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Détermination du chlore libre dans l'eau. Etude comparative de trois méthodes

30 novembre 1987 Paru dans le N°114 à la page 39 ( mots)
Rédigé par : B. PRESSOUYRE

Lors de la chloration de l'eau à traiter, le chlore actif, présent sous forme d’un mélange d’acide hypochloreux et d’ions hypochlorites, est exprimé en chlore libre. En présence d'ions ammonium et de produits organiques contenus dans l’eau brute, il y a formation de chloramines minérales et organiques ; le chlore ainsi formé est appelé chlore combiné. Ces composés chlorés formés lors de l’hypochloration peuvent donner à l’eau traitée certaines saveurs et odeurs désagréables. La détermination exacte du chlore libre est donc primordiale pour le contrôle de la désinfection et de la stérilisation de l’eau à l’entrée d’un réseau de distribution.

Cette étude a pour objet de comparer les trois principales méthodes analytiques de laboratoire et de présenter leurs performances.

DETERMINATION IODOMETRIQUE DU CL2 LIBRE

La titration iodométrique en milieu acide (pH 2) est la méthode de base pour la détermination des oxydants totaux (libres + combinés). Ceux-ci réagissent avec l’iodure de potassium pour libérer l’iode, lequel est réduit par une solution de titre connu (N/177,5) de thiosulfate de sodium. Cette méthode n’est applicable au chlore total qu’en l’absence d’autres substances oxydantes : bromamines, iodamines, ozone, iodates, bromates, chromates, dioxyde de chlore, chlorites, nitrites, ions fer III, ions cuivre II, ions manganèse III… ; elle nécessite l'emploi de séquestrants tels que : glycine pour le dosage du chlore total en présence d’ozone et nitrite de sodium pour le dosage du chlore combiné. La glycine a en effet la propriété de se combiner à l’ozone et le nitrite de sodium, quant à lui, réduit le chlore libre.

Emploi de la glycine

L’étude montre que l'utilisation de la glycine à des taux de l’ordre de 100 à 150 mg/l suffit à détruire jusqu’à 1 mg/l d’ozone dans l’eau (figure 1). Cependant, il s’avère que pour un taux minimal de 100 mg/l de glycine, on constate un abattement de 20 % du chlore contenu dans des eaux aux teneurs comprises entre 0,20 et 1,50 mg/l (figure 2).

Emploi du nitrite de sodium

Lors de la détermination iodométrique du break-point (point critique d’hypochloration) l’utilisation du nitrite de sodium à un taux de 1 à 2 mg/l met en évidence des valeurs de résiduels de chlore combiné systématiquement inférieures aux valeurs de chlore total trouvées en dessous du break-point (figure 3). Il en résulte qu’un excès de séquestrant détruit une partie du chlore combiné ; la quantité suffisante pour réduire le chlore libre a alors été déterminée à 20 mg/l (voir tableau ci-dessous).

Eau minérale d’Evian dopée par 1 mg/l de chlore actif (eau de Javel)

[NaNO2] mg/l [Cl2 total] mg/l [Cl2 combiné] mg/l [Cl2 libre] mg/l
5 1,00 0,15 0,85
10 1,00 0,10 0,90
20 1,00 0 1,00
50 0,98 0 0,98
100 0,98 0 0,98
500 1,00 0 1,00
1000 1,00 0,10 0,90

Par ailleurs, des essais de dosage de chlore combiné à différents taux de séquestrants (1 mg/l – 1 g/l) ont été effectués sur des eaux sous-chlorées dépourvues de chlore libre ([Cl2 combiné] / [Cl2 total] = 1) et sur des eaux sur-chlorées contenant des teneurs en chlore combiné négligeables ([Cl2 libre] / [Cl2 total] = 1). Il s’avère que pour des taux optima de nitrite de sodium de l’ordre de 20 à 30 mg/l, on observe une erreur systématique de 5 à 10 % sur les résultats, soit :

  • 0,10 à 0,20 mg/l de chlore libre dans une eau sous-chlorée ([Cl2 total] : 0,6 à 1,7 mg/l) ;
  • 0,10 à 0,30 mg/l de chlore combiné dans une eau sur-chlorée ([Cl2 total] : 2 à 6 mg/l).

En conclusion, l’utilisation en excès de séquestrants tels que la glycine et le nitrite de sodium donnent respectivement des résultats par défaut du chlore total et du chlore combiné. L’injection du taux optimum de ces séquestrants : 100 mg/l de glycine et 20 mg/l de nitrite de sodium ne donne toutefois pas entière satisfaction, en particulier pour des teneurs élevées en chlore total.

DETERMINATION COLORIMETRIQUE DU CL2 PAR DPD

L’oxydation de la N,N-diéthylphénylène-1,4-diamine (DPD) par le chlore libre, en milieu acide, produit une coloration rouge. Le dosage colorimétrique s’effectue habituellement à la longueur d’onde de 515 nm. La préparation des réactifs a été effectuée suivant la procédure décrite dans la norme AFNOR. Les longueurs d’onde ont été explorées de 400 à 600 nm, faisant apparaître deux optima, l’un à 515 nm et l’autre à 552 nm (figure 4). La longueur d’onde choisie est de 552 nm car les densités optiques (D.O.) obtenues à cette longueur d’onde sont supérieures à celles correspondant à 515 nm. Par ailleurs, elles sont plus stables dans le temps (figure 5). L’étude confirme une stabilisation de la coloration pour une durée de 5 mn.

La température influe sur le développement de la coloration : l’optimum de D.O. est atteint d’autant moins rapidement que la température de l’échantillon est plus basse (2 mn pour 20 °C et 4 mn pour 5 °C) et on constate un gain en D.O. de 7 % à 5 °C par rapport à 20 °C.

Les étalons doivent être préparés à partir d’une solution d’iodate de potassium iodurée car celle-ci est plus stable qu’une

[Photo : Fig. 1. Recherche du taux optimum de glycine pour détruire l’ozone.]
[Photo : Fig. 2. Abattement du chlore total pour un taux de glycine de 100 mg/l.]
[Photo : Fig. 3. Break-point : détermination iodométrique.]
[Photo : Fig. 4. Colorimètre DPD : recherche de longueur d’onde optimale.]
[Photo : Fig. 5. Colorimètre DPD : évolution de la D.O. dans le temps.]
[Photo : Fig. 6. Colorimètre DPD : courbe d’étalonnage Cl₂ libre.]
[Photo : Fig. 7. Colorimètre à la syringaldazine : recherche de longueur d’onde optimale.]
[Photo : Fig. 8. Colorimètre à la syringaldazine : influence du temps sur la coloration.]
[Photo : Fig. 9. Courbe d’étalonnage du chlore libre. Colorimètre à la syringaldazine.]
[Photo : Fig. 10. Courbe de break-point/mesures Cl₂ libre EF biologique + 200 mg/l NH₄.]
[Photo : Fig. 11. Courbe de break-point/mesures Cl₂ libre EF biologique + 200 mg/l NH₄.]

solution d’eau de Javel. Le domaine de linéarité s’étend de 0 à 1,5 mg/l de chlore libre (figure 6). La sensibilité théorique obtenue dans les conditions opératoires (figure 2) est de 4,7 µg/l (4). Des essais de répétabilité ont été effectués sur des résiduels de chlore libre ; les coefficients de variations sont voisins de 4 % (1 ± 0,04 mg/l ; 0,5 ± 0,02 mg/l ; 0,2 ± 0,01 mg/l, pour 10 lectures).

L’oxydation de la DPD peut être due aux composés chlorés : dioxyde de chlore, monochloramines (pour des taux > 10 mg/l), dichloramines (pour des taux > 20 mg/l), trichloramines (pour des taux > 3 mg/l) (4), et pour les oxydants suivants : Fe III (C > 20 mg/l), Cu II (C > 8 mg/l), le brome, l’iode, les amines bromées et iodées, l’ozone, le chrome VI, le manganèse, les nitrites (3). Les interactions des chlorures et sulfates ont également été vérifiées ; celles-ci sont nulles aux taux rencontrés dans les eaux distribuées par le Syndicat des Eaux d’Île-de-France ([Cl⁻] = 25 mg/l ; [SO₄²⁻] = 27 mg/l).

DETERMINATION COLORIMETRIQUE DU Cl₂ LIBRE PAR SYRINGALDAZINE

L’oxydation de la syringaldazine (3,5-diméthoxy-4-hydroxybenzaldazine) par le chlore libre s’effectue mole à mole (5) et produit une couleur violette correspondant à une longueur d’onde de 530 nm (figure 7). La solution tampon utilisée pour la préparation du réactif à la syringaldazine est une solution d’acide borique et de chlorure de potassium. Celle-ci est préférée à une solution de phosphate (5), en raison de la formation d’un précipité de phosphate tricalcique (6). Le maximum de coloration est atteint au bout de 2 mn, quel que soit le pH de la solution tampon (figure 8). L’étude montre que la perte de D.O., entre 2 et 4 mn, est d’autant plus importante que le pH de la solution tampon tend vers 7.

La température de l’échantillon à analyser a une influence sur le développement

de la coloration. La cinétique de réaction est d’autant plus lente que la température est plus faible. On constate également une perte en D.O. de 10 %, à une température de 5 °C par rapport à 23 °C.

Le domaine de linéarité s’étend de 0 à 1,5 mg/l de chlore libre (figure 9). La sensibilité théorique obtenue dans les mêmes conditions opératoires que la méthode au DPD est de 1,4 µg/l (6).

Des essais de répétabilité ont été effectués sur des résiduels de chlore libre. Les résultats confirment ceux obtenus par Bauer et Rupe dans leur étude (5), (1 ± 0,010 mg/l ; 0,50 ± 0,015 mg/l pour 10 lectures). La syringaldazine ne réagit pas sur les chloramines (4), (5), (6). Le fer II, le manganèse, le cuivre, le calcium et le magnésium n’interfèrent pas ; le fer III ne donne pas de coloration avec la syringaldazine jusqu’à 3 mg/l, mais pour 10 mg/l la coloration obtenue correspond à une concentration en chlore de 0,01 mg/l (6).

Les interactions des ions : nitrites, nitrates, sulfates (7) ont été vérifiées ; celles-ci sont inexistantes aux taux rencontrés dans les eaux distribuées par le Syndicat des eaux d’Île-de-France :

[NO₂⁻] = 0 mg/l ; [NO₃⁻] = 20 mg/l ; [SO₄²⁻] = 27 mg/l

ANALYSES DU Cl₂ LIBRE PAR LES TROIS MÉTHODES

Des analyses de chlore libre ont été effectuées par les trois méthodes étudiées précédemment sur des échantillons d’eaux filtrées (filière biologique), dopées en ammoniaque puis sous-chlorées et sur-chlorées. Les résultats obtenus par les différentes méthodes sont identiques à ± 0,05 mg/l de chlore libre (figures 10 et 11).

CONCLUSION

De cette étude il résulte que les méthodes colorimétriques présentent l’avantage de déterminer directement le chlore libre par rapport à la méthode iodométrique (titrimétrique ou colorimétrique). Elles offrent par ailleurs une meilleure sensibilité et spécificité.

Parmi les méthodes colorimétriques, la plus sensible est celle utilisant la syringaldazine, qui de plus est la moins sujette aux interférences.

Des techniques électrochimiques telles la voltampérométrie, l’ampérométrie permettent aussi le dosage du chlore libre. Elles semblent toutefois complexes d’utilisation et sujettes aux interférences des chloramines.

BIBLIOGRAPHIE

(1) Projet de norme internationale, partie 3, ISO / DIS 7393/3 (7-1985).

(2) B. Saunier, Y. Regnier, Mesures en continu du chlore libre, L’eau, l'industrie, les Nuisances, 43-49 (1983).

(3) A.F.N.O.R., Eaux méthodes d’essai, Recueil de normes françaises, T90-037, T90-038, 304-322, 3ᵉ édition Paris (1986).

(4) Y. Cooper, N.M. Roscher and R.A. Slifker, Journal A W W A, 0003-150X / 82 / 070362-070362-06, 362-368 (1982).

(5) R. Bauer, C.O. Rupe, Analytical chemistry, 43, n° 3, 421-425 (1971).

(6) Y. Rodier, L’Analyse de l’eau, 7ᵉ édition Dunod Paris (1984).

(7) Standard Methods for the examination of water and waste water A P H A, A W W A and W P C F, 16ᵉ edition (1985).

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