L'utilisation de l'ozone, oxydant puissant et reconnu pour ses propriétés désinfectantes, a été généralisée pour de nombreuses raisons et en particulier pour son pouvoir virulicide. À partir des travaux de COIN et al. (1964, 1967), il fut recommandé de traiter les eaux d'alimentation en maintenant un résiduel de 0,4 mg/l pendant 4 minutes (Normes Internationales, 1972). Depuis, l’application de l’ozone a été étendue à d'autres types d'eaux comme les eaux usées et le problème d'une définition des conditions de désinfection par l’ozone est totalement posé. En effet, il n'est pas démontré par exemple que le maintien d'une certaine concentration en ozone résiduel soit un paramètre clé dans tous les types de traitement. De plus ce sont souvent des essais avec des souches de laboratoire qui ont conduit à orienter le traitement. Or il a déjà été observé que les microorganismes indigènes semblaient plus résistants que ceux de laboratoire à l'action du chlore (BLOCK et al., 1979 ; SHAFFER et al., 1980) ou à l'action de l'iode (KABLER et al., 1961). Dans ce dernier cas, une différence de plus de 10 mg en oxydant fut observée pour inactiver 99 % de deux souches virales d'un même sérotype. Parallèlement, il faut souligner les contradictions flagrantes entre les travaux de COIN et al. (1967), SNYDER et CHANG (1974) et EVISON (1977) sur la sensibilité relative des 3 types de virus poliomyélitique.
Ce travail présente des essais de désinfection par l'ozone d'eaux d’alimentation contaminées avec des souches de laboratoire et d’eaux usées urbaines ; il vise à discuter :
a) des conditions généralement utilisées dans le traitement des eaux d’alimentation ;
b) des contradictions dans l'application uniforme de l’ozone à des eaux usées ou d'alimentation ;
c) du décalage entre les essais d'inactivation de microorganismes de laboratoire et de microorganismes indigènes.
MATERIEL ET METHODES
1 - Ozonation
L'ozonation a été réalisée à l'aide d'un pilote de laboratoire composé de plusieurs colonnes de contact en plastique transparent où l'eau circule à contre-courant de l'air ozoné (Figures 1 et 2). Les essais ont été conduits dans différentes colonnes de contact selon le type d'eau :
— pour les eaux d’alimentation la circulation se faisait dans la colonne A puis dans la colonne B ; la colonne A servant à répondre à la demande chimique en ozone de l’eau et assurer un résiduel dès l'entrée dans la colonne B (diamètre 5 cm ; hauteur d'eau : 142 cm) ;
— pour les eaux usées le traitement a été assuré dans la colonne A (diamètre 11 cm, hauteur d'eau : 142 cm).
L'air ozoné a été produit par un ozoneur Degrémont (Figure 3) et injecté à la base des colonnes de contact au travers d'un poreux (Figure 4). Les quantités d'ozone injecté ont été adaptées aux essais en variant le voltage imposé à l'ozoneur. Les débits d'air ozoné étaient respectivement de 2,1 l/h et de 30 l/h lors des essais conduits avec les eaux d'alimentation et les eaux usées.
2 - Eaux à traiter
2.1 - Les eaux d’alimentation ont été prélevées sur le réseau de distribution de la ville de NANCY.
Les principales caractéristiques de ces eaux bicarbonatées calciques durant la période d’expérimentation étaient pH : 7,4 ; résistivité à 20 °C : 3 290 ohms·cm ; oxygène cédé par KMnO₄ : 1,05 mg/l ; turbidité : moins de 1 goutte mastic ; température : 16 à 18 °C. Ces eaux circulaient dans le système pilote d'ozonation à un débit de 36 l/h.
2.2 - Les eaux usées ont été prélevées à l'entrée de la station d'épuration de NANCY à 8 heures soit 3 heures avant la pointe matinale de flux de pollution.
Leurs caractéristiques physico-chimiques et microbiologiques moyennes étaient : matières en suspension : 100 mg/l ; DCO : 150 mg/l ; Escherichia coli : 2 à 3·10³/100 ml ; Streptocoques fécaux : 2 à 4·10²/100 ml ; virus entériques : 50 à 200 U.F.P./l. Ces eaux (200 litres pour chaque essai) ont été transportées au laboratoire immédiatement après prélèvement, homogénéisées constamment pendant l'expérimentation et injectées au sommet de la colonne A (débit de 40 l/h).
3 - Contamination des eaux d’alimentation
Trois types de microorganismes ont été utilisés pour contaminer expérimentalement les eaux d’alimentation : Escherichia coli, Streptococcus faecalis et virus poliomyélitique de type 1. De plus, en fonction des essais il a été possible d’ajouter à des doses variables de l'extrait de terre (solution mère : pH 8,5 ; DCO 680 mg/l ; couleur 300 unités platino-cobalt) pour créer une demande en ozone, ou de l'argile (kaolin colloïdal lavé CPF 51 8222) pour créer une turbidité.
4 - Prélèvements
Les prélèvements ont été effectués à différents niveaux de chaque colonne. Les temps de passage de l'eau à ces niveaux étaient de :
— Colonne A robinet A₁ : 2 mn 30 s, robinet A₂ : 10 mn 30 s, robinet A₃ : 17 mn 30 s.
— Colonne B robinet B₁ : 30 s, robinet B₂ : 1 mn 30 s, robinet B₃ : 2 mn 30 s, robinet B₄ : 3 mn 30 s, robinet B₅ : 4 mn 30 s.
Les échantillons prélevés ont été reçus directement dans des flacons contenant le liquide de neutralisation (thiosulfate de sodium) pour l'analyse microbiologique ou le liquide réactif (orthotolidine acide) pour le dosage de l'ozone résiduel dissous.
Les volumes des échantillons prélevés sur les colonnes elles-mêmes ont varié de 10 ml à 100 ml maximum pour ne pas perturber la dynamique du système. Lors des essais avec les eaux usées, des échantillons de 4 l destinés à l'analyse virologique ont été prélevés uniquement en sortie du système pilote.
5 - Microorganismes de laboratoire
Lors des essais de laboratoire trois types de microorganismes ont été testés. Les bactéries Escherichia coli (souche IP 518) et Streptococcus faecalis (souche IP 54-32) ont été utilisées sous forme de cultures asynchrones lavées et âgées de 18 à 24 heures.
Le virus poliomyélitique de type 1 (souche Mahoney) a été obtenu à partir d'un tapis infecté de cellules en lignée continue de type B.G.M. (BARRON et al., 1970). La suspension a été soumise à trois congélations-décongélations successives puis centrifugée à 5 000 g pendant 30 minutes pour éliminer les plus gros débris cellulaires avant utilisation.
6 - Méthodes de numération des microorganismes
6.1 - Le virus poliomyélitique de laboratoire a été titré selon la méthode du nombre le plus probable (N.P.P.) (CHANG et al., 1958).
Les échantillons ont été dilués de 10 en 10 dans du liquide de Earle (pH 7,2) et inoculés sur tapis de cellules B.G.M. cultivées en plaque Microtest II à raison de 10 inoculums par dilution. Après incubation à 37 °C pendant 7 jours, le nombre de godets présentant un effet cytopathogène a été compté. La quantité de virus présents dans l'échantillon initial a été calculée à partir d'un triplet de résultats à l'aide des tables de HALVORSON et ZIEGLER (in MEYNELL et MEYNELL, 1970) et exprimée en nombre le plus probable d'unités cytopathogènes (NPPUC) par 0,05 ml.
6.2 - Les virus entériques indigènes des eaux ont été numérés dans un cas par la méthode du nombre le plus probable mais à raison de 3 inoculums pour dilutions (3 × 10 ml ; 3 × 1 ml et 3 × 0,1 ml sur des tapis cellulaires respectivement de 75 cm², 50 cm² et 25 cm²) et, dans les autres cas, par la méthode des plages.
Pour cela, 10 flacons de cellules B.G.M. de 25 cm² ont été inoculés à raison de 1 ml par flacon. Après deux heures d'incubation à 37 °C, l'inoculum a été enlevé et les tapis cellulaires recouverts par 6 ml d'un milieu gélosé (Oxoid) à 0,9 % contenant 41,5 % de MEM 2X avec sels d'Earle, 2 % de sérum fœtal de veau, 0,2 % de NaHCO₃, 0,0001 % de MgCl₂, 1 % de lait entier stérilisé et 0,02 % de rouge neutre. Le nombre de plages de lyse a été dénombré après 5-6 jours d'incubation des flacons à 37 °C. Les résultats ont été exprimés en nombre d'unités formant plages (U.F.P.) par litre d'eau usée.
6.3 - Les bactéries d'origine fécale, Escherichia coli et Streptococcus faecalis, ont été numérées sur milieu gélosé.
Les échantillons de 100 ml ou leurs dilutions ont été filtrés au travers de membranes en esters de cellulose de 0,45 μm de porosité. Ces membranes ont été déposées sur des milieux de culture spécifiques (respectivement milieu gélosé lactosé au T.I.C. et milieu de Slanetz et Bartley). Après incubation 24 h à 44 °C, les colonies jaune orangé fermentant le lactose pour E. coli, et les colonies rouge violacé pour les Streptocoques fécaux, ont été numérées. Les résultats ont été exprimés en nombre de colonies par 100 ml.
7 - Mesures physico-chimiques
Les mesures physico-chimiques de DCO, matières en suspension (MES), pH ont été réalisées selon les méthodes développées dans les Standard Methods (GREENBERG et al., 1975).
RESULTATS ET DISCUSSION
1 - Transfert de l'ozone dans l'eau
La figure 5 donne un exemple des profils d'ozone résiduel pouvant être obtenus au sein des colonnes de contact. Pour les eaux d'alimentation, la concentration en ozone résiduel augmente régulièrement du sommet de la colonne A vers la base de la colonne A, tandis que dans la colonne B le résiduel est quasi constant entre les points de prélèvement B₁ (sommet de la colonne) et B₂ (milieu de colonne), puis augmente vers la base de la colonne.
Au contraire, pour les eaux usées injectées en colonne A, nous avons observé une disparité dans les concentrations en ozone résiduel du haut en bas de la colonne, comme le montre la figure 5, avec une augmentation des concentrations en résiduel jusqu'au milieu de la colonne puis une diminution vers la base. Il n'a pas été démontré si l'ozone était alors consommé dans une réaction avec de la matière.
organique plus facilement oxydable ou si un autre mécanisme prenait place. En tout cas ces profils expliquent la technologie actuellement appliquée en ozonation qui met en œuvre 2 tours de contact. En effet, c'est la seule manière de pouvoir respecter les conditions de traitement virulicides suggérées précédemment. Avec une seule tour de contact un résiduel de 0,4 mg/l obtenu en base de colonne ne correspondrait pas à un temps de contact de 4 minutes (RICHARD et BLUE, 1978).
2 – Inactivation des microorganismes dans une eau d’alimentation
La figure 6 montre l'inactivation du virus poliomyélitique de type 1 et de Escherichia coli par différentes doses d’ozone injecté et en présence d'ozone résiduel. Les pentes des courbes d’inactivation sont relativement proches. Une interprétation graphique (BLOCK, 1977) avait d’ailleurs montré une très faible différence (moins de 0,02 mg/l) entre les doses d’ozone résiduel nécessaires pour éliminer 99 % de ces deux microorganismes en 90 secondes.
Les valeurs en ozone résiduel pour éliminer 2 à 3 log des populations de microorganismes sont extrêmement faibles, inférieures dans tous les cas à 0,05 mg/l comme le montre le tableau 1 pour les trois germes d'origine fécale utilisés dans ce travail. Ces résultats apparemment surprenants démontrent l'exceptionnel pouvoir désinfectant de l'ozone vis-à-vis des souches de laboratoire. Ils correspondent aux résultats d'autres auteurs rassemblés dans le tableau 2. Cette vitesse d'inactivation a d’ailleurs obligé les chercheurs à mettre au point des systèmes expérimentaux particuliers pour pouvoir prélever à des intervalles de temps aussi courts que 1 seconde (KATZENELSON et al., 1979). Enfin, comme on peut le voir sur la figure 6, les courbes d'inactivation de Escherichia coli présentent une discontinuité avec une pente brusquement ralentie même lorsqu'il y a augmentation du taux de traitement. Ce phénomène pourrait être lié à l'existence dans la population bactérienne d'agrégats limitant l’effet de la désinfection (moins de 0,1 % de la population dans cet es-
Ozone résiduel dosé
Micro-organismes testés | Ozone injecté à la base de la colonne | en haut de la colonne (B₁) | en bas de la colonne (B₂) | Inactivation des populations de micro-organismes (%) |
---|---|---|---|---|
Poliovirus 1 | 0,9 mg/l | traces | 0,03 à 0,04 mg/l | > 99,991 % |
E. coli | 0,9 mg/l | traces | 0,02 à 0,03 mg/l | > 99,994 % |
S. faecalis | 0,9 mg/l | 0 | 0,01 à 0,04 mg/l | > 99,991 % |
Tableau 1. — Pourcentages d’inactivation des populations de microorganismes à la sortie de la colonne B.
Micro-organismes | Type d'eau | Ozone résiduel | Temps de contact | Références |
---|---|---|---|---|
Virus poliomyélitique | eau de Seine | traces | 4 mn | COIN et al (1964) |
eau distillée | 0,1 mg/l | 3 mn | GEVAUDAN et al (1970) | |
tampon phosphate | 0,25 mg/l | 20 s | FAROOQ (1976) | |
tampon phosphate | 0,03 mg/l | 60 s | KATZENELSON et al (1976) | |
tampon phosphate | 0,03 mg/l | 60 s | EVISON (1977) | |
E. coli | eau distillée | 0,07 mg/l | 10 s | KATZENELSON et al (1974) |
tampon phosphate | 0,05 mg/l | 12 s | ROSS et al (1975) | |
tampon phosphate | 0,25 mg/l | 10 s | FAROOQ (1976) | |
eau distillée | 0,17 mg/l | 10 s | BOYCE et al (1981) |
Tableau 2. — Concentration en ozone résiduel nécessaire pour inactiver 99,9 % des microorganismes.
De plus et comme l’avaient déjà observé EVISON (1977) et GHAN et al (1976), de telles discontinuités peuvent fausser la construction d'une échelle de sensibilité des microorganismes à l'action de l'ozone en fonction du niveau de désinfectant considéré.
L'injection dans l'eau d'extrait de terre apportant de la matière organique et créant une demande en ozone entraîne une augmentation du taux de traitement pour obtenir un degré d'inactivation identique (Figure 7). Cependant, au-delà de cette considération, on peut noter que les courbes d’inactivation présentent une pente accentuée au-delà d'une dose seuil d'ozone injecté à partir de laquelle de l’ozone résiduel est dosable dans l’eau. Cette observation vérifiée dans nos essais avec les trois types de microorganismes n'est pas sans rappeler les travaux de FETNER et INGOLS (1956) et de MAJUMDAR et al (1974) et la description d'un effet tout ou rien. Les pentes des courbes d'inactivation sont relativement proches (de —0,15 à —0,20) et montrent que, dans ces essais de laboratoire, la matière organique ajoutée sous forme d’extrait de terre crée une demande en ozone mais ne protège pas stricto sensu les microorganismes comme le faisait la peptone (EVISON, 1977). Cette dose seuil d'ozone à partir de laquelle apparaît de l'ozone résiduel peut être appelée, comme pour le chlore, point critique, puisqu’au-delà le potentiel d'oxydo-réduction augmente brutalement et détermine l'inactivation des germes. Cette variation rapide du rédox est l’un des paramètres les plus apparents du traitement, toutefois il est techniquement difficile d'asservir en toute sécurité le contrôle de l'ozonation à sa seule mesure.
Dans des conditions particulières (forte demande en ozone, taux de traitement élevé) une fraction
Une importante quantité de microorganismes peut être inactivée. La figure 8 présente de tels résultats obtenus avec une eau de distribution artificiellement chargée en acides humiques et contaminée avec du virus poliomyélitique. Au milieu de colonne (point B₁) la demande en ozone de l'eau n'est pas dépassée et, en absence de tout résiduel, il est possible d'éliminer plus de 80 % des virus poliomyélitiques ; par contre, en bas de colonne (point B₂) et dès l'apparition d'un résiduel aussi faible que 0,01 mg/l, l'inactivation est brutale. FAROOQ et al. (1976), KATZENELSON et al. (1976) ont déjà décrit ce phénomène ainsi que BURLESON et al. (1974) pour les bactéries et MERCADO-BURGOS et al. (1975) pour les kystes de Schistozoma.
3 – Inactivation des microorganismes dans une eau usée
Au cours des essais d’inactivation des microorganismes indigènes des eaux usées, il a fallu appliquer selon les cas de 2,2 à 3,8 mg d'ozone/l pour obtenir un résiduel dosable après 17 min 30 s de contact. L'ozone résiduel n'a cependant pas été utilisé du fait de l'hétérogénéité du profil de la colonne (figure 5). Les courbes d’élimination, construites en fonction de la quantité d’ozone injecté, ont été présentées sous forme de régressions linéaires significatives au seuil de 99 % (figure 9). Les résultats ainsi que ceux obtenus lors d'essais répétés (tableau 3) montrent que les pentes des droites d'inactivation de E. coli et de Streptococcus faecalis sont identiques alors que celle des virus entériques est environ 1,6 fois plus faible, traduisant une plus grande résistance de ces germes à l'ozone.
L'excellente reproductibilité de ces essais est intéressante à souligner et confirme l'échelle de sensibilité à l'ozone des virus et des bactéries fécales déjà observée par KATZENELSON et al. (1974), SNYDER et al. (1974), FAROOQ (1976) et EVISON (1977).
Type de microorganisme | Pente des courbes d'inactivation | ||||
---|---|---|---|---|---|
essai 1 | essai 2 | essai 3 | essai 4 | moyennes | |
E. coli | – 0,85 | – 0,51 | – 0,71 | – 0,69 | – 0,69 ± 0,14 |
Streptocoques fécaux | – 1,02 | – 0,53 | – 0,71 | – 0,73 | – 0,74 ± 0,20 |
Virus | – 0,45 | – 0,49 | – 0,43 | – 0,38 | – 0,43 ± 0,04 |
Tableau 3. — Pente des courbes d’inactivation par l'ozone de trois types de microorganismes indigènes d’eaux usées brutes.
Au-delà de cette observation les résultats font apparaître une différence saisissante entre l'utilisation de souches de laboratoire et les essais de terrain. À cet égard les virus du milieu hydrique semblent mieux protégés de l’action des oxydants que les bactéries fécales. Nous n'avons pas noté, comme RICHARD et CONAN (1980), d'asymptote dans les courbes d'inactivation de E. coli mais, au contraire, une relation linéaire entre l'élimination de ces germes et la quantité d’ozone injectée dans la gamme de 1 à 6 mg/l.
Pour des taux de traitement supérieurs à 4 mg/l, la concentration en virus entériques tombe en dessous de la limite de sensibilité de la méthode de détection et, dans le même temps, 3 log de bactéries fécales sont éliminées. Le résultat amène à rejeter des effluents dont la concentration virale est faible et celle en E. coli voisine de la norme de 200/100 ml. Il faut encore souligner que si ces résultats sont proches de ceux de FLUEGGE et al. (1978), ils sont moins bons que ceux de DRYDEN et al. (1979) obtenus avec des virus de laboratoire ajoutés à des eaux usées (inactivation de 99,993 % de virus poliomyélitique avec 6 mg/l d'ozone) et meilleurs que ceux de BUDDE et al. (1977) qui eurent besoin d'injecter
13,4 mg d’ozone pour atteindre le niveau des 200 E. coli/100 ml.
Les résultats obtenus avec les eaux usées appellent deux autres commentaires :
D'une part, l’effet temps de contact (de haut en bas de la colonne) n’est pas linéaire et comme le montre la figure 10 avec Escherichia coli, la pente de la droite d'inactivation augmente d’un facteur 2 lorsque le temps de contact passe de 2 mn 30 s à 10 mn 30 s, mais ne varie quasiment pas lorsque le temps de contact passe de 10 mn 30 s à 17 mn 30 s. Ces faits sont à rapprocher soit d'une diminution de la concentration en ozone résiduel en bas de la colonne, soit d’une situation privilégiée du milieu du réacteur que constitue une colonne d'ozonation fonctionnant à contre-courant.
D'autre part, et comme cela a déjà été démontré par d'autres (RICHARD et CONAN, 1980) la DCO et la concentration en matières en suspension des eaux usées ont un effet négatif sur l'efficacité de l’ozonation. La figure 11 montre qu’une augmentation de ces paramètres détermine une diminution de la pente des courbes d'inactivation d’Escherichia coli par exemple. C'est un point qu’il convient de souligner car il traduit une protection physique des germes par adsorption sur des matières en suspension ou par enrobage dans la matière organique consommatrice d’ozone. Par exemple, une augmentation de la DCO de 100 à 250 mg/l diminue la pente des droites d'inactivation des bactéries fécales d’un facteur 2. Ce phénomène a déjà été démontré en laboratoire pour le chlore (HOFF, 1979 ; STAGG et al., 1977) et pour l’ozone (BLOCK, 1977) ; dans ce dernier cas, une adsorption de virus poliomyélitique sur du kaolin (turbidité équivalente à 90 gouttes mastic) diminuait la pente des droites d’inactivation d’un facteur 4. Cependant nous n'avons pas pu utiliser les formules calculées par LEGERON et GIRARDIN (1981), formules reliant l'abattement microbien souhaité à un taux de traitement ou à une quantité de matières en suspension. À cet égard, il est à craindre que chaque traitement d’eaux usées urbaines représente un cas particulier.
CONCLUSION
Il faut rappeler que les essais de laboratoire doivent impérativement être complétés par des applications de terrain seules à même de donner une image réaliste de la faisabilité d'un traitement de désinfection par l’ozone. L’application de cet oxydant puissant reconnu depuis le début du siècle pour ses qualités désinfectantes se heurte comme les autres oxydants à des limites dans le traitement des eaux. Nous avons observé en accord avec des travaux récents que dans des eaux d'alimentation les microorganismes de laboratoire non protégés par de la matière organique ou/et minérale étaient très rapidement inactivés. Un traitement à 0,4 mg/l d'ozone résiduel pendant 4 minutes apporte un facteur de sécurité important qui peut se justifier au point de vue de la santé publique. Pour l’ozonation des eaux usées le problème est fort différent. D'une part, la grande réactivité de l’ozone avec la matière organique gêne l'apparition et le maintien d’un résiduel. D'autre part, il est possible d’inactiver une fraction importante de microorganismes avant le point critique. Dans ces conditions il ne doit pas y avoir de transfert direct de technologie de traitement à n'importe quel type d’eau. Les conditions d’application de l’ozone à l’eau usée doivent être différentes des eaux potables d’autant plus que l’ozonation des effluents vise au mieux à amener la concentration des germes pathogènes pour l’homme à un niveau acceptable.
Remerciements :
Ce travail a été réalisé dans le cadre des activités du Laboratoire d'Hygiène et de Recherche en Santé Publique (Directeur : Prof. FOLIGUET) avec l’aide financière de la Société Degrémont.
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