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Désinfection des eaux résiduaires urbaines par les ultraviolets

30 juillet 1993 Paru dans le N°165 à la page 55 ( mots)

La désinfection des eaux résiduaires urbaines par les ultraviolets est promise à un bel avenir. La technologie utilisée en eau potable n'étant pas adaptée, le concept du chenal ouvert associé à des lampes horizontales basse pression placées dans le sens du flux s'impose comme la solution technique à retenir.

La désinfection des eaux usées est de plus en plus pratiquée, essentiellement pour protéger les zones de baignade, de loisir et de conchyliculture, ainsi que pour réutiliser les effluents ainsi traités pour l'irrigation. De manière plus générale, la désinfection des eaux usées participe à la protection du milieu naturel récepteur vis-à-vis des pollutions microbiologiques d'origine fécale ; certains pays ont d’ailleurs adopté des normes microbiologiques de rejet d’effluents (USA, Japon...).

Dans ce cadre, la désinfection des eaux usées par les ultraviolets connaît un essor considérable depuis un peu plus de dix ans, essor qui est essentiellement provoqué par des progrès technologiques importants.

Le procédé en lui-même présente des avantages très nets par rapport aux procédés concurrents (désinfection au chlore, aux dérivés chlorés et autres oxydants) puisqu’en matière de désinfection UV aucun réactif chimique n’est manipulé ni dosé. Sans entrer dans les détails de la comparaison, rappelons brièvement les principaux avantages de ce système :

  • suppression du dosage de produits chimiques ;
  • absence de sous-produits toxiques ;
  • ni manipulation ni stockage de produit dangereux ;
  • temps de contact très court (5 à 15 secondes contre 30 minutes pour le chlore) ;
  • emprise au sol et génie civil négligeables ;
  • action virulicide plus efficace que celle apportée par le chlore, etc.

La désinfection UV est également très concurrentielle vis-à-vis de procédés rustiques tels que le lagunage (meilleure efficacité, meilleur contrôle du procédé, emprise au sol faible, etc.).

L'objectif de cet article est de faire le point sur l’évolution technologique qu’a connue le procédé d’irradiation par ultraviolets, depuis les premières applications en eau potable jusqu’aux développements récents spécifiques aux eaux usées.

De l'eau potable aux eaux usées

L'application des propriétés germicides des rayons ultraviolets est utilisée dans de multiples domaines : désinfection de l’air, du matériel de laboratoire, des aliments, etc., et de l’eau potable. Les ultraviolets font figure de bonne alternative au chlore puisqu’ils n’engendrent pas de sous-produits et n'entraînent donc pas de problèmes de goûts ni d’odeurs. De plus, ils ne nécessitent pas de dosage particulier, le seul paramètre à prendre en compte pour le dimensionnement des équipements étant le pourcentage de transmission de l’eau (pas d'incidence de la température ni des matières organiques). En contrepartie, la désinfection par ultraviolets ne permet pas de disposer d’un effet rémanent dans le réseau.

Les premières applications au traitement de l’eau potable ont été réalisées en montagne, dans de petites adductions et sur des eaux caractérisées par de très belles qualités optiques. À cette époque (1940-1950) on disposait déjà de lampes UV à haut rendement énergétique (à vapeur de mercure basse pression) et l'on commençait à s'intéresser au procédé en tentant de cerner les paramètres importants pour la maîtrise de la désinfection : la transmission à 254 nm, la turbidité de l’eau, le temps

de contact et l’épaisseur de la lame d’eau dans le réacteur.

À partir de là, la validité du rayonnement UV en tant qu’agent désinfectant ne sera plus remise en cause. La technologie, elle, évoluera avec succès dans le secteur de la désinfection des eaux potables. Elle connaîtra ensuite quelques déboires vers la fin des années 1970 et le début de 1980, lorsqu’on tentera le passage des eaux potables aux eaux usées sans remettre en question les bases technologiques. C'est après plusieurs échecs de cette transposition que germa l’idée d’un développement technologique spécifique aux eaux usées (effluents domestiques épurés).

[Photo : Frankenmuth (Michigan) — 12 000 m³/jour.]

Équipements de désinfection des eaux potables par ultraviolets

Les équipements de désinfection UV utilisés dans le traitement de l’eau potable sont de manière générale des réacteurs cylindriques fermés, en acier inoxydable, renfermant une ou plusieurs lampes UV, chaque lampe étant protégée par une gaine de quartz. Ces réacteurs sont généralement raccordés, en série ou en dérivation, sur la conduite de refoulement.

Les eaux potables ne contiennent pas, ou peu, de matières en suspension, et renferment peu de matières organiques. Elles présentent habituellement des taux de transmission UV supérieurs à 90 % atteignant même 99 %. La transmission des rayons UV dans l'eau se faisant aisément, la lame d’eau peut être importante (10 cm) sans que le traitement en pâtisse. L’encrassement des gaines de quartz est très lent dans le cas de lampes classiques (lampes à vapeur de mercure basse pression — haut rendement germicide) mais il est plus rapide sur les lampes à vapeur de mercure à moyenne ou haute pression (faible rendement germicide). En effet, l’élévation de la température de la lampe (600 à 900 °C) entraîne la précipitation du carbonate de calcium, et nécessite un nettoyage fréquent (au minimum une fois par heure), le plus souvent par raclage.

Inadaptation des équipements « UV-eau potable » aux eaux usées

Les eaux usées (sortie de stations d’épuration) ne sont en rien comparables aux eaux potables, et ce pour plusieurs raisons :

[Photo : Warminster (Pennsylvanie) — 60 000 m³/jour.]
  • – Le pourcentage de transmission des effluents de stations d’épuration varie de 30 à 70 % (aux USA la valeur de 65 % est souvent retenue comme critère de dimensionnement). Néanmoins, pour des effluents français, ces taux sont plus proches de 50 % voire de 40 % ;
  • – Les eaux usées épurées contiennent des particules en suspension en quantité non négligeable, des matières colloïdales, des substances dissoutes qui vont continuellement encrasser les gaines de quartz et ainsi diminuer la dose UV générée ;
  • – La charge microbiologique d’un effluent épuré est considérable (de 10⁶ à 10⁸ coliformes fécaux pour 100 ml), contrairement à une eau potable où la présence de micro-organismes est généralement accidentelle.

Ces trois différences fondamentales entre une eau potable et une eau usée ont été la cause de multiples problèmes rencontrés à l'époque des premières applications de la désinfection UV aux eaux usées :

  • – Le niveau de transmission du fluide étant nettement plus faible, les épaisseurs de lames d'eau pratiquées dans le traitement de l’eau potable étaient bien trop épaisses pour être appliquées sur des eaux usées (les zones les plus éloignées des lampes n’étant plus assez irradiées) ;
  • – Alors que l’encrassement des gaines de quartz passait inaperçu jusqu’alors, il devenait une composante essentielle de la gestion de l’exploitation en eau usée (le nettoyage des gaines de quartz est nécessaire toutes les 3 à 4 semaines) ;
  • – Enfin, les différences de qualité (pourcentage de transmission, matières en suspension, bactériologie...) entre les eaux usées et les eaux potables ont révélé l’importance de l’hydraulique au sein des réacteurs UV, et plus spécialement au niveau de la zone irradiée : en voulant désinfecter des eaux usées au moyen d’équipements conçus pour traiter des eaux potables on a supposé qu'il suffisait d’augmenter le temps de contact pour compenser la faible transmission du fluide ; on s’est alors aperçu que la distribution des temps de séjour n’était plus idéale, qu’il pouvait se produire des courts-circuits hydrauliques et des zones mortes dans ce type de réacteur. Pour parer à ces inconvénients, les constructeurs ont installé dans leurs réacteurs fermés des déflecteurs permettant d’homogénéiser la circulation de l'eau au voisinage des lampes. Hélas, si cette modification était bénéfique dans le cas des eaux potables, elle présentait de nombreuses contre-indications dans celui des eaux usées : augmentation des pertes de charges, encrassement plus important et plus rapide du système, accessibilité aux lampes réduite, etc.

Une technologie spécifique aux eaux usées

Les expérimentations effectuées sur le terrain ont vite permis de mettre en évidence les défauts des premiers équipements utilisés, et ainsi de mieux comprendre les principes de fonctionnement du procédé.

Deux types de réacteurs ont été testés à cet effet : les réacteurs fermés (dont on a déjà parlé et qui ont à l’origine été utilisés pour les eaux potables) et les chenaux ouverts, qui ont succédé aux précédents.

L’adéquation des systèmesde désinfection UVen chenaux ouvertsaux eaux usées

Les chenaux ouverts présentent presque toujours les caractéristiques suivantes :

  • — un ou plusieurs chenaux mis en parallèle,
  • — un ensemble de modules de lampes immergées venant s’y insérer exactement,
  • — une géométrie modulaire standardisée (lame d’eau d’environ 2,5 cm) assurant une intensité UV optimale dans le réacteur,
  • — un rayonnement UV généré par des lampes à vapeur de mercure basse pression à haut rendement germicide.

Quel que soit le procédé utilisé, l’écoulement d’un fluide dans un réacteur de désinfection doit être optimisé, proche d’un écoulement de type « flux piston ».

L’écoulement en chenal ouvert permet, selon certains critères de dimensionnement normalisés, d’obtenir un tel profil hydraulique et de supprimer les zones mortes et les courts-circuits hydrauliques qui sont fréquents en réacteurs fermés ; ces deux phénomènes sont une cause importante de dysfonctionnement des équipements de désinfection, puisqu’ils engendrent des temps de séjour insuffisants de tout ou partie du débit traité (si l’on ne désinfecte que 99 % du débit on ne pourra pas abattre plus de deux unités logarithmiques de coliformes).

Les lampes UV rencontrées sur le marché sont de deux types : moyenne/haute pression ou basse pression de vapeur de mercure. Si les premières sont applicables en eau potable, elles présentent de nombreux inconvénients lorsqu’elles sont utilisées avec les eaux résiduaires urbaines : température très importante générée par la lampe, qui favorise l’adhérence des MES et la précipitation du CaCO₃, spectre d’émission UV très large non sélectif générant une consommation électrique plus importante, nettoyage plus délicat du fait de l’adhérence associée à la température, etc.

Les lampes à basse pression de vapeur de mercure sont préférables à celles dites à moyenne ou haute pression, en premier lieu pour leur meilleur rendement germicide : 35 à 40 % de l’énergie consommée est en effet transférée en énergie UV à 254 nm pour les unes, alors que le rendement atteint seulement 7 à 8 % pour les autres. D’autre part la faible température générée (environ 60 °C) n’est pas pénalisante vis-à-vis de leur encrassement.

Enfin, les coûts d’exploitation des systèmes basse pression (engendrés à 80 % par la consommation électrique et le remplacement périodique des lampes) sont toujours inférieurs aux systèmes haute pression (ordre de grandeur : de 3 à 5 centimes par mètre cube traité), dus à une plus faible consommation électrique et à une plus longue durée de vie.

La conception modulaire des systèmes à chenaux ouverts permet d’une part de disposer d’une certaine évolutivité au niveau d’une installation donnée, et d’autre part de bénéficier d’une souplesse considérable au niveau de l’exploitation et de la maintenance des équipements. Il est en effet plus que souhaitable de pouvoir intervenir facilement et rapidement sur un module (sans aucun démontage) pour son nettoyage par exemple, sans devoir arrêter le fonctionnement de l’installation.

La géométrie des modules est basée sur une disposition horizontale ou verticale des lampes dans le chenal — on verra plus loin les conséquences de l’une ou l’autre disposition — et sur une équidistance des lampes (entraxe 7,6 cm).

L’accessibilité aux lampes est un critère essentiel dans le choix d’un système de désinfection des eaux usées par ultraviolets car la meilleure méthode de nettoyage reste le nettoyage par trempage dans une solution acide (avec brassage). Il s’agit donc de pouvoir transférer simplement les modules d’un chenal au bac de lavage contenant la solution de nettoyage (manuellement ou par pont roulant). En effet, les systèmes de nettoyage par racleur se sont toujours révélés insuffisants dans le cas des eaux usées, et sont toujours complétés par un nettoyage chimique. Le raclage contribue en fait au vieillissement prématuré des gaines de quartz en rayant leur surface. Le racleur est par ailleurs la seule pièce en mouvement dans un système général qui est, lui, complètement statique. Il peut, certes, être automatisé, mais il demande alors un surcoût d’investissement et une maintenance importante. Le nettoyage par ultrasons a également été testé sans succès : les ultrasons n’agissent pas efficacement sur le décollage des dépôts, mais par contre permettent de les limiter lorsqu’ils sont utilisés de manière continue ; naturellement, le coût énergétique est alors prohibitif.

L’intérêt des systèmes à lampes horizontales, disposées dans le sens du flux

Cette disposition est particulièrement avantageuse :

  • * les lampes ainsi placées ne créent que des pertes de charge négligeables, comparativement à celles engendrées par d’autres agencements géométriques ; il faut en effet éviter que des pertes de charge importantes n’induisent une dénivelée du plan d’eau le long du chenal, provoquant alors l’élévation du niveau de l’eau au début du chenal (lame d’eau superficielle non irradiée) et un niveau d’eau trop bas en fin de chenal, dénoyant les lampes supérieures (dégradation des lampes par surchauffe, encrassement accéléré sur la gaine de quartz à l’interface eau-air, …) ;
  • * une disposition des lampes parallèles au flux permet d’éviter des zones d’encrassement préférentiel : en effet, un faisceau de lampes perpendiculaire au sens de l’écoulement s’encrasse plus vite sur la zone « amont » des lampes, par effet de collage des particules et des colloïdes ;
  • * les modules de lampes horizontales (de 2 à 8 lampes, poids max. 16 kg) sont toujours maniables par un seul homme, à tout moment, sans interruption du fonctionnement de l’installation.

Conclusion

La désinfection des eaux usées par ultraviolets est réalisable au moindre coût (le coût d’exploitation ne dépasse pas 3 à 5 centimes au mètre cube traité) grâce à l’évolution technologique de ces dix dernières années qui a vu l’avènement des systèmes d’irradiation en chenaux ouverts.

Ces systèmes ouverts permettent un accès direct et immédiat aux lampes, ce qui est nécessaire à la maintenance des équipements lorsque l’on traite des eaux usées.

La conception la plus avancée est le chenal ouvert à lampes immergées disposées horizontalement dans le sens de l’écoulement ; ce système allie des conditions hydrauliques optimales aux meilleures possibilités d’accessibilité.

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