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Deux stations itinérantes pour la mesure de la pollution des cours d'eau

30 juillet 1978 Paru dans le N°26 à la page 45 ( mots)

Ces deux « stations itinérantes » ont été présentées à la presse le 11 mai dernier, en fonctionnement sur la Selle, et à cette occasion l’Agence de l’Eau Artois-Picardie a ouvert son dossier du contrôle de la pollution des cours d’eau de son bassin.

La « Loi sur l’eau » du 16 décembre 1964 avait prévu dans son article 3 qu’un inventaire de la pollution des cours d’eau, canaux, lacs et étangs devrait être réalisé dans les deux ans, et que cet inventaire serait ensuite remis à jour tous les cinq ans. En fait, le premier inventaire n’a été réalisé qu’en 1971...

Or la bonne connaissance de la qualité du milieu hydrique naturel est la base de toute politique cohérente de lutte contre la pollution. À l’Agence de l’Eau Artois-Picardie, on a ainsi mis en place et on continue de développer les moyens de surveillance des eaux de surface.

Cette surveillance systématique des eaux superficielles du bassin s’appuie sur un réseau de base de près de 200 points sur lesquels sont effectués régulièrement des prélèvements (de 3 à 12 par an).

Mais il est apparu très rapidement que si trois ou même douze prélèvements par an permettaient d’avoir une idée de la qualité d’un point, par contre dans beaucoup de cas, cela restait très insuffisant pour la bonne perception des variations de cette qualité et donc pour avoir une bonne connaissance des facteurs influençant la qualité des eaux des cours d’eau.

LES STATIONS DE MESURE AUTOMATIQUE

On a conçu ces dernières années des stations de mesure automatique qui ont pour vocation de surveiller en continu le milieu hydrique naturel en fonctionnant automatiquement, c’est-à-dire sans intervention humaine pendant plusieurs jours consécutifs.

De telles stations sont équipées en principe des appareils suivants :

1) Un analyseur en continu (appelé « monitor ») des cinq paramètres de base suivants : — teneur en oxygène dissous, — température, — salinité (paramètre mesuré : conductivité), — acidité (paramètre mesuré : pH), — turbidité.

2) Un appareil de mesure automatique des matières organiques (paramètre mesuré : DCO).

3) Un double système d’enregistrement des données : — enregistrement graphique pour exploitation immédiate, — enregistrement sur bande perforée ou magnétique pour exploitation des informations par informatique.

4) Un appareil de prélèvement automatique d’échantillons qui permet de prélever « sur commande » des échantillons et d’analyser ensuite en laboratoire des paramètres non mesurables automatiquement.

Les stations sont alimentées en eau par une pompe installée dans le cours d’eau. Elles peuvent être : — soit installées à demeure sur un point donné : ce sont les stations fixes, — soit installées sur une camionnette : ce sont alors les stations itinérantes.

LES STATIONS FIXES

Une excellente étude de ces stations de mesure automatique, signée de J. Bernard et J.-J. Prompsy, fut publiée il y a trois ans déjà dans L’Eau et l’Industrie (1).

Les premières stations réalisées dans le bassin Artois-Picardie ont été des stations fixes, installées en trois points particulièrement importants du bassin :

1. sur la Lys à Armentières, mise en service en 1972, exploitée par l’Agence de l’Eau ; 2. sur la Houlle à Moulle près de Saint-Omer, mise en service en 1973, en amont de l’usine de fabrication d’eau potable et de réinfiltration de Moulle. Station automatique exploitée par la Société Lyonnaise des Eaux.

(1) Voir L’Eau et l’Industrie, n° 2, septembre-octobre 1975, « Les stations automatiques de contrôle de la qualité des eaux ». (2) Voir L’Eau et l’Industrie, n° 25, mai 1978, « L’alimentation en eau potable de Dunkerque, le traitement de l’eau de réalimentation de la nappe de Moulle et l’utilisation du chlorosulfate ferrique », par J.-M. Tristram et J.-C. Cournarie.

[Photo : Vue de la station de la Houlle, côté rivière la Houlle.]

Financée en commun par ARTOIS-PICARDIE et la S.L.E.E, elle fonctionne avec un double but : suivre l’évolution à long terme de la rivière l’AA dont l'eau remonte à contre-courant dans un bras mort de la Houlle, et prévenir de toute pollution accidentelle cette eau qui est utilisée par la Lyonnaise des Eaux pour réalimenter artificiellement la nappe de la craie après traitement approprié à l'usine de Moulle (2).

[Photo : Station de la Houlle : armoire de mesure.]
[Photo : Station de l'Écaillon à Thiant, près de Valenciennes.]

3. Sur l'Écaillon à Thiant près de Valenciennes, mise en service en 1975 en amont de la fabrication d’eau potable qui sera réalisée très prochainement. Station automatique exploitée par la Société Eau et Force.

4. Une quatrième station devait être installée en 1975 à Fontaine-les-Clercs près de Saint-Quentin, sur la Somme et sur le canal latéral, mais des difficultés de fonctionnement nous ont amené à rendre le matériel au constructeur et à différer l’installation.

Il faut souligner que lorsque la première expérimentation a démarré dans le Bassin en 1972, ce type de matériel était tout à fait expérimental : Armentières a été l'une des premières stations en France voire même dans le monde.

Les résultats obtenus sur ces stations ont montré que les variations observées étaient assez répétitives : si les premiers mois d’observations apportent beaucoup d’éléments nouveaux dans la connaissance du cours d’eau, les mois suivants ne sont qu'une confirmation et une surveillance.

Leur mise au point a posé des problèmes très sérieux. L’Agence de l’Eau Artois-Picardie souligne ainsi qu’on n’a pu obtenir des résultats sur plusieurs semaines consécutives qu’après plus de deux ans de fonctionnement à Armentières, que la station de Moulle donne encore actuellement beaucoup de soucis à l'exploitant, et enfin, qu’elle a rendu au constructeur la station de Saint-Quentin dont le fonctionnement était trop mauvais.

Les stations automatiques restent et resteront des appareils délicats à faire fonctionner : il faut compter une journée par semaine en moyenne par station pour l’entretien. De plus ce sont des installations relativement chères à l'achat et en exploitation, puisqu’il faut compter actuellement en investissement 450 000 F pour une installation fixe, et en frais d’électricité, de personnel et d’entretien par an 58 000 F.

LES INSTALLATIONS ITINÉRANTES ET LE COÛT RELATIF

L'amélioration des techniques et surtout l’expérience acquise dans ce domaine par l’Agence de l'Eau ont permis de faire évoluer les conceptions des stations automatiques en fonction de la maintenance et de l'exploitation.

Les deux dernières stations réalisées sont des stations itinérantes qui donnent satisfaction, dont le matériel est placé dans une camionnette et peut ainsi se déplacer suivant les besoins du contrôle.

Elles restent néanmoins des installations coûteuses puisque, en investissement, il faut compter 550 000 F pour une station itinérante, et 66 000 F de frais d’électricité, personnel et entretien par an.

Toutefois, il faut comparer le coût d'utilisation des stations automatiques au coût des moyens traditionnels d’étude du milieu naturel : prélèvements d’échantillons manuels ou automatiques.

L’Agence de l’Eau a fait l’estimation du coût de ses campagnes, tous frais compris : personnel, déplacements, analyses, électricité et amortissement du matériel.

Il est intéressant de citer les trois cas suivants :

A — Campagne de surveillance avec une station automatique itinérante :

  • — pour 6 paramètres, analyse automatique pendant 100 % du temps,
  • — pour les autres paramètres, prélèvements automatiques d’échantillons moyens de 2 h pendant 10 % du temps.

700 F par jour

B — Campagne de surveillance par prélèvements automatiques d’échantillons :

  • — échantillons moyens de 2 heures pendant 100 % du temps.

2 400 F par jour

C — Campagne de surveillance par prélèvements automatiques d'échantillons :

  • — échantillons moyens :
  • — journaliers pendant 90 % du temps
  • — de 2 heures pendant 10 % du temps

500 F par jour

Les campagnes A et B donnent des informations d'intérêts à peu près équivalents. Par contre, la campagne C est nettement moins intéressante.

Les campagnes de surveillance par station automatique itinérante coûtent donc :

  • — 3 fois moins cher qu'une campagne par les moyens classiques fournissant la même quantité d'information,
  • — 40 % plus cher qu'une campagne à base d’échantillons moyens journaliers qui apporte beaucoup moins d'informations.
[Photo : Sur LA SELLE, à SAINT-PYTHON. (Photo Glaz)]

LA SURVEILLANCE DE LA POLLUTION DE LA SELLE

Les deux stations itinérantes d’ARTOIS-PICARDIE actuellement en service ont été présentées en fonctionnement sur LA SELLE, petite rivière de 30 km environ de longueur, affluent de L’ESCAUT. L’ESCAUT, qui coule en direction sud-ouest/nord-est vers la Belgique, reçoit sur sa rive droite entre CAMBRAI et VALENCIENNES quelques affluents qui, à l’inverse, coulent tous en direction sud-est/nord-ouest : L’ERCLIN, LA SELLE, L’ECAILLON, LA RHONELLE. Le cours de LA SELLE marque la séparation du CAMBRÉSIS et de L’AVESNOIS.

Afin d’étudier, d'une part, les cycles de variation de qualité de LA SELLE à l’aval du CATEAU et de SOLESMES, et d’autre part d'estimer le pouvoir auto-épurateur de LA SELLE, les stations ont été placées :

  • — l'une à NEUVILLY, 5 km en aval de l'agglomération du CATEAU,
  • — l'autre à ST-PYTHON, à l’aval immédiat de l'agglomération de SOLESMES.

LES RÉSULTATS OBTENUS

Les stations automatiques, en permettant une surveillance continue des cours d'eau, peuvent avoir de multiples usages notamment :

[Photo : Sur LA SELLE, à NEUVILLY. (Photo Glaz)]

Surveillance de points importants (Stations fixes) :

  • + Exutoire de bassins versants importants (c'est le cas de la station d’ARMENTIÈRES),
  • + Amont de points de prélèvement pour fabrication d’eau potable (c'est le cas des stations d'ARMENTIÈRES et de MOULLE).

Ces stations peuvent d’ailleurs être équipées d’alarmes en cas de dépassement de seuils de pollution prédéterminés.

Études de points mal connus (Stations itinérantes).

  • Reconnaissance par une station itinérante de points susceptibles d'être équipés d'une station fixe.
  • Étude de l’auto-épuration des cours d’eau au moyen de plusieurs stations itinérantes situées sur un cours d’eau à quelques kilomètres de distance.
  • Étude de pollutions particulières (eaux pluviales, curages, eutrophisation).

Quelques exemples significatifs parmi toutes les observations faites au moyen de stations automatiques :

1° EXEMPLE : CONSÉQUENCE D’UN CURAGE SUR LA QUALITÉ D’UN COURS D'EAU

Une station itinérante a été installée à quelques kilomètres en aval d'un secteur où étaient exécutés des travaux de curage sur l’Avre, en Picardie.

Les courbes enregistrées ont mis en évidence des variations cycliques de qualité liées très nettement au cycle horaire de travail.

Ceci s’observe particulièrement sur les courbes d’enregistrement de l'oxygène dissous (ci-dessous : courbe du haut) et surtout de la turbidité (courbe du bas) où l'on met même en évidence la pause du midi.

Cette expérience a permis de préciser les précautions à prendre pour l'exécution de curages.

[Photo : Conséquence d'un curage sur la qualité d'un cours d'eau – 1 au 6 février 1976]

2° EXEMPLE : POLLUTION PAR LES EAUX PLUVIALES

Les courbes suivantes ont été enregistrées sur la Lawe en aval de BÉTHUNE. Les courbes (turbidité et oxygène dissous) sont très caractéristiques de la variation de qualité en cas d’orage : au début de l’orage, on constate une brusque montée de la pollution concrétisée par :

  • — un accroissement de la turbidité,
  • — une baisse de la teneur en oxygène dissous.

Les deux minima en oxygène dissous correspondent très probablement à deux averses successives.

L’Agence poursuit actuellement l'étude de la pollution par les eaux pluviales :

  • — à FOURMIES sur l’Helpe mineure, par station itinérante,
  • — au SACRA (Syndicat d’Assainissement de la région d’AUCHEL) pour étudier l'aménagement du réseau en vue de traiter les eaux pluviales.
[Photo : Pollution par les eaux pluviales – Lawe à l’écluse d’Essars (à l’aval de Béthune) – Enregistrement du 3 au 6 mai 1977]

3° EXEMPLE : ÉTUDE DE L’AUTO-ÉPURATION

Le graphique suivant représente l'évolution de la qualité le long de l’Authie en partant de l’amont de DOULLENS (à gauche) vers la mer (à droite).

Ces courbes ont été établies à partir de plusieurs points d’observation simultanée.

[Photo : Étude de l’auto-épuration – L’Authie – Campagne des 8 et 9 octobre 1975]

On met en évidence l'accroissement de la pollution au niveau de DOULLENS (rejets de DOULLENS et de la ROCHETTE CENPA), caractérisé par :

— un accroissement de la DBO₅, — une baisse de l'oxygène dissous.

La pollution disparaît ensuite : elle est « auto-épurée » par le cours d'eau ; ces courbes ont permis de calculer les caractéristiques de l'auto-épuration de l'Authie.

4° EXEMPLE : LA POLLUTION NOCTURNE

Les deux stations itinérantes ont été installées sur l'Helpe-Mineure à FOURMIES et à ETROEUNGT, à 16 kilomètres d'écart, afin d’étudier l'auto-épuration de cette rivière.

On a mis en évidence l'existence de rejets polluants importants la nuit : le graphique suivant donne un exemple à ETROEUNGT où l'on remarque un accroissement très net de la DCO de 20 heures à 6 heures du matin (sauf le dimanche) accompagné d'une baisse simultanée de la teneur en oxygène dissous, phénomène caractérisant une décharge de produits polluants la nuit.

[Photo : Pollution nocturne du 15 au 19 octobre 1977]

5° EXEMPLE : LA POLLUTION DU COURANT DE BERNISSART (VALENCIENNOIS)

Une station itinérante a été installée pendant deux mois sur le courant de Bernissart, petit cours d'eau venant de Belgique et se jetant dans l'étang de Chabaud-Latour à VIEUX-CONDE.

On a mis en évidence une forte pollution sensible sur la turbidité. On remarquera que la pollution disparaît le jeudi 24 février, qui correspond au jour où est paru, dans un journal local, un article important sur la surveillance exercée sur le courant de Bernissart.

[Photo : Pollution du courant de Bernissart (Valenciennois) – enregistrement du 6 au 12 mars 1977]

CONCLUSIONS : LES PERSPECTIVES D’ARTOIS-PICARDIE

1) À long terme, un petit nombre de stations automatiques fixes reliées à un réseau de télétransmission.

L’intérêt des stations fixes est limité aux points très importants du Bassin, notamment ceux où est envisagé ou réalisé un prélèvement pour fabrication d'eau potable. Il y a, à long terme, pour tout le Bassin Artois-Picardie, une dizaine de points qui peuvent être concernés (dont 3 déjà équipés).

Ces stations ont un rôle de surveillance et d’alarme ; il est donc indispensable que les enregistrements soient disponibles tout de suite auprès des utilisateurs : une surveillance automatique à long terme ne se conçoit qu’avec télétransmission des résultats auprès des utilisateurs. La technique de télétransmission est d’ailleurs une technique qui est utilisée avec succès dans d'autres domaines (gestion de réseaux d'eau, pollution atmosphérique, par exemple).

2) Les stations automatiques itinérantes : un outil indispensable à l’étude du milieu naturel.

Les stations itinérantes ont déjà apporté de nombreuses informations et elles seules étaient capables de les apporter. Une connaissance réelle du milieu naturel ne peut être obtenue qu’avec suivi en continu.

L’Agence possède deux stations itinérantes et pourra à long terme augmenter ce nombre.

3) À court terme : mettre au point les techniques de surveillance en continu et automatique des rejets.

Nous avons indiqué plusieurs facteurs influençant la qualité des cours d'eau (curage, eaux pluviales).

Mais la pollution industrielle et la pollution urbaine rejetées restent, et de très loin, les principaux facteurs d’influence de la qualité du milieu naturel et de ses variations.

L’Agence de l'Eau a déjà fortement développé les campagnes de mesure sur rejet, mais c'est insuffisant : il faut arriver à surveiller en continu les rejets importants ; la récupération réelle du milieu naturel ne sera obtenue que si l'épuration des rejets est permanente et contrôlée en permanence.

C'est pourquoi les Agences du Bassin ont lancé une étude inter-Agences de recherche de matériels susceptibles de mesurer en continu la pollution des rejets au moyen de paramètres caractérisant la pollution rejetée. L'Agence de l'Eau ARTOIS-PICARDIE a été nommée Agence-pilote de cette étude très importante. C’est dans cette direction qu’il faut diriger nos efforts à court terme : l'efficacité de la lutte contre la pollution est à ce prix.

4) Enfin, d'autres types de stations ont été étudiés :

— Stations biologiques d’alerte ;

Le principe de ces stations est la circulation dans un courant d'eau d'un animal aquatique (en général une truite, d'où le nom de l'appareil « truitomètre ») qui déclenche une alerte en cas de mort du poisson.

Ces stations sont utilisées par les distributeurs d’eau en amont des prises d'eau pour fabrication d'eau potable. Le premier truitomètre du Bassin Artois-Picardie, prévu à l'usine de fabrication d'eau potable d’AIRE-sur-La-LYS, sera réalisé en 1978 avec l’aide financière de l'Agence de l'Eau.

— Stations d’étude de paramètres toxiques :

Ce sont des stations qui peuvent mesurer en continu certains toxiques. En dehors de l’analyseur de produits azotés, qui commence à être utilisé en Europe, il est peu probable que ce type de stations se développe.

(Documentation : Agence de l’Eau, Artois-Picardie)

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