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Descriptif d'une unité de méthanisation de melons

31 octobre 2013 Paru dans le N°365 à la page 73 ( mots)
Rédigé par : Thomas MORGAN

La société Boyer, dans le Tarn et Garonne, conditionne chaque année 25000T de fruits dont 20000T de melon, le reste étant composé de prunes, kiwis, ananas. A la recherche d'une solution économique et écologique pour traiter l'ensemble de ses déchets organiques, la décision d'investir dans une unité de méthanisation s'est rapidement imposée. C?est la société GreenWatt, qui dispose d'une technologie originale permettant de méthaniser tout déchet de type fruit et légumes, qui a répondu présent et a monté le dossier avant d'assurer la phase de réalisation et le démarrage de l'unité. L?ensemble du projet n?aura duré que 12 mois et en juillet 2011 la première unité de méthanisation traitant uniquement des fruits en France fut inaugurée. Cette unité délivre aujourd'hui de quoi alimenter 150 familles en électricité, 100 familles en chaleur et 500 tonnes de compost.

C’est à Moissac, dans le Tarn-et-Garonne, que le grossiste Boyer SA prépare annuellement 25 000 tonnes de fruits par an, dont 20 000 tonnes de melons de la marque Philibon.

En quête d’une solution économiquement et écologiquement responsable permettant de valoriser ses surplus de déchets, Boyer se décida donc rapidement lorsque la société « GreenWatt Ingénierie SAS » à Avignon lui présenta la solution « Waste to Energy » de l’entreprise belge « GreenWatt ».

C’est ainsi que fut inaugurée en 2011 la première unité française de biométhanisation décentralisée fonctionnant uniquement avec du substrat de déchet de fruits et légumes.

Cette centrale, située dans la commune de Moissac, transforme des matières organiques biodégradables en biogaz et convertit ce gaz en énergie électrique et thermique.

[Photo : Première unité française de biométhanisation décentralisée fonctionnant uniquement avec du substrat de déchet de fruits et légumes.]
[Photo : Schéma de principe de la technologie GreenWatt.]

Particularité du projet

La société Boyer est un producteur-conditionneur de fruits, principalement du melon mais aussi de la prune, du kiwi, de l’ananas, et d'autres encore.

L’objectif du projet était d’apporter une solution de méthanisation capable d’accepter la totalité des déchets en direct (sans avoir recours à un stock tampon). La quantité de déchets en sortie de l’unité de conditionnement dépend directement de la météo et est donc très aléatoire, certaines semaines l’unité absorbe 400 % de la quantité normalement prévue, d’autres semaines cette quantité est quasiment nulle. D’autre part, la saison du melon ne s’étend pas sur l’année entière et hors saison, l’unité devait pouvoir absorber d’autres déchets de fruits. Les très fortes variations en termes de quantité et de nature des intrants rendaient l’utilisation de procédé de méthanisation classique (infiniment mélangé) impossible.

Technologie utilisée

Pour répondre à la problématique des fortes variations de quantité d’intrants, la solution a consisté à mettre en place un procédé en 2 étapes. Dans le processus de méthanisation, il y a 4 phases successives : hydrolyse, acidogenèse, acétogenèse et méthanogenèse.

Les 2 premières phases décomposent la matière organique pour la transformer en acides organiques avec, comme conséquence, une diminution de pH. Les micro-organismes présents lors de cette étape sont très résistants et supportent de fortes variations de charge appliquée, de T°, de pH. Ces 2 phases ont lieu dans une première cuve dite « cuve de liquéfaction », c'est la première étape.

Les 2 dernières phases transforment les acides organiques produits dans la cuve de liquéfaction en biogaz, avec, comme conséquence, une neutralisation du pH.

Les micro-organismes actifs lors de cette seconde étape sont très sensibles aux variations et de plus ont un temps de reproduction long (de l’ordre de 15 jours), il faut leur éviter tout choc. Pour cette raison, la seconde étape est alimentée depuis la cuve de liquéfaction de manière totalement contrôlée ce qui évite de leur appliquer une surcharge d’acides organiques ou une variation de pH qui pourrait leur être fatale (phénomène d’acidose).

Pour répondre à la problématique des fortes variations de nature des intrants, la solution a consisté à utiliser pour la seconde étape un digesteur à lit fixe. Par opposition aux digesteurs dits « infiniment mélangé » où les micro-organismes et les intrants sont en suspension dans le liquide, dans un « lit fixe » les micro-organismes sont accrochés à un support.

Dans le cas de digesteurs « infiniment mélangé », une variation d’intrant peut engendrer un déséquilibre biologique momentané qui va modifier le comportement physique des micro-organismes (décantation rapide par exemple) et mener à leur évacuation du digesteur (phénomène de « wash out »). Dans un « lit fixe » les différentes populations de micro-organismes s’organisent entre elles sous la forme d’un biofilm qui est solidement accroché à son support. Cette particularité offre un avantage majeur : le système ne perd jamais les micro-organismes.

Parmi les 140 espèces susceptibles de produire du biogaz, certaines vont se développer plus que d’autres en fonction de la nature du déchet qu’elles reçoivent à digérer, mais toutes les populations resteront présentes. Lorsqu’un changement d’alimentation brusque intervient, cette répartition des populations au sein du biofilm va évoluer pour s’adapter à ce changement. Le melon et les fruits, en règle générale, sont des intrants à profil de dégradation rapide, leur transformation complète en biogaz peut donc se réaliser en quelques jours seulement. Il a toutefois été pertinent de mettre en place une cuve de post-digestion qui est alimentée depuis la cuve de liquéfaction avec la partie récalcitrante de la matière organique. Cette partie récalcitrante, composée principalement des peaux de melons ou autres fruits, aura le temps nécessaire dans cette cuve de post-méthanisation pour se dégrader totalement et fournir ainsi le maximum de biogaz possible.

Le biogaz est valorisé dans un groupe de cogénération qui fournit de l’électricité et de la chaleur sous la forme d’eau chaude à 90 °C.

Intégration

La demande du client était de ne rien modifier par rapport au fonctionnement actuel de son site de tri et conditionnement. Les déchets composés de fruits non mûrs, pourris ou endommagés sortent de l’usine via une rivière artificielle souterraine. Un escalator remonte ces fruits et les laissait tomber dans une benne. Aujourd’hui rien n’a changé pour l’usine de tri mais à la sortie de l’escalator, les fruits sont directement incorporés dans la cuve de liquéfaction.

À la sortie de l’escalator, un séparateur par calibre a été installé, les melons roulent sur le séparateur et tombent dans la trémie qui alimente une pompe broyeuse de type vis excentrée. Les prunes suivent le même chemin mais tombent sous le séparateur dans une trémie qui alimente une dénoyauteuse. La pulpe est transférée via une pompe péristaltique dans la trémie à melons. Les autres fruits sont versés directement dans la trémie.

Pour ce qui est de la chaleur, une partie est utilisée pour le maintien en température des cuves de digestion (38 °C), le surplus est valorisé intégralement sur le site pour le chauffage et l’eau sanitaire des bâtiments qu’occupent les saisonniers, et pour le chauffage de l’eau de nettoyage des caisses de transport des fruits.

Le digestat (résidus ultimes de la matière organique après digestion) subit une séparation de phases, la partie solide est stockée dans une benne avant épandage et la partie liquide est suffisamment épurée pour être envoyée dans le réseau d’égouttage. L’électricité produite est injectée directement sur le réseau EDF.

Données du projet

Les chiffres clés du projet :

  • • Intrants : melons, prunes, kiwis, ananas, ...
  • • Capacité : l’unité a été dimensionnée pour 100 tonnes de melons par semaine équivalent à 72 kW électrique en continu avec une réserve de 40 % soit 140 tonnes par semaine et 100 kW.
  • • Cuve de liquéfaction : 350 m³ en béton isolé, 1 agitateur de 11 kW
  • • Cuve de méthanisation : 1 HYFAD (digesteur à lit fixe de 40 m³), brevet de GreenWatt
  • • Cuve de post-méthanisation : 500 m³ en béton isolé, 1 agitateur de 11 kW

Retour d’expérience

Cette unité est fonctionnelle depuis juillet 2011 et répond au cahier des charges établi par l’exploitant. Seules quelques légères modifications ont dû être apportées au matériel installé.

Il était prévu dès le départ des variations importantes de quantité dans l’alimentation : +40 %, la réalité a été bien au-delà avec des semaines à plus de 400 tonnes et d’autres à 0. L’unité a très bien supporté ces chocs en accumulant les acides organiques dans la première cuve avant de les redistribuer progressivement vers le digesteur à lit fixe lorsque la quantité de déchet entrant diminuait.

La période hivernale pendant laquelle l’unité était très faiblement alimentée n’a pas non plus posé de problème, les intrants étant suffisants pour permettre le fonctionnement intermittent du groupe de cogénération et assurer le maintien en température des cuves.

La montée en charge de ce début de saison s’est aussi passée sans soucis et aujourd’hui le groupe de cogénération tourne à 100 kW en continu.

Mot de l’exploitant

« Nous sommes particulièrement fiers d’être la première entreprise française à investir dans cette nouvelle forme d’énergie verte », déclare Claude Boyer, fondateur de la SAS Boyer. « Le retour sur investissement de ce projet est d’ailleurs extraordinaire : alors que nous devions auparavant payer pour traiter nos 1 800 tonnes de déchets annuels, notre propre centrale de biométhanisation de 100 kW nous fournit désormais en moyenne 1,7 MWh d’électricité par jour – l’équivalent de la consommation annuelle de 150 familles – 1,68 MWh de chaleur par jour – l’équivalent de la consommation annuelle de 100 familles – et 500 tonnes de compost. »

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