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Désinfection par le chlore après filtration sur charbon actif à l'usine des eaux de Choisy Le Roi

30 avril 1986 Paru dans le N°100 à la page 25 ( mots)
Rédigé par : Sophie-de CONSTANTIN

L’évolution récente de l’usine de potabilisation d’eau de Seine de Choisy-le-Roi a amené l’introduction de plusieurs étapes dans la filière de traitement (figure 1), laquelle se termine maintenant par une ozonation et une filtration sur charbon actif en grains. La désinfection principale reste assurée grâce à une ozonation virulicide dont l’efficacité ne laisse qu’une faible probabilité de retrouver des germes pathogènes à l’aval des filtres à charbon actif. Néanmoins, le développement de bactéries spécifiques, au sein de ces filtres à charbon (1) et leur relargage (2, 3) nécessitent la mise en œuvre d’une désinfection finale au chlore. Plusieurs études, au plan de l’hydraulique, des saveurs, etc., ont été conduites pour définir cette chloration. En ce qui concerne le taux de désinfectant, un pilote simulant la future filière biologique de Choisy-le-Roi a été construit dans le but de faire des essais spécifiques (4) avec un double objectif :

  • — préciser la dose de chlore total à introduire (CTI) en fonction de la qualité physico-chimique de l’eau à traiter ;
  • — déterminer le chlore libre résiduel (CLR) à maintenir en sortie des bassins d’effacement pour obtenir une désinfection maximale et prévenir une reviviscence des germes dans le réseau de distribution.

Nous examinerons ci-après les résultats obtenus avec ce pilote.

[Photo : Représentation schématique de l’ancienne (1) et de la nouvelle filière (2) de traitement d’eau de Choisy-le-Roi.]

QUALITÉ DE L’EAU FILTRÉE SUR CHARBON ET CONSOMMATION EN CHLORE

Données de base

Les paramètres physico-chimiques indiqués ci-dessous et pouvant interférer sur l’action du chlore ont été analysés systématiquement pendant une année :

  • — les composés organiques :
    • @ carbone organique total (COT) ;
    • @ matières organiques par l’oxydabilité au permanganate ;
    • @ matières organiques par l’absorption aux rayons ultraviolets (254 nm) ;
  • — le pH du milieu ;
  • — la température ;
  • — la turbidité ;
  • — le nombre de particules supérieures à 1 µm ;
  • — l’ion ammonium.

Exploitation statistique des résultats

L’interprétation des résultats a été réalisée statistiquement à partir d’une série de mesures couvrant un cycle climatique complet (155 journées d’essais). La recherche d’une corrélation entre le CLR et le CTI a permis de montrer que la concentration en CLR est liée de façon linéaire à la quantité de CTI : CLR = 0,71 CTI.

[Photo : Consommation en chlore de l’eau filtrée sur CAG. Influence de la température.]

L’utilisation d’une régression linéaire multiple pas à pas a permis de sélectionner les variables les plus explicatives de la consommation de chlore. Ces paramètres sont la température, le pH et le COT.

Consommation en chlore de l’eau filtrée sur CAG

L’étude de la consommation de chlore (CTI-CLR) par l’eau filtrée sur charbon actif a été réalisée en périodes froide et chaude (figure 2) en faisant varier le taux de chloration (figure 3). L’opération est rapide : en deux heures, l’eau absorbe environ 40 % du volume de chlore utilisé en une trentaine d’heures. En période chaude, on constate que l’eau filtrée sur charbon consomme davantage qu’en période froide ; cette consommation dépend sensiblement de la dose de CTI (figure 3).

[Photo : Fig. 3. – Consommation en chlore de l’eau filtrée sur CAG. Influence du taux de chloration.]

Présence d’ammoniaque dans l’eau filtrée sur charbon

Les concentrations en ammoniaque [NH₄⁺] relevées au cours de l’année d’étude étaient situées dans 96 % des cas sous la limite du seuil de détection, ce qui démontre bien l’efficacité de la nitrification biologique dans les filtres à sable. Ce paramètre n’a donc pu être pris en compte dans le traitement informatique. La consommation en chlore de l’eau filtrée sur CAG a été étudiée séparément pour différentes concentrations d’ammoniaque (de 0,1 mg/l à 1 mg/l). La droite représentant la consommation en chlore en fonction de la concentration en NH₄⁺ (figure 4) a une pente calculée de 7,5 ; donc, si accidentellement, il y a présence d’ammoniaque dans l’eau filtrée, il faut chlorer avec un ratio de 7,5, pour obtenir du chlore libre.

[Photo : Fig. 4. – Chlore consommé en fonction de la concentration en NH₄⁺.]

Conclusion

En résumé, d’après les résultats brièvement exposés ci-dessus, on a pu constater que la dose de chlore à introduire peut s’exprimer de la façon suivante :

CTI = CLR (COT, pH, t) + 7,5 [NH₄⁺]

Cette relation obtenue par traitement statistique est issue de mesures réalisées sur pilote. Il est nécessaire de caler les résultats à l’échelle de l’usine. De plus, les relations exprimées ci-dessus sont volontairement simplifiées, les liaisons entre les différents paramètres étant plus complexes. À cette valeur de chlore total ainsi exprimée, il faut ajouter le résiduel de chlore bactéricide.

DÉTERMINATION DU TAUX DE CHLORE LIBRE RÉSIDUEL BACTÉRICIDE

Matériel et méthode

Les analyses bactériologiques ont été réalisées sur des prélèvements variant de 1 litre à 10 litres, suivant le degré de contamination des eaux étudiées. Un appareil de stérilisation Millipore a été utilisé pour filtrer ces gros volumes. Les membranes filtrantes de 142 mm de diamètre et de porosité 0,22 étaient ensuite incubées sur gélose nutritive à 37 °C pendant 24 heures et à 20 °C pendant 72 heures avant dénombrement des colonies.

Influence de la concentration initiale en germes

Les analyses bactériologiques ont été réalisées avant (volume prélevé 1 l) et après chloration (volumes prélevés 5 l et 10 l). La figure 5, prise à titre d’exemple, permet de voir entre le mois de juin et le mois d’octobre une augmentation du nombre de germes aussi bien dans l’eau non chlorée que dans l’eau chlorée. Le nombre de germes existant après chloration dépend donc étroitement de la concentration bactérienne initiale. Cette relation peut trouver une explication dans le fait que plus une suspension bactérienne est dense, plus la proba-

[Photo : Fig. 5. – Répartition sur l’année de la qualité bactériologique (germes totaux 37 °C) de l’eau filtrée sur CAG avant et après chloration.]
[Photo : A 0,3 mg/l Cl₂ — 0,8 mg/l Cl₂ — 0,1 mg/l Cl₂. Numération des germes totaux (20 °C) en fonction du temps de contact avec le chlore.]

La probabilité de constitution d'agrégats bactériens est élevée : on conçoit aisément qu'une bactérie située au cœur de l'agrégat résiste à l'action du chlore.

Influence du temps de contact

La cinétique de la chloration a été étudiée en procédant à des numérations bactériennes dans l'eau chlorée après cinq temps de contact (5 mn, 15 mn, 30 mn, 60 mn, 2 heures) au cours d'une même expérimentation. Ces expériences ont été réalisées sur de l'eau peu chargée en germes (eau filtrée sur charbon actif) et sur de l'eau riche en germes (eau filtrée sur CAG ensemencé d'eau de Seine à raison de 1 mg/l). Différents taux de chlore ont été testés (figure 6 à titre d'exemple). L'abattement s’observe dans les cinq premières minutes, quels que soient le taux de chlore et la concentration initiale en germes ; ensuite, entre cinq minutes et deux heures, il reste sensiblement au même niveau.

Les mêmes expérimentations ont été répétées en bloquant l'action du chlore avec du thiosulfate à cinq minutes ; les résultats obtenus sont comparables. Le chlore agit donc de façon irréversible dès son introduction dans l'eau. Cette observation, faite à partir de petits volumes d'eau traitée, permettant un mélange instantané du chlore après agitation du flacon, montre que le principal facteur limitant est le temps nécessaire pour que s'établisse la concentration de chlore homogène dans la totalité du volume d'eau à traiter.

Influence du taux de chloration

Au cours de l'étude réalisée sur un an, plusieurs CTI ont été testés, les CLR au temps t étant systématiquement mesurés, mais il est apparu difficile de comparer l'action bactéricide des différents CLR, les caractéristiques bactériologiques de l'eau étant variables aussi bien des points de vue quantitatif que qualitatif. C’est pourquoi on a étudié l'action bactéricide de plusieurs taux de chlore appliqués sur une même eau, le temps de chloration choisi étant de 30 minutes. Les résultats montrent une décroissance du nombre de germes pour les taux de chlore variant de 0,1 mg/l à 0,4 mg/l. Par contre, pour les taux supérieurs à 0,5 mg/l, il existe un plateau (figure 7). En conclusion, cette série d’expériences montre que le CTI, et non le CLR, est le paramètre le plus important puisque l'action bactéricide du chlore s'exerce dès son introduction dans l'eau.

Conclusion

L’action du chlore est bactéricide dans les premières minutes de son introduction dans l’eau, constatation déjà faite sur cultures d'Escherichia coli (5).

L’action bactéricide du chlore est fonction de la concentration bactérienne initiale ; elle est peut-être limitée par la présence d’agrégats bactériens aux fortes concentrations.

Le CLI, et non le CLR, est le paramètre le plus important à considérer pour une désinfection de l’eau par le chlore.

[Photo : Numération des germes totaux (37 °C) en fonction du résiduel de chlore libre à différents taux de chloration.]

Conclusion générale

L'ensemble de ces expériences a permis de définir une automatisation de la chloration de désinfection, laquelle est actuellement en service dans la filière de l'usine où elle modélise en temps réel la demande en chlore et calcule le complément à ajouter pour obtenir au niveau du chlore total introduit la marge de sécurité bactéricide ci-dessus évoquée.

Un autre dispositif d’alerte à partir d'un analyseur de chlore en sortie des réservoirs garantit la permanence de l’application de ces principes.

Bibliographie

1. BOURBIGOT M.M. (1981) – Filtration biologique sur charbon actif utilisé en second étage de traitement. Étude en station pilote. Tribune du Cebedeau, n° 447, pp. 131-148.

2. Mac ELANEY J., Mac KEON W.R. (1978). Enumeration and edification of bacteria in granular activated columns. Proc. A.W.W.A., 6th Ann. Water Quality Technology Conference, Louisville, Dec. 3-6.

3. WERNER P. (1982). La microbiologie de la filtration sur charbon actif dans la préparation d’eau potable. Journées Information Eaux, Poitiers.

4. De CONSTANTIN S. (1984). Mise en œuvre des réactifs en fin de filière d'eau potable à Choisy-le-Roi. Thèse de Doctorat de 3e cycle, Université Paris VI.

5. GREEN D.E., STUMPF P.K. (1946). The mode of action of chlorine. J.A.W.W.A., vol. 38, n° 11, pp. 1301-1303.

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