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Des pompes immergées pour le chauffage des serres

30 mai 1989 Paru dans le N°128 à la page 41 ( mots)
Rédigé par : Lucien DELORME

Le chauffage des serres représente une part très importante du coût d’exploitation des cultures maraîchères et horticoles ; très naturellement, les exploitants cherchent à la réduire, tout en assurant la régularité et l'uniformité de la température dans les enceintes. C'est ainsi que le chauffage à basse température utilise des techniques sophistiquées et des matériels nouveaux, tant au niveau de leur conception que de leur utilisation ; par ailleurs, le principe de la bulle thermique (également appelée « bulle Combacal », du nom de son inventeur) fait appel à des solutions originales permettant d’exploiter au mieux les phénomènes physiques naturels et d'optimiser les équipements.

Dans ce contexte, le rôle des constructeurs de matériel est d’apporter à l’installateur une aide technique pour choisir convenablement le produit le mieux adapté au cahier des charges. On arrive alors à des solutions tout à fait originales, telles que l'utilisation de pompes immergées remplissant la fonction de circulateurs de chauffage.

Nous décrirons les techniques qui les concernent dans le présent article.

L'installation de chauffage

Le chauffage à basse température utilisé dans le système « bulle thermique » permet de chauffer l'ambiance, le sol et les végétaux ; il n’est pas localisé : un réseau de tubulures dans lequel circule de l’eau tiède (jusqu'à 32 °C) joue le rôle d’émetteur de chauffage (figure 1).

Les tubes annelés de couleur noire, utilisés dans ce système, sont d’aussi bons capteurs que de bons radiateurs.

[Photo : Vue générale des serres.]
[Photo : Disposition des tubes placés dans la serre.]

L'eau qui circule dans les tubes s’échauffe pendant les périodes ensoleillées, et elle est stockée dans le bassin d'eau tiède pour être recyclée lorsque l'énergie solaire fait défaut. Dans les serres du sud de la France, la récupération de l’énergie solaire permet, en hiver, d’économiser jusqu’à deux heures de chauffage par journée ensoleillée.

Principe du fonctionnement de l'installation

La production de chaleur est assurée par une chaudière à condensation par « voie humide » construite en acier inoxydable (figure 2) et constituée d’un brûleur et d'une chambre de combustion entourée par des anneaux en céramique. La condensation de la vapeur d’eau contenue dans les fumées s’effectue au niveau des anneaux par lavage avec l'eau chauffée.

Deux pompes immergées, d'un débit de 50 m³/h chacune (figure 3), puisent l'eau froide au fond d'un bassin de 700 m³ (figure 4). La consommation énergétique de chaque pompe est de 2,2 kW pour une puissance utile de chauffage de 2 000 kW. À la sortie de la chaudière, l’eau est canalisée dans un tube immergé de 250 mm de diamètre dont l'extrémité est située à proximité des pompes de circulation immergées. La température de l'eau du bassin se situe entre 24 °C et 32 °C, en fonction de

L'apport énergétique nécessaire pour obtenir la température souhaitée dans les serres. Pour obtenir une température moyenne de 28 °C dans le bassin, par exemple, l'eau doit être chauffée à 40 °C par la chaudière.

[Photo : Figure 2 – Schéma de principe de l’installation.]
[Photo : Figure 3 – Schéma d’une pompe et des orifices d’arrivée d’eau de refroidissement.]

Les parois de la bulle thermique ne doivent pas toutes émettre la même quantité de chaleur. Le circuit de sol est le plus chaud, les murs formant un rideau d’air chaud sont à une température moyenne, enfin le réseau de faîtage reçoit l'eau à plus basse température. La bulle agit comme un « écran thermique », les rayonnements émis par les tubes empêchant l’air froid de pénétrer dans la serre.

À la suite des mesures de température effectuées par le Cemagref dans une telle installation, on a constaté que les températures varient peu d’un point à un autre de la serre : par exemple, si la température extérieure est de 0 °C, l'écart entre le sol et le plafond n’est que de 1 °C (figure 5). La grande quantité d'eau tiède qui entoure la serre explique cette stabilité thermique, quelles que soient les variations de température extérieure.

Pour élever de façon naturelle l'eau à différentes températures, il suffit d'immerger les pompes à des hauteurs diverses dans le bassin.

Installation des pompes immergées

Les pompes sont installées verticalement dans le bassin, de façon à permettre leur remplacement éventuel par une seule personne, en cas de défaillance, de nuit par exemple. Elles doivent donc être facilement accessibles du bord du bassin (figure 6).

Une batterie de 17 pompes immergées alimente le circuit de chauffage de la serre (laquelle comporte 9 000 m² entièrement chauffés et 14 700 m² partiellement). Les pompes, qui sont installées dans des tubes en PVC de 160 mm de diamètre, reposent sur des axes horizontaux traversant le tube de part en part (figure 7).

[Encart : La chaudière à condensation fonctionne à circuit ouvert et le risque d’oxydation des matériels est important ; de plus, les condensats peuvent être des produits acides et corrosifs. Une analyse de l’eau se révèle donc nécessaire pour déterminer la nature de l’acier inoxydable à utiliser. Cinq éléments influent sur la résistance de l’acier inoxydable : — indice pH, — température, — sulfure d’hydrogène, — chlore, — chlorure équivalent. Le chlorure équivalent exprime l’agressivité totale des différents restes d’acides calculés selon la formule suivante : ppm chlorure – 0,5 × ppm (SO₄ + HCO₃ + CO₃ – MO₃ + PO₄). Le contenu des restes d’acides (entre parenthèses) modifie l’agressivité du chlorure.]

Si l'acier inoxydable utilisé dans la fabrication des pompes se révèle être le matériau dont le domaine d’application est le plus étendu, ses possibilités ne sont pas sans limites. On doit donc vérifier la durabilité à partir d'un diagramme de corrosion, en évaluant ainsi l’influence des teneurs en chlorures, chlore, sulfure d’hydrogène ainsi que l'effet des ions sulfate, bicarbonate, carbonate, nitrate et sulfate (figure 8).

[Photo : Figure 4 – Schéma d’implantation des pompes dans le bassin. Légende : Hauteur A : 400 mm, B : 350 mm, C : 145 mm, D : 450 mm.]
[Photo : Figure 5 – Profil vertical des températures nocturnes d’air dans une serre (essais Cemagref – février 1986).]

Ce diagramme ne concerne que la corrosion des types piqûres et fissures qui représentent les formes les plus graves pour l’acier inoxydable.

Les moteurs des pompes immergées sont étudiés pour fonctionner à une température maximum de l’eau de 40 °C. Or, l’eau dans le bassin peut atteindre une température de 32 °C. Il faut donc veiller attentivement au refroidissement du moteur.

On sait que la température de surface du moteur est d’environ 10° plus élevée que la température du liquide pompé, ce qui signifie que le moteur doit être refroidi dans un courant dont la vitesse d’écoulement doit être au moins de 0,13 m/s. En considérant, par exemple, un tube de 160 mm de diamètre (D) renfermant un moteur de 95 mm de diamètre (d), dont le débit est de 35 m³/h sous une hauteur manométrique de 18 m, la surface annulaire est de

π (D² – d²) / 4 = 0,013 m²

et la vitesse de l’eau atteint :

V = Q / S  
   = 35 / (0,013 × 3600)  
   soit 0,74 m/s > 0,13 m/s.

On doit noter que les moteurs installés dans de l’eau très agressive (eau chlorée, par exemple) doivent avoir une température de surface aussi basse que possible puisque la vitesse de corrosion est doublée chaque fois que la température de surface s’élève de 10 °C ; dans ce cas, la vitesse d’écoulement doit être très élevée (mais jamais supérieure à 1 m/s).

Il existe une relation entre la vitesse de circulation et l’accélération de la corrosion : si la vitesse est trop faible, la température de surface du moteur s’élève et le phénomène de corrosion est amplifié ; si la vitesse est trop élevée, le courant hydraulique risque de détruire le film protecteur qui peut se former naturellement sur la surface du moteur. Ce film, créé par l’oxygène qui se fixe à la surface de l’acier inoxydable, protège l’acier contre les agressions chimiques et la corrosion galvanique.

Un soin tout particulier est apporté aux orifices d’entrée d’eau dans le tube en PVC, dont l’emplacement et les dimensions n’ont pu être déterminés qu’après plusieurs essais, de façon à assurer une bonne distribution du fluide à l’intérieur du tube, en tenant compte du fait que, pour faciliter le passage de l’eau, la surface des orifices doit être quatre fois plus grande que la section annulaire comprise entre le tube et le moteur (figure 9). Les pertes par friction entre le tube et le moteur sont négligeables et n’ont aucune importance pratique.

Quelle que soit la position de la pompe dans le bassin, deux règles doivent être impérativement respectées :

  • — la pompe doit être immergée en réservant une hauteur minimum de un mètre au-dessus de la crépine pour éviter la cavitation par effet Vortex ; de plus, les orifices d’aspiration doivent être largement dimensionnés ;
  • — les orifices d’aspiration du tube doivent être placés à 50 cm, au moins, au-dessus du fond du bassin pour éviter d’attirer les boues et autres particules solides.

Pour que la circulation d’eau de refroidissement soit correcte, c’est-à-dire de bas en haut, l’extrémité supérieure du tube débouche au-dessus de la surface de l’eau. Cette mise à l’air libre évite, en outre, la formation d’une poche d’air dans le tube.

Détermination des pertes de charge

Lorsque des tubes se trouvent en contact avec les végétaux, leur température ne doit pas dépasser 35 °C.

[Photo : Ce bassin de grande capacité permet une réserve d’énergie considérable et une grande inertie du climat de la serre. Il est recouvert d’un film plastique pour éviter le dégagement de la vapeur d’eau et permettre de contrôler l’hygrométrie de la serre.]
[Photo : Figure 7]
[Photo : Diagramme utilisé pour le choix de la qualité d’acier inoxydable à employer dans la fabrication des pompes, en fonction de l’agressivité de l’eau. Température maximale admise par les matériaux : WNr 14301 (AISI 304), WNr 14401 (AISI 316), WNr 14539 (AISI 904).]
[Photo : Figure 9]

Exemple d’application du diagramme (figure 8)

L'analyse du liquide pompé donne le résultat suivant :

Chlorures (Cl¯) = 4500 ppm (mg/l)
Chlore (Cl₂) = 0,3
Sulfure d’hydrogène (H₂S) = 10
Sulfates (SO₄²¯) = 800
Bicarbonates (HCO₃¯) = 200
Carbonates (CO₃²¯) = 0
Nitrates (NO₃¯) = 0
Phosphates (PO₄³¯) = 0
pH = 6

Selon ces données, on calcule les ppm chlorure éq. (équivalents) comme suit :

ppm chlorures éq. = ppm chlorures – 0,5 × (ppm SO₄²¯ + HCO₃¯ + CO₃²¯ + NO₃¯ + PO₄³¯)
= 4500 – 0,5 × (800 + 200 + 0 + 0 + 0) = 4000 ppm

Chercher la valeur 4000 ppm sur l'axe ppm chlorures éq. À la verticale de ce point, trouver l'intersection avec la diagonale montante. De là, tracer une ligne horizontale jusqu’à l'intersection avec la diagonale descendante correspondant à 0,3 ppm chlore. De ce point, tracer une ligne verticale jusqu’à la courbe de température. Trouver la valeur sur l'axe des pH 6. À la verticale de ce point, trouver l'intersection avec la ligne correspondant à 10 ppm H₂S. De là, tracer une ligne horizontale jusqu’à l'intersection avec la verticale déjà tracée. Ce dernier point d'intersection donne le résultat suivant : la température maximale acceptée pour pomper ce liquide avec une pompe faite d’acier inoxydable W.Nr. 1.4401 est de 25 °C.

D’autre part, plus le ∆t entre l'entrée et la sortie du réseau de chauffage est faible, plus la température à l'intérieur de la serre est homogène (le système « bulle Combacal » fonctionne avec un ∆t de 0,8 à 1 °C seulement). Cette condition n’est pas sans créer des problèmes. En effet, le débit fourni par la pompe de circulation répond à la relation suivante :

Q (l/h) = W (kcal/h) / ∆T

Il en ressort que lorsque ∆T est faible, le débit Q est élevé et que les pertes de charge dans les tubes s’élèvent également en fonction du débit et de leur longueur. De plus, pour faciliter les échanges thermiques, on utilise des tubes annelés (« HC25 ») provoquant l'écoulement turbulent de l’eau, ce qui augmente les pertes de charges. Ainsi, le débit nécessaire pour alimenter le circuit d'une serre comportant 9 chapelles de 6,4 m × 54,4 m est de 3 fois 40 m³/h environ (les circuits sol, mur et faîtage étant alimentés chacun par une pompe). Les pertes de charge de chaque circuit sont évaluées à 15 m de colonne d'eau environ, pour un nombre de tubes supérieur à 10 par m². La puissance nécessaire pour chaque pompe ressort à 2,2 kW, avec un rendement voisin de 70 % (figure 10).

Conclusion

De nombreuses études ont montré que les procédés de chauffage des serres à « basse température » permettent de réduire les coûts tout en améliorant la répartition de la température. Ce mode de chauffage fait appel à des techniques nouvelles, où les matériels traditionnellement utilisés ne sont pas toujours les mieux adaptés et ne résistent pas toujours à l'agressivité de l'eau ou à d’autres phénomènes tels que la création de poches de gaz dissous...

Les pompes immergées en acier inoxydable trouvent parfaitement leur place dans ce nouveau type d’application.

[Photo : Figure 10]
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