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Dépollutions des sols : que sais-je?

29 decembre 1995 Paru dans le N°187 à la page 42 ( mots)
Rédigé par : Valérie NAVARRE

Il faut reconnaître pour l'instant au moins un mérite au Grand-Stade : il médiatise un peu les questions de pollution des sols. La dépollution des sols, un " métier " complexe, qui fait intervenir hydrogéologie, chimie, biologie, mécanique... Chacun peut cependant en découvrir les grandes généralités ; pollution des sols : origine, étendue et nature ; concentration sur la dépollution des contaminations aux hydrocarbures (familles de techniques de dépollution, les chemins de migration des polluants) ; la décontamination du sol " in situ " : venting, sparging, bioventing, les traitements des vapeurs extraites (oxydation thermique ou catalytique, ozone, charbon actif) ; destruction ou simple transfert de pollution ? Conclusion : la dépollution des sols est un travail d'experts.

La pollution des sols : origine, étendue et nature

Les origines majeures de pollution des sols sont :

  • - stations services, raffineries, pipelines ;
  • - décharges (sauvages ou réglementées)
  • - sites industriels (actifs ou abandonnés) des secteurs chimique, traitement de surfaces, papetier, peinture, pharmacie...
  • - accidents ferroviaires, routiers, aériens

L’étendue de la pollution des sols est plus controversée que ses origines. D’une part, au moins 700 sites pollués ont été recensés en France dans l’inventaire de décembre 1994 du Ministère de l’Environnement, en dehors des sites ayant appartenu ou appartenant à Gaz de France (environ 850, selon l’association Robin des Bois).

D’autre part, certaines publications avancent pour les sites contaminés devant être dépollués des chiffres bien supérieurs, notamment 50 000 en Allemagne, 30 000 aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne et 20 000 en France...

Plus de 90 % des pollutions souterraines impliquent des hydrocarbures et solvants communément appelés les « Composés Organiques Volatils », COV.

La dépollution des sols : techniques

Lorsqu’on estime le nombre de sites dépollués annuellement, la France est deux fois moins active que ses voisins européens, Allemagne ou Pays-Bas. Mais cela ne l’empêche pas de recourir à de nombreuses techniques déjà longuement éprouvées par ses voisins européens ou américains, en leur appliquant sa « touche française ».

Le choix d’une technique de dépollution est influencé par :

  • - la nature qualitative et quantitative de la pollution,
  • - son milieu géologique,
  • - la localisation géographique (urbain ou rural),
  • - les effets sanitaires immédiats de son existence,
  • - l’affectation ultérieure du site une fois décontaminé.

Les techniques de dépollution des sols sont couramment catégorisées suivant le lieu de leur application : « ex-situ », « in-situ » ou « sur site » :

  • - la dépollution « ex-situ » : c’est-à-dire que la zone polluée est excavée de son emplacement d’origine et transportée vers un centre de traitement extérieur. Cette méthode est largement pratiquée par nos voisins allemands dont les normes de décontamination sont particulièrement draconiennes,
  • - la dépollution « in-situ » : c’est-à-dire que la zone polluée n’est pas extraite de son emplacement d’origine : le traitement est effectué dans le sous-sol,
  • - la dépollution « sur site » : apparentée aux deux premières, elle consiste en une excavation des terres polluées et à leur traitement sur place.

Enfin, une dernière possibilité pour « traiter » une pollution est son confinement. Cette technique isole la zone polluée, et donc évite l’extension de la pollution, sans pour autant la supprimer à la source.

La catégorisation peut également se faire suivant la nature du traitement :

  • - physique : aspiration, lavage, pompage, aération,
  • - biologique : bactéries, charbon actif, ozonation, catalyse,
[Photo : Approche conceptuelle d'un système intégré de décontamination.]
[Photo : Équipements de Venting : traitement des vapeurs. Équipements recommandés pour coûts opérationnels minimum.]

Lavage chimique : lavage, incinération, floculation...

Histoire d’une pollution de sol par COV et de sa décontamination

  1. 1. Des COV sont déversés sur le sol (accident routier, fuite, ancien process industriel...).
  2. 2. Naturellement les COV migrent dans le sous-sol selon la perméabilité du sous-sol et sa configuration hydrogéologique : soit dans la zone immédiatement souterraine à celle où ils ont été déversés si le sous-sol est très perméable (sable), soit plus loin, suivant les failles géologiques souterraines, le relief, les mouvements de nappes souterraines, les pluies...
  3. 3. Lorsque la nappe phréatique est touchée, les actions de dépollution sont souvent prises rapidement. En revanche, si la nappe n’est pas touchée, la pollution ayant disparu de la vue, elle peut être ignorée puis oubliée, poursuivant ainsi son voyage souterrain...

Décontamination du sol par Venting®

Il s’agit d’un procédé d’aspiration des vapeurs d’hydrocarbures légers et solvants. Des puits crépinés, horizontaux ou verticaux, sont forés dans le sous-sol et le sol est souvent recouvert d’une membrane.

Sur ces puits sont branchées des canalisations en PVC, par lesquelles les vapeurs sont aspirées par simple création de vide à l’aide d’un dépresseur (soufflante centrifuge ou autre). En moyenne, un puits donne 200 Nm³/h et demande une dépression de 300 mbar. Cela étant, les zones argileuses ainsi que les zones très humides demandent une dépression bien supérieure (450 à 500 mbar) et, inversement, les terrains sablonneux ou graveleux, beaucoup plus perméables, créent une dépression plus faible et élargissent le rayon d’influence de chaque puits.

Les vapeurs aspirées sont déshumidifiées par passage dans un dévésiculeur équipé d’un matelas inox et d’une pompe de vidange auto-amorçante, permettant l’évacuation automatique de l’eau résultant de cette déshumidification.

Décontamination du sol par Venting® et Sparging

Lorsque les hydrocarbures sont plus lourds et donc moins volatils, lorsque des contraintes de délai s’imposent et quand la zone située sous la nappe phréatique est touchée, il est nécessaire d’accélérer/améliorer la volatilisation des COV. Cela est obtenu par l’injection d’air, chauffé ou non, ou de vapeurs dans le sous-sol par des puits crépinés. Un double réseau d’injection d’air et d’aspiration de vapeurs polluées est ainsi mis en place.

Hydrocarbures plus lourds : Bio-Venting®

Naturellement les hydrocarbures sont dégradés par certaines bactéries en CO₂ et eau. Lorsque les hydrocarbures sont lourds et donc peu volatils, l’alternative pour les éliminer est de reproduire ce phénomène bactérien naturel sur commande. Pour cela, des réseaux de drains placés dans le sol permettent l’alimentation en nutriments des bactéries et leur oxygénation. Un autre réseau de drains permet l’aspiration des vapeurs d’hydrocarbures en cours de destruction.

Réduction des délais : Sparging

Des expériences en laboratoire ont montré que la durée de traitement nécessaire à la décontamination de sable pollué par des BTEX passait de 24 h par Venting® à deux heures avec une injection de vapeurs. Pour une décontamination de graviers, la durée passait de 40 à 8 heures.

Décontamination de la zone située sous la nappe : Sparging

Le Venting est impossible à employer pour les zones situées sous la nappe phréatique car il fonctionne dans les zones insaturées. Cependant, en injectant de l’air sous pression sous la nappe, l’air injecté va chercher naturellement à remonter à la surface. Il va se charger de polluants au fur et à mesure de sa migration vers la surface et ce, même en se déplaçant dans l’eau. Une fois arrivé dans la zone insaturée, il sera extrait par Venting®.

Les opérations décrites ci-dessus sont également pratiquées « sur site ». C’est-à-dire que les terres polluées sont excavées et mises en tertre sur le site et ces techniques de Venting®, sparging, bio-venting sont appliquées.

Décontamination des vapeurs de COV extraites du sol

La question clé est de savoir si les vapeurs ainsi extraites doivent être décontaminées ou non et, si oui, comment ?

La réponse à la première question se trouve dans les textes législatifs (Arrêté du 1er mars 1993, JO du 28 mars 1993). Leur mise en application est opérée par les DRIRE.

La réponse à la seconde question (comment ?) dépend de la concentration en COV enregistrée dans le flux extrait du sol. Un tableau illustre schématiquement le raisonnement qui permet de choisir la technologie la plus appropriée techniquement et économiquement.

Oxydations thermique et/ou catalytique ?

• oxydation thermique (800 °C) pour les fortes concentrations de polluants en début de dépollution,

• oxydation catalytique (350 °C) pour les concentrations moyennes en cours de dépollution,

• adsorption sur charbon actif pour les concentrations plus faibles,

• traitement biologique : les vapeurs passent dans des filtres alimentés en composés biologiques se nourrissant des vapeurs polluantes,

• rejet à l’atmosphère en cas de concentration très faible de polluants (notamment en fin de dépollution).

En début de traitement de site, les concentrations en polluants sont souvent telles que l’oxydeur brûle les polluants à 850 °C en autotherme (sans gaz d’appoint). Les vapeurs sont éliminées à 99 % par une oxydation à 850 °C pendant une seconde dans la chambre de combustion. Avec le temps, les concentrations en COV diminuent, et la quantité de gaz d’appoint nécessaire au maintien des 850 °C augmente.

Lorsque la concentration en polluants diminue trop, la destruction à 850 °C devient trop coûteuse en gaz d’appoint, et c’est alors qu’un catalyseur est introduit. La présence du catalyseur permet d’abaisser la température de combustion à 315 °C. Dans ce mode, le fonctionnement en autotherme (sans gaz d’appoint) est possible, malgré un flux moins riche en COV.

Le fonctionnement de ces oxydeurs est entièrement automatisé grâce à des thermocouples, vacuomètres, débitmètres, vannes automatiques de dilution, télégestion… et réduit considérablement la maintenance sur site.

Lorsque la concentration en polluants diminue encore, le coût de fonctionnement d’un oxydeur catalytique peut devenir trop onéreux ; un système de filtres de charbon actif ou de destruction à l’ozone prend alors le relais.

L’adsorption des COV sur charbon actif est couramment employée avec succès lorsque les concentrations en COV sont faibles, car l’efficacité du charbon est bonne sur la plupart des COV. Mais cette technique correspond à un transfert ou un déplacement de la pollution du flux gazeux au charbon actif. Il reste à solutionner le sort du charbon contaminé : les coûts d’élimination ou de régénération sont parfois non négligeables.

C’est pour cette raison que les systèmes à l’ozone se développent : ils sont « propres », détruisent la pollution en la transformant. Grâce à un catalyseur, la transformation des COV en CO₂ et eau est effectuée à moins de 100 °C avec 99 % d’efficacité. Plus de 300 g/h de COV peuvent ainsi être traités.

L’ensemble de ces technologies mécaniques ou biologiques rapidement évoquées ci-dessus présente dans les grandes lignes les procédés de dépollution des sols. Il est fréquent que plusieurs soient utilisés en parallèle ou en complément les uns des autres…

Permettez-nous, pour conclure, cette analogie facile mais appropriée :

Un site pollué est un malade ; il a donc besoin d’un traitement. Seul un diagnostic (eco-audit) approfondi et récent peut permettre un choix éclairé et efficace du mode d’action.

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