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DiagnoSit : un nouvel outil pour évaluer et hiérachiser l'impact des décharges

30 septembre 1997 Paru dans le N°204 à la page 118 ( mots)
Rédigé par : Isabelle MARELLI-GAUTHERET, Eric DAVY et Jean-michel CORADE

La mise en place des plans départementaux déchets ainsi que l'échéance 2002 (seuls les déchets dits ultimes seront acceptés en centres d'enfouissement techniques), ont conduit les acteurs du monde des déchets à s'intéresser particulièrement au domaine de la réhabilitation des décharges. Selon notre estimation, il existe encore 15000 à 25000 décharges brutes de toutes tailles à réhabiliter en France qui représentent un risque pour l'environnement. A partir de ce constat, l'Agence De l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME) a reçu la mission de rédiger un guide méthodologique, pour la résorption des décharges au niveau départemental, à disposition des collectivités. Pour répondre à leur demande, FD Conseil a développé un outil, le logiciel DiagnoSit. Ce logiciel procède à une évaluation du risque lié à la source de pollution, à l'évaluation de la sensibilité du milieu récepteur puis détermine l'impact de la décharge étudiée. Il compare et hiérarchise ensuite les sites entre eux.

À partir de ce constat, l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME) a reçu la mission de rédiger un guide méthodologique, pour la résorption des décharges au niveau départemental, à disposition des collectivités.

Pour répondre à leur demande, FDConseil a développé un outil, le logiciel DiagnoSit. Ce logiciel procède à une évaluation du risque lié à la source de pollution, à l’évaluation de la sensibilité du milieu récepteur puis détermine l’impact de la décharge étudiée. Il compare et hiérarchise ensuite les sites entre eux.

LA PROBLÉMATIQUE

L’audit de site,une démarche nécessaire ...

La caractérisation de l’impact que représente une décharge nécessite une phase d’audit. La méthodologie d’audit de sites s’articule en 4 étapes :

Phase 1 : la visite du site qui permet de repérer les principales caractéristiques du massif de déchets, de l’environnement proche et d’identifier les nuisances visibles en surface et à proximité du dépôt.

Phase 2 : les interviews des personnes ayant joué un rôle sur le site à un moment donné, ou de riverains témoins de l’évolution du site. Selon la période à laquelle remonte l’exploitation, la recherche de ces témoignages est plus ou moins fastidieuse. Elle n’en reste pas moins primordiale pour des dépôts anciens, afin de pallier le manque de documents d’exploitation.

Phase 3 : la collecte des sources de documentation. Cette recherche porte sur deux types de documents : les documents concernant le site de stockage de déchets (mode d’exploitation, nature et tonnage des déchets, caractéristiques des aménagements réalisés sur le site, …) ; et les documents décrivant le milieu environnant (implantation géographique et socio-économique du site, caractéristiques du sol et du sous-sol, …).

Phase 4 : l’analyse des données permet

d'établir une synthèse des caractéristiques du site et de son environnement proche, et de définir les éventuelles investigations supplémentaires à réaliser, au cas où la connaissance du site s’avérerait encore insuffisante.

Afin d’être le plus exhaustif possible dans la collecte et l’organisation des données, l’auditeur doit disposer d'une fiche d’enquête grâce à laquelle il passe en revue les thèmes suivants :

  • = les principales caractéristiques physiques de la décharge et du massif de déchets (volume, superficie, hauteur, typologie des déchets, topographie du site d'accueil, méthode d’exploitation employée) ;
  • = l’isolement et l’intégration de la décharge dans son environnement ;
  • = la sensibilité et la gestion des eaux superficielles ;
  • = la sensibilité des eaux souterraines ;
  • = la gestion des lixiviats ;
  • = la gestion du biogaz ;
  • = la stabilité mécanique du massif de déchets ;
  • = les nuisances éventuelles (envols de déchets légers, odeurs, …) ;
  • = les caractéristiques du réaménagement final réalisé ;
  • = les aménagements divers (clôture, …).

À l’échelle d’un site, renseigner tous ces domaines suffit à l’auditeur pour avoir une vision globale de la situation et pour effectuer les propositions adéquates en termes d’actions à mener ultérieurement.

...mais insuffisante pour la hiérarchisation

Dans le cadre d’une hiérarchisation, la problématique posée par la caractérisation des sites réside dans l’utilisation d’une démarche duplicable. Pour ce faire on doit disposer d’outils spécifiques qui garantissent le respect d’une méthodologie, et donc la création de bases de données comparables. Les limites de cette démarche, dans le cadre d’une hiérarchisation de nombreux sites, sont inhérentes au traitement de l’information. La fiche d’enquête regroupant plus d’une centaine de critères, il est impératif, pour comparer plusieurs sites, de sélectionner puis regrouper certains critères en fonction de ce que l’on souhaite évaluer. Ceci de manière à pouvoir attribuer une note, seul artefact permettant une comparaison entre sites.

UNE RÉPONSE : L’APPROCHE ENVIRONNEMENTALE DU STOCKAGE DES DÉCHETS

Dans un premier temps, rappelons certaines particularités d’une décharge.

L’élément liquide est le principal facteur de pollution généré par une décharge. Une fraction des eaux de pluie tombant au droit de la zone de stockage s’y infiltre et se charge des différents éléments solubles des déchets. Ces eaux ainsi chargées sont appelées lixiviats. Comme tous les fluides, les lixiviats peuvent circuler verticalement sous l’effet de la pesanteur et horizontalement en suivant des chemins préférentiels dans le massif de déchets. Selon la perméabilité du fond de la décharge, on peut préjuger des risques de contamination des eaux souterraines. Les lixiviats, par leur nature physico-chimique particulière, sont susceptibles de changer les caractéristiques des eaux, et par la même les conditions de vie de la faune ou de la flore les peuplant.

Le biogaz est un gaz produit lors de la dégradation anaérobie (en absence d’oxygène) des matières organiques contenues dans les déchets. Ce gaz est composé entre autres de méthane (gaz explosif sous certaines conditions) et de composés soufrés (gaz malodorants et toxiques). Lorsque le massif de déchets est non recouvert, la production de biogaz est limitée (mauvaises conditions d’anaérobiose) et rapidement diluée dans l’atmosphère. Une fois recouvert, il en est tout autrement ; les conditions anaérobies sont optimisées et la dispersion du biogaz dans l’atmosphère est limitée. Cela accroît les risques de développement d’odeurs nauséabondes, favorise la détérioration de la couverture mise en œuvre sur le massif, limite la reprise de la végétation et peut dans certains cas engendrer des poches de gaz à haut risque explosif en présence d'air.

Ces phénomènes génèrent des impacts sur les eaux de surface, les eaux superficielles, l’air et le paysage.

En parallèle il ne faut pas négliger la stabilité mécanique du massif de déchets. Ce domaine de risque est souvent sous-estimé mais néanmoins très important comme le démontrent les quelques accidents de ces dernières années (2). À titre d’exemple, un effondrement même partiel peut générer une augmentation non négligeable de l’impact sur les eaux superficielles.

À chaque domaine ses risques

Les impacts sur l’environnement sont inhérents aux risques liés à l’exploitation d’une décharge. Il convient donc dans un premier temps d’estimer le risque pour les cinq domaines d’investigations suivants :

  • = Concernant les eaux de surface, le risque lié à la source de pollution s’évalue en analysant les critères ci-après : gestion des lixiviats, proportion déversée hors du site, gestion des arrivées d’eaux extérieures au site… ;
  • = Pour les eaux souterraines on s’attachera surtout à étudier la gestion des lixiviats, la nature du sous-sol, et les caractéristiques de la couverture ;
  • = Évaluer le risque de pollution de l’air c’est prendre en compte la quantité de biogaz latent au sein de la décharge et les équipements du site. Cela va au-delà du simple transfert de biogaz vers l’atmosphère dont les signes facilement détectables sont l’odeur ou l’asphyxie de végétaux. Il s’agit aussi d’examiner si les conditions de production du biogaz sont réunies (couverture étanche, réseau de dégazage, déchets fermentescibles) ;
  • = La notion de paysage découle de la définition de l’intégration d’un site dans son milieu environnant. Il s’agit d’évaluer le potentiel de pollution visuelle de la décharge. Les déchets sont-ils visibles, la décharge est-elle isolée par un rideau de végétation, par le relief… ? ;
  • = Pour évaluer les risques d’instabilité il convient d’analyser la géométrie du massif de déchets, la stabilité des digues, la structure et la pente de la couverture, et la hauteur du dépôt.

Évaluer la sensibilité du milieu récepteur : une étape importante

Une fois les risques identifiés pour chaque domaine, il est important d’évaluer la sensibilité du milieu récepteur. Il faut définir l’environnement du site et les éléments qui pourraient être concernés directement par la pollution, ou être vecteur de celle-ci :

  • = Concernant les eaux, l’évaluation de la sensibilité du milieu se caractérise par la présence ou l’absence de milieux sensibles et l’usage qui leur est prêté. Par exemple, la présence d’une nappe au droit du site utili-

…sée pour l’alimentation en eau potable, ou la présence d'un cours d'eau de qualité salmonicole utilisée pour la pêche. Plus globalement, il faut aborder la sensibilité du milieu :

– en termes écologiques (eaux de bonne qualité), – en termes économiques (utilisation de l'eau par des industries), – en termes de santé humaine (utilisation en eau potable ou en eau de baignade).

– Concernant l’air, la sensibilité s’exprime par la gêne occasionnée pour les riverains ou les touristes ; – De même concernant le paysage, on raisonne en termes de gêne visuelle et en termes de capital « vert » pour une exploitation touristique éventuelle ; – La stabilité prend en compte l’impact, en cas d’effondrement de la décharge : impact sur le milieu, impact sur les humains, impact matériel et financier.

Prendre en compte la dualité : risque lié à la source/sensibilité du milieu récepteur

Afin de structurer la démarche adoptée par l’auditeur, les critères de la fiche d’enquête sont organisés de manière à opposer potentiel de pollution de la décharge et sensibilité du milieu.

Les critères sont donc classés selon cinq domaines d’investigation : – impact sur les eaux souterraines ; – impact sur les eaux superficielles ; – impact sur l’air ; – impact sur le paysage ; – stabilité mécanique du massif de déchets.

Pour chacun des impacts, une analyse détaillée de la décharge et de son environnement permet alors de quantifier : – le risque lié à la source de pollution, – la sensibilité du milieu récepteur.

L’exemple suivant illustre la marche employée. Une décharge située dans une cuvette et non protégée contre les eaux météoriques, ayant reçu des déchets d’abattoirs, matières stercoraires, présente un risque élevé de pollution bactériologique. La présence d’une nappe phréatique au droit du site indique que le milieu environnant le site est sensible. Cependant, si cette décharge est située sur une couche imperméable, l’inquiétude est en partie levée. La prise en compte du risque lié à la source polluante (nature et isolation) par rapport à la sensibilité du milieu récepteur permet d’évaluer l’impact de la décharge.

Un outil sur mesure

DiagnoSit a réellement été conçu comme un outil d’aide adapté à une problématique particulière. La base scientifique de ce logiciel, celle qui concerne l’audit du site et l’attribution d’une note pour chaque domaine de risque (impact sur les eaux, sur le paysage…), est calée et non modifiable. Toutefois, ce logiciel est suffisamment souple pour prendre en compte les contraintes locales et les préoccupations du commanditaire. Aussi, si la hiérarchisation des décharges est effectuée dans un contexte sensible à la qualité des nappes phréatiques, l’impact sur les eaux souterraines sera prépondérant dans l’analyse globale des sites.

DE L’UTILITÉ DE L’INFORMATIQUE POUR UN TRAITEMENT RAPIDE ET EFFICACE DES DONNÉES

La figure 1 montre comment, à partir de la fiche d’enquête renseignée par l’auditeur, le logiciel procède à l’attribution d’une note au site étudié.

L’opération ainsi réitérée pour chacun des sites audités constitue une base de données exploitable pour la hiérarchisation des sites.

Un outil d’aide à la décision

Une note « impact » étant attribuée à chacun des sites étudiés, il est ensuite possible de hiérarchiser les sites entre eux. Une classification par domaine de risque est aussi réalisable. Reprenons l’exemple du commanditaire désirant connaître les sites ayant un impact sur les eaux souterraines.

[Figure : fonctionnement du logiciel]

montre comment le logiciel calcule la note N2 (impact sur les eaux souterraines), qui est ensuite hiérarchisée par rapport à l'ensemble des sites (figure 2).

[Photo : Figure 2 - hiérarchisation des sites]

Cela présente l’avantage, pour une zone géographique donnée où la priorité serait la préservation des nappes, de porter directement les efforts sur les sites ayant un impact sur les eaux souterraines.

Remarque : le système présente aussi quelques sécurités, à savoir qu’en parallèle à ce classement sont également présentées deux listes : une liste pour les sites « hors classes » et une liste « informations insuffisantes ».

La liste « hors classes » regroupe toutes les décharges qui contiennent, ou sont fortement soupçonnées de contenir, des déchets industriels spéciaux. La seconde liste regroupe les décharges pour lesquelles l'information collectée, lors du renseignement de la fiche d’enquête, est jugée soit insuffisante, soit de mauvaise qualité.

Pour une réhabilitation raisonnée

La note finale obtenue pour chaque site permet de les hiérarchiser. Cette tâche effectuée, il faut définir les études de réhabilitation à mener au niveau de chaque site, ce que l'identification des impacts facilite. La démarche alors adoptée peut être la suivante :

  • = définition des éventuelles investigations complémentaires ;
  • = établir la hiérarchisation des impacts, au niveau de chaque site ;
  • = établir des scénarios de réhabilitation en recherchant le meilleur rapport coût / réduction de l'impact.

Les résultats obtenus pour chacun des sites ainsi que les actions à mener et les principales caractéristiques du site sont présentés sous forme d'une fiche signalétique. L’intégration de ces fiches à un Système d'Information Géographique (S.I.G.) permet de posséder un réel outil de suivi.

Le S.I.G. apporte une vision globale de la gestion des sites sur la région sélectionnée. Un simple clic sur le symbole d'une décharge permet d’obtenir une information plus fournie que la symbolique employée sur la carte comme le montre la copie d'écran (figure 3).

[Photo : Figure 3 - intégration de la base de données à un système d'information géographique]

DiagnoSit a été créé afin de développer un outil d’évaluation et de hiérarchisation de l'impact des décharges. Son application, sur un panel de plus de cent cinquante sites, a permis d’en tester et d’en vérifier la pertinence.

Il est à la disposition des collectivités pour planifier et budgéter les travaux de réhabilitation des décharges et les priorités à donner.

Références bibliographiques

J.M. CORADE, IMARELLI-GAUTHERET FD Conseil. La réhabilitation de petits sites. Juin 1996.

V. MILANOV, J.M. CORADE, F. BRUYAT-KORDA. MSW facility of Rabastens : waste slope failure analysis. SARDINIA'97, 1997, Sardaigne (acceptée).

F. BRUYAT-KORDA, IMARELLI-GAUTHERET, J.M. CORADE, E. PRUD'HOMME. Investigations procedures and french methodology for landfill restoration : a two years experience. SARDINIA'97, 1997, Sardaigne (acceptée).

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