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Des filtres pour protéger les unités de purification d'eau

30 septembre 1987 Paru dans le N°112 à la page 48 ( mots)
Rédigé par : Tomas BOUIL

Protéger les unités de purification d’eau contre l’encrassement et le relargage doit être un réflexe systématique. Une teneur élevée en matières colloïdales d’origine minérale ou organique réduit leur efficacité et augmente le risque de recontamination. Cette protection prend un sens aigu quand les exigences, au point d’utilisation, deviennent strictes (COT < 50 ppb en industrie électronique, endotoxines < 100 pg/ml et moins, dans certaines industries pharmaceutiques).

La filtration de l’eau brute joue aussi un rôle primordial dans la protection des unités de purification ; il faut cependant disposer d’un filtre spécifique de la qualité de l’eau à traiter. Il ne sera question, dans cet article, que de la filtration opérée au moyen de cartouches filtrant en profondeur.

L’indice de colmatage : un réflexe d’ingénierie

La première étape dans le choix d’un filtre consiste à évaluer la qualité de l’eau dont on dispose. Plusieurs analyses spécifiques d’une sorte de contaminant sont habituellement utilisées :

  • les matières organiques sont dosées par oxydabilité au KMnO₄, ou mieux, par la mesure du COT (carbone organique total) ;
  • la silice, le fer, peuvent être dosés par colorimétrie.

On peut leur préférer une méthode plus globale, définie par la mesure de l’indice de colmatage (fouling index).

Dans l’eau de distribution publique, la plupart de ces contaminants se trouvent, en effet, sous forme colloïdale, et présentent une charge nette négative de –14 mV environ à pH 7,5. Le test in situ, généralement admis pour leur évaluation, est l’indice de colmatage. En connaissant, d’une part les spécifications données par les fabricants d’unités de purification (tableau 1), d’autre part l’indice de colmatage de l’eau brute, il est alors possible de sélectionner le type de filtre approprié.

Tableau 1 — Indice de colmatage maximum recommandé par les fabricants d’unités de purification

Type d’unité Indice de colmatage maximum recommandé
Osmose inverse : fibre creuse spiralée 3
Résines échangeuses d’ions 2

À titre d’exemple, nous donnons les caractéristiques d’eaux de distribution, établies à partir de mesures effectuées sur 12 sites français, à différentes saisons :

  • indice de colmatage moyen : 6,76 (écart type = 3,35) ;
  • indice de colmatage maximum mesuré : 12,4 (ce qui caractérise une eau très chargée) ;
  • indice de colmatage minimum mesuré : 1,58.

Lorsque l’indice est supérieur à la valeur limite fixée par le système de purification (tableau 1), une filtration spécifique doit être envisagée ; elle a pour but, selon le système de purification utilisé :

  • d’allonger la durée de vie des membranes d’osmose inverse, ou d’éviter le colmatage organique des résines anioniques, et leur relargage,
  • de réduire le risque de contamination microbienne dans les résines, et par voie de conséquence, dans le reste du système,
  • d’allonger la durée de vie des filtres finaux.

Comme nous le verrons, les filtres à cartouche à charge électrocinétique permettent de réduire efficacement l’indice de colmatage des eaux de distribution ou de puits.

Une filtration efficace

Le type de filtre que nous avons mis au point combine les techniques d’adsorption électrocinétique avec le tamisage mécanique, et assure une filtration submicronique à des débits spécifiques élevés.

La densité croissante du média y permet une rétention par tamisage sélectif des particules et augmente la durée de vie du filtre. Les charges positives, uniformément réparties dans tout le média, captent par adsorption, les particules chargées négativement, de taille bien inférieure au seuil de coupure (endotoxines, matières organiques colloïdales).

[Photo : impuretés captées par adsorption]

La combinaison de la densité croissante, de l’adsorption et de la grande surface interne permet d’obtenir une capacité très élevée de rétention des contaminants.

Ces filtres à charge électrocinétique existent sous deux formes différentes, A et B (figures 2 et 3) : les filtres du type A sont constitués par un empilage de lentilles fabriquées à partir de plaques filtrantes composées de cellulose de terre de diatomées liées par une résine cationique ;

Les filtres du type B sont obtenus par agglomération de cellulose de filtres de verre et liés par une résine cationique. Nous avons récemment développé un filtre en profondeur original (du type C), combinant un matériau de base unique avec une technologie de fabrication innovante. Il est fabriqué à partir de fibres composées d'une âme centrale en polypropylène et d'une gaine en polyéthylène (figure 4).

Ces fibres sont thermosoudées à chaque point de contact. À cet effet, la matrice est chauffée à une température supérieure à la température de fusion du polyéthylène, et voisine de celle du polypropylène. La densité élevée des points de soudure assure une grande rigidité du filtre et élimine le risque de relargage de fibres, même dans le cas de chocs hydrauliques.

L'efficacité de ces trois filtres a été testée dans des conditions réelles d’utilisation en protection d’unités de purification.

La figure 5 indique la réduction de l’indice de colmatage obtenu par l’emploi des filtres en cause, choisis chacun dans une gamme à partir de différentes qualités d’eau de distribution.

La filtration spécifique : une réalité économique

L'unité de traitement d’eau de la société Sprague France à Tours est dimensionnée pour produire 10 m³ d’eau ultrapure à 18 MΩ, suivant le procédé décrit schématiquement sur la figure 6.

À l'origine de notre étude, les résines primaires se saturaient rapidement, et les filtres placés en aval des résines présentaient une durée de vie relativement courte ; d'autre part, le niveau de contamination bactérienne était élevé et, pour maintenir la résistivité spécifiée, les résines étaient soumises à de fréquentes régénérations.

La qualité de l'eau aux différents points du traitement avait été évaluée par le test in situ de l’indice de colmatage, dont les résultats figurent ci-après :

Point de prélèvement Indice de colmatage
1 2,8
2 2,13
4 2,67
5 1,47

Les résultats appellent un certain nombre de remarques :

— le filtre utilisé en protection des résines ne permettait pas une amélioration significative de l’indice de colmatage ;

[Photo : Fig. 2 : modèle de filtre du type A.]
[Photo : Fig. 4 : modèle de filtre du type C.]

— l’augmentation de l’indice de colmatage au travers des résines traduisait un encrassement et un relargage de celles-ci.

Nous avons procédé à plusieurs essais dans le but de réduire l’indice de colmatage en amont des résines. La solution économique qui a été retenue, en définitive, consiste en deux filtres, placés en série, dont l’un est chargé électrocinétiquement.

Ce système permet de maintenir l’indice de colmatage à une valeur inférieure à 1,5, quelles que soient les variations saisonnières de la qualité de l’eau brute.

Les résultats obtenus sont reproduits ci-dessous :

Indice de colmatage

Point de prélèvement Moyen Maximum
1 3,8 5,75
2 2,3 3
3 1,2 1,5
4 1,5
[Photo : Fig. 3 : modèle de filtre du type B.]

La similitude des valeurs d’indice de colmatage à l’entrée (point 3) et à la sortie (point 4) de l’unité de purification traduit une réduction sensible de l’encrassement des résines et l’absence de relargage. D’autre part, avec l’utilisation des filtres chargés, la résistivité mesurée se maintient en permanence à 5 MΩ après la chaîne primaire (cette résistivité était de 1 à 2 MΩ précédemment). Enfin, la fréquence de lavage des chaînes primaires est diminuée et le volume d’eau traité entre deux lavages est augmenté de 20 %.

[Photo : graphique des indices de colmatage relevés lors de l’emploi des divers types de filtres.]

* seuil de coupure nominal du filtre choisi pour les essais.

[Photo : schéma du procédé.]

Conclusion

De nombreuses installations de purification d’eau sont pénalisées, en durée de vie et en efficacité, par la qualité de l'eau de distribution et, notamment, par les particules colloïdales.

Leur protection par une filtration spécifique est nécessaire ; son choix est basé sur une mesure simple : l’indice de colmatage.

Nous avons montré, par un exemple de réalisation, le bénéfice apporté par un filtre à charge modifiée, et la réduction de l’indice de colmatage de l’eau brute qui en résulte. Son utilisation permet ainsi d’allonger les cycles de régénération des résines, et de diminuer leur risque d’encrassement et de relargage.

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