de l’environnement, de l’effluent ou du mode de construction”, explique-t-on au Conseil Général du Val de Marne.

[Photo : Doc.Visitec]

Une caméra qui se faufile

Depuis trois ans, Visitec a mis au point une technique unifilaire de transmission numérique des données. Les informations de l’ensemble des fonctions de l’équipement mobile (alimentation électrique, commande du chariot, signal vidéo, commandes de la caméra...) transitent sur un même fil. Le poids du câble se trouve ainsi réduit à 55 g/m, ce qui allège le chariot qui peut pénétrer plus loin dans la conduite.

Cet appareil permet l’inspection vidéo de canalisation de diamètre 200 à 1400, sur une longueur de 500 m voire 1000 m, grâce au système d’élévation de la caméra qui peut être commandé à distance.

Pour les ouvrages non visitables, le choix est beaucoup plus restreint. Les techniques disponibles pour les gros ouvrages doivent être miniaturisées pour pouvoir inspecter les petits ouvrages. Certaines méthodes sont en cours de transfert comme le radar ou la méthode MAC. Mais pour l’instant il existe peu d’appareils opérationnels. Le radar arrive, mais ce sont surtout les inclinomètres et des outils empiriques de type gabarit qui sont utilisés. “Le problème”, rappelle Jean-Michel Bergue, “ce sont les enjeux. Les gestionnaires sont plus sensibles à la ruine des gros ouvrages, car leur réhabilitation est plus coûteuse. Ils ont peu poussé au développement d’appareils de contrôle pour le non visitable.”

Aller plus loin que l’examen visuel

La plus courante des méthodes d’inspection c’est le radar géophysique. C’est une

L'auscultation vidéo : améliorer

le traitement des images

L’auscultation vidéo consiste à filmer, avec une caméra robotisée, l'intérieur d'une conduite non visi- table. L’enregistrement peut être fait sur plusieurs centaines de mètres et fournit, de fait, une grande quantité d'images. Les informations rapportées sont donc très importantes, mais souvent mal exploitées. On se contente trop souvent d'exploiter les zones problème en rejetant tout le reste. “Pourtant, on a une remarquable accumulation d'informations dont l’exploitation est négligée”, rappelle Jean-Michel Bergue.

Les performances de l'outil informatique et l’évolution des systèmes de stockage (disque optique) devraient permettre de développer un système d'exploitation continu des données d'une inspection à l'autre. Cette approche pourrait permettre de comparer différentes générations d'images prises au cours d'inspections successives et de faire ressortir simplement les défauts et leur évolution dans le temps.

Méthode couramment utilisée en travaux publics.

Cet outil très opérationnel permet de voir derrière la structure, l’environne- ment de l'ouvrage. Sauf lorsqu'il travaille sur des milieux bien particuliers comme, par exemple, la marne. “Dans ce cas, le radar n’y voit rien”. Il s’agit d’émettre pendant une courte durée un faisceau d’ondes électroma- gnétiques, qui après réflexion sur les diffé- rentes singularités du sous-sol (défaut, inter- face tuyau/encaissant, vide, encais- sant/sol...) retourne vers l’émetteur. La con- naissance du trajet aller-retour des ondes permet de déterminer la distance de la cible. Très précise, cette méthode a toutefois une mise en œuvre délicate. La qualification et la compétence de l’opérateur jouent un rôle primordial. Le réglage de l'appareil, l’utilisa- tion des fréquences en fonction de l'antenne sont ici des paramètres majeurs, qu'il faut savoir optimiser en fonction du contrôle à réaliser.

Pour tester les appareils et les opérateurs, le département de Seine-Saint-Denis (93) s’est doté d'un mur étalon. Celui-ci se compose de 4 matériaux différents, avec des défauts tests, comme des vides, des leurres... L'ouvrage a été contrôlé (sur la base du volontariat) par une douzaine d’appareils et plusieurs entreprises. L’analyse des résultats est instructive.

L’importance des compétences de l’opéra- teur a été clairement démontrée : un outil mal utilisé ne donne pas satisfaction. “Et c'est encore plus vrai dès que l’on s’attaque au traitement des données”, rappelle Jean- Michel Bergue, “le radar ne montre que des discontinuités, il faut donc savoir soustraire les interférences, les parasites pour décou- vrir le défaut et sa pertinence”. D'une maniére générale, l’interprétation des images radar est faite après un étalonnage. En général, c’est un carottage. Il permet de qualifier un milieu inconnu. L’opérateur est alors informé sur l’environnement et la géo- logie du sol.

Dans le même esprit, le Conseil Général du Val de Marne a construit une canalisation expérimentale pour contrôler les appareils destinés aux réseaux non visitables. Et le site a testé les premiers radars destinés aux réseaux de faible diamètre.

D'autres méthodes d'investigation comme la méthode MAC, la méthode électrique ou l'impédance mécanique (étude des chocs) peuvent compléter et confirmer les résultats obtenus avec les méthodes précédentes. Elles sont moins utilisées.

Fort de toutes ces données expérimentales, il est possible maintenant d’établir le dia- gnostic.

Établir un diagnostic précis

Pour établir le diagnostic le bureau d'études dispose du compte-rendu d'inspection des ouvrages visitables (avec éventuellement des images de dégradations) ou des images vidéo pour le non visitable.

Dans un premier temps, le pré-diagnostic a permis d’émettre un certain nombre d'hypo- thèses. Il faut maintenant les vérifier par une

Recommandations tech- niques pour la réhabilitation

des réseaux

Une actualisation des anciennes recommandations techniques datant de 1994 devrait prochainement être publiée par AGHTM, sous la référence 3R98. Cet ouvrage comporte un cahier sur inspection télé- vidéo avec un cahier des charges de travaux, un bor- dereau de prix et un rapport type de façon à rappro- cher l'entrepreneur et son prescripteur. En annexe, un glossaire des défauts illustrés permettra aux ins- pecteurs télévidéo de parler le même langage.

Par ailleurs, L’AGHTM et le FSTT (Comité français pour les travaux sans tranchée) devraient compléter ce glossaire par des fiches de description des mani- festations pathologiques rattachées au diagnostic.

La sortie de ces deux ouvrages est programmée pour le courant de l'année 1998.

analyse des résultats d'auscultations com- plémentaires des zones à problème. Le dia- gnostic final conduit à un examen détaillé de la pathologie du réseau. Dans son rapport, le bureau d'études liste les points faibles à surveiller et les problèmes à résoudre au plus vite. Mais le rôle du bureau d'études ne s'arrête pas là. À partir du diagnostic final, c'est lui qui choisit la solution à mettre en œuvre pour la réhabilitation. Cette approche impose un engagement dans les travaux futurs. Pour Jean-Michel Bergue : “Pour obtenir un diagnostic impartial, il est néces- saire d'opter pour une structure indépen- dante, capable de faire la synthèse entre les différentes données d’auscultation, afin d’en tirer un diagnostic fiable. Or, le marché fran- çais manque cruellement de bureaux d'études indépendants spécialisés dans l’auscultation et le diagnostic. Et l’absence de diagnostic fiable ne permet pas de choisir la bonne technique de réhabilitation.”

La méthode MAC

La méthode MAC est très utilisée pour le contrôle physique des réseaux. Il s'agit d'une auscultation mécanique par vérinage.

Cette méthode d’inspection a été développée par Sagep. Elle consiste à mettre l’ouvrage sous contrainte par l’intérieur, à l'aide d'un vérin instru- menté. La réponse globale de l'ouvrage et de son encaissant est enregistrée. À partir d'un certain nombre d'hypothèses, qu’il reste à vérifier, il est possible de découpler la structure de son environne- ment. Lorsque les contraintes sont bien transmises, il est possible de définir des zones. Ceci permet de procéder à une analyse et de connaître l’interface extrados entre l'ouvrage et son environnement.

28 ~ L'EAU, L'INDUSTRIE, LES NUISANCES - N° 209

Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements