Your browser does not support JavaScript!

Dépollution des sols: une palette de procédés pour des cas toujours particuliers

30 mars 1999 Paru dans le N°220 à la page 37 ( mots)
Rédigé par : Christian GUYARD

Après deux décennies d'interventions, les principales techniques de dépollution des sols se sont affirmées et raffinées. L?éventail est large aujourd'hui. Dépolluer un sol ne signifie pas utiliser une technologie mais plutôt appliquer une stratégie en mobilisant les solutions à bon escient. Les méthodes in situ améliorées, et les traitements biologiques avec des coûts moindres devraient se développer.

[Photo : JFE]

Histoire industrielle, accidents d'exploitation d'unités chimiques et pétrolières, décharges sauvages et anciennes, transports... les occasions de pollution des sols n'ont pas manqué et continueront de défrayer la chronique. Le recensement des sites pollués de manière historique met en évidence un nombre croissant de sites à traiter. Autant de points d'émission d'une pollution diffuse qui accroît la pollution de fond quand il ne provoque pas des pollutions aiguës. Les premiers chantiers ont montré que les coûts de traitement (y compris celui du diagnostic) peuvent être très élevés. Si le marché potentiel semble conséquent, le marché réel l'est moins par manque de fonds ou de définition de propriété. Il pourrait sans doute se développer plus si le coût des solutions envisagées était moins élevé. Toutes les entreprises cherchent donc à réduire ces coûts : en affinant leurs stratégies, en améliorant au fil des interventions leurs méthodes classiques, en envisageant des méthodes nouvelles... ou en se rabattant sur la simple excavation avec mise en décharge adéquate. Certains

[Photo : Avec le principe d’usine immergée dans le coulis, le confinement devient une méthode active de dépollution des sols efficace et relativement peu coûteuse (pas d’excavation, fonctionnement autonome).]

Les professionnels craignent des traitements “au rabais” qui casseraient le marché.

La variété des polluants et la variabilité de leur comportement (volatilité, solubilité, adsorption...), la diversité des conditions locales (nature des sols, de la nappe, disponibilité de surfaces utilisables à proximité, zone urbaine ou non), l’objectif visé, et le coût tolérable font que le choix d'une stratégie de dépollution est un problème multicritère difficile. Entre les exigences de l'administration et les possibilités financières de l’industriel concerné (ou des collectivités, voire de l’État), le savoir-faire et l'expertise des bureaux d'études et des sociétés de dépollution joueront un rôle primordial. De plus en plus il est demandé à l’opérateur du chantier une garantie de résultats après chantier. D’où l'importance du diagnostic préalable et de la compétence de l'opérateur pour prévoir correctement l’évolution de la situation, choisir la ou les méthodes les plus efficaces dans sa stratégie de résolution du problème. Des logiciels d’hydrologie commencent à s’utiliser comme aide à la décision et pour envisager différentes situations, modèles que l'on peut recaler par l’introduction de paramètres effectivement observés. Les pratiques habituelles et les origines d'une société de travaux peuvent orienter sur le choix de la méthode. Sans insister outre mesure, on peut dire qu’un bureau d'études indépendant n’aura aucun a priori sur une méthode (si ce n'est ses succès et ses échecs) alors qu'une société équipée de matériels ou d'installations aura plutôt tendance à les utiliser.

En cas d'excavation, et si les volumes ne sont pas trop importants, il est certain qu'une mise en décharge adaptée est beaucoup plus simple qu’un traitement qui oblige à manipuler les terres, mettre en œuvre des appareils, traiter des effluents... On ne réalise alors qu'un déplacement des polluants, avec toutefois l’assurance d’éviter leur dissémination. Ce même objectif est atteint avec des solutions de confinement en place, peu satisfaisantes d'un point de vue dépollution (on ne traite pas) mais ayant l’avantage d'une mise en sécurité du site. Deux méthodes non spécifiques puisque tous les polluants sont traitables de cette manière.

Le confinement est une solution de protection efficace pour des grands sites pollués dans la mesure où il contient la pollution et évite sa diffusion. D’autant plus qu'il est

[Photo : Le remblai d’une autoroute relarguait trop de chrome. La barrière drainante bloque le polluant mais pas l’eau.]
[Publicité : Soletanche Bachy]
[Publicité : Éditions Johanet]
[Photo : Dans le procédé Colmix, il n'y a pas d’excavation : le sol est retourné en profondeur et mélangé à un coulis fixant les polluants.]

Il est possible maintenant de coupler confinement et dépollution dans des ouvrages communs comme l'a développé Solétanche Bachy avec son procédé de panneau-drain. Le concept a été développé pour maîtriser la circulation des eaux souterraines au niveau des grands ouvrages. Sur un site pollué, la problématique est la même : confiner une zone. Les possibilités du génie civil permettent d'installer dans ces parois étanches des filtres actifs sur certains polluants déplacés par l'eau. Ces filtres peuvent être construits in situ, ou fabriqués en usine avec les matériaux appropriés et immergés dans le coulis remplissant la tranchée de confinement. Ce système élaboré, avec possibilité d'interruption des circulations d’eau pour curage des filtres, représente une véritable usine souterraine, invisible et fonctionnant naturellement puisque la nappe reste libre. Les parois drainantes profondes ont élargi leur fonction vers le concept de barrières réactives qui réalisent un traitement in situ des eaux et de parois drainantes mixtes associées à des systèmes d’étanchéité. Solétanche Bachy a développé des adsorbants spécifiques comme l'Ecosol déjà utilisé pour piéger du chrome VI provenant de la lixiviation de remblais (autoroute A22, capacité de rétention de 15 kg de CrVI/mètre linéaire).

Sur le problème particulier des solvants chlorés traités par barrières réactives in situ, Solétanche Bachy collabore avec ATE : un site pilote avec trichloréthylène et dichloréthylène a été traité avec succès en 1998. L’évolution des matériaux (films polyéthylène, géotextiles...) conduit à des systèmes très élaborés comme le Geolock avec des palfeuilles en PEHD de 2 mm d’épaisseur avec joints expansifs.

Le confinement doit être assuré dans toutes les dimensions, sur le périmètre de la zone, mais aussi dans le plan horizontal. Si les couches géologiques le permettent, les parois verticales sont ancrées sur le substratum à la base de la nappe phréatique. Si ce « fond » n’existe pas, il faut réaliser ce confinement horizontal par des techniques d’injection ou de jet grouting. De grands chantiers ont été réalisés depuis 1990 par Solétanche Bachy sur des sites de plusieurs hectares avec des parois étanches descendant jusqu’à une soixantaine de mètres.

Une autre possibilité pour les grands sites pollués est d’inerter les polluants (Colmix de Solétanche Bachy, FixPol chez Serpol...), c'est-à-dire de les mélanger avec une matrice spécifique qui va les bloquer en place et diminuer énormément leur disponibilité vis-à-vis des microorganismes et de la lixiviation. Cette stabilisation/solidification s'effectue soit par excavation, mélange avec un liant spécifique et remise en place, soit in situ par le procédé Colmix. Il utilise un matériel spécifique constitué de quatre tarières de 500 mm disposées en carré (surface effective 0,765 m²). Dans une première

[Encart : Définir son objectif de réhabilitation Les cas de sols pollués sont très différents : épandage accidentel, pollution chronique d'un site industriel, site abandonné, imprégnation localisée le long d'une canalisation... De plus, le futur usage du site sera variable : poursuite d'une activité industrielle, nouvelle activité, habitations... De ces contraintes, auxquelles s'ajoute le souhait d'un délai plus ou moins long de disponibilité du terrain, émergera un objectif de dépollution du sol, et un coût du traitement, selon les quantités mises en jeu, la nature des polluants, les procédés mis en jeu, les délais que l'on s'accorde. Un délicat équilibre entre les possibilités techniques, économiques, sociales pour parvenir à un optimum du rapport qualité/prix. L’excavation avec évacuation est la méthode la plus brutale, relativement coûteuse (fonction du post-traitement) et se justifie par des délais courts et souvent par des travaux intégrant déjà des coûts d'excavation (construction d'immeuble ou d'ouvrage d'art). Pour les procédés sans excavation, et d'une manière générale il faut constater que la relation entre le coût et l'ambition de dépollution (en termes de concentration de polluant résiduel) est plutôt du genre exponentiel : enlever 90 % de la pollution sera relativement aisé ; arracher les 90 % du restant, beaucoup plus dur. Ce qui explique aussi que l'on peut être amené à utiliser deux ou trois procédés en cascade, chacun ayant un optimum économique.]
[Photo : Approfondir un diagnostic réduira les aléas lors de la réalisation d’un chantier. Mais l’accroissement des coûts d’analyse est faible par rapport aux coûts des opérations évitées.]

Phase, l’engin fore verticalement jusqu’à la profondeur requise alors qu’un coulis spécifique est injecté à la base des tarières. À la remontée, les tarières tournent en sens inverse réalisant un malaxage et un compactage in situ. Le traitement du site est réalisé par forages adjacents (2 400 colonnes de 5 m de haut sur un chantier en Écosse, métaux lourds, ammonium…).

Les pollutions complexes (multiproduits) relèvent de situations particulières : décharges sauvages et non contrôlées, sites anciens multiactivités. Les cas les plus fréquents relèvent de pollution bien identifiée, y compris sur des sites où plusieurs activités se déroulent, toutes n’ayant pas lieu strictement au même endroit. On peut avoir recours alors à des méthodes spécifiques d’un type de polluant. Mais avant cela, l’un des critères principaux de décision pour une stratégie est l’atteinte ou non de la nappe phréatique (zone saturée) par la pollution. Tant que le polluant est dans la zone insaturée, sa progression reste lente (sauf passages privilégiés par des fractures). Dès que la zone saturée est atteinte, le danger s’accroît car les nappes sont mobiles et l’alimentation en eau potable est alors rapidement menacée. Il est obligatoire alors de mettre en place des solutions qui rabattent la pollution sur quelques points où elle sera traitée par pompage ou par barrières réactives. Les méthodes utilisées seront alors in situ.

Excavation

L’excavation donne lieu à différents types de traitement des sols, soit sur site soit en site dédié après transport (problèmes de coût si les quantités sont importantes). Un premier triage des terres peut avoir lieu pour ne traiter que la fraction réellement polluée, éventuellement un criblage des terres pour séparer des granulométries plus ou moins atteintes et les diriger vers des traitements et des décharges correspondant à la classe de pollution. L’incinération directe des terres est radicale mais chère, de 2 500 à 7 000 F/t et ne se justifiera que dans des cas extrêmes. Le coût s’explique par la lourdeur de mise en œuvre de l’installation et des traitements de fumées. Sous réserve d’un temps de séjour suffisant dans le four et d’une température élevée, tous les polluants organiques seront détruits. Les métaux par contre (sauf volatilisation dans le cas du zinc, cadmium, plomb, mercure) restent dans la terre traitée qui est transformée en mâchefer.

Toujours en voie thermique mais à une température moindre (250 à 600 °C), la désorption thermique peut avoir lieu sur site dans des unités mobiles (Colas, Mobitherm de Serpol ou ICF avec une plateforme mobile de 10 t/h) ou en centre de traitement spécialisé (quelques-uns en France). Il ne faut pas que la teneur en eau soit trop élevée et que la teneur en polluant n’excède pas

[Photo : Le travail en bioterre avec adjonction éventuelle de bioréacteur permet de mieux contrôler les conditions de travail des microorganismes et de réduire les temps de traitement.]
[Photo : Traitement sur site par voie biologique de terres contaminées. 1 - Réseau d’aspersion 2 - Couverture d’étanchéité 3 - Réseau d’aération 4 - Puits de répartition 5 - Bidim 6 - Membranes PEHD 7 - Réseau de reprise des lixiviats]

3 %. Le traitement des fumées doit être particulièrement soigné car les polluants ne sont pas détruits en totalité. La mise en œuvre de la biomasse pour détruire les polluants des terres excavées est utilisée dans le landfarming et le concept de Centre permanent de traitement que développent France Déchets et Sita qui disposent de deux sites et bientôt d’un troisième, mais encore le groupe Séché (Bioterre), ICF qui a réalisé la dépollution des sols du stade de France ou Biogénie qui vient d’ouvrir un Biocentre. L’avantage est.

[Encart : Quatre grands types de situations Les chantiers de dépollution se classent en quatre catégories : * excavation des terres polluées et expédition sur un site éloigné de traitement ou de mise en décharge contrôlée de type 1, 2 ou 3 selon le degré de contamination. * excavation avec traitement sur place des terres dans une unité mobile et remise en place des terres si le degré de dépollution le permet (éventuellement mise en décharge partielle). * traitement in situ : l’aspect du site n’est pas perturbé si ce n’est pas des forages plus ou moins nombreux et distants les uns des autres, d’éventuelles tranchées localisées et les équipements temporaires de pompage d'air et de liquides. À cela on peut associer les procédés nouveaux en cours de développement faisant appel aux plantes (phyto-rémédiation). * confinement : création d’ouvrages souterrains qui cimentent et bloquent la pollution ou dirigent la circulation des eaux et des polluants. C’est du génie civil avec toutes ses ressources : tranchées bétonnées, membranes, injection de coulis etc. On peut adjoindre des unités de traitement des fluides.]
[Schéma : Schéma de stripping pour l’élimination des volatils. L’opération est réalisable in situ grâce à des puits spéciaux (procédé Novoc de ICF).]
[Publicité : Biogenie]
[Publicité : Editions Johanet]

Tableau : L'application effective d'une ou plusieurs méthodes sera conditionnée par les particularités du site et les impératifs économiques et temporels

Techniques de dépollution

  • Atténuation naturelle
  • Barrières réactives
  • Biolixiviation
  • Biorestauration
  • Bioventing
  • Electro-oxydation
  • Excavation
  • mise en décharge
  • Flushing
  • Incinération
  • Phytoremédiation
  • Pump and treat
  • Solidification, confinement
  • Venting thermique

Document ATE

Légende

  • D : efficacité (en relation avec l'aspect judicieux d'utilisation de la technique) démontrée ;
  • P : efficacité (en relation avec l'aspect judicieux d'utilisation de la technique) potentielle ;
  • N : efficacité (en relation avec l'aspect judicieux de l'utilisation de la technique) non possible : aucun mécanisme de base indiquant que la technique peut fonctionner ;

Les semi-volatils sont difficiles à traiter, mais certains composés à faible concentration peuvent cependant être traités par co-métabolisme.

de libérer très vite le terrain, le Biocentre est responsable du traitement et les terres dépolluées sont généralement revalorisées sur le site de la décharge (couches de remblais). D'autres sociétés comme Biogénie développent un tel concept et il y aura bientôt cinq sites en France. Le landfarming, traitement rustique, consiste à répandre la terre en couche mince (0,5 m) sur une surface préparée et étanchée. La terre est ensuite retournée par labourage ou rotavator, avec d'éventuels ajouts favorisant le travail des bactéries. Le traitement biologique est essentiellement applicable aux hydrocarbures et aux huiles, d'une manière générale à tout polluant organique pas trop récalcitrant.

Le fait de travailler en conditions contrôlées

[Photo : Le procédé Ulis d'extraction liquide-solide extrait hydrocarbures, HAP, PCB... de tous types de terres. S'il est très efficace, sa mise en œuvre est relativement lourde.]

Effets secondaires possibles : (1) vaporisation et émission de composés organiques volatils ; (3) le mercure et l'arsenic sont très difficiles à immobiliser avec les mélanges à base de ciment ; (4)

[Encart : Destructible ou pas ? Toutes les méthodes de traitement visent à faire « disparaître » un polluant d'une zone. Encore faut-il se mettre d'accord sur le mot disparaître. Cela peut vouloir dire ramener une concentration de polluant à un taux acceptable (concentration résiduelle). Tous les polluants ne sont pas destructibles : les métaux (ce sont des éléments chimiques) sont présents à un degré d'oxydation ou un autre, libres ou engagés dans des combinaisons variées plus ou moins mobiles dans le sol ou disponibles pour des cycles biologiques mais ils sont toujours là ! La spéciation d'un métal (son degré d'oxydation ou le composé dans lequel il est engagé) est donc essentielle pour juger de la dangerosité de sa présence. Si l'on veut l'éliminer du sol, il faut bel et bien l'extraire. Par contre, les composés chimiques (hydrocarbures, solvants, cations et anions complexes etc.) sont destructibles, généralement par une suite de réactions dont les vitesses sont très variables. Le chemin est long pour qu'un hydrocarbure comptant 20 atomes de carbone soit intégralement transformé en gaz carbonique et eau. Une seule réaction peut changer la nature du polluant incriminé : par exemple, un alcane (hydrocarbure saturé) est transformé en alcool dès le premier stade et ne fait donc plus partie des hydrocarbures. Tout au long de sa dégradation, il ne sera plus hydrocarbure. Par contre, les dérivés polychlorés peuvent produire des dérivés eux-mêmes toxiques. Attention au fait que les produits commerciaux (mélanges de produits) ne se dégradent pas comme des produits purs en raison des interactions possibles entre eux et la microflore.]
[Encart : texte : Les sols sont un habitat favorable au développement des microorganismes qui colonisent la surface des particules de ces milieux poreux. Le taux d'humidité est un facteur essentiel à leur développement, et les autres conditions physico-chimiques (pH, nutriments, notamment) modulent leur développement et leur répartition. En général, les bactéries sont dominantes à 90 %, le reste étant des champignons et des protozoaires. Cette population microbienne est très variable dans sa nature et ses possibilités. Lors d'une pollution, d'une manière générale il est toujours plus simple et moins cher de stimuler les micro-organismes indigènes habitués dans leurs microsites aux conditions de sol local, que d'apporter des souches exogènes qui devront s’acclimater ; celles qui sont en place ont déjà développé des mécanismes coopératifs. Encore faut-il s'assurer par des tests que les bactéries locales pourront traiter la pollution. Le problème est totalement différent lorsque l'on crée le milieu en constituant un bioterre par exemple où l'on contrôle beaucoup mieux les conditions de la dégradation des polluants. Il faut aussi garder à l'esprit que les destructions de polluants sont progressives et qu'il faut généralement plusieurs espèces pour détruire complètement un composé a fortiori un mélange. La diversité des populations et leur bonne alimentation sont un gage de dépollution rapide. Toutes ces méthodes biologiques ont l'avantage de ne pas être très coûteuses, 75 à 400 F/m². Encore faut-il s'assurer, notamment in situ, de l'efficacité réelle des bactéries, et du suivi de cette population, ce qui n’est pas toujours fait.]

Dans un bioterre sur un site dédié permet de dégrader en quelques mois les polluants, beaucoup plus rapidement qu’en conditions naturelles et d'accepter une large gamme de concentrations.

En effet il est possible d'ajuster les paramètres essentiels à bon fonctionnement de la biomasse : oxygénation contrôlée, maintien de l'hygrométrie et de la température, apport de nutriments pour les microorganismes, éventuellement apport de souches particulières de bactéries.

Le traitement s’effectue en alvéoles étanches, les mouvements d'air et les éventuels lixiviats sont filtrés. Ce concept est utile lorsque le site ne peut pas être mobilisé par une installation temporaire fonctionnant sur le même principe.

Sur site, l’objectif est le même : la stimulation et la mise en condition de travail optimum des microorganismes qui dégraderont la matière.

L’étanchéité est réalisée par géomembranes et un système de tuyauteries apporte l’air, les nutriments et récolte les effluents.

Un bioterre peut même fonctionner en condition anaérobie si on le sature d’eau (utile pour les PCB fortement chlorés).

La plupart des sociétés ont développé leurs méthodologies et parfois leurs souches bactériennes (ATE, Bionergies, Biogénie...).

Ainsi, même des composés comme les HAP sont décomposables.

La terre excavée peut aussi être traitée par extraction spécifique pour éliminer des produits organiques ou des métaux.

Lixiviation à l'eau, éventuellement chauffée et additionnée de surfactants ou de complexants. Ce procédé est plutôt utilisé sur des sols sableux qui se prêtent bien à la séparation solide/liquide.

Pour dépolluer l’eau de composés difficilement biodégradables on peut faire appel à des bioréacteurs sur site, mais le débit est relativement faible et l'installation demande une expertise particulière.

L’utilisation de solvants est plus rare, et très efficace en cas de pollution complexe.

Geoclean met en œuvre actuellement sur le site de Sermaize le procédé Ulis, une technologie d'origine danoise maintenant 100 % la propriété de Geoclean qui en poursuit le développement.

L’unité, qui occupe 1 000 m² a une capacité de traitement de 6 à 15 t/h ; les concentrations initiales admissibles sont élevées (10 %) et les valeurs résiduelles inférieures à 20 ppm pour les HAP, hydrocarbures et même 5 ppm pour les PCB.

Le solvant utilisé est le dichlorométhane qui tourne en boucle dans l'installation. La terre et le solvant circulent à contre-courant.

Après extraction, la terre subit un entraînement à la vapeur qui désorbe le solvant résiduel pour le récupérer. Le solvant chargé est distillé pour recyclage et récupération des polluants.

Toutes les contaminations organiques et tous types de terre sont traitables dans l'unité. C'est la seule unité européenne.

Le coût de traitement varie de 800 à 1 500 F/t (y compris le post-traitement des résidus). Le traitement ayant lieu à froid, la texture de la terre n’est pas trop dénaturée.

Traitements in situ, moins chers et moins traumatisants

Excaver coûte cher dès que les volumes sont conséquents, la profondeur importante, et n'est pas toujours possible en raison du voisinage, des constructions ou des ouvrages d'art. Le traitement in situ s'impose alors.

Historiquement les problèmes d'hydrocarbures et de solvants, chlorés notamment ont suscité beaucoup de travaux parfois de taille modeste (stations services désaffectées).

La volatilité de ces produits a dicté le mode d'action : le venting et l’extraction sous vide qui consistent à balayer par un courant d’air la porosité du sol (zone non saturée) pour entraîner les produits volatils.

L’extraction sous vide, parce qu’elle rassemble les polluants au niveau des puits

[Photo : Élimination des cyanures d’une nappe souterraine par photooxydation.]
[Photo: Le diagnostic d’un sol est essentiel au bon traitement ultérieur.]

L’aspiration est généralement préférée (avec couverture du sol pour mieux contrôler les flux). Sur ce principe simple, plusieurs variantes se sont greffées : venting thermique avec apport de chaleur pour augmenter la volatilité, bioventing. Les vapeurs sont collectées et traitées avant rejet soit par brûlage dans un four à oxydation catalytique soit par passage sur cartouches de charbon actif (qui sont ensuite brûlées). Le choix d'une méthode ou d’une autre repose sur un calcul économique : la dépense en charbon est linéaire dans le temps avec la quantité de produit piégée alors que l'incinération nécessite un investissement initial (installation). Par contre, l'incinération est plus coûteuse lorsque la teneur en polluant est faible. On pourra donc voir un chantier commencer en incinération et finir en adsorption sur charbon. Cette technique du venting bien éprouvée n’a pas vraiment de limitation si ce n'est le critère de volatilité, et la durée du chantier (plusieurs mois à plus d’un an). Des surfaces importantes de plusieurs hectares (88 puits à Chavannay, coût moyen 30 F/t de terre traitée), même à grande profondeur (100 m) sont justifiables d’un tel traitement. Lors d’opérations de venting, on a constaté que toute la quantité d’hydrocarbures déversés n’était pas récupérée et que pourtant le sol était dépollué. L’explication est dans la capacité de dépollution du sol (des bactéries autochtones) qui est loin d’être négligeable. Le simple fait d’apporter de l’air frais permet aux bactéries de digérer les hydrocarbures. L’oxygène n’est alors plus un facteur limitant. D’où cette notion de bioventing terme qui met en évidence la cinétique élevée de la dégradation bactérienne par rapport au déplacement des vapeurs (quasi inexistant).

[Encart: Un marché peu dynamique 400 à 500 MF en France, le marché de la réhabilitation des sols pollués n’est pas énorme. À ce chiffre s’ajoutent les opérations internes d’industriels qui traitent leurs problèmes eux-mêmes et dont les terres polluées sont évacuées par exemple en rebuts de fabrication. Les grosses sociétés ont également des moyens pour traiter en interne des déchets. Ces affaires ne passent donc pas sur le marché ouvert. Comme le souligne un intervenant du secteur, ce marché fonctionne mal. Les seules interventions “obligatoires” sont celles concernant des opérations immobilières ou de travaux publics qui ne souffrent pas l’attente et dont l’enjeu de dépollution est faible en regard de l’enjeu financier de la réalisation. Le marché français est trop étroit et il faut raisonner au moins à l’échelle européenne, et la concurrence est rude. Certaines pollutions très spécifiques demanderaient des développements qu’une société seule ne peut pas forcément engager et qui nécessiteraient un effort concerté. La pollution des sols est une “maladie de riche”; si l’on ne se donne pas de moyens on ne fera que de petits travaux ou l’on régressera vers de simples mises en décharge.]

Pour les bactéries le carbone des hydrocarbures quel qu’il soit est de la nourriture, et elles les digèrent, sous réserve qu’elles ne manquent ni d’oxygène ni de nutriments (dans un mécanisme aérobie un bon ratio entre carbone, azote et phosphore est 100/10/1). Le bioventing doit être initié après le départ des produits les plus volatils et opéré dans des conditions où la biomasse est utilisée au maximum (avec apport éventuel de nutriments) avec des vitesses d’air limitées pour ne pas avoir à traiter d’effluents gazeux en surface (pour ne pas gréver les coûts).

Des observations statistiques sur sites réels montrent que la vitesse de dégradation se situe entre 0,3 et 10 g d’hydrocarbure/kg de sol/an mais il faut au moins 0,5 g/kg sol/an pour lancer un bioventing. Plusieurs sociétés mettent en œuvre cette méthode : Biovac, chez Geoclean, ATE, Biogénie... GRS Valtech a développé un savoir-faire particulier avec apport d’oxygène par eau oxygénée pour les sites pétroliers. La connaissance fine des mécanismes, la capacité à profiter des conditions locales du chantier fera la différence entre les prestataires. Apparenté au venting et utilisé sur les chlorés volatils, on pratique le stripping éventuellement assisté par injection d’eau chaude (utilisé par GRS Valtech sur une plateforme industrielle en région parisienne).

Pour les produits peu volatils, on procède par lavage in situ avec des solutions appropriées, injectées par un puits et récupérées par d’autres. Tout l’art d’un bon traitement réside dans la formulation de la solution (tensioactifs, solvants et cosolvants, acides et bases, oxydants, chélateurs) et la disposition des puits.

Nappe touchée, le pompage s’impose

Lorsque la nappe est touchée par des liquides organiques, deux cas se présentent : ils flottent ou ils coulent jusqu’au substratum (solvants chlorés par exemple). Dans le cas des produits flottants, on procède à des forages pour le rabattage et le pompage de la phase organique. Il est préférable de récupérer autant que faire se peut le produit pur avant d’utiliser d’autres méthodes pour ne pas disperser ce qui est concentré. Le liquide pompé est traité sur le site par un séparateur de phases liquides; les hydrocarbures peu-

[Publicité : ÉDITIONS JOHANET]
[Encart : Une pollution spécifique : les sites de traitement des bois On ne lutte pas contre les xylophages et toutes les espèces dégradant le bois avec de l'eau claire ! HAP (contenus dans la créosote), arsenic, chrome, cuivre, organoétains, dérivés polychlorés du phénol ou du cyclohexane, fluor, sans oublier des produits de dégradation tout aussi toxiques comme des dioxines ou des furanes sont les hôtes habituels des sols sous et à l'aval des usines de traitement des bois. Certains de ces produits ne sont plus utilisés aujourd'hui (lindane, aldrine, endosulfan par exemple) et les conditions de travail actuelles font que normalement ces sites ne doivent plus polluer. Mais leur histoire est là, avec parfois des cas extrêmes comme au Canada où des nappes polluées de plusieurs milliers de mètres cubes à des concentrations de plusieurs mg/l. En France, on compte une centaine d'installations d'imprégnation profonde (travail en autoclave), et environ 2500 installations de trempage (elles étaient entre 3000 et 4000 il y a 20 ans alors que les conditions de travail étaient moins rigoureuses qu'aujourd'hui). (Source document Ademe : « La pollution des sols liée aux activités de préservation du bois »)]
[Photo : Schéma d'air Sparging couplé à une extraction sous-vide : 1 - Tête de puits ; 2 - Ouvrage d’injection ; 3 - Collecteur. Par slurping on récupère des contaminants organiques flottants (d < 1) sous forme libre au niveau de la frange capillaire aqueuse, dissoute dans la zone saturée et gazeuse dans la zone saturée. D’où l'appellation d’Extraction triple phase. Le système se compose d’un puits de rabattement et d'un tube rigide à l’intérieur duquel on crée une dépression. Ce tube récupère d’abord les produits purs lors du rabattement, puis extrait alternativement le liquide (eau et produit) et l’air.]

Ils peuvent être collectés aussi par des bandes oléophiles.

Mais il faut souvent traiter à la fois la zone insaturée et la nappe, des polluants flottants et dissous et des vapeurs, d’où des procédés plus élaborés comme l’extraction triple phase ETP® (procédé breveté). ICF a développé un procédé spécifique, le Novoc, qui consiste à faire un stripping in situ avec interception du panache de pollution, et à ne pomper que l'air dans un puits équipé spécifiquement (méthode utilisable sur les produits volatils). La destruction d'hydrocarbures dans la nappe s'effectue aussi par sparging et biosparging, c'est-à-dire injection d'air en de nombreux points sous le niveau supérieur de la nappe pour créer un bullage qui enrichit le milieu en oxygène (dégradation bactérienne) et réalise aussi un entraînement vers le haut où l'on procède aussi par extraction d’air. Tout polluant biodégradable est justifiable de ces méthodes in situ, plus ou moins assistées par la biodégradation.

Toxiques, des cas très particuliers

Restent les cas de pollutions toxiques avec des produits comme les métaux (et leurs composés), les composés organiques difficiles à détruire (HAP, PCB), les cyanures et l'arsenic sans parler du cas très particulier

[Encart : Barrières réactives Dans un objectif de réduction des coûts, le concept de barrière réactive est séduisant et efficace sur certains types de pollution. L'idée est d’exploiter la circulation de la nappe phréatique pour amener le polluant dans une ou plusieurs zones bien définies grâce à des barrières étanches qui canalisent l'écoulement. Au niveau de ces zones qui laissent passer le flux on dispose un filtre réactif spécifique du polluant. Cela pourra être un dispositif « passif » basé sur l'adsorption ou actif car mettant en jeu une réaction chimique. Les premiers développements ont eu lieu au Canada avec la mise en jeu de fer pour jouer le rôle de réducteur ; des composés chlorés sont ainsi décomposables. Mais les cinétiques de décomposition sont longues. ATE développe le concept en utilisant des catalyseurs au niveau des barrières pour que les réactions se déroulent beaucoup plus vite. Aujourd'hui l'efficacité est vérifiée sur site pilote et des chantiers devraient démarrer cette année. Tout l'art consistera à ajuster l'épaisseur de la barrière et sa réactivité pour que le temps de percolation soit suffisant pour abattre significativement le polluant, y compris des concentrations de l'ordre du ppb (µg/l).]

Une plate-forme de traitement de terres polluées en Île-de-France

Implantée en France depuis 1996, Biogénie Europe va ouvrir en Île-de-France, à Écharcon, une plate-forme permanente de terres polluées appelée Biocentre. Le Biocentre utilise un procédé biologique breveté, le Bioterte dynamique, dont l’efficacité a été validée par douze années d’expérience et 1 500 000 tonnes de terres traitées avec succès au Canada et en Europe. Un Bioterte constitue en quelque sorte un bioréacteur géant dont le procédé consiste à stimuler la croissance des microorganismes qui, naturellement présents dans le sol, utilisent les polluants comme source de carbone, les dégradant ainsi en composés non toxiques (CO₂ et H₂O).

Le Biocentre s’adresse avant tout aux propriétaires de dépôts pétroliers, de raffineries, de friches industrielles, d’usines à gaz, d’ateliers de créosotage, ainsi qu’aux bureaux conseils et aux entreprises de travaux publics qui souhaitent soit dépolluer un site désaffecté afin de le vendre ou de le réutiliser, soit redonner à un site ses qualités premières suite à un déversement accidentel. Les polluants traités comprennent non seulement les hydrocarbures légers et lourds mais aussi des molécules complexes comme, par exemple, le pentachlorophénol (PCP), les huiles de transformateur (PCB) et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), résidus d’usines à gaz ou d’ateliers de créosotage.

« Ce Biocentre devient la huitième plate-forme conçue et exploitée par Biogénie, explique son directeur général, Guy Telmosse. Le type de biodégradation qui va y être pratiqué est tout à fait sûr, non toxique, conforme en tous points à la réglementation en vigueur, et à des prix très compétitifs, même pour des petits volumes », précise-t-il.

Du mercure. La mobilité des autres métaux selon les conditions microbiologiques, le pH du sol, les conditions oxydoréductrices est aussi un casse-tête. Des lavages acides avec collecte de l’eau contenant les métaux dissous et leur récupération par précipitation ou échange d’ions sont pratiqués. Si la couche touchée est superficielle (retombées de fumées), la phytoremédiation est envisageable. ATE devrait démarrer un site pilote contaminé au plomb dans le courant de l’année (avec un gros suivi analytique) ; ce sera une première en France. Mais cette méthode, qui agit au rythme des saisons, n’est pas applicable partout. Cette même société travaille sur une autre classe de polluants difficiles, les HAP, avec son procédé Bioclean qui associe champignons et bactéries. Une validation sur site s’est terminée récemment en Belgique. L’intérêt du procédé est de s’attaquer aux HAP à cinq et six cycles carbonés, les plus difficiles à détruire. La société affirme que son procédé est efficace contre les seize HAP recensés comme les plus polluants et toxiques par l’EPA. Son intérêt est donc d’écrêter pour chaque hydrocarbure les pics de pollution.

[Photo : Au Biocentre, Biogénie utilise le procédé de bioterte dynamique (biopile). Ce procédé consiste à stimuler la croissance des microorganismes aérobiques qui utilisent les polluants comme source de carbone, les dégradant ainsi en composés non toxiques.]
[Encart : Références bibliographiques • Les sites pollués. Traitement des sols et eaux souterraines – 2e édition, Paul Lecomte, Éditions Tec&Doc en collaboration avec le CNRSSP. • Techniques de traitement par voie biologique des sols pollués, collection « Connaître pour agir », Guides et cahiers techniques, Ademe, novembre 1998. Ouvrage très documenté avec de nombreuses données sur cas réels. • La pollution des sols liée aux activités de préservation du bois, collection « Connaître pour agir », Guides et cahiers techniques, Ademe, juillet 1998. • Procédés de confinement appliqués aux sites pollués, collection « Connaître pour agir », Guides et cahiers techniques, Ademe, fin 1998. • Guide d’aide à la décision pour le choix d’une technique de dépollution des sols, édité par ATE Groupe Rhodia (avec CD-Rom). • CD-Rom Banque de données des technologies de traitement des sols pollués, ASTRES, édité par le CNRSSP et le Pôle de compétences Sites et Sols Pollués. Mise à jour 1999 disponible sur le futur site du Pôle. • Enlèvement des sédiments. Guide méthodologique. Faut-il curer ? Guide édité par le Pôle de Compétences Sols Pollués avec l’aide de l’Agence de l’Eau Artois-Picardie. • Classeur de gestion des sites pollués, édité par le BRGM.]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements