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Des usines de Biogaz pour le traitement des lisiers. L'expérience danoise

30 juillet 1991 Paru dans le N°147 à la page 45 ( mots)
Rédigé par : René WAJSFELNER et Jens PRISUM

L'expérience danoise

Jens PRISUM — Krüger-Bigadan AS (Danemark)

et René WAJSFELNER — Krüger S.A. (France)

[Photo : Emplacement des stations-pilotes.]

À partir de 1986, un programme d'action pour la réalisation de stations de biogaz sur une grande échelle a été mis au point pour développer cette technique au Danemark, avec le souci de produire de l'énergie, tout en sauvegardant les intérêts de l'agriculture et de l'environnement.

Le programme couvre neuf stations de production de biogaz, qui permettent de traiter de 50 à 400 tonnes de biomasse/jour. La matière première est constituée des fumiers en provenance des fermes et d'autres biomasses telles que matières organiques, déchets industriels, boues de traitement d'eaux résiduaires et autres matières premières assimilables. Plusieurs de ces stations utiliseront en outre par la suite des ordures ménagères triées à la source.

L'expérience tirée de cette opération pendant les années 1988 et 1989 a été positive : la production de gaz a augmenté substantiellement, dans des proportions supérieures à celles prévues initialement. Dans le même temps, on a constaté que les usines pouvaient contribuer financièrement à résoudre un certain nombre de problèmes touchant l'environnement, par exemple, en aidant à la réduction de la pollution due aux matières azotées provenant des fermes.

Dès 1986, un comité fut créé par les Ministères danois de l'Énergie, de l'Agriculture et de l'Environnement, afin d'assurer la coordination des actions entreprises par les coopératives chargées de stations de production de biogaz.

La tâche du comité a été d'élaborer et ensuite de mettre en œuvre un programme d'actions qui devrait permettre d'évaluer la possibilité de rentabiliser cette technologie nouvelle, combinant les intérêts de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie, dans des conditions financièrement compétitives, et de décider ultérieurement de l'opportunité du développement de ces coopératives.

Ce programme comprenait les phases suivantes :

  • choix du nombre adéquat d'installations pilotes, à partir de critères administratifs, financiers, techniques et agricoles ;
  • construction et mise en œuvre de ces usines pilotes ;
  • application d'un programme de suivi triennal, avec tests et analyses couvrant les aspects techniques, financiers, agricoles et écologiques des installations ;
  • application des projets dans des domaines sélectionnés réclamant une étude plus approfondie ;
  • actions de communication et de services consistant, en phase finale, à informer toutes les parties concernées (particulièrement les fermiers et les autorités locales).

Le comité est composé de représentants des autorités gouvernementales nationales et locales, des fournisseurs, des associations agricoles, et des groupes d'intérêts divers, en vue d'une large concertation.

Pour mettre à exécution son programme, le comité de coordination a désigné un groupe de suivi technique et un groupe d'utilisateurs. Le premier est composé d'experts dans les domaines de l'énergie, de l'agriculture et de l'environnement ; le second est composé de représentants des différentes stations-pilotes et constitue un forum pour l'échange des expériences, ce qui lui a permis de participer à des séminaires destinés au personnel d'exploitation des usines.

[Photo : Schéma de principe de la station Linkogas à Lintrup.]
[Photo : Schéma de principe de la station Ribe Biogas AS.]

Une étape importante du programme réside dans le suivi des analyses, lequel porte sur un certain nombre d’activités, partagées entre un programme de base applicable à toutes les installations et un programme spécifique à certaines d’entre elles.

Le programme de base couvre les aspects technologiques, économiques et agricoles ; il a pour but de recueillir les données du fonctionnement journalier des stations, telles que la production de gaz, la transformation d’énergie et la consommation entraînée par le fonctionnement du système.

L’objet du suivi économique est de réunir et d’analyser la rentabilité du procédé dans le cadre d’un système comptable et de gestion assurant l’homogénéité des informations. Le suivi du secteur agricole consiste à collecter des renseignements sur la situation de l’agriculture. Enfin, dans le programme de base, il est procédé à l’enregistrement et à l’analyse de la biomasse ajoutée, ainsi qu’à l’exploitation du journal où sont enregistrés les éléments du fonctionnement des stations.

Les usines-pilotes

Les installations-pilotes ont été choisies en tenant compte de la nécessité de faire figurer des usines d’importance et de types variés, associant diverses organisations et sociétés, des utilisations variées des gaz et des fournisseurs différents. En même temps, on s’est efforcé de répartir les usines de façon homogène, en les plaçant toutefois en priorité dans les régions de gros élevage.

La figure 1 montre l’emplacement géographique des huit stations-pilotes.

Le tableau 1 indique les capacités des installations et leur production de gaz.

Les études préparatoires ont demandé plusieurs années pour la plupart des installations, ce qui est notamment dû au fait que les nombreuses parties en présence ont su mettre au point des projets difficiles. Il faut d’ailleurs noter que la procédure d’examen de ces projets par les autorités et les établissements de crédit reste encore à définir.

L’usine coopérative de Linkogas, à Lintrup

En 1987, 62 agriculteurs de la région de Roedding s’associèrent pour créer Linkogas a.m.b.a., dont l’objet principal était la construction et l’exploitation d’une usine permettant de convertir une production journalière de 360 tonnes de fumier d’origine animale et de déchets organiques en biogaz et en engrais organiques assimilables par l’environnement.

Une innovation significative consiste à traiter la biomasse digérée par filtration au moyen d’une installation d’osmose inverse, qui permet d’obtenir une réduction de 60 % en volume, ce qui se traduit, pour les agriculteurs, par un gain de 54 000 m³ au niveau du transport et du stockage.

Le coût de la construction s’est élevé à 44,8 million de DKK, dépense financée par l’Agence Nationale pour l’Énergie, l’Agence Nationale pour la Protection de l’Environnement et le Conseil Départemental du Sud-Jutland.

La construction de l’usine a débuté le 1ᵉʳ août 1989, et sa mise en service a eu lieu le 2 avril 1990. Son exploitation est assurée par une équipe de quatre techniciens, qui prennent également en charge le transport du fumier.

Le procédé

La station (figure 1) reçoit 360 tonnes de biomasse par jour, comprenant 300 tonnes de fumier, 50 tonnes de déchets organiques provenant d’industries alimentaires et 10 tonnes de boues d’épuration des eaux résiduaires urbaines. Dans le hall de déchargement, la biomasse liquide et solide est répartie dans quatre bassins de réception, par des rampes et des canalisations, après avoir été transportée en grande partie par les véhicules de la coopérative.

Pasteurisation

À partir des bassins de réception, la biomasse est pompée vers l’un des deux ouvrages de pasteurisation de 100 m³, dans lequel elle est chauffée à 70 °C pendant deux heures, ce qui permet d’éliminer germes et microbes, et de préparer la biomasse à la phase suivante de digestion.

Digestion

À partir des ouvrages de pasteurisation, la biomasse est pompée vers un des trois bassins de fermentation anaérobie de 2 400 m³ de capacité, où elle est maintenue à une température de 37 °C. Dans ces conditions, les bactéries transforment 30 à 40 % des matières organiques en biogaz combustible, composé de 60 à 70 % de méthane pur et 30 à 40 % de dioxyde de carbone.

Échange de chaleur

L’usine de biogaz est équipée de trois échangeurs de chaleur à contre-courant, connectés en série, qui utilisent la chaleur de la biomasse pasteurisée, digérée, pour le réchauffement des biomasses non encore traitées. La quantité de chaleur effectivement échangée montre que moins de 10 % du biogaz produit est utilisé à cet effet.

Biogaz

Le biogaz, dont la production s’élève à 12 000 m³ par jour, subit trois sortes de traitements. L’hydrogène sulfuré est tout d’abord extrait par un procédé d’épuration chimique, puis le gaz est comprimé à 4 bars, et asséché. Il est ensuite envoyé à l’aide d’une canalisation de 7 km vers la station de chauffage du district de Roedding, où il alimente un moteur à gaz pour produire de la chaleur et de l’électricité.

Traitement final

La biomasse digérée est pompée à partir des réservoirs de fermentation vers les filtres mécaniques qui retiennent les particules supérieures à 0,05 mm. La biomasse restante arrive alors en phase finale de son traitement, dans une unité de filtration à membranes à deux étages.

Le rendement final, après séparation et filtration, est le suivant :

55 % d’eau claire, soit 200 t,

35 % de matières concentrées, soit 125 t,

10 % de masse fibreuse, soit 35 t.

Produits finis

L’eau recueillie par l’unité de filtration non polluante est déversée dans les cours d’eau après passage dans des lagunes.

Les matières concentrées sont inodores, liquides, et présentent un pouvoir fertilisant de deux à trois fois supérieur aux lisiers classiques. La plus grande partie d’entre elles est retournée aux fournisseurs de la biomasse ; le reste est vendu aux horticulteurs de la région.

La masse fibreuse doit être ultérieurement transformée par la société, en vue de son utilisation comme engrais en horticulture et jardinage.

L'usine coopérative de Ribe

L’usine de la société Ribe Biogas AS, la plus importante des huit usines du programme, créée au printemps 1989, traite les lisiers de l’association des 120 fermiers de la région de Ribe, ainsi que les déchets des abattoirs Vestiyske Slagterier.

Le coût de la construction s’est élevé à 46,1 millions de DKK, dépense financée par l'Agence Nationale pour l’Énergie, l'Agence Nationale pour la Protection de l’Environnement, la Communauté Européenne, outre la souscription, la constitution d’hypothèques et de prêts bancaires.

La construction de l'usine a démarré en août 1989, et sa mise en service a eu lieu le 16 juin 1990.

Le procédé

L'usine reçoit environ 400 tonnes de biomasse par jour, composée de 250 tonnes de lisiers de bétail, 86 tonnes de lisiers de porc, 30 tonnes de déchets d’abattoirs, 6 tonnes d’argile de blanchissement (bentonite) et d’environ 30 tonnes de déchets industriels. Les lisiers de porcs et de bovins ainsi que les matières stercoraires fournies par les abattoirs sont collectés par les soins de l’usine. La biomasse est transportée dans des containers par des camionneurs privés.

Le déchargement du fumier et autres biomasses liquides complétés par de la biomasse digérée s’effectue dans un hall de déchargement clos équipé de systèmes de lavage des convoyeurs.

Bassins de réception et stockage

Du hall de déchargement, la biomasse liquide est directement déversée vers deux bassins de réception de 680 m³. La partie non liquide de la biomasse est déversée dans un réservoir séparé d'où elle est dirigée vers les réacteurs.

Digestion

À partir du bassin de réception, la biomasse est pompée vers trois réacteurs de 1 750 m³, où elle est digérée pendant 12 jours à 55 °C, procédé qui présente deux avantages :

  • - le procédé thermophile requiert la moitié du temps habituel de digestion, en permettant ainsi de réduire de moitié le volume du réacteur,
  • - la température élevée assure la désinfection, sans recours à un stockage spécial.

Échange de chaleur

L'usine de gaz est équipée de trois échangeurs à contre-courant, placés en série, qui utilisent la chaleur de la biomasse digérée pour amorcer le réchauffement de la biomasse non traitée, encore froide. L’échange effectif de chaleur est tel que moins de 15 % du biogaz produit est nécessaire pour ce procédé.

Biogaz

L’usine produit 12 000 m³/j de biogaz contenant du méthane à 60-70 %. Le gaz est collecté dans un réservoir à basse pression. Il est ensuite comprimé à 4 bars et, après être passé dans un stockage à haute pression, il est envoyé à 2,5 km de distance vers une des stations de chauffage régional de Ribe, où il alimente un moteur à gaz qui le transforme en chaleur et en électricité.

Produits finis

La biomasse digérée est pompée vers deux bassins de stockage, puis elle est transportée vers les 22 réservoirs de stockage locaux pour être épandue dans les champs.

Tableau I — Liste des installations testées au titre du plan d’action

Installation : V. Hjemslev — Capacité : 68 t/j — Production de biogaz : 0,5 Mm³ CH₄/an — Production de chaleur : 11 t/j — Production d’énergie : 560 MWh/an — Utilisation : moteur à gaz
Installation : Vegger — Capacité : 40 t/j — Production de biogaz : 0,8 Mm³ CH₄/an — Production de chaleur : 10 t/j — Production d’énergie : 760 MWh/an — Utilisation : moteur à gaz
Installation : Skovsgaard — Capacité : 75 t/j — Production de biogaz : 0,5 Mm³ CH₄/an — Production de chaleur : 18 t/j — Production d’énergie : 440 MWh/an — Utilisation : moteur à gaz
Installation : Sinding — Capacité : 100 t/j — Production de biogaz : 1,5 Mm³ CH₄/an — Production de chaleur : 22 t/j — Production d’énergie : 1 500 MWh/an — Utilisation : moteur à gaz
Installation : Fangel — Capacité : 170 t/j — Production de biogaz : 1,1 Mm³ CH₄/an — Production de chaleur : 30 t/j — Production d’énergie : 1 300 MWh/an — Utilisation : chaudière à gaz
Installation : Davinde — Capacité : 45 t/j — Production de biogaz : 0,3 Mm³ CH₄/an — Production de chaleur : 7 t/j — Production d’énergie : 0 MWh/an — Utilisation : chaudière à gaz
Installation : Rønnede — Capacité : 40 t/j — Production de biogaz : 0,3 Mm³ CH₄/an — Production de chaleur : 9,3 t/j — Production d’énergie : 216 MWh/an — Utilisation : chaudière à gaz
Installation : Ribe — Capacité : 400 t/j — Production de biogaz : 2,8 Mm³ CH₄/an — Production de chaleur : 47 t/j — Production d’énergie : 6 900 MWh/an — Utilisation : moteur à gaz
Installation : Lintrup — Capacité : 355 t/j — Production de biogaz : 2,5 Mm³ CH₄/an — Production de chaleur : 42 t/j — Production d’énergie : 4 200 MWh/an — Utilisation : moteur à gaz

Avantages pour l’agriculture

  • - La solution coopérative des problèmes de surplus des lisiers et la diminution des volumes de stockage a permis de réduire ensemble des coûts, et cela sans immobiliser des capitaux dans la construction d’ouvrages de stockage individuels.
  • - La biomasse digérée, très liquide, facilite le mélange et l'épandage.
  • - La proportion d’azote dans la biomasse digérée est de 10 à 20 % supérieure, ce qui permet de réaliser des économies d’engrais.
  • - Le mélange de déjections bovines, porcines et autres biomasses entraîne un meilleur équilibre des apports nutritifs destinés à la végétation, ce qui permet de tirer un meilleur profit des composés azotés issus de la biomasse.

Avantages sur l’environnement

  • - La fermentation de la biomasse élimine les germes et réduit le risque d'infection.
  • - La biomasse digérée est quasi inodore et ne provoque pas de gêne olfactive pendant l'épandage.
  • - L'usine de biogaz est un bon exemple d'emploi des ressources locales dans la production de l'énergie (dans le cadre des énergies renouvelables).
  • - Le biogaz remplace le charbon, en réduisant ainsi l’acidification de l’atmosphère.

Conclusion

L'expérience danoise, assise sur une technologie de pointe, peut s’appliquer avantageusement à d'autres pays européens, compte tenu du savoir-faire acquis, garantie de la fiabilité des unités de production de biogaz.

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