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Détection de la corrosion externe des canalisations enterrées

26 février 1993 Paru dans le N°161 à la page 62 ( mots)
Rédigé par : Jean-marc-de LEHVENFEHLT

Le but de ce système est de détecter les phénomènes de corrosion externe qui s'exercent sur les réseaux métalliques enterrés : acier, fonte, voire béton armé. L'objectif recherché est, pour l'exploitant, de connaître l'état de son réseau afin de lui permettre de décider du remplacement éventuel des parties corrodées.

Les exploitants de réseaux de distribution ou de transport d'eau sont en permanence confrontés aux problèmes que posent les fuites ou le renouvellement de leur réseau dus à la corrosion externe qui touche les tuyaux métalliques (ou en béton armé).

Pour leur faciliter la tâche, il existe depuis peu un nouveau système de contrôle non destructif, qui a pour objet de détecter ces phénomènes de corrosion externe. Cette analyse se déroule en trois phases :

  • – acquisition de données sur le terrain par un système d'enregistrement informatisé,
  • – traitement de données par un logiciel spécifique qui élabore un bilan des zones à risques éventuelles,
  • – en fonction des résultats obtenus dans la phase précédente, des points sont choisis pour effectuer des ouvertures et mesurer l'épaisseur du métal restant.

L'objectif recherché est de permettre à l'exploitant de connaître l'état de son réseau et d'être ainsi en mesure de prendre en toute connaissance de cause des décisions quant au remplacement éventuel de tout ou partie de celui-ci, en fonction notamment des situations suivantes :

  • – des travaux de voirie sont prévus dans une voie : faut-il en profiter pour changer le réseau ?
  • – la canalisation a plus de 20 ans d'âge : faut-il la remplacer ?
  • – beaucoup de fuites sont constatées sur le réseau : faut-il le réparer ponctuellement ou placer de nouvelles canalisations ?

Autant de questions qui ne trouvent une réponse que par l'expérience des gens de terrain, mis en face des problèmes concrets. Il faut toutefois souligner l'aide importante que leur apporte la mise en œuvre de ce système pour déterminer les zones à expertiser.

Méthodologie de la mesure

Compte tenu des éléments qui précèdent, on voit qu'un système de mise en évidence de la corrosion doit être capable d'une part de qualifier chaque zone de la structure métallique concernée (zones de sortie de courant dites « zones anodiques »), d'autre part de quantifier « proportionnellement » chaque situation de corrosion afin de pouvoir situer les secteurs à risques (forts, moyens, faibles).

Le système de « diagnostic corrosion » permet de qualifier et de quantifier la corrosion existant à la surface d'une canalisation, par la mesure de deux niveaux de tension :

  • – la tension de surface (tension entre la canalisation et la surface du sol mesurée à l'aide d'une électrode de référence) ;
  • – la tension de proximité (tension existant entre cette même électrode de surface et une électrode métallique proche de celle-ci et reliée électriquement à la canalisation) ;
  • – l'impédance de transfert (mesure de la résistance électrique existant entre la canalisation et la surface du sol) : une faible résistance sera significative d'un milieu fortement agressif, donc assurant une mauvaise protection de la structure.

Tableau I Synthèse des corrosions relevées

SectionDistance corrosion (m)Longueur de section (m)Nombre d’acquisitions
fortemoyennefaible
129,800,8622,946,0041,3821072
259,980,0054,405,5860,0630588
339,570,0019,4920,0894,8848318
Total129,350,8696,8331,66196,3299978

Tableau II

Relevé détaillé des corrosions constatées

SectionDébut (m)Position (m)Coefficient de corrosionFin (m)
11,131,140,671,96
3,093,120,393,16
9,709,760,3910,22
12,0412,090,1912,14
12,4312,480,1412,71
13,7413,780,1715,91
15,9916,050,2716,16
16,3616,430,2516,57
19,1419,220,2119,32
19,5719,600,1520,35
20,6820,800,2121,22
22,2422,300,3022,33
22,5522,580,2622,67
23,2523,330,1723,35
23,6523,800,3423,83
24,0224,080,1841,37
21,882,040,184,37
4,674,680,1414,90
15,2815,350,2017,07
53,2454,060,2756,38
56,6756,750,1657,16
57,5257,540,1657,89
58,3358,440,2060,05
31,011,260,402,25
2,472,520,172,66
2,882,890,193,14
3,713,760,243,81
4,174,190,166,73
6,956,990,177,46
7,657,650,158,35
8,508,590,148,65
9,589,910,2514,45
12,0212,040,2714,49

* Seul cas constaté de corrosion dite « forte » (lorsque le coefficient atteint ou dépasse 0,50). Les autres cas figurant sur le tableau ressortissent d’une corrosion faible.

[Photo : Figure 1]

L’appareillage

Le dispositif utilisé est schématisé sur la figure 1. Il comprend essentiellement :

  • • Le capteur, composé d’une roue-électrode de référence Cu/SO₄Cu à laquelle est associée (à une distance de quelques centimètres) une roue en acier.   – La roue-électrode mesure la différence de potentiel entre la surface du sol et la canalisation enterrée (Vs : tension de surface).   – Le contact acier (relié électriquement à la canalisation) sert à mesurer la tension électrique Vp (tension de proximité) ainsi qu’à injecter un courant alternatif de 10 kHz permettant la mesure de l’impédance de transfert Rt.
  • • Le cycle de mesure, piloté par un codeur optique relié à l’électronique du système, est conçu de manière à réaliser séquentiellement une valeur de Vs, de Vp et de Rt tous les 13 mm, c’est-à-dire 77 mesures de chacune de ces valeurs par mètre linéaire de la structure en cours de diagnostic.
  • • Le système électronique, qui permet d’enregistrer les valeurs des trois paramètres précités à partir d’un réseau de capteurs. Le cœur du système est constitué par un microprocesseur (il s’agit en fait d’un voltmètre digital perfectionné à haute impédance d’entrée — supérieure à 10 MΩ — alimenté par piles rechargeables) dont les fonctions principales sont les suivantes :   * la gestion du cycle d’enregistrement des valeurs,   * l’acquisition et le stockage des données dans un banc de mémoires,   * le transfert des données à l’ordinateur de terrain.
  • • L’ordinateur de terrain : ce microprocesseur de terrain (Husky… de Hunter) est compatible IBM sous MS-DOS ; étanche à l’eau et à la poussière, peu encombrant, il est parfaitement adapté aux conditions de chantiers. Ses fonctions principales sont de deux sortes :   * affichage des données enregistrées sur écran graphique,   * pilotage des transferts de données en provenance du microprocesseur, leur stockage et leur transfert sur disquette 3 pouces 1/2.
  • • Le support mobile de mesure, qui intègre tous ces éléments et qui contient en outre une alimentation en eau pour l’arrosage en surface à la verticale des structures.

Aspects opérationnels

Les opérations comportent les trois phases ci-après :

Jonction électrique avec la canalisation

Après le repérage de la zone à inspecter, comprenant notamment la localisation (si nécessaire) et le marquage des points de départ des mesures, un contact électrique est réalisé avec la structure. Pour que ce contact soit parfait, cette dernière sera décapée après mise à nu. La jonction est réalisée à l’aide d’une pince ou d’une fiche, un fil conducteur étant relié en permanence au système électronique de mesure. On s’assure préalablement de la continuité électrique avec la structure. S’il n’y a pas continuité, d’autres points de jonction sont effectués.

[Photo : Figure 2]
[Photo : Fig. 3 : Courbe des potentiels.]

Préparation de la surface du sol

Afin d’assurer un bon contact électrique entre le capteur et la surface de l’ouvrage, l'appareillage projette un filet d'eau dont le débit variable permet l’humidification du sol en avant du capteur ; l'usage d’agents mouillants améliore la qualité d’humidification de la surface. En période très sèche, une pré-humidification de la surface peut améliorer la qualité des contacts électriques capteur-structure.

Mise en œuvre du capteur mono-voie

Le capteur peut être déplacé à la surface de la canalisation soit à l'aide du chariot de mesure, soit seulement à l'aide du bras de support du capteur. La vitesse maximale d’enregistrement en mode mono-voie est de 36 km/h. Cette vitesse maximale d’enregistrement correspond aux spécifications limites de l’appareillage électronique. Les vitesses d'enregistrement opérationnelles varient fortement en fonction de la configuration de la structure, de ses difficultés d’accès et des conditions climatiques.

Exploitation des mesures

L’exploitation des mesures effectuées comprend au préalable l’interprétation des données recueillies, puis leur traitement.

Interprétation des données

L’opération sur le terrain étant terminée, les mesures réalisées se trouvent stockées sur disquettes. L’ensemble des analyses, correspondant à un certain nombre d’acquisitions, est regroupé dans un ordinateur central dans lequel se trouve le logiciel de traitement mis au point par nos soins.

La première phase de traitement consiste à visualiser les courbes de mesures obtenues. Les trois mesures réalisées sont, comme on l’a vu plus haut, enregistrées tous les 13 mm le long de la structure contrôlée. À cet effet, l'axe du capteur utilisé est solidaire de l’axe d'un codeur optique qui déclenche la prise de données. Le pas de mesure de 13 mm ainsi obtenu est fonction du diamètre du capteur et du nombre de divisions du codeur. Ces trois mesures sont effectuées dans les conditions suivantes :

• tension de surface (Vs) : cette tension mesure la différence de potentiel électrochimique existant entre la canalisation et une électrode de référence cuivre/sulfate de cuivre (Cu/So₄Cu) posée à la surface du sol ;

• tension de proximité (Vp) : la tension de proximité mesure la différence de potentiel que l’on constate entre une électrode de référence cuivre/sulfate de cuivre (Cu/So₄Cu) et une électrode métallique placée à proximité ; cette électrode métallique est reliée à la canalisation analysée et se trouve donc au même potentiel électrique ;

• impédance de transfert (RT) : elle est obtenue par l’injection dans l’infrastructure d’un courant alternatif d'une fréquence de 10 kHz ; cette mesure constitue l’élément essentiel entrant dans la quantification des phénomènes de corrosion. Il est évident que, pour une différence de potentiel de surface donnée, la vitesse de corrosion sera d’autant plus grande que l’impédance sera faible. La mesure d’impédance, effectuée dans notre cycle de mesure, renseigne de la corrosion, sur les risques à venir.

Pourquoi ces trois mesures ?

Comme il l’a été énoncé précédemment, les phénomènes de corrosion provoquent des situations d’entrée et de sortie de courant de l’infrastructure. Or, un courant se propageant dans une résistance (sol) engendre des gradients de potentiel tels que ceux représentés sur la figure 1.

Les deux mesures de différence de potentiel citées (tension de surface et tension de proximité) permettent de déterminer le sens de propagation des courants, la tension de proximité correspondant à une prise de donnée intermédiaire placée entre la canalisation et la surface du sol. Une tension de proximité plus négative que la tension de surface signifie ainsi une situation de « sortie de courant » et donc de corrosion. Ces deux données permettent de positionner avec précision la situation des points de corrosion (figure 3).

[Photo : Fig. 4 : Courbe de résistivité.]

La troisième mesure (impédance de transfert) est basée sur le calcul de la densité de courant électrique sortant, ce qui permet d’établir le rapport des différences de tension sur la résistivité. Cette valeur de résistivité est obtenue par calibration de la mesure d’impédance de transfert en des points significatifs (figure 4).

La classification des densités de courant (donc des situations de corrosion) qui est alors effectuée permet d’affecter à chaque point de mesure une valeur semi-quantitative du risque de corrosion (fort — moyen — faible).

Traitement des mesures

Le traitement des enregistrements permet d'obtenir courbes et tableaux de mesures. Les courbes de mesures sont un élément important car elles permettent de déterminer, de par les variations éventuelles de tension, la présence ou non de courants vagabonds extérieurs. Les tableaux de synthèse des opérations sont de deux types :

• Tableau de synthèse des emplacements testés (tableau I) : il indique, section de mesures par section de mesures, les longueurs totales en situation de corrosion classées en fortes, moyennes et faibles vitesses de corrosion ; de plus, il est fait état de la longueur totale analysée ainsi que du nombre d’acquisitions enregistrées.

• Tableau des taux de corrosion : il donne le détail des situations de corrosion avec l'expression d'un coefficient de corrosion (tableau II). Celui-ci correspond à une situation à l’instant « t ».

Une telle approche permet, dans un premier temps, de faire ressortir sur une infrastructure des situations de risques qui se traduisent inévitablement par des fuites, ce qui peut aider à la décision de remplacement ou non d'un réseau.

Pour être plus précis et pouvoir déterminer un état de vétusté, il est nécessaire de pratiquer des ouvertures en quelques points où sont apparus les coefficients de corrosion les plus importants. Des mesures d’épaisseur de métal sont réalisées dans ces secteurs et, en fonction des coefficients mesurés, il est possible de déterminer la durée de vie restante du réseau contrôlé.

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