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Désinfection des eaux par rayonnement ultraviolet

30 avril 1988 Paru dans le N°118 à la page 29 ( mots)
Rédigé par : H ANDRIESSEN, C GRAEFF et C CARO

Le degré de désinfection obtenu par rayonnement ultraviolet dépend de la quantité d’énergie absorbée par les micro-organismes irradiés.

Cette quantité d’énergie est fonction des facteurs suivants :

— puissance de la radiation utile émise,

— puissance disponible pour la réaction photochimique avec les micro-organismes,

— puissance réellement absorbée par les micro-organismes,

— temps d’irradiation.

Ces différents points sont développés ci-après.

Puissance de la radiation utile émise

Sources d’émission

Les lampes à décharge sont les sources artificielles de rayonnement ultraviolet les plus adéquates. Elles sont constituées d’une enveloppe en quartz contenant deux électrodes et remplie de gaz dans lequel est appliqué un courant électrique.

Le milieu gazeux est composé d’un gaz inerte (argon ou xénon) et de vapeur d’un élément métallique. Au moment du démarrage de la lampe, la température du gaz de remplissage est celle du milieu ambiant, la tension de vapeur du métal présent en excédent sera fonction de cette température et de la nature du métal. La résistance électrique entre les électrodes est très élevée, et le flux électronique ne pourra démarrer que quand cette résistance aura diminué. Pour cela, le gaz inerte est ionisé, soit en faisant passer un courant électrique dans les filaments des électrodes, soit en augmentant fortement la différence de potentiel entre les électrodes pour amorcer l’arc. Cet arc formé élève la température du gaz jusqu’à obtention d’un équilibre avec la température ambiante.

Cette augmentation de température entraîne l’augmentation de la tension de vapeur des atomes métalliques. Les électrons du flux électronique entrent en collision avec ces atomes et peuvent ainsi augmenter l’état énergétique des électrons des orbites extérieures de ces atomes. Lorsqu’ils retrouvent leur état d’équilibre originel, la différence d’énergie provoque l’émission d’un rayonnement électromagnétique qui peut notamment s’établir dans la gamme de longueur d’onde ultraviolette, c’est-à-dire entre 100 et 400 nanomètres. L’un des éléments métalliques le plus couramment utilisé pour cette application est le mercure dont la tension de vapeur est relativement élevée à basse température, avec, comme avantage, l’utilisation d’une technologie simple pour atteindre des concentrations suffisantes d’atomes vaporisés.

Suivant le type des collisions, la quantité d’énergie transférée varie, et les chances statistiques d’obtenir des transitions d’énergie différente augmentent avec la concentration d’atomes vaporisés. En d’autres termes, une proportion plus importante de raies de longueurs d’onde différentes sera émise dans les lampes à haute tension de vapeur que dans les lampes à basse tension. C’est ainsi que les lampes à haute tension de vapeur de mercure émettent dans la quasi-totalité du spectre compris entre 100 et 12 000 nanomètres, alors que les lampes à basse tension émettent essentiellement dans les longueurs d’onde de 184,9 et 253,7 nanomètres, ainsi que dans un spectre infrarouge limité.

[Photo : Spectre d’absorption moyen de rayonnement électromagnétique par les micro-organismes.]

L’intensité du rayonnement est exprimée en puissance électrique par unité de surface ; il est donc intéressant de diminuer le diamètre du tube et, ainsi, d’augmenter l’intensité émise par unité de surface pour une consommation totale identique (la limitation de diamètre se situe au niveau du système de démarrage dont le coût doit rester abordable). D’autre part, l’augmentation de l’intensité entraîne la croissance de la température du gaz, et donc de la concentration des atomes métalliques. Les chances statistiques de collisions provoquant la formation d’atomes ionisés augmentent, et la saturation est atteinte rapidement (marquée par le passage du courant par les ions). Cette saturation peut être fortement retardée en créant des pièges froids** dans la lampe où les atomes métalliques en excédent se condensent.

Rayonnement absorbé par les micro-organismes — Choix du type de lampes

Le spectre d’absorption du rayonnement U.V. par les micro-organismes est large : pour la plupart de ceux-ci, l’absorption se situe entre 200 et 300 nm, avec un maximum de 260 nm (figure 1). Dans cette gamme, le rendement du rayonnement U.V. émis par une lampe à mercure à basse tension de vapeur est de 35 %, alors qu’il est seulement de 8 % pour une lampe à haute tension ; de plus, le prix d’une lampe à basse tension de vapeur est bien moins élevé et sa durée de vie plus longue. Ajoutons que, dans le cas des lampes à haute tension de vapeur, il y a une forte émission de rayons infrarouges qui nécessitent souvent l’obligation de dispositifs de refroidissement encombrants et coûteux.

En conclusion, il apparaît intéressant d’utiliser pour la désinfection, des lampes à décharge à basse tension de vapeur de mercure, de faible diamètre, éventuellement équipées de pièges froids.

*Belgian Water Systems.

**Pièges froids : chambres annexes situées en dehors de l’arc, aux extrémités d’un tube à décharge où règne une température plus basse, ce qui a pour effet de stabiliser la concentration des atomes métalliques dans l’arc.

Puissance émise disponible

Si nous supposons la surface rayonnante d’une lampe entourée d’eau à irradier, la puissance par unité de surface de la lampe peut être identifiée par la connaissance de la puissance électrique admise dans la lampe, le rendement du rayonnement U.V. et la surface de la lampe. Cette puissance spécifique est atténuée par l’absorption du rayonnement dans l’eau et par le fait qu’une radiation électromagnétique rayonnant dans toutes les directions, diminue par unité de surface en fonction du carré de la distance de la source.

Mathématiquement, l’absorption dans l’eau s’exprime, suivant la loi de Lambert-Beer, par la formule :

1  
— l₀ e-kx-d/2)

dans laquelle :

  • l₀ : intensité du rayonnement à la surface de la lampe (W/cm²)
  • l : intensité du rayonnement à une distance x – d/2 de la surface de la lampe (W/cm²)
  • x : distance entre l’axe de la lampe et le point d’intensité l
  • d : diamètre de la lampe (cm)
  • k : coefficient d’absorption de l’eau (cm⁻¹) mesuré à la longueur d’onde de 253,7 nanomètres.

Ce coefficient est défini par les impuretés présentes dans l’eau, tant celles en solution que les solides suspendus. Ces impuretés font croître le coefficient d’absorption.

Cette loi devient :

l  
— = l₀ e-kx-d/2) (d/2)²  
l₀         x²

pour tenir compte de la distance entre la source et la cible à atteindre, et donc de la dispersion du rayonnement.

Puissance absorbée

Le nombre de photons présents par unité de surface, est équivalent à la puissance spécifique. Les photons n’entrent que partiellement en collision avec les molécules des micro-organismes dont l’activation empêche leur reproduction.

Étant donné que chaque micro-organisme présente une composition chimique et des dimensions différentes, les chances d’une collision d’activation diffèrent d’un micro-organisme à l’autre.

Le temps joue ici un rôle prépondérant, car c’est le nombre de photons émis pendant le temps d’irradiation qui définit la probabilité d’une réaction. Le produit du temps et de la puissance correspond à l’énergie dont la valeur par unité de surface est appelée dose.

Pour chaque micro-organisme, la dose nécessaire pour désactiver une fraction donnée est différente. Pour la plupart d’entre eux, la diminution de la population est uniquement fonction de la dose administrée.

Équipement de rayonnement

L’équipement employé pour irradier un liquide peut être conçu de différentes façons ; la plus commune est de faire passer l’eau dans une chambre d’irradiation où des lampes ont été fixées. Pour atteindre un bon résultat de désinfection, il est évident que : la dose par unité de volume d’eau irradiée doit être aussi homogène que possible.

Cela peut être atteint de deux manières éventuellement combinées :

  • — une distribution des lampes dans la chambre d’irradiation, réalisée de façon aussi homogène que possible, en tenant compte de la diminution de la puissance résultant de l’absorption du rayonnement et de la distance entre les lampes. Il faut prévoir plusieurs lampes et, afin de réaliser un champ homogène, elles doivent être équidistantes. Pour obtenir le meilleur résultat, la distance à observer entre les lampes et les parois de la chambre doit être de l’ordre de la moitié de celle réalisée entre les lampes ; plus ces distances sont petites, plus l’homogénéité du champ est satisfaisante ;
  • — un parcours de l’eau aussi turbulent que possible dans la chambre, afin d’homogénéiser la dose, ce qui peut être réalisé en travaillant avec un nombre de Reynolds élevé* et/ou par un écoulement de l’eau perpendiculairement aux lampes.

Ces deux cas présentent des avantages et des inconvénients.

Dans le premier cas, l’écoulement est laminaire et le coefficient d’absorption très élevé ; la dose moyenne atteinte n’est que la moyenne logarithmique des doses maximales et minimales. Pour atteindre une dose élevée, deux solutions se présentent, comportant les combinaisons suivantes :

  • — un écoulement laminaire, avec un coefficient d’absorption bas,

* Le nombre de Reynolds est une valeur sans dimension, définissant le degré de turbulence d’un écoulement d’un fluide suivant la formule : Re = VρD/η dans laquelle :

  • V = vitesse moyenne du fluide (cm/sec.)
  • ρ = densité du fluide (kg/cm³)
  • D = Ø hydraulique du canal (m)
  • η = viscosité dynamique du fluide (N sec./m²)
  • — un coefficient élevé, avec un écoulement turbulent.

La différence entre doses maximale et minimale diminue si la distance entre les lampes diminue, c’est-à-dire en densifiant la configuration. Par ailleurs, cette densification amène à diminuer le volume utile de la chambre d’irradiation, ce qui augmente la turbulence de l’écoulement. Pour autant que la puissance spécifique moyenne soit élevée, la diminution du temps d’irradiation n’empêche pas d’atteindre une dose moyenne élevée.

Dans le deuxième cas, si le mélange est parfait, la dose correspond à la moyenne arithmétique des doses maximales et minimales. Il n’est cependant pas possible d’atteindre de fortes doses si les distances entre les lampes sont grandes, et si la puissance spécifique est faible.

De ce qui précède, il ressort qu’il est plus économique de combiner un régime turbulent, une forte densification des lampes et une grande puissance spécifique.

Conclusion

L’efficacité de la désinfection de l’eau au moyen du rayonnement ultraviolet est essentiellement fonction des éléments suivants :

  • — intensité de la lampe U.V. utilisée : lampe de faible diamètre,
  • — rendement du rayonnement utile (c’est-à-dire à 254 nm) : lampe à basse tension de vapeur,
  • — coefficient d’absorption de l’eau,
  • — type des micro-organismes présents,
  • — mode de construction de la chambre d’irradiation,
  • — disposition des lampes.

Le temps d’irradiation ne joue qu’un rôle relatif ; en effet, il est possible d’augmenter la dose moyenne d’irradiation en augmentant ce temps, mais ceci signifie que le débit traitable diminue pour une puissance électrique donnée.

Les facteurs qui jouent un rôle dans l’efficacité de la désinfection de l’eau par rayonnement ultraviolet étant connus, on peut considérer que la qualité de la lampe utilisée et le type de construction des chambres d’irradiation deviennent prépondérants.

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