Une fuite accidentelle sur une cuve enterrée de stockage de fioul domestique a provoqué l'arrivée d'hydrocarbures sous forme de phase huile sur le forage principal de l'unique champ captant alimentant une ville de plusieurs dizaines de milliers d'habitants. Les mesures d'urgence, outre le repérage et l'enlèvement de la cuve défectueuse, ont consisté en l'amenée sur site d'unités mobiles de filtration sur charbon actif et en la réalisation de forages de secours. Compte tenu des impératifs, (i) délai de dépollution réduit, (ii) présence de bâtiments à proximité immédiate de la zone à traiter, (iii) non pollution des autres forages du champ captant, (iv) nécessité de réhabiliter le puits principal pollué, il a été décidé d'opérer une dépollution in situ, en mettant en ?uvre un drainage activé par tensio-actifs. L'opération de drainage s'est déroulée sur une période de 4 jours. Le puits principal a pu être remis en production après une période de 2 mois.
Jean-Marie Côme, BURGEAP
Jean Ducreux, Institut Français du Pétrole
Une fuite accidentelle sur une cuve enterrée de stockage de fioul domestique a provoqué l’arrivée d’hydrocarbures sous forme de phase huile sur le forage principal de l’unique champ captant alimentant une ville de plusieurs dizaines de milliers d’habitants. Les mesures d’urgence, outre le repérage et l’enlèvement de la cuve défectueuse, ont consisté en l’amenée sur site d’unités mobiles de filtration sur charbon actif et en la réalisation de forages de secours. Compte tenu des impératifs, (i) délai de dépollution réduit, (ii) présence de bâtiments à proximité immédiate de la zone à traiter, (iii) non-pollution des autres forages du champ captant, (iv) nécessité de réhabiliter le puits principal pollué, il a été décidé d’opérer une dépollution in situ, en mettant en œuvre un drainage activé par tensio-actifs. L’opération de drainage s’est déroulée sur une période de 4 jours. Le puits principal a pu être remis en production après une période de 2 mois.
La rupture d’une cuve de stockage enterrée contenant du fioul domestique (FOD) a entraîné la contamination du principal forage alimentant en eau potable une ville de plusieurs dizaines de milliers d’habitants. Les mesures d’urgence suivantes ont été prises :
- - arrêt du forage pollué par de la phase huile (PI),
- - enlèvement de la cuve et d’une partie des terres contaminées,
- - distribution d’eau potable par citernes mobiles et eau embouteillée.
Dans une seconde étape, un dispositif temporaire d’alimentation de substitution a été mis en œuvre, permettant de stopper les 3 autres forages du champ captant pour éviter leur contamination, et de lever l'interdiction faite aux habitants d’utiliser l'eau distribuée comme eau de boisson. L’arrêt de ce dispositif temporaire, constitué de 6 forages provisoires et de deux unités mobiles de traitement par charbon actif, a nécessité de mettre en œuvre une dépollution du milieu souterrain, objet de la troisième étape.
En effet, les contraintes locales ne permettant pas de mettre en place un nouveau champ captant, la réalisation d’une dépollution est apparue indispensable à la pérennité de l’alimentation en eau potable de la commune. La technique retenue devait en outre répondre aux objectifs suivants :
- mise en œuvre rapide compte tenu du caractère provisoire du dispositif de substitution,
- technique in situ, les terres ne pouvant être totalement excavées du fait de la présence de bâtiments,
- objectifs de traitement permettant à la fois la réhabilitation du puits P1, principale capacité de production du champ captant, et le confinement de la pollution afin de ne pas entraîner de contamination des autres forages.
Étant donné ces contraintes, une solution de dépollution in situ par drainage activé par tensio-actifs a été retenue. Cette technologie a été développée dans le cadre du programme R & D EUREKA/RESCOPP par l'Institut Français du Pétrole et Elf, avec le soutien opérationnel de BURGEAP.
Diagnostic de la pollution
Contexte hydrogéologique
Le champ captant est situé dans un aquifère constitué de 20 à 30 mètres de cailloutis quaternaires structurés en dépôts lenticulaires, avec une prédominance de poudingues plus ou moins cimentés, des niveaux de sable et graviers et des intercalations argileuses.
Au droit du champ captant, on distingue deux niveaux plus grossiers, l'un en surface entre 0 et 6 m, l'autre en profondeur entre 10 et 25 m environ, séparés par des cailloutis plus argileux.
La nappe étant essentiellement alimentée par l'irrigation, le niveau de la nappe varie en fonction des périodes d’arrosage, avec un étiage en mars et un niveau de hautes eaux entre juillet et septembre.
La transmissivité est comprise entre 5.10⁻³ et 3.10⁻² m²/s avec un gradient hydraulique d’environ 5 pour mille.
Le champ captant comprend le puits P1 qui capte l'horizon superficiel et 3 forages (F2, F3, F5) qui captent l’horizon profond de l’aquifère quaternaire. Le puits P1 a une profondeur de 6 m et un diamètre de 3 m, avec des barbacanes entre 3,5 et 5 m. Son débit pompé varie entre 250 et 550 m³/h l’été et entre 100 et 200 m³/h l’hiver. Les 3 forages, crépinés entre 8-12 m et 23 m environ, totalisent un débit pompé proche de 500 m³/h durant toute l'année.
1- REhabilitation des Sites COntaminés par des Produits Pétroliers
Investigations menées
Afin de préciser la géologie et l'hydrogéologie du site, ainsi que l’étendue spatiale de la pollution, 12 sondages de 6 m de profondeur équipés en piézomètres ont été réalisés à proximité du point de fuite.
Les relevés piézométriques montrent un niveau d’eau situé entre 2,5 m et 3 m de profondeur et un sens d’écoulement orienté vers le champ captant.
Les résultats analytiques de 30 échantillons de sols (hydrocarbures totaux par la méthode NFT90-114) indiquent des concentrations fortes comprises entre 1000 et 4000 mg/kg dans la zone de battement de la nappe (entre 2,5 et 3,2 m de profondeur environ) et des concentrations marginales (quelques dizaines de mg/kg) entre 3,2 et 5,5 m. Ces résultats sont cohérents avec les observations faites lors de l’enlèvement de la cuve : la base de la cuve était située à 2,5 m de profondeur et la limite supérieure des terres polluées dans la fosse était également située vers 2,5 m de profondeur. Par ailleurs, une cartographie de la pollution des sols indique de manière nette que le corps d'imprégnation s'est étendu essentiellement vers
Le puits P1 situé à 40 m au nord-ouest de la cuve (figure 1).
La qualité de la nappe a été appréciée à partir de deux techniques de prélèvement : l'une au préleveur polyéthylène pour préciser la contamination à l’interface air/eau, l'autre à la pompe immergée afin d’estimer la concentration en hydrocarbures dissous dans la nappe. Les résultats analytiques indiquent des concentrations en hydrocarbures comprises entre 100 et 3900 µg/L (méthode NFT90-114) à l’interface air/eau et des concentrations comprises entre 0,1 et 60 µg/L dans l’eau de la nappe (méthode P & T/CPG : Purge & Trap/Chromatographie en phase gazeuse).
Estimation du volume des hydrocarbures présents dans le milieu souterrain avant la mise en œuvre du drainage activé par tensio-actifs
Une première approche a consisté à faire un bilan de masse à partir du volume de FOD contenu dans la cuve au moment de la fuite et des volumes récupérés par les premiers travaux de dépollution. Compte tenu de la capacité de la cuve (15 000 litres), du volume enlevé lors de la vidange (10 232 litres), d'une consommation probable de 200 litres/mois et de la date de remplissage de la cuve, l’estimation obtenue est de l’ordre de 4500 litres. À ce volume initialement infiltré, il faut soustraire le volume de FOD récupéré par pompage/écrémage (500 L) et le volume contenu dans les 30 m³ de terres polluées et excavées (120 L). Soit un volume présent dans le milieu souterrain proche de 4000 litres.
Une seconde approche a consisté à estimer le volume de FOD présent dans le milieu souterrain à partir des observations de terrain et des concentrations mesurées dans les échantillons de sol. En considérant une surface de 500 m², une épaisseur de 0,5 m et une concentration moyenne en HC totaux de 2 g/Kg, on obtient un volume d’environ 1000 litres. Cette estimation est néanmoins sujette à discussion dans la mesure où les valeurs classiques de saturation résiduelle mesurées en laboratoire ou sur site réel avec des méthodes conservatives (préleveur cryogénique, …) sont nettement plus élevées (de l'ordre de 10 g/Kg pour ce type de matériau). En prenant comme hypothèse cette valeur de 10 g/Kg, le volume serait de 5000 litres.
Enfin, en considérant au moment de la fuite une saturation en huile dans la frange capillaire de 0,7 (d’après la littérature) et une épaisseur moyenne de 0,04 m (valeur classique pour des alluvions grossières), le volume estimé serait également proche de 4000 litres.
Drainage activé par tensio-actifs
Principe
Au terme des travaux d’urgence (pompage/écrémage, enlèvement de la cuve et des terres polluées situées à proximité), la pollution du milieu souterrain est présente sous trois formes :
- - une phase huile (FOD) mobilisable par pompage/écrémage (quantité marginale) ;
- - une phase huile résiduelle, composée de microgouttelettes piégées par capillarité dans la zone de battement de la nappe (partie prépondérante). À ce stock, il convient d'ajouter un petit volume localisé dans la zone non saturée entre le niveau de la fuite et celui de la nappe ;
- - une phase dissoute dans l'eau (marginale en termes de bilan de masse).
Deux mécanismes principaux affectent l’évolution de cette pollution :
la dissolution, qui génère un panache d’hydrocarbures dissous dans la nappe migrant vers l’aval hydraulique. Étant donné la composition d’un FOD et les mécanismes de dissolution progressive et sélective en jeu (loi de Raoult), la littérature montre que ce mécanisme ne peut épuiser totalement, même en plusieurs décennies, les composés solubles présents dans le FOD ;
la biodégradation, due à la présence concomitante d'une flore bactérienne capable de dégrader le polluant (phase huile et phase dissoute), d’un accepteur d’électrons (généralement l’oxygène) et de nutriments. Compte tenu de la forte charge en polluant et du faible apport d’oxygène et de nutriments dans les conditions naturelles, les cinétiques de biodégradation sont généralement trop lentes pour espérer résorber la pollution à l’échelle de quelques années.
Le pompage et la biodégradation aérobie in situ, s'ils accélèrent les cinétiques naturelles de dissolution et de biodégradation, ne permettent néanmoins pas d’espérer atteindre les objectifs de dépollution dans les délais courts imposés par le contexte de cas d’étude.
Le drainage activé par tensio-actifs est une technique dérivée de la récupération assistée d’huile dans les gisements pétroliers. Appliquée à un aquifère contaminé par une phase huile résiduelle, cette technique a une triple action :
- - mobilisation de la phase huile résiduelle ;
- - solubilisation/émulsification de cette phase huile ;
- - stimulation de la croissance bactérienne par le biais d’une meilleure accessibilité de la biomasse au polluant.
Sur un plan théorique, le procédé vise à diminuer la saturation résiduelle en huile, laquelle diminue lorsque la pression à l’injection augmente et que la tension interfaciale eau/huile diminue. L’expérience a montré que cette dépendance s’exprime au travers d'un nombre sans dimension N₆ (nombre capillaire) représentant le rapport entre les forces de viscosité, qui peuvent mobiliser le polluant, et les forces interfaciales, qui tendent à le piéger. Plus faible sera la tension interfaciale, plus grand sera N₆. Les forces de viscosité ne peuvent être grandement modifiées, alors qu'il est possible de diminuer fortement l’angle de contact eau/huile grâce à l'usage de tensio-actifs. L’ajout de chlorure de sodium (NaCl) catalyse cette réaction et augmente également l’affinité de l'huile vers l'eau.
Classiquement, un traitement de sols nécessite l'injection d’environ 2 à 10 Vₚ (volume de pore) d'une solution d’un mélange de TA à 5-10 g/L dans un schéma hydraulique de type injection/pompage. Les effluents récupérés (eau/TA/huile décantable et/ou émulsionnée) sont décantés dans un séparateur, tandis que l’émulsion est traitée par voie biologique et/ou physico-chimique.
Sélection des tensio-actifs
La sélection des tensio-actifs s'est faite sur les critères successifs suivants :
non-toxicité et biodégradabilité du TA. La formulation de tensio-actifs retenue (nom commercial RESOL30) comprend deux tensio-actifs dénommés, pour des raisons de confidentialité, TA1 (anionique) et TA2 (non ionique). La biodégradabilité est fournie par les fiches sécurité des produits, lesquelles indiquent une biodégradabilité primaire de 96 % pour le TA1 et supérieure à 90 % pour le TA2. Par ailleurs, des essais en Sapromat (17)
2 - volume d'eau de nappe à balayer
… jours) indiquent une biodégradabilité de 100 % pour le TA1 et de 80 % pour le TA2.
Enfin, la toxicité des tensio-actifs a fait l'objet d'une étude par un centre anti-poison qui a conclu à l'innocuité du produit :
- - injectabilité dans l’eau (bonne solubilité) ;
- - abaissement de la tension interfaciale huile/eau (< 10⁻³ mN/m) ;
- - interaction minimale avec la matrice solide ;
- - efficacité de la formulation de tensio-actifs lors d'un essai de drainage. Dans notre cas, les résultats montrent une bonne efficacité du drainage (1,7 g/kg après le drainage contre 9,2 g/kg à l'instant initial). Le chromatogramme de la phase huile après drainage montre par ailleurs la disparition de la fraction la plus légère, qui est également la fraction la plus soluble dans l'eau.
Vis-à-vis de la réglementation relative aux eaux destinées à la consommation humaine, indiquons qu'il n’existe pas de CMA³ pour les TA non ioniques et que la CMA pour les tensio-actifs anioniques est de 200 µg/L.
³ concentration maximale admissible
Dispositif technique adopté, éléments de dimensionnement, critères de dépollution
Le dispositif technique mis en œuvre est le suivant :
- - préparation d'une solution concentrée de TA et de NaCl dans deux citernes de 15 m³ (Photo 3) ;
- - injection, à l'aide de pompes doseuses, du
essais hydrauliques, les éléments de dimensionnement retenus sont les suivants :
- volume de pore : 200 m³
- quantité de solution de TA injectée : 1 000 m³
- débit d'injection : 40 m³/h
- débit de pompage : 70 m³/h
Les critères de fin de dépollution retenus sont les suivants :
- une eau de nappe superficielle dont la concentration en hydrocarbures dissous est partout inférieure à 10 µg/L ;
- une stabilité ou une décroissance des concentrations en hydrocarbures dissous sur les forages F2 et F5 (concentrations initiales respectives de 4 et 2 µg/L).
TA et du NaCl dans l’alimentation du réseau (Photo 2). L’homogénéisation des trois solutions se fait grâce à un mélangeur statique dimensionné en fonction du débit global d’injection ;
- injection du mélange dans un puits constitué de 4 tubes de diamètre 400 mm atteignant la nappe et implanté dans la fosse réalisée pour l’excavation de la cuve de FOD ;
- balayage par la solution de tensio-actifs effectué en deux séquences successives : pompage dans les 4 puits réalisés pour la dépollution (D1, D2, D3, D4), puis pompage dans le puits P1 ;
- stockage temporaire, dans des piscines, des eaux pompées (capacité 100 m³) avant leur reprise par des camions-citernes pour envoi dans un bassin étanche de 6 000 m³ construit pour l'occasion à proximité du site (Photo 1). Les effluents sont traités par voie biologique par aération après apport de nutriments et de boues activées.
Déroulement du traitement
Un balayage initial à l'eau, correspondant à deux volumes de pore, est réalisé précédemment au balayage par la solution de tensio-actifs afin de saturer le milieu en eau et de stabiliser l’hydraulique du système. L’opération de drainage activé par tensio-actifs a eu lieu sur quatre jours et s’est achevée par un balayage à l’eau pendant quatorze jours :
- phase 0 : injection d’eau pendant 24 h dans le puits d’injection (Pinj) à un débit de 40 m³/h et pompage dans D1, D2, D3, D4 (débits respectifs 5, 15, 15 et 35 m³/h) ;
- phase I : injection pendant 12 h dans Pinj d'un mélange TA + NaCl avec pompage dans D1, D2, D3, D4 suivie d'un balayage à l'eau de 10 h ;
- phase II : injection pendant 15 h dans Pinj d'un mélange TA + NaCl avec pompage dans P1 suivie d’un balayage à l'eau de 40 h.
- phase III : injection d'eau pendant 14 j dans P1 à un débit de 40 m³/h et pompage dans P1 à 250 m³/h, avec rejet des effluents dans un fossé longeant le site.
Sur le plan du fonctionnement hydraulique, deux réductions du débit, liées à des retards dans la rotation des camions, ont dû être opérées durant la phase I, provoquant l’allongement de cette séquence d’environ 2 heures. Le suivi du dispositif a consisté en la mesure semi-continue des débits d'injection et de pompage, de la piézométrie et de 5 paramètres physico-chimiques : concentrations en hydrocarbures et en tensio-actifs, mesure de la DCO et de la conductivité, aspect visuel et olfactif des effluents.
Résultats
Le suivi piézométrique effectué durant la dépollution montre que la zone polluée est ennoyée de manière satisfaisante. Par ailleurs, les cartes piézométriques montrent un confinement satisfaisant du dispositif hydraulique malgré une piézométrie très plate.
Sur un plan analytique, les résultats de la phase I indiquent les éléments suivants :
- - la teneur en tensio-actifs atteint plusieurs g/L sur les puits de pompage durant la phase d'injection de TA, puis décroît très rapidement dès que l'injection de TA est stoppée (Figure 4) ;
- - l'effet retard et de dilution entre injection et pompage augmente avec la distance entre les puits, sauf pour le puits D1 dont le débit est sensiblement plus faible ;
- - le bilan massique en TA indique une bonne restitution des 5 540 kg injectés avec une quantité pompée de 5 180 kg ;
- - l'allure des courbes de concentration en hydrocarbures est similaire à celles des tensio-actifs, ce qui traduit un comportement similaire des 2 paramètres ;
- - les concentrations en hydrocarbures dans les 4 puits de pompage varient entre 3 et 17 mg/L (Figure 5), ce qui représente une augmentation des concentrations d'un facteur proche de 1 000 par rapport à un simple lessivage à l'eau ;
- - les concentrations sur D4 (puits le plus éloigné de l'injection) sont supérieures à celles sur D3 et équivalentes à celles sur D1, ce qui traduit la présence de concentrations localement plus élevées à proximité de D4.
Les résultats des phases II et III suscitent par ailleurs les commentaires suivants :
- - la teneur en tensio-actifs atteint environ 2 g/L sur le puits P1 pour une concentration à l'injection variant de 8 à 11 g/L. L’évolution des concentrations en TA sur P1 (Figure 6) montre un régime bimodal avec une première arrivée centrée à t + 10 h et une seconde arrivée vers t + 48 h. L'augmentation de débit de 70 à 250 m³/h (t + 53 h) a relativement peu d’influence sur la concentration en TA (persistance des valeurs pendant environ 12 h puis poursuite de la baisse des concentrations). Les concentrations sont inférieures à 50 µg/L (limite de quantification) à partir de t + 376 h ;
- - le bilan massique sur les TA indique, comme pour la phase I, une bonne restitution des masses injectées (erreur de 8 %), mais sur une durée sensiblement plus longue ;
- - les concentrations en hydrocarbures dans le puits P1 atteignent une valeur maximale de 3,8 mg/L durant le lessivage, puis diminuent en-dessous de 10 µg/L à t + 160 h et en-dessous de 0,05 µg/L (limite de quantification de la méthode P & T/CPG) à partir de t + 210 h (Figure 6) ;
- - la présence d'une phase huile, observée sur le piézomètre P28, atteste de l'efficacité du procédé à remobiliser de la phase huile piégée à saturation résiduelle.
Par ailleurs, suite à la dépollution par injection de tensio-actifs, des prélèvements d'eau ont été réalisés sur 6 puits localisés au droit de la zone polluée, à la fois à l'aide d'un préleveur manuel en polyéthylène, pour analyser l’interface air/eau, et à l'aide d'une pompe immergée pour estimer la concentration moyenne en hydrocarbures de l’eau de la nappe. Dans les deux cas, les concentrations en hydrocarbures sont inférieures ou proches du seuil de quantification analytique sur l'ensemble des points de mesure (0,1 µg/L, méthode HS/CPG/SM).
Le bilan en hydrocarbures montre qu'une quantité d’environ 50 kg a été enlevée du milieu souterrain par le drainage assisté par
tensio-actifs. Ce qui semble indiquer que la majorité du volume de phase huile résiduelle est restée piégée dans le terrain.
Ce bilan massique doit cependant être nuancé par la finalité des travaux de dépollution. En effet, ceux-ci n’ont pas pour objet l’enlèvement exhaustif de la phase huile piégée dans le milieu souterrain, mais consistent à réduire son impact jusqu’à un niveau jugé acceptable en termes sanitaires, c’est-à-dire à une concentration en hydrocarbures dissous inférieure à 10 µg/L dans l’eau prélevée sur le puits P1. À ce titre, des analyses chromatographiques réalisées après les travaux de dépollution montrent la disparition de la fraction inférieure à C20 de la coupe gazole, c’est-à-dire de la fraction la plus soluble dans l’eau. Les chromatogrammes montrent par ailleurs une dégradation des normales paraffines, ce qui pourrait attester d’un mécanisme de biodégradation naturelle stimulé par le balayage par les tensio-actifs. Enfin, l’enlèvement exhaustif de la fraction soluble est vérifié par le suivi analytique pendant plusieurs mois de l’eau pompée dans le puits P1 à un débit proche du débit d’exploitation (250 m³/h), lequel montre une persistance de concentrations inférieures à la limite de quantification analytique (0,05 µg/L, méthode P & T/CPG).
Par contre, des essais de pompage intensifs (550 m³/h) préparatoires à la remise en exploitation du puits ont provoqué l’arrivée d’un voile constitué de particules minérales enrobées d’hydrocarbures, mettant en évidence la persistance d’une phase huile résiduelle dans les terrains à proximité immédiate du puits. Toutefois, le suivi analytique en sortie de pompe a indiqué que la qualité d’eau destinée à la consommation humaine n’est pas altérée.
Suite à ces observations et à différents essais de pompage, l’autorité sanitaire a donné un avis favorable à la reprise de l’exploitation du puits P1 à un débit réduit par rapport au régime antérieur d’exploitation, limité à 300 m³/h en hautes eaux et à 150 m³/h en basses eaux, avec une procédure de contrôle comprenant un test olfactif quotidien et un battement mensuel du niveau du puits. Les trois autres forages du champ captant ont été remis en fonctionnement sans contrainte d’exploitation.
La présence d’hydrocarbures liés aux particules minérales a cessé au bout d’une année, mais les particules sont toujours présentes. L’on pense fortement qu’elles y ont toujours été.
En compensation du manque à produire sur le puits P1, il a été convenu de pérenniser l’utilisation de deux forages de secours.
Conclusions et perspectives
Le drainage activé par tensio-actifs mis en œuvre sur ce site a pu satisfaire l’objectif de la dépollution, à savoir la remise en exploitation dans un délai court d’un forage d’alimentation en eau potable contaminé par de la phase huile.
Il convient cependant d’insister sur le fait que cette technologie est complexe et ne peut être assurée que par des équipes expérimentées de spécialistes pluridisciplinaires capables de surmonter les contraintes induites par cette technologie (sélection de la formulation de tensio-actifs, confinement hydraulique, traitement des effluents, gestion de chantier en continu,…).
Réhabiliter, pour rendre à la consommation humaine, un forage d’alimentation en eau potable contaminé par de la phase huile représente un challenge qui est généralement évité par la mise en exploitation d’un nouveau forage.
Étant donné l’absence de ressource de substitution rapidement mobilisable et la présence de bâtiments au droit des sols pollués, une dépollution in situ s’est avérée nécessaire. Pour ce type de situation particulière, le drainage activé par tensio-actifs peut satisfaire dans un délai très bref à des exigences fondamentales, comme le rétablissement de la potabilité de la ressource en eau. À ce titre, cette technologie peut être considérée comme un outil d’avenir.