Your browser does not support JavaScript!

Deuxième séminaire consacré à la solidification des déchets dangereux

30 septembre 1980 Paru dans le N°47 à la page 41 ( mots)
Rédigé par : Philippe-j. PICHAT

Le 30 juin 1980 a eu lieu à Paris, dans le cadre du 7? Congrès International de la Chimie des Ciments le 2? séminaire consacré aux aspects physico-chimiques de la solidification des déchets au moyen de liants hydrauliques sous la présidence de M. J.-P. MERIC, Directeur Général du CERILH.

Deux exposés japonais, un exposé américain, un exposé canadien, un exposé belge, quatre exposés français ont été présentés.

[Photo : Aux U.S.A., lagune de 30 000 m³ en cours de traitement.]

On rappelle pour mémoire que d'autres filières technologiques ont fait l'objet d'essais : bitumes, thermoplastiques, thermodurcissables.

Durant le séminaire, les thèmes suivants ont été abordés :

— objectifs,

— modes d'action,

— mises en œuvre,

— méthodes d’évaluation,

— conditions de stockage,

— directions de recherche développement.

Compte tenu des exposés effectués et de ce que l'on peut savoir par ailleurs, on décrira brièvement, ci-après, les grandes lignes de cette nouvelle technologie.

En effet, ce n'est que depuis une dizaine d'années que les techniques de solidification de déchets liquides se sont développées sous l'action de quelques entreprises, d'universitaires, d'administrations et des Agences de Bassin.

En mars 1979, organisé par l’A.C.S. (American Chemical Society) et la C.S.J. (Chemical Society of Japan) a eu lieu à Hawaï le premier séminaire consacré aux méthodes de solidification-fixation de déchets. À peu près simultanément paraissait le premier livre consacré exclusivement à ces techniques.

[Photo : traitement avec solidification intégrée]

CARACTÉRISTIQUES PRINCIPALES DE LA SOLIDIFICATION-FIXATION DES DÉCHETS

1. — MOTIVATION

Il s'agit donc de transformer un déchet liquide ou une boue en un véritable solide afin de supprimer les dangers (et les coûts d'un point de vue économique) liés au stockage de liquides ou de boues liquides, par exemple des boues provenant de la désulfuration des fumées.

D'autre part, le solide ainsi constitué doit relarguer peu d'ions ou de molécules vers le milieu naturel.

2. — OBJECTIFS

On sait qu'il existe une confusion entre les véritables besoins en eau et les besoins d'écoulement d'eau. L'habitude a été prise d'utiliser l'eau en mouvement comme un vecteur de transport de déchets. Les déchets « primaires » provenant par exemple d'un atelier de chromage sont ensuite détoxiqués, neutralisés et on obtient une boue « déchets des déchets ».

Cette boue, même lorsqu'elle est pelletable, c’est-à-dire se présentant sous la forme d'un pseudo-solide, contient par exemple 20-60 % d'eau libre. L'eau libre des boues, si celles-ci ne sont pas judicieusement stockées, sous l'action des intempéries, pourra plus particulièrement et peu à peu être entraînée dans les eaux de surface ou les eaux souterraines.

Une parade est le dépôt des boues dans des sites étanches au point de vue hydrogéologique. Un tel site peut ne pas exister à proximité.

Une autre parade qui peut d'ailleurs être complémentaire est de « transformer de l'eau libre en eau de cristallisation ».

3. — PRINCIPE

L'eau contenue dans le déchet réagira avec le liant hydraulique, mélange constitué principalement de silicates et d’aluminates de calcium anhydres qui vont être transformés en silicates et aluminates de calcium hydratés.

Lorsque l'on ajoute un liant à un déchet par exemple acide, celui-ci va être neutralisé par le liant hydraulique. De plus, des silicates et des aluminates de calcium s’hydratent en développant des structures ayant des surfaces spécifiques considérables (plusieurs centaines de m²/g) qui piègent les ions ou particules contenus dans le déchet grâce au développement de structures amorphes et cristallines pouvant se présenter sous forme de fibrilles.

On observe par exemple la formation de C-S-H (C pour CaO, S pour SiO₂, H pour H₂O, C, S et H étant en proportions variables), de l’aluminate tétracalcique C₄AH₁₃, de l'ettringite 3 CaO·Al₂O₃·3 CaSO₄·32 H₂O, de silice.

On constate simultanément des phénomènes de coprécipitation des ions polluants, par exemple Ni²⁺ et Cu²⁺, dans la silice, selon les travaux du groupe du Dr ROUXHET de l'Université de Louvain-la-Neuve.

De l'eau libre est transformée en eau de cristallisation. Il s’ensuit l’épaississement puis le durcissement de la boue.

Il est observé simultanément des actions complexantes : la formation de produits de substitution où des atomes de Cr, CrO₄²⁻, de Cl prennent la place d'aluminium, d'ions sulfate par exemple dans l'ettringite (ce qui est rendu possible par sa structure cristalline).

Ces effets ont lieu soit à l'échelle microscopique, soit à l'échelle macroscopique.

Les particules solides existantes sont enrobées dans un réseau très dense qui permet de les bloquer mécaniquement.

On trouvera ci-dessous un rappel des phases principales du traitement :

a) Choix d'une formulation

  • — échantillonnage,
  • — analyse.

b) Mise en œuvre

  • — homogénéisation,
  • — addition/dosage des réactifs,
  • — ciment,
  • — laitier sec,
  • — mise en place.

c) Contrôle

  • — propriétés écologiques (lixiviation, perméabilité),
  • — propriétés mécaniques (Rc).

4. — MÉTHODES D'ÉVALUATION

Souvent ont été utilisés, dans le passé, des tests qui n'ont que des liens trop éloignés avec les réalités industrielles et qui consistaient à faire des essais de solubilité sur des échantillons qui, après avoir été solidifiés, étaient broyés ou concassés. Un béton classique soumis à ce genre de test peut se révéler un matériau toxique !

Le plâtre se révélerait un matériau inutilisable alors que les maisons parisiennes (XVIIᵉ) ont souvent défié les années et, dans des temps plus anciens, on peut encore admirer des pyramides ayant des milliers d'années dont le constituant principal est du sulfate de calcium.

Il y a donc un besoin pour définir avec précision un test simple qui prenne bien en compte les conditions de stockage du déchet solidifié à l'échelle industrielle, utilisable par les exploitants.

La Société IU Conversion Systems Inc (Dr RAU) a présenté un équipement schématisé ci-dessous. On met en place le déchet traité. Lorsqu’il est solidifié, on le soumet à une simulation de pluie fonction de la climatologie du lieu de stockage. On obtient ainsi des informations sur l'eau de ruissellement et sur l'eau qui est passée à travers le matériau.

[Schéma : coupe verticale ; coupe horizontale ; coupe frontale]
[Photo : Essais de lixiviation effectués au moyen de cases lysimétriques.]

5. — CONDITIONS DE STOCKAGE

Il est souhaitable de stocker le résidu en couches compactes continues présentant le minimum de surface. La mise en place du déchet peut être faite soit quasi immédiatement, soit après quelques jours. Dans ce cas, il est nécessaire que la formulation utilisée soit à prise lente.

6. — INFLUENCE DES TRAITEMENTS PRIMAIRES

M. LONGUET du CERILH a fait ressortir l'importance du mode de neutralisation du déchet primaire acide. L'introduction d'éléments, par exemple dont les sels sont très solubles lors des traitements primaires, n'est certainement pas conseillée. Par ailleurs, il faut davantage avoir le souci du traitement ultime dès le traitement primaire ou secondaire d'un déchet. La solidification-fixation sera d'autant plus efficace que les étapes précédentes auront été bien conduites.

Le producteur de déchets, selon la loi de 1975, a la responsabilité non seulement de la boue « déchet concentré des déchets », mais de son devenir, pris en compte dans une approche globale intégrée.

7. — TYPES DE DÉCHETS TRAITÉS

L'incinération des déchets ayant un PCI convenable est bien pratiquée. Des déchets biodégradables sont traités par les méthodes d'aspersion, d'épandage, voire de land-farming lorsque les caractéristiques du sol, par exemple, et le climat le permettent.

Par contre, les méthodes de solidification semblent particulièrement appropriées avec des produits inorganiques pouvant contenir une certaine proportion de produits organiques, ou biologiques, ou organo-métalliques variables selon le procédé et ses conditions d'exploitation.

[Photo : Cavité en cours de remplissage dans le nord de l'Europe.]

DES REACTIONS ÉPROUVÉES

Des matériaux stables dans le temps, les spécialistes de l'archéologie en connaissent : des ciments du type pouzzolanique (parce que mis en œuvre sans doute initialement par les Romains dans la région de POUZZOLES).

On trouve là, en effet, de fines cendres d'origine volcanique qui, mélangées avec une faible quantité de chaux éteinte, durcissent. Cette réaction présente l'avantage de pouvoir se poursuivre pendant des mois si ce n'est des années.

On peut voir encore en GRANDE-BRETAGNE, en ALLEMAGNE, en FRANCE et sur tout le pourtour de la Méditerranée des structures quasi intactes (lorsque leurs composants n'ont pas été réutilisés localement) par exemple la coupole du PANTHÉON À ROME ou des structures dont les pierres ont été en certains endroits dégradées alors que le béton subsiste ! (Port d'Ostie). On a créé des pseudo-minéraux dont les propriétés les rendent très proches des structures existantes dans la nature.

En remontant moins loin dans le temps, on connaît des ciments qui « tiennent » depuis près d'une centaine d'années.

[Photo : La lagune s'est transformée en tumulus.]

EVOLUTION DES TECHNIQUES

Un certain nombre de facteurs concourent à une évolution rapide des techniques : d'une part, les nouvelles conditions économiques, d'autre part, la constitution d'une masse critique, d’un capital technologique de Recherche-Développement.

Au JAPON, aux ÉTATS-UNIS, en U.R.S.S., dans le ROYAUME-UNI, en BELGIQUE, en ALLEMAGNE FÉDÉRALE, en FRANCE, beaucoup de travaux ont été faits. On ne compte pas moins de quatre cents publications et brevets. Ces travaux récents sont encore à l'état de développement, mais il se peut que dans les années qui viennent, ils donnent naissance à de nouveaux procédés industriels exploités. Ce domaine très complexe touche à la physico-chimie de l’eau, des liants hydrauliques, la physico-chimie des surfaces, intéresse des universitaires et des scientifiques dont les travaux devraient contribuer à l'évolution des techniques.

L'ambiance économique a bien changé depuis dix ans. Par ailleurs, compte tenu de l’augmentation du prix de l’énergie et des craintes touchant à sa sécurité d'approvisionnement, un conférencier tel que le Professeur EMERY a souligné qu'il est opportun d'utiliser dans la mesure du possible des liants ayant le plus faible contenu énergétique possible.

CONCLUSIONS

Des efforts considérables dans le domaine du traitement des déchets dangereux ont été effectués en liaison avec les pouvoirs publics et les Agences de Bassin. Leur portée ne doit pas être compromise par un traitement ultime inexistant ou inadéquat. Les techniques de solidification-fixation élargissent la gamme de moyens d'action de l'industrie de l'antipollution, grâce à l'addition aux déchets de liants hydrauliques convenablement choisis puis mis en œuvre. Cette filière technologique est d’ailleurs pratiquée depuis des années dans le traitement des déchets dits faiblement radioactifs.

BIBLIOGRAPHIE SUCCINCTE

  • — Traitement ultime des boues, ANDES, n° 13, mars 1975, pp 2-12, Ph. PICHAT. « Mécanismes d'action des liants hydrauliques sur des déchets liquides ou à l'état de boues », novembre 1978.
  • — 25 novembre 1975, I.N.S.A. LYON. Journées d’information sur « les déchets et sous-produits industriels : élimination, recyclage, valorisation ». Traitement ultime des boues industrielles.
  • — LEACH testing of chemically stabilized waste, Steven I. Taub, Beverly K. Roberts. 3rd annual conference on treatment and disposal of industrial wastewaters and residues, Houston, avril 78.
  • — Fixation of harmful elements by a high grade special cement, H. Uchikawa, K. Tsukigama, Y. Mihora. Onada Cement, Tokyo, Japon. Zement Kalk Gips, n° 4, 1978, 195-203.
  • — Toxic and hazardous wastes disposal, Robert POJAZEK, Editor, Ann Arbor Publishers, U.S.A., 1979.
  • — Études du CERILH (J.-P. MÉRIC, LONGUET).
  • — Conférence de la Société de Chimie Industrielle. Traitement ultime des déchets, novembre 1977, Paris.
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements