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Développements récents dans la modélisation des réseaux d'eau potable

30 novembre 1989 Paru dans le N°132 à la page 51 ( mots)
Rédigé par : Didier DEMONGEOT et Pierre-antoine JARRIGE

Les logiciels de modélisation des réseaux maillés de distribution d’eau existent depuis bientôt trente ans, et l'on aurait pu penser que peu d’éléments novateurs pouvaient être apportés dans ce domaine.

En réalité deux évolutions fondamentales se sont produites dans un passé récent :

  • — l'une tient à l'utilisation qui a été faite de ces logiciels,
  • — l'autre à l’évolution des logiciels eux-mêmes, et des ordinateurs qui permettent de les utiliser.

Dans les années 1960, les premières utilisations de tels outils permettaient le dimensionnement de nouveaux réseaux. Les paramètres physiques (coefficients de perte de charge, consommations, ...) résultaient d’évaluations théoriques. Désormais il apparaît nécessaire à de nombreux maîtres d’ouvrage de mieux connaître les performances de leur réseau pour en planifier, à un instant donné, l’évolution future (renforcement pour suivre l’évolution des consommations, amélioration de la sécurité d’alimentation, ...). C’est ainsi que le logiciel Piccolo permet de réaliser facilement ces diagnostics, en particulier par sa grande convivialité et ses visualisations graphiques de l’état du réseau. Un tel logiciel est désormais implanté chez les exploitants de manière à ce qu’ils puissent suivre eux-mêmes l’évolution de leurs réseaux, sur micro-ordinateur compatible PC.

[Photo : Le logiciel Piccolo est opérationnel sur micro-ordinateur compatible PC.]

Ce type d’utilisation est d’ailleurs facilité par les passerelles qui existent entre Piccolo et différents logiciels de gestion cartographique des données urbaines (Apic, Resocad, ...).

Parallèlement la nécessité toujours accrue de garantir la sécurité d’alimentation, de distribuer une eau de qualité, et de mieux gérer les installations a conduit ces mêmes exploitants à mettre en œuvre des systèmes de gestion technique centralisée et de conduite optimisée des installations. Le même outil de modélisation peut s’intégrer désormais, en temps réel, dans ce cadre. En effet l'introduction de nouvelles méthodes de résolution des algorithmes dans Piccolo permet un calcul extrêmement rapide des phénomènes dans le réseau et offre donc au gestionnaire la possibilité de visualiser immédiatement certaines évolutions ou de détecter des incidents.

Amélioration des temps de calcul

La non-linéarité des équations de perte de charge interdit une méthode de résolution directe des équations de Kirchhof décrivant l’état du réseau. Après une étude comparative des méthodes existantes, nous avons choisi de mettre en œuvre une méthode itérative globale de résolution : l’algorithme de Hamam. Elle permet de diminuer fortement les temps de calcul par rapport aux méthodes classiques (de type Hardy-Cross).

Elle assure en outre une précision pouvant être maîtrisée totalement par l'utilisateur et atteindre 10-7 en valeur relative sur les débits ou les différences de pression. À titre d’exemple citons le cas du modèle du réseau de la Communauté Urbaine du Mans qui comprend 670 arcs, 470 nœuds et 10 réservoirs. Le temps de calcul du régime permanent, pour une précision de 0,1 l/s est de 5,5 s sur un micro-ordinateur compatible PC 80386/80387 à 20 MHz.

Des interfaces conviviales

Dans la version actuelle du logiciel, le dialogue avec l'utilisateur se fait à l'aide d’un langage de commande souple et commode d’usage. Grâce à l'utilisation raisonnée de valeurs et d’options par défaut, ce langage permet à l'utilisateur de ne donner que le minimum d’informations nécessaires à son calcul. Il est en outre possible de créer des procédures et de constituer ainsi une bibliothèque de macro-commandes ou abréviations. Ce langage de commande est donc un véritable langage de quatrième génération, intégrant son propre éditeur et son propre gestionnaire de base de données.

L'accès aux informations (données ou résultats) s’effectue à l'aide d'une méthode de sélection multicritères très puissante : l'utilisateur peut ainsi accéder à tout ou partie des tronçons ou nœuds pour quelque paramètre que ce soit : par exemple les arcs dont la vitesse est comprise entre 1 m/s et 2 m/s et qui ont un diamètre supérieur à 400 mm, les nœuds dont la pression est inférieure à 10 m, … La manipulation des données, et leur modification peut se faire rapidement de la même manière : par exemple multiplier la rugosité par 1,1 pour tous les arcs dont le diamètre est inférieur à 200 mm.

Des visualisations graphiques pour analyser rapidement les phénomènes

La nécessité pour un exploitant — comme pour un bureau d’étude — d’analyser rapidement les phénomènes se produisant dans le réseau et d’être en mesure de simuler immédiatement des modifications de structure éventuelles, nous a conduit à intégrer à Piccolo un processeur graphique puissant.

Deux modes de visualisation sont possibles :

  • — on peut représenter une carte du réseau sur laquelle les couleurs, épaisseurs, texture, …, des traits et symboles sont associées par l'utilisateur aux paramètres à visualiser : on peut ainsi obtenir une carte des pressions aux nœuds, une carte des vitesses dans les arcs… (figure 2).
[Photo : Visualisation graphique du réseau : carte des vitesses dans les conduites.]
  • — on peut également dessiner des courbes d’évolution de paramètres dans le temps (consommation, niveau de réservoir, pression, …), courbes de pompes (figure 3).
[Photo : Visualisation de courbes : courbes caractéristiques de pompes.]

L'originalité — et la puissance — de Piccolo proviennent de ce que l'utilisateur peut spécifier lui-même les attributs graphiques. Il peut par exemple choisir de visualiser les pressions inférieures à 10 m en rouge, celles entre 10 m et 20 m en orange, …, celles supérieures à 50 m en bleu. La carte apparaissant à l'écran laisse alors voir immédiatement les points où la pression est insuffisante (< 10 m) ;

Des fonctions utilitaires ont été développées : citons en particulier la fonction zoom, et la fonction pointage qui permet d'afficher les caractéristiques et résultats associés à un élément (arc — nœud) pointé à l'écran.

De nouvelles fonctionnalités : qualité de l’eau, coups de bélier

Piccolo est d’ores et déjà un produit industriel permettant de résoudre les problèmes quantitatifs dans les réseaux d'eau potable. En outre de nombreuses fonctionnalités supplémentaires sont désormais offertes aux utilisateurs, qu'ils soient exploitants ou planificateurs.

On peut citer en particulier la modélisation de la qualité de l'eau dans les réseaux. Nombre d’exploitants ont constaté en effet qu'une eau traitée conformément aux normes en vigueur et introduite en tête de réseau peut, à l'arrivée chez l'abonné, présenter des anomalies gênantes. L'objectif a donc été de mettre au point un outil de simulation permettant de retracer la carte de chlore résiduel (ou de tout autre composant possédant une cinétique propre) et permettant l'étude de la propagation d'une pollution accidentelle.

Une autre fonctionnalité bientôt offerte sera la possibilité de modéliser les coups de bélier dans les réseaux maillés. L'utilisateur pourra ainsi définir les moyens de remédier à ces phénomènes transitoires, par la mise en place d'appareillages adaptés.

Utiliser un modèle pour optimiser un réseau de mesures

La mise en place d’un système de contrôle centralisé, en particulier si l’objectif visé à terme est la conduite optimale des installations, nécessite d’implanter sur le réseau d'eau un ensemble de capteurs devant donner au gestionnaire une image fidèle du fonctionnement à tout instant.

L'utilisation préalable d'outils de simulation comme Piccolo permet d'optimiser le positionnement de ces capteurs pour mieux gérer le réseau. La mise en œuvre du module de qualité conduit par exemple l'exploitant à pouvoir connaître l'origine de l'eau en tout point, à connaître les temps de séjour et à localiser les zones d'eau morte. Il est ainsi en mesure de savoir où placer au mieux

les points de contrôle de la qualité de l’eau dans le réseau, mais également de positionner les points de chloration nécessaires qu’ils soient permanents ou de secours. Cet aspect de secours — et de gestion de temps réel — est d’ailleurs un des aspects les plus importants dans les nouvelles applications des outils de modélisation : l’intégration aux systèmes de régulation et de contrôle centralisé.

Intégrer les outils de modélisation dans les systèmes de gestion temps réel

La rapidité des calculs effectués désormais par les outils de modélisation permet leur implantation et leur intégration dans des systèmes de gestion technique en temps réel des installations. En effet les informations rapatriées vers un poste central peuvent être utilisées pour connaître avec précision l’état du réseau, en prévoir l’évolution et pour planifier la gestion des pompages. On peut citer deux applications importantes désormais opérationnelles sur un certain nombre de sites.

La première est le calage automatique d’un modèle. Jusqu’à présent les modèles étaient utilisés essentiellement après un calage, effectué lui-même après une campagne de mesures réalisée à un instant donné ; ils n’étaient donc pas représentatifs d’évolutions dans le réseau. On peut dorénavant mettre en place des logiciels de calage automatique qui, à partir d’une série de mesures (effectuées par exemple en temps réel) déterminent les rugosités hydrauliques et les consommations rendant compte de ces mesures. L’exploitant, estimant la vraisemblance de ces paramètres, peut alors détecter d’éventuelles anomalies, symptômes par exemple de casses ou de fuites importantes.

La seconde est la réalisation d’outils logiciels de gestion optimisée des pompages. Les systèmes de télécontrôle des réseaux d’eau renvoient en général vers un poste central les informations nécessaires au contrôle des installations et à la définition des consignes. Un opérateur traite ces informations et gère les ouvrages (enclenchement, déclenchement des pompes…) en fonction de son expérience. Des techniques de programmation dynamique, intégrant des prévisions de consommation, permettent aujourd’hui d’optimiser ces commandes en vue de réduire les coûts d’exploitation. Pour mettre en œuvre ces systèmes il est évidemment nécessaire de pouvoir connaître l’évolution du réseau en fonction des consignes de pompage potentielles. Le logiciel de modélisation trouve ainsi naturellement sa place dans les outils d’exploitation et de gestion en temps réel.

Conclusion

Les outils de modélisation des réseaux d’eau potable ont connu une évolution rapide ces dernières années. Le logiciel Piccolo, en particulier, par sa grande convivialité et sa puissance de calcul, peut en particulier être considéré désormais non plus exclusivement comme un outil d’étude, mais aussi comme une aide efficace à l’exploitation et à la gestion technique.

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