Les résultats présentés dans cet article montrent l'efficacité de la désinfection par rayonnement ultraviolet des eaux de rejet industrielles. Le système décrit, déjà opérationnel, présente de nombreux avantages, dont une très faible consommation énergétique, un dispositif automatisé de nettoyage en place et une très grande fiabilité dans le temps. Des applications aux rejets urbains sont en cours.
Les rayons ultraviolets sont connus et utilisés depuis de nombreuses années dans la stérilisation des eaux potables, mais leur emploi dans la désinfection des eaux résiduaires est encore très récent et les résultats communiqués jusqu'à présent par différents constructeurs présentent un caractère aléatoire et des performances limitées.
Sous l'impulsion d'un industriel soucieux d'améliorer la qualité bactériologique de ses effluents après épuration biologique, les laboratoires Servier, un procédé de traitement tertiaire performant et fiable a été mis au point dans une première réalisation industrielle.
Principe de la désinfection par irradiations UV
Les UVC (200-280 nm) possèdent une action de destruction des micro-organismes, dont la première cible est l'ADN. On évalue, d'ailleurs, la sensibilité des différentes souches en fonction de la teneur en adénine et thymine de l'ADN. Les produits de l'irradiation sont des résidus d'hydroxylation et des dimères de thymine.
D'un point de vue symptomatique, l'effet bactéricide est dû à un gonflement, puis à un éclatement de la membrane induisant la destruction de la cellule. L'effet bactério-statique est dû au blocage de la réplication d'ADN causé par la modification de la structure des acides aminés et de leurs liaisons.
Principe de l'appareillage UV
On voit sur la figure 1 le schéma de principe de l'appareillage UV, qui montre que l'eau brute circule dans une chambre de traitement cylindrique, où elle est irradiée par un ou plusieurs générateurs à vapeur de mercure basse pression.
Les générateurs sont isolés du contact de l'eau par une gaine isothermique en silice pure, perméable aux rayons UV à 253,7 nm.
Dimensionnement
La loi de Beer-Lambert permettant de calculer l'efficacité de la désinfection de l'eau par UV est l'un des outils utilisés dans le dimensionnement des stérilisateurs d'eau par UV, suivant la formule :
D = (P/S) × e^(-KX) × T
Tableau I
Résultat des analyses bactériologiques sur les eaux de la station d'épuration avant et après traitement UV.
Tableau II
Résultat des analyses bactériologiques sur les eaux de la station d'épuration avant et après traitement UV par l'installation industrielle
dans laquelle : D = dose UV P = puissance germicide des lampes en fin de vie S = surface du cylindre entourant la lampe T = temps d'irradiation.
Son application est fonction :
- de la puissance générale des générateurs UV,
- de la surface réceptrice,
- des coefficients d'absorption des UV dans le liquide à traiter (perméabilité de l'eau),
- de l'épaisseur de la lame d'eau à traiter,
- du temps d'exposition de l'eau aux radiations UV.
La prise en compte de ces paramètres permet d'optimiser le dimensionnement des stérilisateurs UV, de façon à les adapter au mieux aux impératifs du traitement à appliquer, lesquels sont fixés en tenant compte de la nature des micro-organismes à traiter et de l'abattement recherché, ainsi que des variations de qualité du milieu à traiter.
Objectif
Après épuration biologique par boues activées, les effluents sont rejetés dans le milieu naturel. Désireux d'améliorer la qualité de ses rejets, l'industriel a mis en place des objectifs ambitieux associés à des contraintes d'utilisations minimales :
- débit journalier : 350 à 480 m³/jour,
- débit instantané maximal : 42 à 53 m³/h,
- MES des rejets : 15 à 30 mg/l, à réduire à moins de 10 mg/l,
- BDO5 des rejets : 15 à 40 mg/l,
- DCO des rejets : 70 à 150 mg/l, à réduire à moins de 120 mg/l,
- emprise au sol à réduire au minimum,
- automatisation aussi complète que possible afin de limiter les opérations d'entretien courant,
- pollution bactériologique résiduelle souhaitée après traitement :
- coliformes totaux < 10 000/100 ml,
- coliformes thermotolérants < 2 000/100 ml,
- absence de staphylocoques et de streptocoques fécaux.
Il est à noter que la perméabilité de l'eau à traiter a toujours été inférieure ou égale à 15 % sur une lame d'eau de 1 cm.
moyens de traitement mis en place pour répondre à ces objectifs, il était préférable, dans un premier temps, d'effectuer un test sur une installation-pilote, la qualité des résultats obtenus à la suite de l'essai-pilote devant permettre, par la suite, le passage de l'installation à l'étape industrielle.
L'installation-pilote
Le pilote, destiné à traiter environ 500 litres/heure d'eaux de rejets de la station d'épuration, comportait les éléments suivants :
- • une pompe centrifuge de 2 m³/h,
- • un filtre à sable de 40 litres,
- • un skid comportant un débitmètre, un jeu de vannes de réglage et un stérilisateur UV muni d'une lampe de 30 W (Aqua-Stoutz G1.30).
Le pilote est alimenté par les eaux de rejet de la station d'épuration.
Les essais ont été effectués de juin à juillet 1993. La perméabilité de l'eau était de 15 % sur une lame d'eau de 1 cm.
Résultats et commentaires
Dès le début des tests, les résultats obtenus (tableau I) ont été extrêmement concluants, montrant des concentrations en coliformes totaux, coliformes thermotolérants et streptocoques fécaux correspondant aux objectifs fixés.
Les tests de détection de salmonelles se sont tous révélés négatifs.
Les relevés ont toutefois fait apparaître une diminution des performances les 30 juin, 1ᵉʳ juillet et 7 juillet 1993. Une analyse plus poussée a permis de déterminer l'origine de ces problèmes. En effet, une semaine de fonctionnement en continu du pilote a entraîné un « encrassement » de la gaine de quartz protégeant la lampe, et donc une moins bonne transmission du rayonnement UV et une dose germicide insuffisante pour assurer le niveau de rayonnement requis pour atteindre les objectifs, ce qui a montré clairement la nécessité d'inclure dans l'installation industrielle un système de nettoyage chimique.
La réalisation industrielle
Les choix techniques de la réalisation définitive ont été pris en tenant compte du débit (38 m³/heure), des résultats de l'installation-pilote et des objectifs de l'exploitant :
- • stockage-tampon en aval de la station d'épuration,
- • filtration automatique bi-couche (sable + hydroanthracite) (deux filtres à lavage automatique avec surpresseur d'air),
- • désinfection UV par trois équipements UV comportant chacun neuf lampes de 55 watts (du type Actini Aqua-Stoutz G9.55) (figure 2).
Le schéma de l'installation est décrit sur la figure 3.
L'ensemble est entièrement automatisé grâce à des commandes pneumatiques intéressant le lavage des filtres, mais aussi le nettoyage chimique des appareils UV. Le tout est géré par un automatisme qui prend en compte les informations données par des flotteurs dans la bâche-tampon et par des conditions horaires programmées par horloge. Le système de lavage des UV peut également être déclenché en fonction de l'encrassement des lampes (variation d'irradiation UV).
La bâche de stockage permet à la fois d'amortir les pointes de débit instantané importantes et de garantir une réserve d'eau suffisante pour le lavage des filtres.
L'injection d'un floculant en amont des filtres garantit une turbidité résiduelle optimale (matières en suspension comprises entre 1 et 5 mg/l après filtration).
Résultats
Les mesures ont été réalisées du 17 mai au 29 juin 1994 à l'entrée et à la sortie du stérilisateur. La perméabilité de l'eau s'établissait à 15 % sur 1 cm de lame d'eau.
Après quelques ajustements de conception et de fonctionnement, la réalisation industrielle a atteint des performances comparables à celles du pilote :
- • abattement important des MES résiduelles (60 à 90 %),
- • réduction de 10 à 15 % de la DCO résiduelle,
- • abattement de 2/3 de la population bactérienne par filtration,
- • abattement bactériologique des UV comparable à celui du pilote pour un fonctionnement 24/24 h (tableau II).
En effet, les abattements bactériens observés durant la période de test sont tout à fait impressionnants et correspondent parfaitement aux objectifs fixés. On observe toutefois une exception lors du test du 16 juin 1994 qui montre un léger dépassement des normes fixées concernant les coliformes totaux et les streptocoques fécaux.
Ces résultats moins satisfaisants sont à rapprocher d'une dégradation extrême de la perméabilité de l'eau due à un problème au niveau de la station d'épuration en amont. Dans tous les autres cas, les performances sont exceptionnelles, et l'on peut observer des abattements bactériens impressionnants.
Dans des conditions de fonctionnement normales, les abattements bactériens peuvent atteindre les proportions ci-après :
- • flore totale : abattement de 3,3 Log,
- • coliformes totaux : abattement de 3,5 Log,
- • coliformes thermotolérants : abattement de 4,4 Log.
- • streptocoques fécaux : en dehors des valeurs non conformes citées précédemment, on obtient une destruction totale des streptocoques fécaux, et l'on constate dans tous les relevés l'absence de streptocoques pathogènes.
Des analyses complémentaires concernant des salmonelles et des staphylocoques pathogènes ont été effectuées avant et après UV, et rien n'a été détecté.
Les résultats ont ensuite été confirmés par les analyses réalisées par la DDASS.
Conclusion
Les résultats obtenus dans cette installation industrielle montrent la possibilité d'utiliser les UV comme traitement final de désinfection à la sortie des stations d'épuration, même lorsque les qualités d'eau sont mauvaises (perméabilité < 15 % sur 1 cm).
Un traitement de ce genre ne peut cependant se concevoir que dans des conditions spécifiques :
- • filtration performante,
- • utilisation de stérilisateurs UV adaptés (puissance des lampes, épaisseur des lames d'eau, système de contrôle),
- • système de nettoyage entièrement automatisé.
Ces résultats montrent également la possibilité d'utiliser avec succès des stérilisateurs UV "fermés" (chambre de réaction) dans le traitement des eaux usées difficiles. Le choix de ces stérilisateurs est d'ailleurs le seul qui permette d'effectuer un lavage chimique quotidien entièrement automatique, sans la moindre présence humaine.
La filtration automatique permet en outre, dans des stations d'épuration aux performances fluctuantes, de garantir une fiabilité permanente du résultat final en parant à d'éventuelles fuites de matières en suspension.
La qualité des résultats obtenus permet d'envisager la généralisation de la désinfection UV à la sortie des stations d'épuration, et elle permettra ainsi de développer le recyclage de l'eau, en particulier pour l'arrosage ou l'irrigation.