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Désinfection des eaux résiduaires urbaines par chloration...

30 octobre 1992 Paru dans le N°158 à la page 81 ( mots)
Rédigé par : Marie-christine HUAU, Frédérique COMES et Patrice KLONINGER

L'utilité d'une désinfection d'effluents secondaires est double : protéger un milieu récepteur sensible (zones de baignade ou de conchyliculture) et permettre la réutilisation des eaux usées épurées.

Les stations d’épuration classiques ne sont pas conçues délibérément pour assurer l'élimination de la pollution par micro-organismes ; l'eau d’une station d’épuration est contaminée par une pollution bactériologique de l’ordre de 10 000 000 germes pour 100 ml, et les germes témoins de contamination fécale subissent au cours des traitements suivant les filières classiques (au niveau secondaire) des abattements de 1 à 2 U.log/100 ml sur des concentrations moyennes en micro-organismes dans les effluents bruts, qui sont de l'ordre de 10⁷ à 10⁸/100 ml coliformes totaux, 10⁶ à 10⁷/100 ml streptocoques fécaux et 10⁵ à 10⁶/100 ml coliformes fécaux.

Seul donc, un traitement tertiaire de désinfection permet l’obtention d’une eau épurée avec une concentration inférieure à 1 000 coliformes fécaux/100 ml pour un usage non limitatif des eaux usées traitées, ce qui correspond à un taux d’abattement de 3 à 4 U.log/100 ml.

Cet article propose de faire le point sur l'efficacité des techniques de désinfection au rayonnement ultraviolet et au chlore pour mieux en évaluer les avantages et inconvénients, au moyen d’une étude de cas appliquée à la station d’épuration de Canet-en-Roussillon dans le département des Pyrénées-Orientales, en amont d’une zone de baignade située sur la côte de la Méditerranée occidentale.

La station d’épuration de Canet-en-Roussillon

Située dans une zone touristique balnéaire à double régime (été et hiver), la station d’épuration des eaux usées urbaines de Canet-en-Roussillon fonctionne en deux filières de traitement parallèles schématisées sur la figure 1.

La première filière est biologique et traite en boues activées les eaux usées du régime hivernal, soit 15 000 éq. habitants.

La deuxième filière, du type physico-chimique, traite en flottation l’accroissement de la quantité d’eaux usées générées par la population estivale, soit 45 000 éq. habitants. La capacité globale de la station en haute saison est donc égale à 60 000 éq. habitants.

C’est au cours de cette période estivale où le milieu naturel récepteur est fragilisé et dégradé au niveau bactériologique par l’apport des effluents rejetés que nous avons procédé aux études de désinfection. Les caractéristiques des eaux à désinfecter, épurées au niveau secondaire, sont présentées dans le tableau 1 pour les deux filières de traitement.

La désinfection chimique au chlore

Depuis 1990, la station d’épuration est équipée d’une désinfection finale chimique au chlore, utilisé sous la forme d’hypochlorite de sodium.

L’ouvrage principal de désinfection chimique est un chenal de contact qui reçoit les eaux mélangées épurées au niveau secondaire des deux filières de traitement. Ce chenal permet au désinfectant d’agir durant un temps minimal de 30 minutes au débit maximal.

L'injection de chlore se fait à l’entrée de ce bassin, juste après les canaux de comptage de chacune des deux filières. La régulation de l'injection est asservie à deux paramètres qui sont le débit et la demande en chlore théorique de chacune des deux filières. Enfin, une déchloration est effectuée au bisulfite de sodium pour éliminer le résiduel de chlore.

Les résultats bruts de la désinfection chimique à la sortie de la station figurent au tableau II. On y voit que pour des doses injectées en hypochlorite de sodium de 20 à 35 g/m³, les taux d’abattement mesurés sont supérieurs à 4 U.log/100 ml en coliformes fécaux et supérieurs à 3 U.log/100 ml en streptocoques fécaux.

Vis-à-vis de l'objectif d’abattement que permet d’atteindre une désinfection, il est clair que la technique au chlore est efficace et permet de satisfaire aux normes requises pour un usage non limitatif des eaux usées désinfectées en sortie de station. Cependant, la désinfection au chlore présente des limites dans son application en fonction des conditions environnantes du milieu, du fait en particulier des phénomènes de reviviscence observés après la chloration et de ce que l’action germicide du chlore sur les bactéries est peu efficace à l'égard des virus et protozoaires. Un tel facteur peut devenir limitatif lorsque la sensibilité du milieu récepteur nécessite une action bactéricide et virucide efficace de la désinfection, ce qui montre alors l’intérêt de l’utilisation de la technique du rayonnement ultraviolet.

Dans le double objectif de comparer les performances des techniques d'utilisation des ultraviolets et du chlore et de mieux cerner la technique de la désinfection aux ultraviolets, nous avons procédé au cours de l’été 1991 à la mise en œuvre sur la station de deux pilotes ultraviolets.

Tableau I

Caractéristiques des eaux à désinfecter

CritèresFilière biologiqueFilière physico-chimique
DCO [mg/l]60 à 100100 à 200
MES [mg/l]10 à 4010 à 30
TURB. [FTU]30 à 5030 à 60
CF*/100 ml10⁵10⁵
CT**/100 ml10⁶10⁶
SF***/100 ml10⁵10⁵

* CF : Coliformes fécaux.

** CT : Coliformes totaux.

*** SF : Streptocoques fécaux.

[Photo : Schéma de la filière de traitement par désinfection chimique]

Les essais-pilotes de la désinfection aux ultraviolets

La technique des générateurs à ultraviolets est du ressort de quelques sociétés internationales spécialisées. Plusieurs types existant sur le marché, deux pilotes comportant des générateurs de types différents ont été testés à la station de Canet, afin de cerner les paramètres à prendre en compte dans l'utilisation d’une désinfection aux ultraviolets, en fonction des critères retenus pour l’obtention des meilleures conditions d’exploitation et des objectifs de rendements fixés.

Rappel du principe de la désinfection aux ultraviolets

La désinfection par ultraviolets est réalisée par la mise en place de lampes à mercure à une certaine pression qui génèrent une quantité d’énergie ainsi qu’un rayonnement de longueur d’onde proche de 254 nm. Ces rayons détériorent la molécule d’ADN, perturbant ainsi sa reproduction et entraînant la diminution du pouvoir infectieux ; leur pouvoir bactéricide et virucide est ainsi très efficace.

Les pilotes aux ultraviolets de la station d’épuration de Canet

Les caractéristiques principales des deux pilotes mis en œuvre à la station d’épuration de Canet sont décrites au tableau III. L’effluent sortant du traitement secondaire de chacune des deux filières de traitement est pompé et envoyé directement à l’entrée des deux unités-pilotes. Les deux dispositifs ont donc été testés sur le même site avec la même nature d’eau à désinfecter et dans les mêmes conditions d’exploitation.

Les résultats des essais-pilotes

Le tableau IV regroupe les résultats bruts obtenus sur les effluents désinfectés en présentant les taux d’abattement des germes-tests sur les deux filières de traitement et sur les deux types de générateurs à ultraviolets. Globalement, les taux d’abattements mesurés satisfont à l’objectif de désinfection fixé en sortie de station à des valeurs de 3 à 4 U.log/100 ml permettant l'accès à un usage non limitatif des eaux usées désinfectées.

Si l'on compare les résultats obtenus sur l'élimination des micro-organismes pour chaque type de générateur, ils apparaissent homogènes et présentent par rapport à la technique de désinfection chimique au chlore des abattements similaires. Toutefois, il est à noter sur la filière biologique la performance supérieure du pilote n° 1 par rapport au pilote n° 2, avec un abattement plus poussé de 1 U.log/100 ml pour les streptocoques fécaux ; l'interprétation de ces résultats doit rester prudente du fait que les deux pilotes ne traitent pas les mêmes débits. En revanche, si l'on regarde le rendement des lampes de chaque pilote (correspondant au rapport entre la puissance germicide et la puissance électrique), on constate qu'il atteint 12,9 % et 34,7 % pour des puissances électriques de 50 W et 95 W et des longueurs de lampes de 352 mm et 480 mm. Il apparaît donc que le type de lampe utilisé (avec son champ de rayonnement propre) est un facteur qui influence les performances du traitement et de l’exploitation.

Regardons ce qui se passe lorsque l’on fixe des critères communs des débits à traiter et de rendement des lampes pour un même taux d’abattement en micro-organismes : le tableau V met en évidence l’incidence de ce calcul, à la fois sur les surfaces nécessaires (en rayonnement) pour satisfaire aux critères définis et sur la quantité d’énergie consommée à l’heure. Ainsi, pour un rendement des lampes atteignant 30 à 35 %, le rapport entre les deux types de générateurs s’établit comme suit :

  • 1 à 4 pour les surfaces d’émissions,
  • 1 à 3 pour la longueur des lampes,
  • 1 à 5 pour le temps de rétention,
  • 1 à 2 pour la quantité d’énergie consommée à l’heure.

Tableau II

Résultats sur la désinfection chimique (année 1991)

Débit des eaux traitées Dose de NaClO injectée g/m³ Concentration en DCO (mg/l) Abattement (Unités log.)
m³/j % Biologique % Physico Biologique Physico Coli. fécaux Strepto. féc.
4640455524,1080200> 4> 3
4680435717,2060135> 4> 3
4290455575> 4> 3
4360455537,685854> 3
4470425830,9100160> 4> 3
5760415948,9*40> 4> 3
5040415931,01604> 3
6010287231,4145255> 4> 3
6390287238,00225> 4> 3
7040287215,0020032
7560267436,0045> 43
7900267419,70100> 4> 3
6480277318,40175> 4> 3
8260208022,0060> 4> 3
8490257522,40180> 4> 3
8410257519,30> 43
8400267421,30> 4> 3
8610267423,0070> 4> 3
8530267432,21653> 3
8100148622,1090> 4> 3

* Problèmes électromécaniques sur les pompes doseuses.

Tableau IV

Résultats de la désinfection aux ultraviolets

Données en taux d’abattements (en unité log.) de la contamination microbienne

Paramètres contrôlés Pilote n° 1 Pilote n° 2
Filière biologique Filière physicochimique Essai 25 lampes Essai 18 lampes
mini maxi mini maxi mini maxi mini maxi
Streptocoques fécaux34232323
Coliformes totaux34343424
Coliformes fécaux34343434

* Les valeurs minimales et maximales correspondent aux valeurs extrêmes mesurées sur l’ensemble des échantillons prélevés.

Avec de tels résultats, il est clair que le choix du générateur à ultraviolets (et donc du type de lampes) est un critère qu’il s’agit de bien évaluer en fonction des contraintes d’exploitation, de la qualité de l’eau, plus ou moins turbide, colorée ou chargée en matières organiques ou en suspension et, bien sûr, en fonction de l’abattement recherché.

Conclusion

À l’issue de cette étude, deux constatations apparaissent au sujet de la technique aux ultraviolets pour le traitement final d’eaux usées urbaines.

Tableau III

Caractéristiques des pilotes aux ultraviolets

ÉlémentsPilote N° 1Pilote N° 2
Débit d'eau à traiter6 m³/h.B – 2 m³/h.P*100 m³/h
Nombre de lampes825
Longueur d’une lampe352 mm480 mm
Surface d’une lampe165,80 cm²355,20 cm²
Surface totale1 326 cm²8 880 cm²
Nombre de Watts électriques par lampe50 W95 W
Nombre de Watts UV par lampe6,44 W33 W
Rendement12,9 %34,7 %
Quantité d’UV émis51,52 W825 W
Quantité d’énergie consommée/heure400 W2 375 W
Temps de rétention7 à 10 secondes2 à 3 secondes

*B : biologique ; P : physicochimique.

Tableau V

Caractéristiques des deux générateurs UV traitant un débit d’eau similaire et avec un rendement des lampes de 30 à 35 %

ÉlémentsPilote N° 1Pilote N° 2
Débit d’eau à traiter125 m³/h100 m³/h
Nombre de modules147
Nombre de lampes5625
Longueur d'une lampe1 473 mm480 mm
Surface d'une lampe693,78 cm²355,20 cm²
Surface totale38 851 cm²8 880 cm²
Nombre de Watts électriques par lampe80,22 W95 W
Nombre de Watts UV par lampe26,7 W33 W
Rendement33,3 %34,7 %
Quantité d'UV émis1 495,2 W825 W
Quantité d’énergie consommée/heure4 492,32 W2 375 W
Temps de rétention13,22 secondes2 à 3 secondes

Critères : Niveau e (55 %) — Abattement : > 3 U LOG.

Premièrement, les techniques de désinfection au chlore et aux ultraviolets sur des eaux usées ont sensiblement la même efficacité d’abattement de la flore bactérienne, avec cependant un pouvoir bactéricide et virucide à l’avantage des ultraviolets. Cette technique permet de limiter ainsi le risque de toxicité microbienne et de contribuer à la restauration de la qualité des zones aquatiques sensibles (telles les aires de baignade ou conchylicoles).

La deuxième constatation est la recommandation que l’on peut faire de procéder à des essais-pilotes sur site avant de passer à l’échelle de la station en raison de l’existence sur le marché de plusieurs types de générateurs à rayonnement ultraviolet qui présentent chacun avantages et inconvénients en fonction du type de lampe et des conditions d’exploitation rencontrées.

La désinfection aux ultraviolets (issue des procédés de traitement d’eau potable) est en outre une technique simple et efficace, qui trouve sa place dans la chaîne de traitement des eaux usées et qui mérite d’être utilisée dans un grand nombre de situations.

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